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La soutenabilité de la dette du Cameroun

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par Pierre Alain YOUMBI
Université de Douala - DEA en Economie Monétaire et Bancaire 2006
  

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CONCLUSION GENERALE

La soutenabilité de la dette est intimement liée à la capacité d'endettement ou encore à la capacité de paiement. La présentation de quelques modèles d'endettement a apporté un éclairage sur les approches plurielles de la soutenabilité, tributaire aussi bien de l'objet et de l'affectation que du poids et du niveau souhaitable de la dette.

Le modèle d'endettement croissance montre que le niveau d'endettement est positivement corrélé avec le niveau d'écart entre l'investissement et l'épargne intérieure. AVRAMOVIC pour sa part pense que le processus d'endettement est à l'image d'un cycle qui naît (recours massif aux ressources extérieures), croît jusqu'au point culminant où il amorce la phase de déclin et d'extinction (passage progressive de la position de débiteur à celle de créditeur). Les tenants de la théorie du fardeau virtuel de la dette quant à eux, mettent en garde contre les conséquences négatives d'un endettement excessif sur la croissance. La capacité de transfert élargi est justement la limite au delà de laquelle tout nouvel emprunt doit être considérée comme non remboursable.

Les analyses de la capacité optimale ou maximale d'endettement vont enrichir la littérature sur la soutenabilité de la dette qui prendra soit la forme des indicateurs, soit la forme des modèles.

Dans l'approche par les indicateurs, nous avons eu à parcourir la méthodologie officielle des IBW, les propositions de BLANCHARD, de la DRI et l'approche comptable de la contrainte budgétaire intertemporelle de l'Etat. La dette dans cette perspective est insoutenable si l'un des ratios calculés est supérieur aux seuils. En optant pour les ratios, la soutenabilité devient tributaire du comportement des variables macroéconomiques retenues pour mesurer le fardeau de la dette et pour juger de la capacité de remboursement. L'IPPTE est parti du constat selon lequel l'utilisation totale des mécanismes traditionnels de rééchelonnement et d'annulation accompagnée de l'apport de financement concessionnel et de la poursuite des politiques économiques saines n'ont pas été suffisantes pour atteindre un niveau de dette soutenable. L'approche par la contrainte budgétaire intertemporelle de l'Etat indique que toute dépense publique doit être financée par l'impôt ou par l'emprunt. Dans le cas de la dette intérieure, la condition de soutenabilité veut que le solde primaire observé, exprimé en pourcentage du PIB soit chaque année inférieur ou égal au ratio budgétaire soutenable. Quant à l'appréciation de la soutenabilité du déficit externe, elle se fait par rapprochement entre le déficit extérieur net requis et le déficit extérieur net observé. Les propositions de BLANCHARD et de la DRI ont consisté à déterminer respectivement les écarts nécessaires (primaire et fiscal) pour stabiliser le ratio de la dette et les ratios et seuils d'analyse de la viabilité de la dette intérieure.

Dans l'approche par les modèles, nous avons tour à tour présenté des analyses de la soutenabilité de la dette intérieure et extérieure utilisant les tests de racine unitaire (HAMILTON et FLAVIN, 1986; KREMERS, 1988, 1989; FEVE et HENIN, 1998) et de cointégration (TREHAN et WALSH, 1989, 1991; HAKKIO et RUSH, 1991; LEACHMAN et FRANCIS, 2000; JAYME, 2001) et le modèle d'évaluation de la soutenabilité de COHEN (1986). Ce dernier s'est penché sur la détermination d'un indicateur devant mesurer la fraction d'exportation à allouer au service de la dette extérieure et nécessaire à la solvabilité du pays.

De nos différents tests empiriques, les résultats suivants ont été obtenus :

Par rapport à la dette intérieure, le solde budgétaire d'abord, a été soutenable en 1985, les indicateurs fiscaux et primaires de BLANCHARD ont été ensuite soutenables en 1981 et 1985 et les indicateurs de la DRI enfin, laissent apparaître une soutenabilité systématique pour les ratios service de la dette et intérêts payés, rapportés chacun aux recettes budgétaires et une soutenabilité pour les années 1980 à 1985 en ce qui concerne le rapport stock de la dette au PIB, entre 1980 et 1991 et entre 2001 et 2004 en ce qui concerne le ratio stock de la dette sur les recettes budgétaires. La méthode comptable montre ainsi que la dette intérieure a été moins soutenable avec les indicateurs et plus soutenable avec les ratios de la DRI. La méthode actuarielle, qui s'applique à la période de l'étude, conclut sans ambiguïté à la non soutenabilité de la dette intérieure en considérant à la fois les tests de racine unitaire sur les variables et les tests de cointégration entre la dette intérieure et le solde primaire et entre les recettes et les dépenses publiques ;

Quant à la dette extérieure, il se dégage de l'index de solvabilité de COHEN et de la contrainte budgétaire intertemporelle que la dette, malgré le caractère limite a été néanmoins soutenable pour le premier et a été soutenable sur quelques années (1981 à 1983, 1985, 1997 à 2004) pour le second. Les tests et estimations sur les approches de FEVE et HENIN, LEACHMAN et FRANCIS, JAYME montrent que la dette n'a été soutenable que pour le seul critère du solde du compte courant rapporté aux exportations des premiers auteurs. Les résultats des autres auteurs militent en faveur de la non soutenabilité de la dette.

La mise en oeuvre des deux méthodes retenues (technique comptable, technique des tests et estimations) a montré de fortes différences au niveau des conclusions. La première technique, généralement retenue par les organisations internationales, donne des résultats plus nuancés puisqu'elle travaille pas à pas, année par année, en mesurant l'écart entre le «réel» et le «souhaitable». Elle permet de repérer les bonnes années des années difficiles et fait ressortir ainsi les années au cours desquelles la soutenabilité de la dette est vérifiée. Toutefois, les effets de la plupart des mesures prises ne peuvent pas s'apprécier seulement sur une année. Une action sur la structure de production en vue d'assurer la diversification des produits d'exportation, des mesures en vue de stimuler la croissance ne produisent des résultats tangibles ou perceptibles qu'à moyen terme au moins. La seconde technique, en comblant cette lacune semble plus exigeante. Sa mise en oeuvre nécessite de longues séries d'observations et prend en compte les grands bouleversements internes et externes, les séries de chocs qui ont marqué soit les choix et changements de politiques économiques, soit les processus de libéralisation et de privatisation dans lesquels le pays s'est engagé. Il n'est pas alors étonnant que cette technique débouche régulièrement sur un constat de non soutenabilité.

Nos résultats ne s'éloignent pas de ceux de la DSA du FMI en ce qui concerne le constat de non soutenabilité de la dette. La divergence fondamentale réside dans les choix méthodologiques et dans le périmètre de la dette analysée. Le principal apport de notre étude est d'étendre l'évaluation de la soutenabilité à la dette intérieure ignorée par les IBW même si par la suite ils131(*) ont approuvé l'intégration de la dette intérieure dans l'analyse de la soutenabilité sans toutefois proposer de seuils132(*). La DSA consacre la technique comptable lorsque notre étude démontre que la technique des tests et estimations est plus rigoureuse et plus fiable. La technique comptable, et par voie de conséquence la DSA, du fait de ses nombreuses limites, ne permettent pas de garantir la soutenabilité de la dette à moyen et long terme. La DSA et l'IPPTE se distinguent ainsi par son incapacité  à :

Prendre en compte des changements et mutations structurels de l'économie dans les méthodes de projection (faiblesse des politiques et des institutions, mal gouvernance, facteurs politiques, ...) ;

Assurer la permanence des résultats trouvés. Une dette soutenable une année, peut ne pas l'être l'année suivante du fait de l'addition des chocs qui peuvent affecter très sensiblement la capacité de paiement ;

Fournir des outils fiables de prévisions de la soutenabilité. La volatilité, le caractère optimiste des taux de croissance retenus dans les projections et l'importance des suppositions et conditions préalables ont été critiqués. Il est très facile de manipuler des hypothèses de projection pour faire apparaître des situations artificielles de soutenabilité. De même, la non application intégrale des termes de Naples par tous les créanciers, le non respect des engagements liés à la constitution du fonds de financement de la réduction de la dette, la perte possible de points de croissance imputable à la pandémie du SIDA (6 à 8% de taux de prévalence au Cameroun), les impondérables de l'environnement économique, politique et judiciaire peuvent entretenir l'insoutenabilité de la dette ;

Offrir une protection contre les chocs exogènes. La mesure des estimations des coûts et de l'assistance en VAN est elle même sujette à une forte volatilité du fait de la variabilité des taux CIRR à court terme. Une augmentation d'un point des taux d'intérêts internationaux réduit de l'ordre de 16% le montant des allègements. Les conditions d'endettement même et la capacité de remboursement des Etats sont pour une grande part influencé par des évènements extérieurs. Dans un monde globalisé où l'Afrique et par extension le Cameroun ne représente qu'une portion congrue du commerce international, il est illusoire, du moins à court terme, pour ces économies fragiles, de prétendre se protéger durablement contre ces transmissions conjoncturelles. Il serait encore plus réaliste de d'intégrer les effets négatifs maximums de ces contraintes extérieures dans le scénario à retenir pour mesurer les allègements ;

Faire l'unanimité dans la détermination des seuils relatifs aux ratios d'endettement. Pour la VAN de la dette / recettes publiques par exemple, pendant que l'IPPTE recommande un seuil inférieur à 250%, HJERTHOLM (1999), COHEN (2001), MATTHEW (1999), VAUGEOIS (1999), JOHNSON (2000) trouvent respectivement 280%, 230%, 155% et 155%, 150% (Cf. tableau n°8). Il y a risque de justification théorique des manipulations ;

Restaurer la confiance dans les PPTE. GUNTER (2001) constate que les flux de capitaux à destination des pays non PPTE, a, depuis l'adoption de l'initiative PPTE augmenté pendant qu'on note une tendance à la baisse des IDE, des dons, des décaissements de prêts concessionnels et des APD en direction des PPTE. La soutenabilité de la dette dans l'optique du FMI ne va pas durablement freiner cette tendance.

L'une des recommandations des IBW est relative au caractère exclusivement concessionnel des nouveaux engagements des PPTE donc le Cameroun. Au delà de ses avantages certains, il se pose à notre avis un réel problème de stratégie de développement à long terme. Les mesures ponctuelles de gestion de la crise d'endettement ne doivent pas occulter les critères caractéristiques de l'émergence des économies fortes et expansives. La création des industries performantes à l'exportation, le développement des infrastructures d'accompagnement et des pôles de compétitivité, de l'excellence technologique et technique, l'existence d'un système financier articulé, dynamique et porteur de croissance, l'investissement en capital humain et l'appropriation du savoir scientifique, l'inversion systématique du statut actuel d'exportateur de produits primaires au profit de la spécialisation dans les produits à valeur ajoutée, la capacité d'opérer des transformations structurelles, institutionnelles adaptée à l'environnement international, toutes ces mutations ne peuvent être possible que dans un contexte de libre accès aux marchés internationaux de capitaux et de flux financiers importants. Le problème aujourd'hui n'est pas la réduction de la dette ou de son caractère concessionnel ou pas. Il se situe dans la connaissance de la capacité d'endettement, de son affectation productive et surtout dans l'existence de bonnes politiques. Allant dans le même sens, RAFFINOT133(*) (2004) pense même qu' avec des taux d'intérêts nuls, le problème d'insolvabilité des PPTE persisterait dans la mesure où les financements à des conditions douces, assorties d'annulations et de remboursements étalés sur des générations génèrent des illusions et incitent à un endettement irresponsable. CUDDINGTON134(*) (1997) propose de séparer la dette concessionnelle et de dons (qui peuvent être considérés comme une dette concessionnelle à un taux de - 100%), de dette non concessionnelle au taux du marché.

L'IPPTE, au delà de l'objectif de soutenabilité de la dette doit, pour contribuer effectivement à la réduction de la pauvreté et pour promouvoir une croissance soutenue et durable, s'incruster dans Objectifs de Développement du Millénaire (ODM) adoptés en septembre 2000, lors du sommet du millénaire qui s'est tenu à New York sous l'égide des Nations Unis et soutenus par les IBW, l'OCDE, le G7 et le G20. La présentation des huit objectifs et son application au Cameroun sont décrites en Annexe n°9.  Pour financer ces ODM dont l'horizon est fixé en 2015, Il faut au moins 30 à 50 milliards de $135(*) i.e. qu'il faut simplement doubler l'APD actuelle. Même en mettant en oeuvre la gouvernance économique et des programmes sectoriels prescrits, l'insuffisance des ressources d'aides allouées aux PPTE par les pays riches reste, comme nous l'avons montré ci haut, l'une des principales préoccupations. Même après l'atteinte du point d'achèvement, le risque pour le Cameroun de se retrouver en 2015 sans réaliser significativement les ODM est élevé.

En complément aux observations et analyses critiques faites et à l'objectif de consolider la croissance et surtout de rendre la dette soutenable à long terme, nous restituons synthétiquement ici les recommandations formulées à la suite des résultats auxquels nous sommes parvenus :

Conduire des reformes décisives et des politiques volontaristes en matière de performance économique, de renforcement des capacités institutionnelles, de solidité des marchés et du système financiers et de régulation efficiente de l'Etat ;

Créer des conditions pour une soutenabilité durable. Pour ce faire, l'impact macroéconomique du processus d'allègement de la dette sur la croissance doit pouvoir aller nettement au delà des 1% actuel ;

Réexaminer les dépenses publiques au profit des dépenses porteuses de croissance. L'endettement de croissance doit être privilégié au détriment d'un endettement de crise ;

Adopter une politique de gestion stratégique et prévisionnelle de la dette intérieure qui doit cesser d'être une dette subie du fait du manque de liquidité, pour être un instrument au service de la politique économique ;

Promouvoir l'investissement et mobiliser de façon optimale l'épargne locale ;

Mener une large investigation sur les sources de la croissance au Cameroun afin de pouvoir agir significativement sur le principal maillon faible des déterminants de la soutenabilité ;

Accroître de manière conséquente les ressources de l'État.

En raison des orientations méthodologiques, de la non disponibilité de la série sur le taux d'intérêt moyen annuel et de la rareté de la littérature relative à la spécification théorique des critères et seuils d'appréciation de la soutenabilité de la dette appréhendée globalement (intérieure + extérieure, publique + privée), nous n'avons pas abordé dans ce travail l'analyse spécifique de la totalité de la dette. La capacité de remboursement ou la solvabilité d'un pays ne peut être mesurée que par rapport à l'ensemble de ses engagements. Ainsi, les dettes extérieure et intérieure analysées séparément peuvent être soutenables sans que leur somme ne le soit. Ce cas de figure est possible lorsqu'il y a manifestation du phénomène appelé effet de ciseaux. Du moment où la plupart des ratios de soutenabilité se rapporte aux recettes publiques et en prenant en compte le fait que ces mêmes recettes doivent permettre à la fois d'assurer les services de l'ensemble de la dette et de financer entre autre l'éducation, la santé, les infrastructures, les investissements productifs, la lutte contre la pauvreté..., il peut arriver que les dépenses des échéances de la dette extérieure relèguent au second plan celles de la dette intérieure, alourdissant ainsi son fardeau et compromettant en dernier ressort la soutenabilité de l'ensemble de la dette et par ricochet des finances publiques. D'où la nécessité d'explorer cette nouvelle piste de recherche à l'objectif de compléter notre étude sur la soutenabilité de la dette et par extension, de parvenir à la soutenabilité de la politique budgétaire au Cameroun.

En définitive, l'initiative PPTE ne permettra pas d'assurer la soutenabilité de la dette à moyen et à long terme, ni les conditions de développement des pays bénéficiaires, sauf à la transformer en mécanisme de restructuration permanente. Notre étude, sans fondamentalement remettre en cause l'utilité de l'IPPTE, a permis d'entrevoir des solutions complémentaires pour une soutenabilité à long terme de la dette publique (intérieure et extérieure).

* 131 IMF/IDA (2002), The enhanced HIPC initiative and the achievement of long-term external debt sustainability, p.31

* 132 Voir aussi IMF (2005), Cameroon, review of the staff monitored program and request for a three year arrangement under the poverty reduction and growth

facility, and for additional interim assistance under the enhanced HIPC initiative, prepared by the African department, October 15, p.85

* 133RAFFINOT Marc (2004) Soutenabilité de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE) Paris : Cahiers de Recherche EURISCO, 2004-05, p.14

* 134 CUDDINGTON J. T. (1996), Analysing the sustainability of fiscal deficit in developing countries, Economic Department Georgetown University, Washington DC, 49p

* 135 Rapport ZEDILLO, 2002 à la conférence de MONTERRY

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