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Contribution du Patrimoine Culturel au Développement du Système Educatif de la République du Congo : Enseignement des Arts et de l'Artisanat au Musée

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par Samuel Kidiba
Université internationale de Langue Française au Service du Développement Africain à Alexandrie d'Egypte - Etudes Professionnelles Approfondies 1997
  

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2. La conception de l'art africain en Occident

« L'art nègre? Connais pas! » a dit Pablo Picasso en 1920. En effet, peut-on parler d'un art africain? Ou bien, existe-t-il un art du continent noir? Cette question, vieille de plusieurs décennies, a fait l'objet de débats dans les salons d'Art, dans les milieux intellectuels en Europe depuis presque un siècle. C'est le débat entre « esthètes » et « ethnologues ».

En effet, les oeuvres du continent africain étaient reléguées au second rang, en les qualifiant de grossières ou de magiques. En 1898, la Grande Encyclopédie affirmait que «  Chez les Nègres qui paraissent pourtant, comme toutes les races de l'Afrique centrale et méridionale, fort arriérés pour ce qui est affaire d'Art, on trouve des idoles représentant des hommes et reproduisant avec une grotesque fidélité les caractères de la race nègre »9(*). Cette attitude, des académistes eurocentristes, s'explique pour une raison qui est double : le manque de documents écrits qui pouvaient permettre une étude, en est la première, la deuxième trouve son fondement dans l'esclavage et la colonisation. Ces moments de l'histoire ont vite fait pour considérer les Noirs comme des sous-hommes. Au point où, Jean Laude pense qu'« une idéologie orienta l'image que se fit l'Europe des civilisations africaines : elle plongeait ses racines dans des mythes qui s'étaient élaborés au Moyen Age et qui voyaient dans le Continent Noir le Royaume des Idolâtres, le Royaume oublié de Dieu. L'Afrique, c'était bien, en effet, un monde à convertir, d'autant plus qu'on y avait depuis toujours situé le mystérieux royaume chrétien du Prêtre Jean, dont on recherchait l'alliance pour combattre les Infidèles et que les Portugais croiront découvrir, au début du XVIè siècle, en Ethiopie »10(*).

C'est donc dire que l'histoire (l'esclavage et le colonialisme) a eu des retentissements graves sur le regard que l'Europe aura des civilisations de l'Afrique. Tout le destin, de ces civilisations et de ces arts, devrait ainsi subir une terrifiante influence.

Par la suite, les européens jugeront le progrès de tout peuple suivant une voie unique et continue. En ce sens, le niveau de civilisation était déterminé par les progrès techniques du peuple auquel cette civilisation appartient. La culture européenne est la culture par excellence. Les civilisations n'appartenant pas à l'Europe suivent une classification dont leur niveau de technicité est le déterminant principal. En conséquence, l'infériorité technique d'un peuple impliquait son infériorité artistique.

La peinture est conçue comme le premier des arts, et les Nègres qui, eux, ne se limitent qu'à la sculpture sont, par ricochet, des artistes inférieurs. En 1846, Charles Baudelaire écrit que : « la sculpture est un art des Caraïbes »11(*). L'année précédente, le muséographe Jomard affirmait que : « La peinture est l'art des peuples déjà avancés en civilisation »12(*). Ces propos, il faut le dire, ont manqué d'analyse assez profonde, car la Grèce antique a dû son prestige à sa sculpture plutôt qu'à sa peinture qu'on ne connaît pas. Nous les reprenons dans notre travail pour expliquer toutes les considérations dont l'art africain a été l'objet tout au long de l'histoire.

C'est pourquoi d'ailleurs, des voix s'élevèrent contre le déterminisme mécaniste, c'est le cas de R. Andree, d'A. Riegl et de J. Lange. En 1885, R. Andree écrivait que : « Les peuples situés à un degré inférieur de culture peuvent avoir atteint un degré relativement élevé dans le domaine de l'art, [...] il n'apparaît pas toujours comme l'état le plus haut dans l'évolution d'un peuple»13(*). A partir de 1840, il y a une affluence matérielle en Europe qui vient enrichir les différents groupes qui ont vu le jour avec les anciens cabinets de curiosité. Les européens vont s'intéresser à l'art des sauvages. A. Bastian déclarait : « Avant tout, achetons en masse, pour les sauver de la destruction, les produits de la civilisation des sauvages et accumulons-les dans nos Musées »14(*). Ainsi, les oeuvres furent rassemblées pour faciliter leur étude, leur connaissance par tout le monde qui pouvait avoir affaire en Afrique. Ce fut le début d'une prédilection très manifeste aux description et observation qui sont faites de l'art nègre.

C'est pour cette raison, qu'à partir de 1906, des peintres furent attirés par cet art. Les expressionnistes allemands (du groupe Die Brück ) et bien d'autres peintres eurent un autre regard de la sculpture africaine, et ne la considèrent plus comme primitive. Avant 1914, les oeuvres nègres se côtoient avec des peintures modernes dans toutes les collections : On trouvait, dans la collection Stchoukhine, quelques bronzes du Bénin. En France, Paul Guillaume, Frank Havilland, Félix Fénéon, André Level détenaient de belles pièces. On vit une euphorie de l'art nègre : le jazz, les ballets nègres, Joséphine Baker15(*), etc. sont des événements parmi d'autres qui finissent par faire changer progressivement la conscience publique. Et en 1931, l'Exposition coloniale de Vincennes, à Paris, éleva cette négrophilie, disait-on alors. La conséquence immédiate en fut sans doute, le vote à l'Assemblée Nationale Française, des crédits qui vont financer la Mission Dakar-Djibouti (1931-1933)16(*).

Au regard de tout ce qui précède, on peut dire que le débat sur l'art africain est dépassé, à tout point de vue. L'art nègre a été l'objet d'admiration, de peintres, artistes et autres à travers le monde. Et Léopold Sédar Senghor de dire : « Je me rappelle encore Pablo Picasso me conduisant amicalement à la porte, comme je prenais congé de lui, et me disant, les yeux dans les yeux : « Il nous faut rester des sauvages ». Et moi de répondre : « Il nous faut rester des nègres ». Et il éclate de rire. C'est que nous nous étions compris. En effet, les artistes de Paris l'ont reconnu, le Cubisme ou l'école de Paris s'est inspiré, avant tout, de l'art négro-africain. Ce n'est pas par hasard si cette école d'Art s'est développée à Paris en même temps que le surréalisme »17(*). Dans le même sens, Etienne Féau et Hélène Joubert affirment que : « L'art africain ne s'arrête pas à une date fixée arbitrairement au début ou à la fin de l'ère coloniale, il reste toujours bien vivant : en brousse, certains secteurs sont restés aux expressions traditionnelles même si celles-ci ont tendance à perdre leur caractère religieux pour devenir profanes. En ville, de nouvelles expressions se multiplient dans des domaines aussi variés que la peinture, la sculpture, la photographie, la musique ou même la mode »18(*).

Cependant, le débat sur l'art africain a refait surface depuis le lancement de l'idée d'exposer, temporairement, au Musée du Louvre, quelques oeuvres appartenant aux Arts Premiers. Une idée qui est chère au Président de la République française, M. Jacques Chirac. Nous y reviendrons plus longuement dans les lignes qui suivent.

En réalité, cette question est toujours d'actualité, au regard de la présence, très remarquée, du patrimoine africain dans plusieurs musées dans le monde.

* 9 La Grande Encyclopédie cité par Feau E. et Joubert H. in : L'art africain , 1996, Editions Scala, Paris, p. 8.

* 10Laude J. Les arts de l'Afrique noire, 1988, Sté Nle des Editions du Chêne, p. 8.

* 11 Baudelaire Ch. cité par Laude J. op. cit. p 16.

* 12 Jomard cité par Laude J. op. cit. ibid.

* 13 Andree R. cité par Laude J. op. cit. p. p. 16-17.

* 14 Bastian A. cité par Laude J. op. cit. ibid .

* 15 Joséphine Baker, artiste de music-hall française d'origine américaine ( Saint Louis 1906 Paris 1975). Elle fut découverte en 1925 à Paris, elle connut la renommée comme chanteuse, danseuse, actrice de cinéma et animatrice de revues.

* 16 Mission Dakar - Djibouti fut ethnographique et linguistique. Une loi, du 31 mars 1931 du Parlement français, votée à l'unanimité, porta sa création. Elle se fixa pour objectif des enquêtes de terrain ( en Afrique) de l'ethnologie française, en même temps qu'elle clôt celles des grandes Nations colonisatrices d'Europe occidentale avant la Première Guerre Mondiale. Parmi les membres de la Mission, on peut citer, entre autres, Marcel Griaule et Michel Leiris.

* 17 Sédar Senghor L. Ce que je crois, 1988, Editions Grasset , Paris, p. 222.

* 18 Féau E. et Joubert H., op. cit., p. 21.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore