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La lutte contre le terrorisme et le respect des droits de l'homme

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par Sydney Adoua
Université d'Orléans - Master 2 2004
  

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2) Les droits susceptibles de faire l'objet de restrictions

La lutte contre le terrorisme, n'est pas une lutte comme les autres. C'est une lutte contre un

ennemi sans visage dont la barbarie est sans commune mesure.

La lâcheté et la cruauté aveugle des terroristes font de ces derniers une menace redoutable pour notre société.

Le terrorisme ne respecte aucune des règles de la guerre, c'est une philosophie de l'horreur et

de la terreur qui privilégie la fin plutôt que les moyens.

Face à de tels dangers les démocraties ne peuvent rester insensibles, elles doivent lutter contre le terrorisme, et cette lutte passe par la restriction de certaines libertés au nom de l'intérêt général.

Les droits de l'homme ne doivent pas être considérés comme des freins à la lutte contre le terrorisme.

Au contraire, les droits de l'homme constituent le cheminement qui doit mener à la victoire dans la lutte contre le terrorisme.

Les juridictions internationales en matière de droits de l'homme en général et la Cour européenne des droits de l'homme en particulier ont reconnu la spécificité de la lutte antiterroriste.

On ne peut vouloir d'une chose et de son contraire et si on veut que les Etats luttent efficacement contre le terrorisme, il faut leur donner les moyens « légaux » de le faire.

Au sein des droits de l'homme, certains sont susceptibles de faire l'objet de restrictions sous certaines conditions.

La Convention européenne des droits de l'homme l'a bien précisé dans son article 8 § 2 :

« Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection

de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

Le droit à la liberté et à la sûreté (a) et le droit au respect de la vie privée (b), constituent des droits susceptibles de faire l'objet de restrictions.

a) Le droit à la liberté et à la sûreté

« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf

dans les cas suivants et selon les voies légales :

a) s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ;

b) s'il a fait l'objet d'une arrestation ou d'une détention irrégulière pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi ;

c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y

a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuira près l'accomplissement de celle-ci ;

d) s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond ;

e) s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulière d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion

ou d'extradition est en cours. »

L'article 5 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme définit avec précision les conditions précises qui entourent la restriction du droit à liberté et à la sûreté.

Le droit à la liberté et à la sûreté vise à protéger la liberté physique de la personne contre toute arrestation et détention arbitraire ou abusive. Les terroristes constituent l'archétype parfait de ces personnes dont le droit à la liberté doit être restreint.

Ce droit occupe une place centrale dans le dispositif protecteur des droits individuels, et la

Cour européenne en a solennellement reconnu l'importance particulière dans une société démocratique (118).

118) Affaire « De wilde, Ooms et Versyp » du 18 juin 1971 (§ 64-65), in Les Grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, op

cit., p. 35.

L'Etat doit cependant pouvoir priver de liberté ceux qui représentent une menace pour l'ordre

social.

Le Pacte international des droits civils et politiques (article 9) (119) et la Convention américaine

des droits de l'homme (article 7) (120), se contentent de préciser que la privation de liberté ne peut intervenir que dans les cas prévus par le législateur national.

La Convention européenne des droits de l'homme dresse une liste précise de cas autorisant la restriction à ce droit.

La cour précise qu'il s'agit d'une liste exhaustive devant faire l'objet d'une interprétation étroite,

ce qui ne laisse aux Etats qu'une très faible marge d'appréciation pour l'application de l'article 5. Néanmoins, la notion de « privation de liberté », qui est soumise à l'article 5 § 1, reste incertaine. Pour déterminer si une personne se trouve privée de liberté, il faut partir de sa situation concrète

et prendre en compte un ensemble de critères, tel le genre, la durée et les modalités d'exécution

de la mesure considérée.

Ces critères sont nécessaires pour apprécier le degré et l'intensité des restrictions à la liberté de la personne.

La privation de liberté, pour être conforme aux exigences inhérentes à un Etat de droit, doit respecter non seulement la législation nationale, mais aussi internationale.

En effet, le sacro-saint principe de souveraineté des Etats ne saurait faire obstacle au respect par ces derniers des standards minimum en matière de respect des droits de l'homme.

La question de la conciliation du droit à la liberté et à la sûreté avec les impératifs de la lutte contre le terrorisme se pose avec une acuité particulière sur le plan international.

En effet, dans la répression des crimes « terroristes », l'Etat est dans l'obligation de respecter scrupuleusement les normes internationales en matière de privation de liberté et de sûreté juridique des personnes

Ce problème s'est posé et continue de se poser pour les prisonniers de Guantanamo, arrêté lors de

la guerre d'Afghanistan, dans le cadre de la guerre contre le terrorisme menée par les Etats-Unis.

119)« Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention

arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs, et conformément à la procédure prévue par la loi. »

120)« (...) Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs et dans des conditions déterminées à l'avance

Par les constitutions des Etats parties ou par les lois promulguées conformément à celles-ci. »

Lors de la fin de la guerre d'Afghanistan des prisonniers ont été capturés et transférés sur la base

de Guantanamo Bay, une base américaine situé sur l'île de Cuba.

Selon l'administration américaine une distinction doit être faite entre les prisonniers talibans qui sont des prisonniers de guerre et les combattants d'Al Quaeda, qui, sont des « combattants illégaux ».

Le statut juridique incertain des prisonniers de Guantanamo est une violation du droit à la sécurité juridique.

On pourrait faire valoir que les terroristes ne méritent aucune protection juridique. Même si ce point de vue est compréhensible étant donné sa portée émotionnelle, la question doit être examinée à la lumière des règles fondamentales du droit.

Tout être humain, sans exception, a une dignité inhérente. Ceci est reconnu par tous les Etats dont la Constitution est fondée sur la primauté du droit, par tous les traités humanitaires et les traités relatifs aux droits de l'homme et par toutes les grandes religions.

Il ne faut pas abandonner des règles et principes d'un tel poids et d'une telle force sous le choc

du moment.

En outre, l'une des fonctions les plus importantes de la loi est de distinguer entre ceux qui sont responsables et ceux qui ne le sont pas, de même qu'entre ceux qui sont coupables et ceux qui sont innocents.

Les procédures servant à déterminer si un individu est responsable n'ont pas pour seule finalité

de protéger les responsables d'éventuels abus d'un Etat, mais aussi d'éviter à ceux qui ne le sont pas, d'être tenus à tort pour responsables.

La loi protège inévitablement le terroriste du seul fait qu'elle protège ceux qui ne sont pas responsables et, si elle ne protégeait plus le terroriste, toutes les personnes qui ne sont pas responsables seraient aussi privées de protection.

Comme le dit si bien Philippe Weckel : « Il ne saurait exister sur terre un espace sur lequel les préoccupations d'humanité et le principe du respect des droits de l'homme n'auraient pas droit de cité (121).

En refusant de qualifier ces personnes de prisonniers de guerre et en les considérants comme des

« combattants illégaux », une qualification qui n'existe pas en droit international, les Etats-Unis démontrent le peu d'importance qu'ils accordent aux Conventions de Genève.

121) Weckel (P), « Le statut incertain des détenus sur la base américaine de Guantanamo », in RGDIP 2002.2, p.358

Le droit international humanitaire prévoit que les membres des forces armées, de même que les

membres des milices faisant partie de ces forces armées, qui sont capturés par l'adversaire dans

un conflit armé international sont protégés par la 3e Convention de Genève.

Le droit international ne constitue en aucune façon un obstacle à la lutte contre le terrorisme.

Le droit international humanitaire accorde à la puissance détentrice le droit de poursuivre en justice les prisonniers de guerre soupçonnés d'avoir commis des crimes de guerre ou tout autres délits avant ou pendant les hostilités

.Dès lors, permettre à tous les détenus de Guantanamo de bénéficier, en application du droit

international humanitaire, du statut de prisonnier de guerre n'empêcherait pas les Etats-Unis de

les juger.

Le refus d'appliquer le statut de prisonnier de guerre s'explique certainement par le fait que ce statut ne permet pas de prolonger indéfiniment cette situation de captivité, or les Etats-Unis ont reconnu que s'ils avaient capturé ces prisonniers c'était pour les empêcher de recommencer.

Comme l'a souligné le Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld :

« But the reality is that they have been charged with something. They have been found to be engaged in battle on behalf of the al Quaeda or the Taliban, and have been captured.

And we have decided, as a country, that we prefer not to be attacked and lose thousands of lives here in the United, and that having those people out on the street to engage in further terrorist attacks is not our first choice.

They are Being detained so they don't do that. That is why they were captured, and that is they're detained (122) ».

Quoiqu'il en soit le droit international est clair à cet égard, les personnes qui tombent pendant un conflit armé international au pouvoir de la partie adverse sont soit des combattants (et dans ce cas elles deviennent des prisonniers de guerre protégés par la IIIe Convention de Genève), soit des civils protégés par la IVe Convention.

Il ne peut y avoir de statut intermédiaire, aucune personne se trouvant aux mains de l'ennemi ne peut être en dehors du droit.

L'une des premières réactions du Président Bush au lendemain des attentats du 11 septembre, fût

de déclarer que les Etats-Unis offraient une récompense à quiconque capturerait Oussama Ben

Laden « mort ou vif ».

Cette déclaration est incompatible avec le droit international humanitaire, car même en temps de guerre il est interdit d'offrir une récompense pour la capture d'un ennemi « mort ou vivant » (123). Des voix se sont élevées au sein des juristes américains pour critiquer ce trou noir judiciaire dans

lequel on veut placer les détenus de Guantanamo. Comme l'a souligné Daryl Mundis:

« Article 5 of Geneva Convention No III, provides that persons captured during an international

armed conflict are entitled to the protections of the treaty even if their identify as prisoners of war

as defined by article 4 is in doubt, until a competent tribunel has determined their status.

Thus the text of the treaty leads to the conclusion that a competent tribunal, and not the president

of the United States acting unilaterally, must determine wether or not anyone captured is a lawful combatant (124). »

Au nom du pouvoir de l'exécutif en matière militaire, le gouvernement a détenu deux citoyens

Américains qu'il avait qualifiés de « combattants ennemis illégaux » et qui, en tant que tels, ne bénéficiaient pas des garanties du « due process of law ».

L'un de ces citoyens, M. Yasser Hamdi, s'est fait capturer en Afghanistan avec des talibans.

Il a demandé un avocat en invoquant l'Habeas Corpus.

La Cour d'appel de Virginie lui a reconnu ce droit, le gouvernement a fait appel. La cour d'appel

du quatrième circuit, estimant que la Cour d'appel de Virginie n'avait pas pris en compte l'argument du gouvernement selon lequel M. Hamdi était un combattant ennemi illégal et donc n'avait pas droit à se faire assister par un avocat a annulé la décision.

Elle a renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel, cette dernière a confirmé les pleins pouvoirs de l'Exécutif et du Congrès en matière militaire et défini les limites du contrôle judiciaire dans ce domaine, elle s'est exprimée en ces termes :

« Articles I and II (of the Constitution) prominently assign to Congress and the President the shared responsibilty for military affairs... In accordance with this constitutional text, the Supreme court has shown great deference to the political branches when called upon decide cases implicating sensitive matters of foreign policy, national security, or military affairs...

This deference deference extends to military designations of individuals as enemy combatants in

times of active hostilities, as well as to their detention after capture on the field of battle (120) ».

121) Conférence de presse de Donald Rumsfeld, Secrétaire à la défense des Etats-Unis, du 22 janvier 2002, disponible sur du

Département à la défense des Etats-Unis, http://www.defenselink.mil/news/jan2002/ .

122) Article 23 (b) du Règlement de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre annexé à la Convention IV de 1907, interdit « de tuer ou blesser par trahison des individus appartenant à la nation ou à l'armée ennemie ».

123) Mundis (D), « The use of military commissions to prosecute individuals accused of terrorists acts », in The American Journal of

International Law, 2002-02, p.325

124) Vroom (C), « Etats-Unis, lutte contre le terrorisme et protection des droits fondamentaux », op cit., p.187

Cela dit, la Cour a néanmoins confirmé la légitimité du contrôle judiciaire lorsqu'elle a affirmé:

« Without meaningful judicial review, any American Citizen alleged to be an enemy combatant could be detained indefinitely without charges or counsel on the gouvernment's say so (125) ».

La cour d'appel, à son tour, a demandé au gouvernement de fournir des pièces justificatives du statut de M. Hamdi. Le gouvernement, refusant de faire droit à cette demande pour des raisons de sécurité nationale, a encore une fois fait appel de cette décision.

Le 28 juin 2004 la Cour suprême va rendre deux décisions retentissantes dans les affaires

« Hamdi vs Rumsfeld » et « Shafik Rasul vs Georges Bush ».

Ces deux arrêts sont réunis par un fil rouge qui doit se lire comme un désaveu des prétentions de l'exécutif dans sa lutte contre le terrorisme.

L'administration prétendait que l'autorité militaire avait le droit de détenir « indéfiniment » toute personne classée par ses soins de « combattant ennemi » aux fins de recueillir les informations nécessaires à la lutte contre le terrorisme.

Le 28 juin 2004, la Cour Suprême a fermement rejeté cette prétention. Le droit fondamental affirmé par la Cour dans ses deux arrêtes peut s'énoncer comme suit :

« Toute personne de nationalité américaine ou non, détenue par les autorités militaires ou civiles

des Etats-Unis, a droit, en temps de paix comme en temps de guerre, d'une part à être informée

des charges qui pèsent contre elle et, d'autre part, à pouvoir les contester devant un tiers impartial ».

Ces deux décisions reconnaissent à toute personne soupçonnée d'activité ou de complicité terroriste et incarcérée pour interrogatoire le bénéfice du respect des droits de la défense.

Les décisions du 18 juin 2004 rappellent la suprématie du droit sur la raison d'Etat.

Ces décisions sont la preuve que le droit doit, et ceci en toutes circonstances rester la référence, surtout dans un grand pays comme les Etats-Unis, car comme le dit si bien Georges Aldrich :

« Article 14 of the International Convenant on Civil and Political Rights (ICCPR) is the most important human rights treaty provision governing due process rights. The treaty entered into force for the United States on Septembre 8, 1992.

Although states may derogate from the terms of ICCPR, the United States has not formally announced the intention to do so (...) The Departement of Defense is bound to respect the terms

of the ICCPR (...) In addition, the minimum standards guaranteed by article 14 include a fair and public hearing before a « competent, independent and impartial established by law ; the presumption of innocence ; due process rights ;and the right to appeal a conviction to a « higher tribunal according to law (126) ».

Les grandes démocraties ne doivent pas oublier dans leur lutte contre le terrorisme, que ce n'est

pas la capacité de réaction militaire d'un Etat qui fait sa grandeur.

La capacité de réaction militaire est la démonstration de la puissance d'un Etat, or être puissant

ne veut pas dire être grand.

La grandeur d'un Etat se mesure à l'attention qu'il accorde au respect et à la protection des droits fondamentaux.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway