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Le Roman français et l' Avenir de la littérature francophone, face au Manifeste pour une littérature Monde

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par Mame Diarra DIOP
Université Paris IV La Sorbonne - Master 1 de Lettres Modernes Appliquées 2007
  

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B Francophonie et littérature 

Les deux sont liées et évoluent ensemble d'un point de vue historique. Progressivement, les termes « littérature de langue française hors de France » ou «  littérature d'expression française » ont été remplacés par celui de « Littérature francophone ». Ensuite, il a fallu faire une distinction entre écrivains de langue française à l'intérieur de l'hexagone et ceux de langue française, géographiquement éloignés de la France et appelés auteurs francophones. C'est ainsi que le terme de littérature francophone a pris son envol et s'est imposé au fil du temps.

A présent, intéressons-nous à la littérature francophone d'Afrique28(*), même si les écrits du Maghreb et de la Caraïbe, en sont des composantes. Tout commence avec l' Abbé Boilat, au XIXè siècle, écrivain et métis sénégalais. Il fut l'un des premiers à écrire des ouvrages en langue européenne, puis au début du XXè, René Maran, un fonctionnaire colonial d'origine antillaise, publiera Batouala29(*), un roman qui a pour décor l' Oubangui Chari et couronné du Prix Goncourt en 1921. Cet ouvrage suscita la polémique et la désapprobation de la classe intellectuelle française, en donnant une description singulière de l'Afrique qui tranchait avec les récits coloniaux à connotation exotique de l'époque, ceux de missionnaires ou d'administrateurs coloniaux, pétris de l'idée d'une «  mission civilisatrice » de l'Occident sur l'Afrique sauvage et barbare.

Vint ensuite le mouvement de la Négritude, une étape clé dans le développement des Lettres africaines et l'émergence d'intellectuels éminents comme Léopold Sédar Senghor, le martiniquais Aimé Césaire, ou Léon Gontran Damas, puis la fondation de revues de protestation comme L'étudiant noir 1934-1940, La revue du monde noir, dans les années trente. Avec la négritude, il s'agissait : d'une entreprise de réhabilitation des valeurs de l'homme noir, en créant un mythe inverse de celui de la dénégation blanche », écrit Josias Semujanga, dans l'ouvrage  Introduction aux littératures francophones30(*). Avec La Nouvelle Anthologie de la poésie nègre et malgache, publié en 1948 par Senghor et préfacé par Jean Paul Sartre sous le titre Orphée noir, émerge véritablement la littérature africaine d'expression française. L'enfant Noir31(*) du guinéen Camara Laye, reste de nos jours l'un des grands classiques de la littérature africaine, même s'il aura suscité à sa sortie de vives critiques quant à l'image d'une Afrique « paisible, belle, maternelle, conforme à l'image attendue par le petit bourgeois »... Après lui, des écrivains comme Mongo Béti (Le pauvre Christ de Bomba, 1956, Ville Cruelle, 1954), Ferdinand Oyono (Le vieux nègre et la médaille, 1956), Cheikh Hamidou Kane (L'aventure Ambiguë, 1961) tenteront de rompre avec le discours colonial, pour décrire une Afrique vivante, à travers un style d'écriture sobre, un réalisme saisissant et un engagement clairement exprimé. De cette première génération, post-indépendance, deux courants revenaient dans la production littéraire africaine. D'une part, le roman historique : Soundjata ou l'épopée Mandingue32(*) de Djibril Tamsir Niane en 1961 et Le Monde s'effondre de Chinua Achebe en 1958... D'autre part, le roman d'éducation ou initiatique avec Les bouts de bois de Dieu de Ousmane Sembene33(*) en 1960. Dans les années soixante dix, une deuxième génération d'écrivains, comme Sony Labou Tansi (La vie et demi) ont opéré une véritable rupture stylistique, et surtout l'ivoirien Ahmadou Kourouma, auteur du Soleil des Indépendances34(*) et lauréat du Renaudot 2000 avec Allah n'est pas obligé, aux éditions du Seuil. Du français, il a fait une langue vive, imagée, ironique, presque cinématographique pour décrire une Afrique post-coloniale et raconter le fonctionnement des systèmes politiques du continent à partir des années 50. Kourouma traduit ainsi l'univers Malinké en français. De l'avis de beaucoup d'intellectuels, comme Caya Makélé, directeur des éditions Acoria, il est un grand écrivain, dont l'oeuvre s'est véritablement appropriée la langue française, comme on peut le voir à travers cet extrait de Allah n'est pas obligé :

« M'appelle Birahima. J'aurais pu être un gosse comme les autres (dix ou douze ans, ça dépend). Un sale gosse ni meilleur ni pire que tous les sales gosses du monde si j'étais né ailleurs que dans un foutu pays d'Afrique. Mais mon père est mort. Et ma mère, qui marchait sur les fesses, elle est morte aussi. Alors je suis parti à la recherche de ma tante Mahan, ma tutrice. C'est Yacouba qui m'accompagne. Yacouba, le féticheur, le multiplicateur de billets, le bandit boiteux... »

Par ailleurs, le guinéen Tierno Monénembo auteur de Peuls, le sénégalais Boubacar Boris Diop, Le temps de Tamango35(*) ou William Sassine, Mémoire d'une peau36(*), ont été de cette génération d'écrivains qui ont inspiré de nombreux auteurs modernes et tracé une ligne nouvelle dans la littérature d' Afrique. Leurs récits sont politiquement engagés et empruntent à la mémoire, à la tradition et aux travers de l'être humain. Dans les années 80, les femmes entrent en littérature : Aminata Sow Fall, grande figure des lettres sénégalaises publie en 1979, La grève des Battù, qui deviendra un immense succès car traitant d'un fait de société : en effet, les mendiants de la capitale dakaroise décident de se mettre un jour en grève au grand dam des citoyens qui ne savent plus à quels saint se vouer pour accomplir leurs rites sacrificiels. Puis, Mariama Bâ, avec Une si longue lettre37(*), dépeint la condition de la femme à travers la polygamie et Ken Bugul, dans un style imagé, exploite certains travers de la société africaine ou l'introspection intérieure et les expériences de vie marquantes comme dans Riwan ou le chemin de sable et plus récemment Rue Félix Faure et La pièce d'Or... Toutes ces femmes en tant qu'écrivains ont participé au développement d'un genre romanesque centré sur le récit autobiographique. Cependant, la dernière génération d' écrivains, ceux des années 90 et 2000, auront été les plus qualifiés d'écrivains francophones : il y a notamment le djiboutien Abdourahman Waberi ( Cahier Nomades, Aux Etats-Unis d'Afrique), le somalien Nuruddin Farah (Dons), l'ivoirienne Véronique Tadjo ( L'ombre d'Imana ), la Suisso-gabonaise Bessora ( Petroleum, Cueillez-moi jolis messieurs ), le congolais Alain Mabanckou ( Verre Cassé, Bleu BlancRouge, Mémoires de Porc-épic ), la burkinabé Monique Ilboudo ( Le mal de peau ), l'algérien Boualem Sansal ( Harraga ) ou le togolais Samy Tchak, ( Le Paradis des Chiots) etc.38(*) Ensemble, ils ont grossi les rangs des auteurs dits francophones. Le salon du Livre 2006 leur a rendu hommage en installant un pavillon d'honneur sous le titre  Francofffonies , une orthographe délibérément choisie, avec de nombreux prix à décerner pour les genres du conte, de la poésie ou du roman. Les organisateurs de cette thématique se doutaient-ils à pareille époque que l'année suivante, la francophonie et le concept de  littérature francophone, se verrait contesté par ces mêmes écrivains, parmi lesquels  la célébrissime Maryse Condé ( Ségou, les Murailles de la Terre I et II ) ou Edouard Glissant ( La Lézarde, 1958 ), l'un des dignes représentants de la littérature francophone des Caraïbes et du concept d' antillanité, une recherche stylistique mélangeant les tournures et expressions créoles avec le français classique. Plus tard, Raphaël Confiant, Patrick Chamoiseau et Jean Bernabé, défendront le concept de créolité en publiant un manifeste -c'était déjà une mode- intitulé Eloge de la Créolité en 1989. Une démarche esthétique visant à produire un langage créole, au sein de la langue française, en la métissant davantage.

Si le concept de francoffonies s'employait lors du salon du livre 2006 à intégrer toutes ces littératures venues d'Afrique, d'outremer ou d'ailleurs, pour d'autres écrivains, notamment du Maghreb, la revendication se situait ailleurs, c'est-à-dire dans l'acceptation de la richesse de leurs langues d'origine, celles là marginalisées par la langue du colon devenue langue officielle d'administration de leurs patries. Mais des figures comme Amin Maalouf ou Assia Djebar ont véritablement conquis les lettres françaises. Le premier a obtenu en 1993 le prix Goncourt pour son roman Le rocher de Tanios et la deuxième est membre de l'Académie Française depuis le 16 juin 2005 aux côtés d' Hélène Carrère d'Encausse... Pour Kateb Yacine : « La francophonie est une machine politique néocoloniale, qui ne fait que perpétuer notre aliénation, mais l'usage de la langue française ne signifie pas qu'on soit l'agent d'une puissance étrangère, et j'écris en français pour dire aux français que je ne suis pas français », une déclaration énoncée en 1966. Ensuite, Kateb Yacine s'est dédié à la traduction de ses textes en berbère. Parmi ses oeuvres les plus appréciées, il y a Nedjma aux éditions du Seuil, 1956 ou encore le Polygone étoilé publié en 1966. Son oeuvre traduit essentiellement la quête d'identité d'un pays aux cultures variées et les aspirations d'un peuple fier...

On a brièvement retracé cette littérature francophone marquée de tournants chronologiques et syntaxiques, on l'a connu dynamique et célébrée par les institutions, on la découvre discutée aujourd'hui par des écrivains d'Afrique, d'Amérique du Nord, du Maghreb, d'Océanie ou même d`Asie qui soutiennent le mouvement de la Nouvelle littérature monde, en rejetant l'idée d'enfermement. D'autres littératures, celles d'Haïti, des Caraïbes ou du Canada s'inscrivent aussi dans le combat, avec leur histoire personnelle et leurs propres ruptures, et des auteurs sont couronnés du prestigieux prix des Cinq continents de la Francophonie.

1 Le prix des Cinq continents de la francophonie 

Créé en 2001 par l'OIF, le prix des cinq continents consacre le roman d'un auteur d'expression française. Doté d'une valeur de dix milles euros, il met en valeur l'expression de la diversité culturelle et éditoriale de la langue française au coeur des cinq continents. L'an dernier, le 8 septembre 2006, il a été décerné à la mauricienne Ananda Devi pour son roman Eve de ses décombres, publié aux éditions Gallimard. Or cette dernière compte parmi les signataires du manifeste pour Une littérature Monde.

Pourquoi Ananda Devi a-t-elle été élue au prix des cinq continents de la francophonie ? Selon le jury, présidé par l'écrivain congolais Henri Lopes et composé de Lise Bissonnette (Canada-Québec), Monique Ilboudo (Burkina Faso), Paula Jacques (France-Égypte), Vénus Khoury-Ghata (Liban), Jean-Marie Gustave Le Clézio (Maurice-France), Andreï Makine (Russie), René de Obaldia (Hong Kong), Leila Sebbar (Algérie), Denis Tillinac (France), Lyonel Trouillot (Haïti) et Alain Mabanckou (Congo), lauréat 2005 pour Verre cassé, on a plébiscité « sa très belle écriture représentative de la diversité des cultures dans l'espace francophone ainsi que pour l'originalité de ses personnages qui vont aux lisières de l'animalité afin de remuer la conscience de ceux qui pensent représenter l'humanité ». Ainsi ce prix s'attache à promouvoir la diversité, un concept très à la mode aujourd'hui. Rama Yade, l'actuelle Secrétaire d'état aux Affaires Etrangères, n'était-elle pas auparavant chargée du volet francophonie et diversité à l' UMP. Il semble que ce prix revête un caractère politique, une vitrine de défense du français dans un monde où l'anglais est de loin la langue dominante, aussi bien dans les affaires que dans la littérature. Par ailleurs, le Booker Prize et le Pulitzer sont autant de prix prestigieux qui récompensent des écrivains de langue anglaise mais qui dans leur dénomination, ne connotent pas d'un combat linguistique et politique.

Avec Eve de ses décombres, Ananda Devi a séduit la francophonie et celle-ci le lui a bien rendu. Evoquant sa chère île Maurice, son roman narre d'une écriture singulière le destin de quatre adolescents ayant commis un crime odieux. Ethnologue de formation et titulaire d'un doctorat en Anthropologie sociale de l'université de Londres, Ananda Devi a aussi publié : Le voile de Draupadi, Moi l'interdite, Soupir, Pagli et La vie de Joséphin le Fou... C'est tout récemment qu'elle est passée à la collection « blanche » de Gallimard grâce à Eve de ses Décombres, alors que ses précédents romans étaient presque tous édités dans la collection Continents Noirs de Gallimard ou chez l' Harmattan et parfois aux éditions Dapper.

Nous allons maintenant parler de ces collections spéciales, qui comptent tant d'auteurs francophones à leur actif avant d'évoquer le manifeste pour une Littérature monde en Français...

* 28 P16, introduction aux littératures francophones, Afrique, Caraïbes, Maghreb. Christiane Ndiaye.

* 29 Batouala, René Maran, Albin Michel, 2001

* 30 Introduction aux littératures francophones, sous la direction de Christiane Ndiaye, Presse de l' Université de Montréal, 2004.

* 31 Voir Bibliographie.

* 32 Soundjata ou l'épopée mandingue, Djibril Tamsir Niane, 1961

* 33 Cinéate, romancier, récemment décédé, auteur de nombreux films ( La noire de..., Moolade, Camp de Thiaroye...)

* 34 Le soleil des Indépendances, Ahmadou Kourouma, Le seuil,1968

* 35 Le temps de Tamango, Boubacar Boris Diop, LHarmattan, 1981

* 36 Mémoire d' une peau, William Sassine, Présence Africaine

* 37 Voir Bibliogaphie

* 38 Voir Bibliographie

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire