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La preuve en droit fiscal

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par KAMOUN Fériel
Université de Sfax-Tunisie -  2003
  

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INTRODUCTION

En droit, et plus encore en droit fiscal, < la preuve est la clé du succès, c'est en tout cas la clé du procès >>1. En toute matière, il ne suffit pas d'être titulaire d'un droit ou de se trouver dans une situation juridique pour pouvoir se prévaloir de toutes les conséquences attachées à ce droit ou à cette situation, il est nécessaire d'apporter la preuve de son existence2. N'a-t-on pas écrit que < c'est la même chose de n'avoir point de droit ou de n'avoir point de preuve >>3 ? Selon le mot célèbre d'IHERING : < la preuve est la rançon des droits >>4. Le système probatoire permet de délivrer au droit son < certificat de vie juridique >>5. L'importance de la preuve n'a-t-elle pas été soulignée par Omar Ibn EL KHATTAB dans sa lettre à Abou Moussa EL ACHAARI6 ?

Quoique importante, la question de la preuve en droit fiscal ( paragraphe I ) n'a pas connu en Tunisie une évolution importante ( paragraphe II ) à l'instar de celle qu'a connu le droit fiscal comparé ( paragraphe III ).

Paragraphe I : L'importance particulière de la preuve en droit fiscal

En droit fiscal, < les problèmes de preuve sont au coeur des relations entre administration et contribuables >>7. Mais, que faut-il entendre par le vocable preuve ? < La preuve est un mécanisme destiné à établir une conviction sur un point incertain >>8. Dans un sens large, la preuve en droit est la démonstration tendant à convaincre de la réalité d'une situation9. Dans un sens plus restreint, c'est le procédé utilisé à cette fin10.

Toute étude sur la preuve pose des questions immédiates : qui doit prouver, que doit-on prouver et comment prouver ? Ainsi, trois questions principales animent traditionnellement le droit de la preuve : la charge, l'objet et les moyens de preuve.

D'une façon générale, l'expression < charge de la preuve >> est comprise comme recouvrant le point de savoir à qui incombe la tâche d'apporter les éléments probatoires nécessaires à la solution du litige11. Néanmoins, la doctrine ne tarde pas à signaler le risque d'une < certaine confusion sur le sens

1 Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif II, << Preuve >>, p.2.

2 M.-C. BERGERES, << Le principe des droits de la défense en droit fiscal >>, thèse, Bordeaux, 1975, p. 59.

3 M.PLANIOL et G.RIPERT, << Traité pratique de droit civil >>, L.G.D.J., Paris, T II, N°42. << Idem est non esse et non probari >>.

Selon Pierre PACTET, : << Un droit ne présente pour son titulaire d'utilité véritable que pour autant qu'il peut être établi, un droit qui ne peut être prouvé est un droit pratiquement inexistant >>.

Pierre PACTET, << Essai d'une théorie de la preuve devant la juridiction administrative >>, thèse, Paris 1952, p. 3.

4 Raymond LEGEAIS, << Les règles de preuve en droit civil : permanences et transformations >>, thèse Poitiers 1954, éd. L.G.D.J. 1955, p. 3.

5 Paul FORIERS, << Introduction au droit de la preuve >>, in << La preuve en droit >>, Etudes publiées par Ch. PERELMAN ET P. FORIERS, Etablissements Emile Bruylant, Bruxelles 1981, p.13.

6 Dans la religion musulmane, dans la lettre d'Omar EL KHATTAB à Abou Moussa EL ACHAARI on peut lire : << la fonction de cadi (juge) est un devoir religieux précis et une tradition qu'il faut suivre. Ecoutes bien les dépositions qui sont faites devant toi, car il est inutile d'examiner une requête qui n'est pas valide. Tu dois traiter sur le même pied ceux qui comparaissent à ton tribunal et devant ta conscience, de sorte que le puissant ne puisse compter sur ta partialité ni le faible désespérer de ta justice. Le plaignant doit fournir la preuve et le défendeur doit prêter serment... >>.

7 Joël MOLINIER, << Le premier volet de la réforme des procédures fiscales et douanières >>, R.F.F.P., 1987, n°18, p.156.

8 Henri LEVY-BRUHL, << La preuve judiciaire >>, Paris, Edition Marcel Rivière et Cie. 1965, p. 15.

de l'expression : charge de la preuve >>1. En réalité, le vrai problème de la charge de la preuve est un problème de << risque de la preuve >>. En effet, c'est celui qui aura la charge de la preuve qui supportera le risque de la preuve. Ainsi, si personne ne réussit à produire des preuves suffisantes, dans un sens ou dans l'autre, il faudra bien que le juge tranche le litige2. C'est alors que celui des plaideurs à qui incombait la charge de la preuve et qui n'a pu y satisfaire, perdra son procès. Tel est le véritable sens de la charge de la preuve3. Du coup, la détermination de la partie qui supporte la charge de la preuve n'est pas une simple question théorique. L'intérêt pratique de la question est considérable.

Ainsi présentée et transposée en droit fiscal, la question de la charge de la preuve est l'un des aspects les plus déterminants des litiges opposant l'administration au contribuable. L'attribution de la charge de la preuve joue un << rôle décisif >> car << bien souvent, le succès ou l'échec d'une contestation fiscale tient exclusivement au fait que c'est à l'administration ou au contraire au contribuable d'apporter la preuve de ce qu'ils avancent respectivement >>4.

La question de la charge de la preuve en droit fiscal est tellement importante qu'en droit français le conseil constitutionnel décide que les règles de dévolution de la charge de la preuve relèvent du domaine législatif. Le conseil constitutionnel français a posé le principe selon lequel : << la détermination de la charge de la preuve affecte les droits et obligations des contribuables et met ainsi en cause les règles relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions, que par suite elles sont du domaine de la loi >>5. En droit tunisien, le tribunal administratif a considéré que les dispositions régissant la charge de la preuve constituent des règles de fond6, car elles touchent le << fond du droit >>7.

1 Gilles GOUBEAUX, << Le droit à la preuve >>, in << La preuve en droit >>, Etudes publiées par Ch. PERELMAN ET P. FORIERS, Etablissements Emile Bruylant, Bruxelles 1981, p. 285.

2 Le juge devra trancher le litige sous peine de déni de justice. Article 108 code pénal.

3 Gilles GOUBEAUX, << Le droit à la preuve >>, in << La preuve en droit >>, Etudes publiées par Ch. PERELMAN ET P. FORIERS, Etablissements Emile Bruylant, Bruxelles 1981, p. 278.

Sur la question de corrélation entre charge de la preuve et risque de la preuve, voir :

- François BOULANGER, << Réflexions sur le problème de la charge de la preuve >>, Rev. trim. dr. civ. 1966, p. 736.

- Raymond LEGEAIS, << Les règles de preuve en droit civil : permanences et transformations >>, thèse Poitiers 1954, éd. L.G.D.J. 1955, p. 101 et s. et 169.

- J. GHESTIN et G. GOUBEAUX, << Traité de droit civil, Introduction générale>>, 4ème édition avec le concours de Mureil FABRE-MAGNAN, L.G.D.G., Paris, 1995., n°581, p.454

- Mohamed CHARFI, << Introduction à l'étude du droit >>, éd. Cérès, 1997, p.244. << Avoir la charge de la preuve aboutit à supporter le risque de la preuve >>.

4 Conclusions sur l'arrêt du CE, 25 mars 1983, req. n.34, D.F. 1984, n°14, comm. 694.

Sur l'importance de l'attribution de la charge de la preuve en droit fiscal et son lien avec le risque de la preuve, on consultera avec profit :

- Bérangère DALBIES, << La preuve en matière fiscale >>, thèse, université d'Aix Marseille III, 1992, p. 195.

- Sophie LAMBERT-WIBER, << Contribution du droit civil à une approche renouvelée de la charge de la preuve en droit fiscal >>, thèse, université de Rouen 1996, p. 303 et s.

5 Cons. Const. 2 décembre 1980, n°80-1 19 L, R.D.P. 1981, p.623, chronique L.FAVOREU. Voir cette décision en annexe n°2 de ce mémoire.

Voir aussi Daniel RICHER, << Les droits du contribuable dans le contentieux fiscal >>, LGDJ 1997, p. 293.

6 Et ce par opposition aux règles de procédure. La distinction entre les deux types de règles présente un intérêt surtout au niveau de l'application dans le temps en cas de conflit de lois. Selon la nature de la règle de fond ou de procédure, les solutions diffèrent.

7 Arrêt du T.A., 27 mars 2001, req. n°3 1615 (inédit). Voir annexe n°2 de ce mémoire.

Dans cet arrêt, le T.A., face à un problème de conflits de lois dans le temps, a pris soin de préciser que les dispositions de l'article 67 du C.I.R. ( qui dans son §5 règle la question de la charge de la preuve) sont des règles de fond.

La charge de la preuve se distingue de « l'administration de la preuve>> qui est « la façon dont la partie à qui incombe la charge de la preuve, apporte cette preuve >>1. Il faut préciser que l'administration de la preuve recouvre les deux questions de l'objet et des moyens de la preuve.

Il convient de signaler que la preuve n'est pas toujours facile à administrer. Elle constitue une difficulté à vaincre, un obstacle à surmonter2. La preuve est une réalité fuyante qui échappe souvent au plaideur, fût-il de bonne foi. La terminologie juridique est d'ailleurs particulièrement symptomatique à cet égard. Ne parle-t-on pas de « fardeau de la preuve >> ? 3. D'ailleurs, « il est classique de traiter la preuve comme une charge >>4. Les difficultés de la preuve reposant sur les parties, il est particulièrement intéressant de savoir si la charge qui en résulte se trouve également répartie entre elles ou bien si, au contraire, l'une seulement en supporte la plus grande part5, voire la supporte intégralement. Cette question se pose avec plus d'acuité en droit fiscal. Mais, que faut-il entendre par le terme droit fiscal ?

(i) Le droit fiscal, rarement défini par la doctrine6, est défini par Louis TROTABAS comme étant « la branche du droit qui règle les droits du fisc et leurs prérogatives d'exercice >>7. C'est du point de vue de cette définition, « traduisant la réalité de la discipline aujourd'hui >>8 , que l'étude de la preuve en droit fiscal va être tentée. Il s'agit d'étudier la question de la preuve dans cette branche du droit qui règle les droits du fisc et leurs prérogatives d'exercice.

Certes, il serait difficile dans le cadre d'un mémoire d'envisager tous les aspects de la preuve en droit fiscal. L'objet de la présente recherche se limitera à l'étude de la preuve dans les litiges relatifs à l'assiette de l'impôt et plus particulièrement ceux relatifs à la taxation d'office9.

A- L'enjeu de la preuve en droit fiscal

L'attention qui se porte sur la preuve en droit fiscal est pleinement justifiée par l'importance des intérêts en jeu10 et par la spécificité du droit fiscal. Le droit fiscal est un droit exorbitant du droit commun11 et « à maints égards, les règles de preuve se présentent, en droit fiscal, sous un jour

particulier >>12.

1 C. David, O. FOUQUET, M-A LATOURNERIE, B. PLANET, << Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale >>, préface de M.Long et G. Vedel, thème 47 << La charge de la preuve >>, p.487.

2 Pierre PACTET, << Essai d'une théorie de la preuve devant la juridiction administrative >>, thèse, Paris 1952, p. 4.

3 M.-C. BERGERES : << Quelques aspects du fardeau de la preuve en droit fiscal >>, Gaz. Pal. 1983/1, p.14.

4 Gilles GOUBEAUX, << Le droit à la preuve >>, in << La preuve en droit >>, Etudes publiées par Ch. PERELMAN ET P. FORIERS, Etablissements Emile BRUYLANT, Bruxelles 1981, p. 277.

5 Pierre PACTET, << Essai d'une théorie de la preuve devant la juridiction administrative >>, thèse, Paris 1952, p.52.

6 Le professeur Néji BACCOUCHE précise que << Le droit fiscal est très rarement défini par la doctrine. Dans l'introduction des ouvrages et manuels, on se préoccupe plus de la définition de l'impôt que de celle du droit fiscal. Parmi les rares définitions doctrinales, celle du doyen TROTABAS, grand défenseur de l'autonomie du droit fiscal >>. Néji BACCOUCHE, << Constitution et droit fiscal >>, in << Constitution et droit interne >>, Recueil des cours présentés à l'Académie Internationale de droit Constitutionnel, volume 9, C.E.R.E.S., Tunis 2001, p.32.

7 LOUIS TROTABAS, << Essai sur le droit fiscal >>, R.S.F. 1928, p.201.

8 Néji BACCOUCHE, article précité, p. 32.

9 Ne feront pas l'objet de notre étude le contentieux de la restitution, le contentieux du recouvrement, le contentieux fiscal pénal.

10 L'enjeu financier est considérable aussi bien pour le fisc que pour le contribuable.

11 Le juge tunisien a eu l'occasion d'affirmer ce caractère exorbitant du droit fiscal qui découle de son rattachement au budget de l'Etat. Tribunal administratif, cassation n°145- arrêt du 11 mars 1982. Voir, K.FENDRI, M.KESSENTINI, S.KRAIEM, << Autonomie et dépendance entre le droit fiscal et le nouveau droit comptable >>, R.C.F., n°40, 2000,p.79.

12 Th. AFSCHRIFT, << Traité de la preuve en droit fiscal >>, Larcier 1998, p.5.

En premier lieu, si la question de la preuve ne se présente en principe que devant le juge, ce qui caractérise toutefois le droit fiscal, par rapport aux autres branches du droit1, c'est que le débat probatoire s'instaure entre le contribuable et le fisc avant même la saisine du juge. « Le problème de la preuve se pose dès la déclaration du contribuable, qui fait foi jusqu'à preuve contraire >>2 . A cet égard, la doctrine française n'a pas manqué à signaler que « la déclaration est la source d'une théorie autonome de la preuve en droit fiscal >>3. Ainsi, le régime juridique de la preuve est largement conditionné par des éléments propres au droit fiscal4.

En second lieu, en droit fiscal, la question de la preuve prend une allure particulière et une intensité spécialement aiguë dans la mesure où sont en cause les relations entre l'administration fiscale et les contribuables. Or, le propre des litiges opposant l'administration aux particuliers est « la situation

fondamentalement inégalitaire >>5 entre les deux parties. L'inégalité des parties, découlant des prérogatives de puissance publique dont dispose l'administration, n'est pas sans incidence sur les

règles de preuve6. La doctrine a pu affirmer que « les prérogatives exceptionnelles de la puissance publique paraissent contraires à une conception saine de la preuve ou, tout au moins, confèrent à la

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand