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La lutte contre le terrorisme et le respect des droits de l'homme

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par Sydney Adoua
Université d'Orléans - Master 2 2004
  

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A) Le respect des droits fondamentaux

Les droits garantis par les instruments pertinents en matière de droits de l'homme n'ont

pas le même statut.

Cette hiérarchisation au sein des droits de l'homme a été pour la première fois élaborée par madame Nicole Questiaux, en sa qualité de rapporteur spéciale de la Sous- Commission des droits de l'homme des Nations Unies sur les états d'exception.

« Nous avons souligné que si les instruments pertinents admettaient que certains droits puissent être limités dans leur exercice, voire provisoirement suspendus dans certains cas (intangibilité relative), il en existait d'autres qui devaient être intégralement préservés même en cas de circonstances exceptionnelles (intangibilité absolue) » (96).

Il existe donc au sein des droits de l'homme des droits insusceptibles de faire l'objet de restrictions (1) et des droits susceptible de faire l'objet de restrictions (2).

96) Rapport sur les conséquences pour les droits de l'homme des développements récents concernant les situations dites d'état de siège

ou d'exception, doc. E/CN.4/Sub.2/1982/15, p.15.

1) Les droits insusceptibles de faire l'objet de restrictions

Le noyau dur des droits de l'homme est très réduit : seuls quatre droits figurent, au titre des

droits intangibles, dans les trois conventions (97).

Il s'agit du droit à la vie (98), du droit de ne pas être soumis à la torture, ni de subir de traitements inhumains ou dégradants (99), de l'interdiction de l'esclavage et de la servitude (100), et du principe de la légalité des délits et des peines (101).

Seule l'interdiction de la torture (a) et le principe de légalité des délits et des peines (b), mériteront une attention particulière.

a) L'interdiction d'être soumis à la torture

L'interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants consacre,

comme l'affirme fortement la Cour européenne des droits de l'homme dans sa décision

« Soering c. Royaume-Uni » du 7 juillet 1989, « l'une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le Conseil de l'Europe » (102).

L'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, prohibe de façon absolue la torture et les peines ou traitements dégradants en ce qu'elle constitue une négation de la dignité inhérente à la personne humaine (103).

L'interdiction du recours à la torture par les Etats constitue un droit intangible, il ne ménage aucune exception.

Le droit qu'il garantit ne peut faire l'objet ni de limitations pour cause d'ordre public dans son exercice, ni même de dérogations.

L'Etat ne peut suspendre la jouissance et l'exercice en cas de guerre ou de danger public menaçant la vie de la nation.

Le droit de ne pas subir de torture ou de traitements inhumains ou dégradants fait partie du noyau dur de La Convention.

Ce droit est applicable à toute personne, en tout temps et en tous lieux. Il est l'un des éléments centraux du « patrimoine commun » des Etats européens, évoqué dans le Préambule

de la Convention.

97) Convention européenne des droits de l'homme, Convention Américaine des droits de l'homme, Pacte relatives aux droits civils et

politiques.

98) Article 6 du PIDCP, article 2 de la Conv. eur. dr. h. , article 4 de la CADH.

99) Article 7 du PIDCP, article 3 de la Conv. eur. dr. h. , article 9 de la CADH.

100) Article 8 § 1.2 du PIDCP, article 4, § 1 de la Conv. eur. dr. h, article 6 de la CADH.

101) Article 15 du PIDCP, article 7 de la Conv. eur. dr. h. , article 9 de la CADH.

102) Arrêt « Soering c. Royaume-Uni » du 7 juillet 1989, Série A n° 161 § 88.

103) Article 3 : »Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Les autres instruments conventionnels de protection, qu'ils soient universels (Pacte des droits

civils et politiques du 16 décembre 1966) ou régionaux (Convention américaine des droits de l'homme), édictent une interdiction absolue en la matière.

Il n'y a que la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples du 28 juin 1981 qui ne distingue pas de droits intangibles parmi les droits qu'elle énonce.

Le droit de ne pas subir de traitements contraires à la dignité de l'homme doit donc être considéré comme un attribut inaliénable de la personne humaine, fondé sur les valeurs communes à tous les patrimoines culturels et systèmes sociaux.

Les Etats ont non seulement une obligation négative de ne pas pratiquer la torture, mais aussi une obligation positive de protéger toute personne relevant de leur juridiction, contre une situation où le risque d'être soumis à la torture est grand.

La cour interaméricaine des droits de l'homme a confirmé cette approche dans son arrêt du

29 juillet 1988 « Velasquez Rodriguez c. Honduras ».

Dans cette affaire il été question de « disparitions forcées ».

Au cour de cette affaire la Cour a jugé que, dans le domaine du droit à l'intégrité de la personne (prévue par l'article 5 de la convention américaine des droits de l'homme), la convention fait peser sur l'Etat non seulement le devoir de ne pas violer ce droit, mais aussi

« un devoir de prévention » des violations du droit à l'intégrité physique (104).

La lutte contre le terrorisme ne saurait justifier une quelconque atteinte à ce droit. Le Conseil

de l'Europe l'a bien rappelé lorsqu'il a affirmé au point IV des lignes directrices sur les droits

de l'homme et la lutte contre le terrorisme :

« Le recours à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants est prohibé

en termes absolus, en toutes circonstances, notamment lors de l'arrestation, de l'interrogatoire et de la détention d'une personne soupçonnée d'activités terroristes ou condamnée pour de telles activités, et quels qu'aient été les agissements dont cette personne

est soupçonnée ou pour lesquels elle a été condamnée. (105) »

La cour a eu l'occasion de rappeler l'obligation de ne pas déroger à l'article 3 et ceci même dans le cadre de la lutte antiterroriste dans un arrêt du 6 avril 2000, il s'agissait de l'affaire

« Labita c. Italie ».

104) Cohen-Jonathan (G), « cour interaméricaine des droits de l'homme. L'arrêt Velasquez », in RGDIP, 1990, p.455.

105) Comité des ministres du Conseil de l'Europe, « Lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme/ Textes de références », in RUDH, 2002, p.239.

La cour a réaffirmé cette obligation en des termes dénués de toute ambiguïté.

« L'article 3 de la Convention, La cour l'a dit à maintes reprise, consacre l'une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques.

Même dans les circonstances les plus difficiles, telles la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la Convention prohibe en termes absolus la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants.

L'article 3 ne prévoit pas de restrictions, en quoi il contraste avec la majorité des clauses normatives de la Convention et des protocoles n° 1 et 4, et d'après l'article 15 § 2 il ne souffre nulle dérogation, même en cas de danger public menaçant la vie de la nation (...).

La prohibition de la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants est absolue, quels que soient les agissements de la victime (...).

La nature de l'infraction qui était reprochée au requérant est donc dépourvue de pertinence pour l'examen sous l'angle de l'article 3 » (106).

Conçu comme une réponse aux crimes abominables du nazisme, il était tout à fait naturel que cet article fasse l'objet d'une attention particulière de la part de la Cour européenne des droits de l'homme (107).

La cour européenne des droits de l'homme s'est prononcée à de multiples reprises sur la violation

de l'article 3 par les Etats, notamment dans l'affaire « Tomasi c. France » (108) du 27 août 1992 et dans l'affaire « Aksoy c. Turquie » du 18 décembre 1996 (109).

Citoyen français, Monsieur Félix Tomasi est arrêté par la police le 23 mars 1983 à Bastia (Haute- Corse).

On le soupçonne d'être impliqué dans un assassinat et une tentative d'assassinat perpétrés le 11

février 1982 par l'ex Front de libération nationale de la Corse.Il est placé en garde à vue jusqu'au

25 mars 1983, date à laquelle il est inculpé et placé en détention provisoire.

Il est pour finir acquitté par la Cour d'assises. Le requérant se plaint d'avoir subi des sévices durant sa garde à vue. Il est examiné par plusieurs médecins qui constatent diverses lésions corporelles.

Dans sa requête du 10 mars 1987 à la Commission, M. Tomasi invoque la violation de l'article 3.

Le gouvernement reconnaissait ne pouvoir donner aucune explication sur la cause des lésions, mais affirmait qu'elles ne résultaient pas des traitements dénoncés par M. Tomasi.

106) Affaire « Labita c. Italie » du 6 avril 2000 (§ 119), in ACEDH, pp. 142-148.

107) Sudre (F), « L'article 3 », in Convention européenne des droits de l'homme commentaire article par article, op cit., p.156.

108) Affaire « Tomasi c. France » du 27 août 1992, in ACEDH, n°35, 1992, pp 163-167.

109) Affaire « Aksoy c. Turquie » du 18 décembre 1996, in Berger (V), Jurisprudence de la Convention européenne des droits de l'homme, op cit., pp 31-34.

Tel ne fût pas l'avis de la cour, qui se fonde sur plusieurs éléments. D'abord, nul ne peut

prétendre que les traces observées sur le corps du requérant puissent remonter à une période antérieure à l'arrestation ou découler d'une action de l'intéressé contre lui-même ou encore d'une tentative d'évasion.

De plus, dès sa première comparution devant le juge d'instruction il signala les marques qu'il portait.

En outre, quatre médecins différents examinèrent l'accusé dans les jours qui suivirent la fin de la garde à vue et établirent des certificats médicaux qui contiennent des observations médicales précises et concordantes.

Ces certificats indiquent en outre les dates de survenance de ses blessures, lesquelles correspondent à celles du séjour dans les locaux de la police.

Il y a des éléments sérieux, conclu la cour, pour conférer à ce traitement un caractère inhumain et dégradant.

Les nécessités de l'enquête et les indéniables difficultés de la lutte contre la criminalité, notamment en matière de terrorisme, ne sauraient conduire à limiter la protection due à l'intégrité physique de la personne. La cour a donc conclu à l'unanimité qu'il y avait eu violation de l'article 3.

Dans l'affaire « Aksoy c. Turquie » du 18 décembre 1996, les faits étaient les suivants.

M Zéki Aksoy, métallurgiste turc né en 1963 et vivant à Mardlin, est arrêté et placé en garde à vue au siège de la sécurité de Kiziltepe vers la fin de novembre 1992.

On le soupçonnait d'être un membre actif du PKK. Il est détenu quatorze jours. D'après le requérant, la police lui a fait subir, entre autres, une forme de torture connue sous le nom de

« pendaison palestinienne ».

Il a été complètement déshabillé, ses mains ont été liées dans le dos et enfin il a été pendu par les bras. On lui aurait aussi infligé des décharges électriques dans les parties génitales, on lui aurait donné des coups de pied et des gifles.

Selon lui, par suite de la pendaison il a perdu l'usage de ses bras et de ses mains. Le gouvernement, en revanche, affirme que les griefs du requérant sont dénués de tout fondement.

Le 8 décembre 1992, l'intéressé est traduit devant le Procureur de Mardlin qui, après l'avoir interrogé, ordonne sa libération.

Relâché le 10 décembre, l'intéressé est hospitalisé le 15 décembre et l'on diagnostique une paralysie bilatérale des avant-bras qui nécessitait la pose d'éclisses.

Il demeure à l'hôpital jusqu'au 31 décembre, date à laquelle il quitte l'hôpital de son propre chef.

Le 21 décembre, le procureur a prononcé le non-lieu.

Dans sa requête du 20 mai 1993 à la Commission, M. Aksoy allègue une violation de l'article 3

de la Convention européenne des droits de l'homme. Le 20 avril 1994, ses représentants

informent la Commission qu'il a été tué par balles le 16 avril.

Ils allèguent que le 14 avril, le requérant a reçu des menaces de mort afin qu'il retire sa requête à

la Commission.

La Commission a constaté entre autres que M. Aksoy avait été soumis à la « pendaison palestinienne », ce qui signifie qu'on lui avait ôté tous ses vêtements et lié les mains au dos, puis qu'on l'avait suspendu par le bras.

D'après la cour, ce traitement ne peut avoir été infligé que délibérément. En effet sa réalisation exigeait une dose de préparation et d'entraînement.

Il apparaît avoir été administré dans le but d'obtenir du requérant des aveux ou des informations. Hormis les graves souffrances qu'il doit avoir causées à l'intéressé à l'époque, les preuves médicales montrent qu'il conduit à une paralysie des deux bras, paralysie qui mit un certain temps avant de disparaître.

Ce traitement était d'une nature tellement grave et cruelle que l'on ne peut le qualifier que de

« torture ».La cour a donc conclu qu'il y avait eu violation de l'article 3 (huit voix contre une).

Cette interprétation restrictive de la Cour est pleinement justifiée par le caractère monstrueux et inhumain de la torture.

L'interdiction de la torture ne doit souffrir d'aucune exception, quelque soit « le caractère brûlant des enjeux en temps de crise », selon l'expression de Patrick Wachsmann (110).

La lutte contre le terrorisme ne saurait en aucune façon constituée une exception à ce principe fondamental.

Les brutalités policières lors d'une arrestation (111), l'isolement prolongé (112), le fait d'incendier

des maisons d'habitation dans un village (113) sont considérés comme des traitements inhumains

et dégradants, la lutte contre le terrorisme ne pouvant justifier de telles pratiques. Le recours à la torture constitue un crime de guerre selon le statut de la Cour pénale internationale adopté le 17 juillet 1998, il est donc susceptible d'être poursuivi sur le plan international devant cette juridiction.

Malheureusement le refus des Etats-Unis de ratifier le statut de la Cour pénale internationale ne permettra jamais qu'une véritable justice soit rendue aux malheureux prisonniers irakiens torturés

ignominieusement par des militaires américains dans la prison irakienne d'Abou Ghraïb.

110) Wachsmann (P), Les droits de l'homme (connaissance du droit), op cit., p.62.

111) Voir CEDH, « Tomasi c France » du 27 août 1992

112) Voir CIADH, « Velasquez Rodriguez c. le Honduras » du 29 juillet 1988

113) Voir CEDH, « Selçuk et Akser c. Turquie » du 24 avril 1988.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote