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La preuve en droit fiscal

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par KAMOUN Fériel
Université de Sfax-Tunisie -  2003
  

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L'opposabilité de la déclaration au contribuable

<s La déclaration engage le contribuable >>1. Les termes de la déclaration sont tenus pour vrais contre celui-ci2. A cet égard, la déclaration constitue pour le fisc une véritable preuve qui peut être opposée au contribuable. Ainsi, la sous-évaluation d'un immeuble acquis peut se retourner contre l'acquéreur en cas d'expropriation pour cause d'utilité publique3.

L'attribution à la déclaration d'une force probante contre son auteur peut, à notre sens, être une justification supplémentaire de la présomption d'exactitude de la déclaration. Etant donné que le fisc peut opposer la déclaration au contribuable lui-même, cela présuppose qu'elle est présumée exacte. Donc, la déclaration fait foi contre le contribuable, mais aussi elle fait foi pour le contribuable. <s Le rejet de la présomption d'exactitude attachée à la déclaration transforme celle-ci en un simple renseignement...l'économie du régime de la déclaration contrôlée s'écarte sensiblement de ce cadre explicatif >>4.

2) La présomption de bonne foi

La bonne foi est un principe général qui s'applique en droit fiscal5. Selon l'article 558 du C.O.C. <s la bonne foi se présume toujours, tant que le contraire n'est pas prouvé >>6. <s Les contribuables, dont la bonne foi est présumée, souscrivent des déclarations réputées sincères et complètes >>7.

1 F-P DERUEL, << La preuve en matière fiscale >>, thèse précitée, p.219.

2 Il convient de préciser que la déclaration faite par un contribuable, qui peut la rectifier jusqu'à l'expiration du délai de déclaration, lui devient opposable à compter de cette date. S'il entend être imposé sur des bases différentes de celles qu'il a déclarées, il peut le demander par voie de réclamation contre les impôts établis sur le fondement de sa déclaration, mais il supporte alors la charge de démontrer que les bases déclarées sont erronées. C.E. 27 novembre 1931, req. 6619. ; C.E. 26 mars 1953, req. 96650.

A l'inverse, si l'administration entend rectifier les bases déclarées, elle supporte la charge de démontrer, au moins initialement, que la déclaration est inexacte, C.E. 21 novembre 1960. Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale, p.442.

Dans le même sens, Jean-Pierre KASZEWICZ précise que << la déclaration étant présumée sincère, le fisc pourra l'opposer au contribuable lui-même. Si l'imposition a été établie sur une base conforme par exemple aux revenus déclarés par le contribuable, c'est à lui de faire la preuve de l'exagération desdites bases. (CE., 10-04-1970). C'est-à-dire la preuve que les revenus dont il disposait effectivement étaient inférieurs à ceux qu'il avait déclarés cette année. >>, Jean-Pierre KASZEWICZ, << Nouveaux aperçus sur l'autonomie du droit fiscal >>, Thèse 1974, université de Picardie, p.253.

3 N. BACCOUCHE, << Droit fiscal >>, E.N.A. 1993, p.145.

4 M-C BERGERES, << Le principe des droits de la défense en droit fiscal >>, thèse précitée, p.51.

5 On consultera avec profit, Emmanuel KORNPROBST, << La notion de bonne foi , application au droit fiscal français >>, thèse, L.G.D.J., 1980, 3éme partie, p.267, intitulée << La bonne foi-loyauté du contribuable dans ses relations avec l'administration >>.

6 Voir aussi Article 2268 code civil français : « La bonne foi est toujours présumée ».

Selon Mustapha SAKHRI, le fondement de la présomption d'exactitude de la déclaration réside dans l'article 559 du C.O.C. selon lequel : << Tout rapport de droit est présumé valable et conforme à la loi, jusqu'à preuve du contraire >>. Voir son ouvrage en arabe p. 1068.

.2001

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Article 560 C.O.C : << En principe, chacun est présumé libre de toute obligation jusqu'à preuve du contraire >>.

7 H. AYADI, << Droit fiscal, Taxe sur la Valeur Ajoutée, Droits de consommation et contentieux fiscal >>, C.E.R.P., Tunis, 1996, p.173. Dans le même sens, B. DALBIES, << La preuve en matière fiscale >>, Aix- Marseille, thèse 1992, p. 14. << Lorsque le contribuable remplit ses déclarations, il est présumé être de bonne foi et sa déclaration est donc présumée exacte >>.

4) La présomption d'innocence

L'article 12 de la constitution tunisienne dispose : << Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à l'établissement de sa culpabilité à la suite d'une procédure lui offrant les garanties indispensables à sa défense >>. Cet article qui concerne plus particulièrement la matière pénale, trouve pleinement sa place dans le domaine fiscal car le contribuable qui fait l'objet d'une procédure de contrôle est considéré comme fraudeur, donc coupable par l'administration avant même que n'aboutisse la procédure1.

La transposition de la présomption d'innocence en doit fiscal se justifie par le caractère contraignant de ce droit. << En matière répressive c'est à l'accusation de supporter la charge de la preuve de la culpabilité et non à la personne poursuivie de faire la preuve de sa bonne foi, donc de son innocence, et ceci à notre sens dans toute procédure contraignante, qu'elle soit pénale ou administrative >>2ou fiscale.

<< Il ne serait pas abusif que la présomption d'innocence qui est un principe constitutionnel fondamental de la procédure pénale et qui est même inscrit dans la déclaration des droits de l'homme de 1789, soit transposée en matière fiscale. Lorsque la loi fiscale établit une présomption de fraude, elle renverse complètement la présomption d'innocence ; c'est une entorse considérable au principe fondamental de la matière... Abolir la présomption d'innocence ou la présomption de non-revenu, pour instituer exactement la présomption inverse... c'est vraiment aller trop loin >>3.

Partant de ces prémisses, l'on est en droit de s'interroger sur la situation du contribuable contrôlé, en droit tunisien. Est-il présumé innocent et de bonne foi ?

Il est regrettable de relever que le pouvoir de contrôle reconnu à l'administration fiscale ne tient pas compte de la présomption d'innocence et celle de bonne foi. En effet, << devant les difficultés de pouvoir reconstituer la réalité du revenu imposable plusieurs années après, les agents vérificateurs inclinent souvent à poser en principe que leurs interlocuteurs sont des fraudeurs >> 4. Le contribuable, étant a priori regardé comme un fraudeur, peut être amené par là-même à se comporter en tant que tel, l'innocence risquant de lui être préjudiciable5.

Il convient d'avoir présent à l'esprit que le contribuable devrait être considéré et réputé comme un contribuable honnête. Ce n'est que lorsque sa situation fiscale est << mûrement examinée >> et que son intention d'éluder l'impôt est établie, qu'il doit être traité comme un fraudeur6. Or, par son mutisme sur la présomption d'exactitude de la déclaration et son corollaire l'attribution de la charge de la preuve à l'administration fiscale, le législateur a ouvert le champ à l'arbitraire du fisc. On se demande alors s'il n'y a pas eu passage d'une présomption d'exactitude de la déclaration à une présomption d'inexactitude ?

Selon le professeur Néji BACCOUCHE, << aujourd'hui, l'environnement fiscal favorable suppose... une administration soumise au droit et particulièrement soucieuse des droits du contribuable qui doit être considéré, notamment lors du contrôle fiscal, comme un partenaire et non comme un " fraudeur présumé " >>7. Ainsi, il est indispensable que la loi intervienne pour consacrer expressément, à l'instar

1 Neila CHAABANE, << Les garanties du contribuable devant le juge fiscal >>, in actes de colloque sur le contentieux fiscal, faculté des sciences juridiques de Tunis, le 21 et 22 avril 1995, p.3.

2 Thierry S. RENOUX, << La réforme de la justice en France : le juge et la démocratie >>, Gaz. Pal.- recueil janvier- février 2000, doctrine p.1 89.

3 Jean FOYER, Rapport final de synthèse in << La taxation d'office à l'impôt sur le revenu >>, ( actes des journées d'études organisées par la société française de droit fiscal à Strasbourg 3 et 4 mai 1979), Annales de la faculté de Droit et des Sciences Politiques et de l'institut de recherches juridiques, politiques et sociales de Strasbourg, Tome XXXI, L.G.D.J. 1980, p.160.

4 H. AYADI, << Droit fiscal >>, C.E.R.P., Tunis, 1989, p. 265.

5 P. BELTRAME, << La résistance à l'impôt et le droit fiscal >>, R.F.F.P. n°5, 1984, p.29.

6 Jamel AJROUD, mémoire précité, p.2.

7 Néji BACCOUCHE, << L'environnement fiscal de l'entreprise à l'heure de l'internationalisation de l'économie : Le cas tunisien >>, in journées de l'entreprise 9 et 10 novembre 2001, Port El Kantaoui, édition préliminaire p.90.

du droit comparé, la présomption d'exactitude de la déclaration et son corollaire le principe d'attribution de la charge de la preuve à l'administration fiscale. En effet, « aujourd'hui, la grande question en matière de fiscalité n'est plus de savoir si un gouvernement fait mieux ou moins bien que ses prédécesseurs : la question est de savoir s'il fait mieux que ses voisins et concurrents >>1.

Le moment est venu de rétablir un équilibre qui, de toute évidence, a été rompu. Comme l'énonce André BARILARI dans un ouvrage consacré au consentement à l'impôt, ce consentement doit, de nos jours, être accru d'une nouvelle dimension, celle du consentement au contrôle2. Le consentement au contrôle passe, inévitablement, par une consécration et un renforcement de la présomption d'exactitude de la déclaration, qui joue un rôle important dans l'attribution de la charge de la preuve à l'administration fiscale.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote