WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le système de preuve devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda

( Télécharger le fichier original )
par Liliane Egounlety
UNIVERSITE D'ABOMEY-CALAVI (Bénin) - DEA Droits de l'Homme et Démocratie 2005
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CHAPITRE 2 : LA COMPLEXITE DANS LES PREUVES EXIGEES POUR ETABLIR LA COMMISSION DU GENOCIDE

L'image que projette le crime de génocide est celle de la destruction d'un groupe déterminé par le biais de massacres organisés et de mesures à grandes échelles portant gravement atteinte aux droits fondamentaux des membres de ce groupe186(*). Dans l'article 2 du Statut du TPIR qui a repris intégralement la définition de l'article 2 de la convention internationale sur la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 :

« Le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après ; commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

a) meurtres de membres du groupe ;

b) atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membre du groupe ;

c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;

d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;

e) transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe ».

Pour conclure à la commission d'une telle destruction, les éléments constitutifs, conformément à la définition du génocide, doivent être prouvés. Il s'agit des actes matériels commis à cet effet (Section 1), et de l'intention délictueuse qui détermine la préméditation de ce crime (Section 2).

SECTION 1 LES ACTES MATERIELS CONSTITUTIFS DU GENOCIDE

Les faits matériels du génocide consistent non seulement en la commission des actes énumérés pour sa définition (Paragraphe 1), mais aussi dans les actes posés par les individus pour participer à la perpétration de ce crime (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LES ACTES DE GENOCIDE

Le crime de génocide s'identifie par cinq catégories d'actes qui, selon leurs effets, peuvent être organisés en trois formes de génocides. Il s'agit du génocide physique (A), et des génocides biologique et culturel qui ne s'apparentent pas mais qui, par souci d'organisation, seront étudiés ensemble (B).

A- Les actes physiques

Les actes qui constituent le génocide physique sont ceux qui concourent à la destruction du groupe par l'anéantissement de ses membres, en provoquant leur mort ou en portant atteinte à leur intégrité physique et à leur santé. Ce sont les deux premiers actes cités dans l'article 2 du Statut du TPIR à savoir le meurtre des membres du groupe et l'atteinte à leur intégrité physique ou morale. Ces deux actes peuvent être assimilés à des actes de génocide dont les résultats sont visibles et palpables, tel que leur preuve ne nécessite pas d'explications. Toutefois, pour déterminer les éléments à considérer pour faire la preuve de ces actes physiques constitutifs de génocide, il faut tenir compte de certains éléments dont la Chambre I du TPIR dans l'affaire AKAYESU a fait des interprétations.

Il s'agit du «[génocide s'entendant de] meurtre de membres du groupe»187(*), tout comme dans la Convention sur le génocide, la Chambre remarque qu'il indique "meurtre" dans la version française, et "killing" dans la version anglaise. La notion de "killing", retenue en anglais, paraît trop générale à la Chambre, puisqu'elle pourrait comprendre aussi bien les homicides intentionnels que les homicides non intentionnels, alors que le "meurtre", retenu dans la version française, est plus précis. Il est admis que le meurtre est réalisé dès lors qu'on a donné la mort avec l'intention de la donner, comme d'ailleurs le prévoit le Code pénal rwandais, qui dispose, dans son article 311, que "L'homicide commis avec l'intention de donner la mort est qualifié meurtre".

Eu égard à la présomption d'innocence dont bénéficie l'accusé et conformément aux principes généraux du droit criminel, la Chambre est d'avis qu'il convient de retenir la version la plus favorable à l'accusé. Elle décide alors que l'alinéa a) de l'article 2(2) du Statut doit être interprété conformément à la définition du meurtre donnée par le Code pénal rwandais, qualifiant le meurtre comme un homicide commis avec l'intention de donner la mort188(*).

Une atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ne nécessite pas, selon la Chambre, que l'atteinte soit permanente et irrémédiable. Dans le cadre de l'affaire Adolf EICHMANN, qui a été condamné pour crimes contre le peuple juif, c'est-à-dire de génocide sous une autre qualification juridique, la Cour du District de Jérusalem a indiqué, dans son jugement du 12 décembre 1961, que des atteintes graves à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe peuvent être causées: "by the enslavement, starvation, deportation and persecution (...) and by their detention in ghettos, transit camps and concentration camps in condition which were designed to cause their degradation, deprivation of their rights as human beings, and to suppress them and cause them inhumane suffering and torture"189(*).

Ainsi, aux fins de l'interprétation de l'article 2 al 2 b) du Statut, la Chambre entend, par atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale, sans s'y limiter, les actes de torture, que cette dernière soit physique ou mentale, les traitements inhumains ou dégradants, le viol, les violences sexuelles, la persécution190(*). Il faut en déduire que tout traitement inhumain, toute sorte de violences sexuelles ou de persécution faite dans l'intention de détruire tout ou en partie un groupe, est considéré comme constitutif de génocide. Cette interprétation, certes audacieuse, pose le problème du respect du principe nullem crimen sine lege. En effet, elle élargit de façon substantielle les actes constitutifs du génocide en introduisant des actes comme le viol qui sont constitutifs d'autres infractions graves du DIH191(*).

Cette interprétation de la chambre I du Tribunal peut s'inférer du constat factuel de ce que la majorité des viols commis pendant la période du génocide rwandais, souvent publics et collectifs étaient d'une part, dirigés seulement contre l'ensemble des femmes à l'exclusion des femmes d'autres ethnies, et d'autre part, accompagnés de l'intention de tuer ces femmes. En ce sens, les viols sont perpétrés dans le but de porter une atteinte aux corps de ces femmes, mais aussi d'agir sur leur mental afin de détruire le groupe Tutsi. Ils apparaissent ainsi comme des actes physiques constitutifs de génocide. Toutefois, ils peuvent aussi "servir" le génocide biologique.

* 186 Anne-Marie LA ROSA, et Santiago VILLAPANDO, "Le crime de génocide revisité", in Katia BOUSTANY et Daniel DORMOY (sous la dir.), Génocide(s), Collection de droit international, réseau Vitoria, Editions Bruylant, Editions de l'Université de Bruxelles, 1999, p. 73.

* 187 Statut du TPIR, art. 2 §2 a).

* 188 Aff. n° ICTR-96-4-T, Le Procureur c/ Jean-Paul AKAYESU, §§ 500-501.

* 189 «Par la réduction à l'esclavage et à la famine, la déportation et la persécution, et par leur détention dans les ghettos, dans les camps de concentration dans des conditions qui sont considérées comme étant la cause de leur déchéance, de la perte de leurs droits en tant qu'êtres humains et de leur extermination en leur infligeant des tortures et des souffrances inhumaines».

* 190 Aff. no ICTR-96-4-T, Le Procureur c. Jean-Paul AKAYESU, §§ 502-504.

* 191 Voir la définition de crime contre l'humanité dans le Statut du TPIR, art. 3 g).

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite