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La preuve en droit fiscal

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par KAMOUN Fériel
Université de Sfax-Tunisie -  2003
  

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B- Les présomptions légales irréfragables et la suppression la preuve

Les présomptions légales irréfragables sont dangereuses car elles ne laissent pas une chance à la preuve contraire. « Particulièrement la source des fictions se trouve dans les présomptions irréfragables, praesumptiones iuris et de iure, car elles ne peuvent être écartées, elles formulent donc des assertions dont la fausseté n'est pas démontrable par une référence à la réalité >>5.

- L'article 48 III dispose que : << En outre, sont admis en déduction pour la détermination du bénéfice imposable les revenus distribués au sens des dispositions de l'alinéa `a' du paragraphe II de l'article 29, du paragraphe 3 de l'article 30 à l'exclusion des jetons de présence et de l'article 31 du présent code >>.

1 Salma ABID, << L'imposition des revenus de valeurs et capitaux mobiliers >>, mémoire précité, p. 33. Elle ajoute << A cause d'un curieux mimétisme, le législateur tunisien a crée un paradoxe au sein du régime fiscal des revenus de valeurs mobilières >>, p.32.

2 Voir annexe n°3 de ce mémoire.

3 Salma ABID, << L'imposition des revenus de valeurs et capitaux mobiliers >>, mémoire précité, p. 37.

4 Il faut noter que la position de l'administration n'est pas en parfaite harmonie avec le texte, d'autant plus qu'on peut constater que le législateur tunisien a banni le terme << dividende >> dans les articles et suivants. En effet, l'administration opère la distinction entre distributions régulières de dividendes et distributions déguisées de bénéfices sociaux quant à la détermination du champ d'application de l'exonération. En revanche, la loi fiscale ne contient pas une telle distinction. L'article 38-10 et l'article 48-III du C.I.R. visent les distributions de l'article 29-II-a sans aucune distinction entre distributions régulières et distributions irrégulières.

Pour pallier l'absence d'harmonie qui existe entre le texte législatif et son interprétation administrative, une refonte des dispositions définissant le régime fiscal des revenus de valeurs mobilières s'impose. Le législateur tunisien peut éventuellement limiter l'exonération aux seules distributions régulières de dividendes. Les autres formes déguisées de distribution de bénéfices telles que définies par les articles 29-II-a et 29-III du C.I.R., devraient en principe, être écartées du bénéfice de l'exonération.

Salma ABID, mémoire précité, p. 38.

5 Jerzy WROBLEWSKI, << Structure et fonctions des présomptions juridiques >>, in Etudes publiées par Ch. PERELMAN et P. FORIERS : << Les présomptions et les fictions en droit >>, Bruxelles 1974, p. 67.

L'exemple de présomptions irréfragables, qui mérite d'être avancé, est la présomption de transfert de bénéfices à l'étranger prévue par l'article 29-II-c du C.I.R. Cet article dispose que : « II. sont à ce titre considérés comme revenus distribués :

c- les bénéfices réalisés en Tunisie par les entreprises visées à l'alinéa 3 du paragraphe I du présent article1 qui sont présumés être distribués au profit des associés non domiciliés en Tunisie ».

Ainsi, les bénéfices réalisés en Tunisie, par les établissements tunisiens de sociétés étrangères sont soumis à une double présomption. La première présomption conduit à supposer que les bénéfices réalisés par ces établissements sont distribués en totalité. La deuxième présomption conduit à supposer que les distributions de bénéfices sont faites au profit de personnes ayant leur domicile réel ou leur siège social hors de Tunisie. Ainsi les bénéfices réalisés en Tunisie sont présumés transférés à l'étranger. Ces bénéfices ne sont pas exonérés que le bénéficiaire soit personne physique (article 38-10 C.I.R. tel que modifié par la loi de finances de l'année 1995 ) ou personne morale (article 48 III). Du coup, la présomption de transfert de bénéfices à l'étranger présente un intérêt du moment où le législateur prévoit l'imposition desdits bénéfices2.

Certes, la présomption de transfert de bénéfices à l'étranger présente l'avantage d'être un moyen particulièrement drastique pour lutter contre l'évasion et la fraude fiscale. Néanmoins, le caractère irréfragable de la dite présomption place le contribuable dans une situation périlleuse3, puisqu'il est privé de la possibilité de rapporter la preuve contraire. Il s'agit d'une solution sévère, pénalisante, rigoureuse.

Le caractère dissuasif de cette présomption aurait pu être amoindri, si elle admettait la preuve contraire4. D'ailleurs, en droit fiscal français, cette présomption est simple, ce qui est plus équitable. En effet, l'article 115 quinquies 2 C.G.I. prévoit la possibilité d'une révision de l'imposition dans les deux cas suivants :

· La société justifie que les bénéfices ne sont pas totalement distribués.

· La société justifie que tout ou partie des distributions a bénéficié à des personnes domiciliées ou établies en France.

Les présomptions légales irréfragables avantagent l'administration fiscale en matière de preuve et constituent un danger qui menace les droits des contribuables par leur privation d'un droit fondamental : le droit à la preuve. Refuser au contribuable la preuve contraire d'une présomption équivaut à laisser entrer dans les caisses du trésor une imposition indue, ce qui est contraire au statut constitutionnel de l'impôt5.

Par ailleurs, il convient de préciser qu'en droit fiscal l'opposition présomption simple-présomption irréfragable est largement théorique. En principe, seules les présomptions irréfragables ne souffriraient pas de la preuve contraire. En revanche, les présomptions simples pourraient être combattues. Or, en droit fiscal, le caractère irréfragable de la présomption est certes une notion juridique mais il est surtout un élément de fait6. « Une présomption simple peut se transformer de fait

1 C'est-à-dire par les établissements tunisiens de sociétés étrangères.

2 Il s'agit d'une solution contraire à celle consacrée concernant les bénéfices présumés distribués. Voir supra, p. 97.

3 L'article 29-II-c n'a pas prévue la possibilité de combattre la présomption par la preuve contraire.

4 Salma ABID, mémoire précité, p. 45, 46.

5 F.P. DERUEL, thèse précitée.

6 Maurice-Christian BERGERES, « quelques aspects du fardeau de la preuve en droit fiscal », Gaz.Pal. 1983, n° 1, p.1 50, 151. Cet auteur cite l'exemple de la présomption d'intention spéculative qui est établie à l'article 35 A 1 du code général des impôts. Cette présomption est parfaitement révélatrice de ces distorsions. Le contribuable peut parfaitement combattre la présomption qui est établie mais il doit se battre sur un terrain subjectif et rétablir une intention passée qui a été démentie par les évènements postérieurs. Comme l'a souligné Daniel RICHER, cet article a été abrogé par la loi n°82-1 126 du 29 décembre 1982.

en présomption irréfragable devant l'impossibilité concrète de la combattre >>1. Il va sans dire que cette donnée accroît le déséquilibre entre l'administration fiscale et le contribuable en matière de preuve. « La multiplication des présomptions qui ne souffrent pratiquement pas la preuve contraire hypothèque le succès d'une instance devant le juge de l'impôt. N'est-ce pas très largement encourager un contentieux stérile et frustratoire ? >>2.

On ne saurait, enfin, passer sous silence un des exemples les plus flagrants des présomptions légales, il s'agit de la présomption de fraude instituée par l'article 8 du C.D.P.F. qui dispose que les agents de l'administration « sont habilités, en cas d'existence de présomption d'exercice d'une activité soumise à l'impôt et non déclarée ou de manoeuvres de fraude fiscale, à procéder, conformément aux dispositions du code de procédure pénale, à des visites et perquisitions dans les locaux soupçonnés en vue de constater les infractions commises et de recueillir les éléments de preuve y afférents.

Les agents de l'administration fiscale peuvent procéder à la saisie de tous documents ou objets prouvant l'exercice d'une activité soumise à l'impôt et non déclarée ou présumant une infraction fiscale >>. Cette présomption légale de fraude est contraire à la constitution qui consacre dans son article 12 la présomption d'innocence3. Comme on l'a déjà évoqué, abolir la présomption d'innocence ou la présomption de non-revenu, pour instituer exactement la présomption inverse... c'est vraiment aller trop loin4.

Au total, si les présomptions légales constituent un moyen efficace de lutte contre la fraude, « l'efficacité est même parfois excessive car la présomption est nécessairement aveugle. Elle enferme dans ses rets tous les contribuables qu'ils soient de bonne ou de mauvaise foi >>5. Elle paralyse le plus souvent les contribuables et plus particulièrement les contribuables de bonne foi6.

Les présomptions légales permettent à l'administration fiscale de réclamer l'impôt en étant dispensée de prouver qu'il est réellement dû. Du coup, le contribuable court le risque de devoir payer l'impôt non parce que cet impôt est dû, mais parce qu'il n'arrive pas à prouver qu'il ne l'est pas7.

Vu leur gravité, « les présomptions légales, exceptions à la règle générale qui confère à l'Etat la charge de la preuve, doivent être interprétées aussi respectivement que possible >>8.

1 Dalbies BERANGERE, << La preuve en matière fiscale >>, thèse précitée, p. .317. Voir dans le même sens Joël MOLINIER, << La preuve en droit fiscal français >>, revue juridique et politique 1985, 1-2, p.140, 141.

2 Maurice-Christian BERGERES, << quelques aspects du fardeau de la preuve en droit fiscal >>, article précité, p. 154.

3 Cet article dispose que : << Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à l'établissement de sa culpabilité à la suite d'une procédure lui offrant les garanties indispensables à sa défense >>.

4 Jean Foyer, Rapport final de synthèse in << La taxation d'office à l'impôt sur le revenu >>, op. Cit., p.160.

5 Maurice-Christian BERGERES, << quelques aspects du fardeau de la preuve en droit fiscal >>, article précité, p.150, 151.

6 Maurice-Christian BERGERES, ibid, p. 153.

7 Marc BALTUS: << Morale fiscale et renversement du fardeau de la preuve >>, article précité, p. 130.

8 F.P. DERUEL, << La preuve en matière fiscale >>, thèse précitée, p. 368.

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