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Contribution aux études méditerranéennes: les relations turco-tunisiennes (1956-2001)

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par Meriem JAMMALI
INALCO - Maîtrise de langue et de civilisation turques 2003
  

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2. Le vote turc à l'ONU

Revenons maintenant à la reconnaissance internationale de l'indépendance de la Tunisie. En effet après de longs combats et de multiples efforts en vue d'internationaliser la cause tunisienne, les nationalistes ont réussi de faire porter la question de l'indépendance devant le Conseil de sécurité de l'ONU. C'est le Pakistan qui l'a présentée le 31 mars 1952 devant l'instance onusienne.7(*)

Les débats sur cette question ont eu lieu à Paris (Palais Chaillot) le 4, 10 et 14 avril 1952. Quatre membres du conseil (Brésil, Chili, Chine, Pakistan et URSS) ont voté pour l'inscription de la cause tunisienne à l'ordre du jour du Conseil. En revanche, la France qui n'était pas prête à céder son protectorat, et le Royaume-Uni, autre puissance coloniale, ont voté contre. Les autres membres du Conseil se sont abstenus : la Grèce, les Pays-Bas, les Etats-Unis et la Turquie.8(*) Détentrice du droit du veto, la France fit finalement obstacle à l'inscription de la question tunisienne à l'ordre du jour.

Lors des débats, chaque représentant exposa ses intentions de vote. En voici la teneur de l'intervention du représentant de la Turquie : « Nous sommes convaincus qu'à condition d'être conduites d'une manière constructive et intelligente, des négociations directes entre les Français et les Tunisiens pourront apporter une solution positive à la question dont nous sommes saisis, et pourront répondre ainsi aux aspirations du peuple tunisien. Des discussions acerbes et des débats prolongés sur les évènements passés et sur le partage des responsabilités ne pourraient que rendre cette tâche encore plus ardue. »9(*)

Des propos qui manifestaient une propension de réserves vis-à-vis de la légitimité des revendications tunisiennes, dans la mesure où le représentant de la Turquie à l'ONU a laissé entendre que son pays ne se serait pas opposé à l'inscription de la question tunisienne à l'ordre du jour du Conseil de Sécurité si la majorité des membres -surtout les puissances occidentales - avait jugé utile cette inscription.

Aux yeux des Tunisiens, l'abstention de la Turquie signifiait une position hostile à la cause tunisienne. D'ailleurs, une délégation tunisienne qui devait se rendre en Turquie pour demander l'appui de cette dernière dut y renoncer.10(*)

En visite officielle en Turquie en 1965, Bourguiba, alors président, en a gardé le souvenir. Pour lui, l'abstention de la Turquie signifie un vote hostile : « En mars 1952, lorsque, pour la première fois, la Tunisie s'efforçait de faire porter la question de son indépendance devant le conseil de Sécurité,[...] à ce moment là, nous comptions nos amis. Chaque signe avait sa valeur [...]. Nous étions fiévreusement à l'écoute des débats qui se déroulaient à Paris, au palais de Chaillot. [...]. Cinq voix s'exprimèrent dans un sens favorable à l'inscription de la question tunisienne. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis votèrent contre, mais aussi la Turquie, ce qui fut pour nous un profond sujet de tristesse. »11(*)

La Turquie fut critiquée par ses propres journaux excepté Zafer, organe officiel du parti au pouvoir. « S'abstenir équivaut à s'opposer » écrivent certains journaux. Ce fut une grande déception pour l'opinion publique turque.12(*) Par ce vote, la Turquie voulait éluder « les incidents de parcours » sur le plan diplomatique susceptibles d'affecter ses relations avec les occidentaux. Ainsi, « le premier but de la politique étrangère de la Turquie est de préserver son indépendance nationale, son intégrité territoriale et d'assurer la modernisation du pays. »13(*) Trois considérations majeures d'ordre stratégique et politique justifient, à notre avis, la prise de position turque en matière de politique internationale dans les années 50. D'abord, la politique nationaliste et pro-occidentale de Atatürk. Ensuite, l'économie turque ne pouvait plus s'en passer de l'aide financière et technique des pays occidentaux. C'était un intérêt majeur pour la Turquie, d'où la nécessité de garder de bonnes relations avec les pays donateurs. Ainsi, lors de la conférence de Bandoeng en 1955, la Turquie s'est présentée comme la porte-parole de l'Occident. Les représentants turcs se sont montrés plus occidentaux que les Occidentaux eux mêmes ! Enfin, le voisin soviétique constituait pendant les années 50 une menace réelle pour la Turquie. A cette époque, la Turquie faisait partie des zones stratégiques disputées par les deux grandes puissances mondiales en pleine guerre froide. En 1945, à l'issue de la Seconde guerre mondiale, Staline dénonça les accords de 1925 entre Moscou et Ankara. Du coup, le leader soviétique n'a pas manqué de réclamer des territoires situés sous la souveraineté turque, arguant que cela permettrait à l'URSS de surveiller les détroits en installant une base aéronavale à proximité d'Istanbul.14(*) Menacée, la Turquie cherchait à obtenir le soutien des pays occidentaux contre la menace rouge.

C'est l'ensemble de ces considérations d'ordre politique et stratégique qui ont amené la Turquie à s'aligner sur les positions française et anglaise quant à la question de la décolonisation de la Tunisie. Aux yeux d'Ankara, la France et le Royaume-Uni, avant qu'ils ne soient des puissances coloniales, sont des alliés de la Turquie, d'où la nécessité de garder de bonnes relations avec eux. Ainsi, lors de l'ouverture du conseil de la Grande Assemblée Nationale le 1er novembre 1950, le président Bayar a insisté sur les relations d'amitié qui lient la Turquie à la France et l'importance de leur attachement aux mêmes valeurs.

* 7 Maroc et Tunisie, le problème du protectorat, La Nef, 10 année, cahier n°2, Paris, Julliard, 1953, p. 34.

* 8 Georges DAY , Les affaires de la Tunisie et le Maroc devant les Nations Unies, Paris, Pedone, 1953, p. 20.

* 9 Ibid., p. 21.

* 10 La Turquie n'était pas la seule à manifester son indifférence à l'égard de la cause tunisienne. Ainsi, les pays arabes, malgré leur soutien politique à la cause tunisienne lors des votes successifs au Conseil de sécurité, ont adopté une attitude de « réserve » révélée par la politique de la Ligue arabe qui était absorbée par des conflits intestinaux entre les différents dirigeants arabes. La Ligue arabe a abordé la question tunisienne dans un esprit de compromis en privilégiant la médiation onusienne pour ne pas heurter la France.

* 11 Discours de Bourguiba de mars 1965.

* 12 M. GÖK, op.cit, p.139.

* 13 Didier BILLION, La politique extérieure de la Turquie une longue quête d'identité, Paris, L'Harmattan 1997, p. 33.

* 14 Pendant la guerre d'indépendance turque, Moscou a apporté son aide au gouvernement d'Ankara. Les relations turco-soviétiques étaient bonnes étant donné que les deux pays étaient confrontés aux mêmes ennemis : le bloc occidental. Cette amitié a été traduite par la signature d'une série de traités jusqu'en 1945, date du refus de l'URSS de valider le traité d'amitié et de neutralité du 17 décembre 1925, et qui était jusque-là renouvelé tous les trois ans.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore