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Dynamiques et pertinences du moteur franco-allemand dans la construction de la Politique Européenne de sécurité et de Défense.


par Pascal BRU
Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr - Master de Relations Internationales/Diplome de l'Ecole Spéciale Militaire 2004
  

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Deuxième partie : La France et l'Allemagne pour construire le volet militaire de la PESD.

La Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD) est le fruit d'une réflexion concernant l'environnement géopolitique mondial actuel. Désormais, avec la chute de l'URSS et la fin de la bipolarité, seuls les États-Unis d'Amérique sont à même d'intervenir dans le monde d'un point de vue militaire, ce qui les assure d'un rayonnement à l'échelle mondiale. Si les pays d'Europe veulent eux aussi se faire entendre dans le monde avec un poids face aux USA, il leur faut s'entendre.

Pour agir militairement avec crédibilité, l'Europe a trois schémas, elle peut :

· agir dans le cadre de l'OTAN, dans ce cas, c'est le commandement de l'OTAN qui dirige les opérations directement ;

· agir seule avec les moyens de l'OTAN dans le cadre des accords de « Berlin Plus » (entre autre en ce qui concerne les moyens de commandement), dans ce cas c'est un commandant nommé par le SACEUR (commandement OTAN en Europe) qui dirige les opérations ;

· agir en autonomie, qui est la seule manière d'agir sans le moindre droit de regard de l'OTAN.

Jusqu'à la chute de l'URSS, le principal ennemi provenait de l'est, avec des moyens lourds, préparé au combat des blindés, employant de grandes divisions et combattant dans les plaines d'Europe centrale. Il fallait opposer à cet adversaire des moyens comparables : l'Organisation des Traités de l'Atlantique Nord entendait se dresser contre le Pacte de Varsovie.

Désormais, un tel risque est quasiment nul.

2-1 Un héritage incertain :

En matière de défense européenne, la donne n'est pas neutre. Un certain nombre de projets ont déjà vu le jour ; c'est le cas par exemple de la Brigade Franco-Allemande (BFA) ou de l'Eurocorps. Il est nécessaire de revenir sur ces deux concepts afin de montrer en quoi ils peuvent avoir une influence sur la PESD.

La BFA voit le jour au mois de novembre 1987 lors des 50èmes consultations franco-allemandes à Karlsruhe. Elle est constituée pour la première fois en 1988.

Les dispositions la concernant sont les suivantes :

- stationnement au sud de Stuttgart,

- poste de commandement fixé à Böblingen,

- poste de commandement assuré tour à tour par un officier général français et un officier général allemand, qui exerceront cette fonction pendant deux ans,

- Le premier commandement de la BFA est un général de brigade français et son adjoint un colonel allemand.

Elle comprend : un État-Major mixte, un bataillon d'infanterie allemand et un escadron d'investigation français à Böblingen ; un régiment d'infanterie français, un régiment de chars légers français et une compagnie du génie allemande à Donaueschingen ; un bataillon d'artillerie allemand à Horb/Neckar ; un bataillon mixte de commandement et de service, une compagnie de chasseurs de chars allemande et une unité d'instruction française à Stetten.

Autrement dit, la BFA est une brigade mixte en ce sens où elle regroupe des unités des deux nationalités. Toutefois, les unités mixtes au sens propre se résument à un État-Major et à un bataillon mixte de commandement et de service... La BFA ne met pas en présence significativement les hommes des deux pays.

Pour autant, il ne faut pas occulter le caractère symbolique de cette création. Elle montre que les deux ennemis mortels d'hier sont prêts à s'engager dans une voie de paix en unissant leurs forces armées. Ce qui signifie que désormais, le coeur de l'Europe est pacifié, ouvert à une vraie construction. Il ne faut pas non plus oublier le caractère « expérimental » de la BFA : « sa création vise à rechercher la définition de procédures communes, l'harmonisation des conditions d'exécution du service et des conditions de vie des unités pour tester les procédés d'interopérabilité entre les unités allemandes et françaises, ainsi que des principes applicables à l'entraînement de formations composées d'unités de nationalités différentes ; favoriser le rapprochement des hommes, accroître la standardisation des matériels et des équipements » (Art 1 du traité relatif à l'organisation de la BFA). On voit donc bien son rôle d'expérimentation, non seulement pour favoriser le rapprochement franco-allemand, mais aussi pour trouver les conditions d'emploi d'une autre unité multinationale et tâcher d'en régler un maximum de problèmes. La portée de la BFA est donc très grande lors de sa création, sans doute n'a-t-elle pas encore permis de résoudre tous ces problèmes, puisque, aujourd'hui encore, un soldat français ne peut être pris en charge par un médecin allemand (sauf dans le cas des urgences bien évidemment).

C'est aujourd'hui dans cette optique qu'est pensé l'avenir de la BFA. Elle doit constituer un véritable laboratoire36(*) de la défense européenne qui mettrait en évidence les difficultés pratiques à construire une unité internationale appelée, et c'est une nouveauté, à agir en tant que telle. Or, les difficultés sont réelles. Elles sont évoquées par le conseil Franco-Allemand de Défense et de Sécurité à la suite de la réunion du sous-groupe « Terre » des 5 et 6 février 2004 à Müllheim en Allemagne :

« Deux domaines présentent des difficultés. Il s'agit de l'arrangement administratif sur la BFA ainsi que la formation commune initiale des Officiers. » La résolution de ces problèmes est très attendue, ils ont été réglés de longue date pour l'Armée de l'Air et la Marine. Dores et déjà, des élèves français et allemands sont formés dans l'École Navale de l'autre pays ; il s'agit des EFENA, Élèves en Formation à l'École Navale Allemande dans le cas des Français. Leur diplôme est validé au grade d'ingénieur. En revanche le cas de l'Armée de Terre semble plus complexe, à l'heure actuelle, aucun arrangement n'a pu être trouvé pour permettre la formation complète d'Officiers Français à la Offizier Schule des Heeres allemande de Dresde. Ce type de prise de conscience est fondamental. Ainsi la BFA a-t-elle révélé l'impossibilité administrative pour un militaire français d'être pris en charge par un médecin militaire allemand. Mais, si la situation serait différente dans le cas d'un engagement en opération extérieure parvenir à un accord en temps de paix, rendrait la chose d'autant plus banale au moment d'un engagement.

Le problème majeur qui sous-tend ces difficultés est celui de la « dépendance mutuelle ». Il faut, pour chaque pays concerné par la PESD parvenir à une situation paradoxale de « situation mutuellement acceptée »37(*). C'est en ce sens que les avancées franco-allemandes, à travers les difficultés qu'elles rencontrent permettent un gain collectif pour les pays concernés par la PESD.

L'Élysée et l'Exécutif allemand cherchent à procurer à la brigade binationale une capacité « d'entrer en premier » sur un théâtre d'opérations. (Colonel Bourlot, État-Major Particulier du Président de la République, conseiller sur les questions relatives à la PESD auprès du Président de la République). Par cette transformation, une véritable unité multinationale engagée opérationnellement permettra là encore de mettre d'autres difficultés en évidence et, le cas échéant, de les traiter. Ainsi, en rencontrant, et en essayant de surmonter des problèmes, la France et l'Allemagne forgent ce que sera la PESD. Toutes deux sont lancées dans une dynamique qui consiste à résoudre des problèmes d'ordre pratiques, juridiques et administratifs qui présente un intérêt certain dans le cadre de la construction de la PESD.

La PESD n'a pourtant pas pour vocation de créer des unités mixtes, dont le sens est sans doute symboliquement fort, mais particulièrement exigeant pour les personnels des différentes parties prenantes. La force de la PESD réside davantage dans sa capacité à tirer parti des différents savoir-faire des États membres et de leurs armées.

La BFA est la seule unité permanente de l'Eurocorps. L'Eurocorps voit son État-Major mis en place au mois de juillet 1992 à Strasbourg. Ses unités restent sous commandement national et sont subordonnées au corps dès la décision d'emploi prise par les gouvernements. Les fonctions clés du commandement sont assurées tour à tour par les Nations participant au corps.

Quelles sont les raisons pour lesquelles la France et l'Allemagne sont appelées à oeuvrer de concert ?

Les nouvelles formes de menaces apparues avec le terrorisme de masse ou la prolifération d'armes de destruction massive au profit d'acteurs non étatiques conduisent à repenser la distinction classique entre les aspects intérieurs et extérieurs de la politique de sécurité et de défense. Or l'OTAN, acteur traditionnel de la sécurité en Europe, n'est pas configurée pour répondre à ces nouvelles données. Elle continuera toutefois à jouer un rôle important, voire primordial, dans l'interopérabilité des forces armées européennes. C'est grâce à la mise en place des standards OTAN que les forces armées européennes doivent leur cohérence d'ensemble dans les munitions, les capacités de projection ou encore dans les gabarits d'ordres et de comptes-rendus.

D'autre part, les différences de point de vue affectant les relations américano européennes, principalement concernant la tradition unilatéraliste des États-Unis et la tradition multilatéraliste de l'Union Européenne, sont porteuses d'incertitudes quant à la qualité réelle du lien stratégique entre les deux entités.

Il existe entre la France et l'Allemagne une « forte complémentarité naturelle »38(*). De récentes expériences ont démontré que la PESD ne pouvait pas faire l'économie d'une entente préalable entre les deux États puisque plus encore qu'avec la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne sont membres de Schengen et ont adopté l'euro comme monnaie unique, les impliquant fortement dans le processus de l'Union Européenne.

Bien plus encore, les obstacles les plus importants à cette coopération sont en passe d'être surmontés. En effet, l'incapacité de projeter des forces de l'Allemagne, le statut nucléaire de la France et sa position particulière vis-à-vis de l'OTAN ne représentent plus des problèmes majeurs. La possession ou non d'armes nucléaires n'a pas été pertinente lors de la résolution du conflit en Bosnie, au Kosovo ; tout comme le fait d'appartenir ou non à la structure de l'OTAN du temps de paix n'a pas empêché quiconque de prendre part aux opérations. Sur ce dernier point, il convient de noter que la plus grande importance doit donc être accordée à l'interopérabilité des forces armées.

Quoiqu'il en soit, de nouvelles difficultés sont apparues entre la France et l'Allemagne : la restructuration de l'Armée Française et la baisse du budget allemand de la Défense en sont deux exemples. Ces changements sont majeurs dans la mesure où la France et l'Allemagne sont placées dans un rôle moteur dans la mise en place effective d'une Europe de la Défense. Et les chiffres sont particulièrement éloquents si l'on étudie les données de l'année 2002 : la France avait alors consacré 8.600 millions d'euros à l'acquisition de matériels contre moitié moins pour l'Allemagne (exactement 4.675 millions). Même si l'on considère que la France emploie 1/5ème de ces ressources à la dissuasion nucléaire, cela laisse tout de même un rapport de 1.5 contre 1 au détriment de l'Allemagne.

Le SWP de Berlin39(*) estime par ailleurs que cette coopération, malgré les difficultés, qui sont réelles, doit prévaloir sur une coopération franco-britannique par exemple. Bien que les deux pays présentent de nombreuses similitudes dans leur outil de défense comme :

- la structure des forces armées,

- la doctrine d'emploi des forces, et

- le haut degré d'interopérabilité des troupes,

leur coopération n'est pas suffisante pour construire la PESD. La Grande-Bretagne tend effectivement à adopter une version minimaliste des missions de Petersberg40(*), et à avoir une vision toute aussi restreinte du rôle de l'Europe de la Défense. Or les menaces actuelles ne permettent pas de faire l'économie d'un élargissement des doctrines, ce qui est démontré par l'adoption des accords de « Berlin Plus41(*) ».

* 36 Cf. art.1 de l'accord du 2 novembre 1988 : « la BFA est une grande unité binationale à caractère expérimental ».

* 37 «Agreement on mutually accepted dependences», Colonel Jean-Yves BOUHRIS, représentant militaire au CFADS.

* 38 SWP-BERLIN, For a Franco-German Initiative in European Defence, novembre 2002.

* 39 ibid.

* 40 Les missions de Petersberg sont en effet classées en deux catégories : le « spectre haut » qui consiste en des missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris les missions de rétablissement de la paix ; et le « spectre bas » qui consiste en des missions humanitaires et d'évacuation de ressortissants, et de maintien de la paix.

* 41 Ces dispositions, dont le principe avait été énoncé au Sommet de l'Alliance de Washington en avril 1999, permettent à l'Union Européenne d'utiliser les moyens et capacités de l'OTAN pour diriger des opérations dans lesquelles l'OTAN en tant que telle n'est pas engagée.

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