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La situation de la femme en Haiti au regard des instruments nationaux et internationaux

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par Jean Marc-Antoine PREDESTIN
Université de Nantes ( CODES) - DUEDH 2006
  

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CHAPITRE III

LES INSTRUMENTS NATIONAUX ET INTERNATIONAUX RELATIFS AUX DROITS DES FEMMES EN HAITI

Ce chapitre repose pour l'essentiel sur le cadre juridique relatif aux droits des femmes en Haiti. D'abord, en se referant à la loi, nous considérons les différentes institutions publiques haïtiennes chargées de protéger les femmes et de faire respecter leurs droits fondamentaux. Ensuite, il convient de faire le tour des principaux instruments nationaux, régionaux et internationaux de protection des femmes et qui sont en vigueur dans le pays.

A- LES INSTITUTIONS PUBLIQUES CHARGÉES DE FAIRE RESPECTER LES DROITS DES FEMMES

Il est de la responsabilité de tous les citoyens de respecter et de travailler à la promotion des droits des femmes, mais la responsabilité première incombe à l'appareil étatique de prendre toutes les mesures afin de respecter et de faire respecter les droits des femmes. Ainsi, dans cette section, notre travail consiste à nous accentuer sur les principales institutions étatiques chargées de protéger et de faire respecter les droits des femmes en Haiti.

1- Les pouvoirs publics dans leur globalité

L'Etat en général est responsable de protéger, d'assurer la promotion, de respecter et de faire respecter les droits des femmes. Il est mentionné clairement dans tous les instruments internationaux que les Etats parties doivent prendre dans tous les domaines, notamment dans les domaines politique, social, économique et culturel, toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour assurer le plein développement et le progrès des femmes, en vue de garantir l'exercice et la jouissance des droits de l'homme et des libertés fondamentales sur la base de l'égalité avec les hommes116(*).

De plus, il faut préciser que l'Etat haïtien a adhéré au programme d'action de Beijing et par conséquent s'est engagé à respecter les principes sur lesquels se fonde ce programme qui se résume ainsi : Egalité des sexes comme base de développement harmonieux des Nations, égalité des droits dans tous les domaines, entre les hommes et les femmes, partage équitable et égal, accès aux ressources pour les hommes et les femmes.

2- Le Ministère à la Condition Féminine et aux Droits de la Femme (MCFDF)

Le Ministère à la Condition féminine et aux droits de la femme a été crée le 8 novembre 1994 à la faveur de l'intensification du mouvement féministe en Haiti et de la conjoncture de la préparation de la IVème conférence mondiale sur les femmes tenue en septembre 1995 à Beijing en Chine. Selon certains observateurs, la création de cette institution constitue l'une des conquêtes les plus significatives de la lutte des femmes en Haiti. De la création du MCFDF jusqu'à ce jour, cette institution gouvernementale a connu des bouleversements de divers ordres, notamment liés aux ignominies de la vie politique. Le bien fondé de ce Ministère a été remis en cause à différentes reprises par les autorités gouvernementales et parlementaires durant la fin des années 1990. Ces responsables étatiques évoquaient pour la fermeture du Ministère des difficultés budgétaires ne permettant pas à l'Etat de supporter une institution spécifique vouée à la prise en compte des rapports sociaux de sexe, et la faiblesse de son bilan institutionnel117(*). Le mouvement des femmes s'est mobilisé, en 1996-1997, pour réclamer le maintien du Ministère et la réalisation effective de sa mission, à travers notamment la définition d'objectifs conformes à la mission et l'octroi des ressources humaines, matérielles et financières nécessaires au bon fonctionnement institutionnel118(*).

Le but du Ministère est de promouvoir et de défendre le droit fondamental des femmes et ce faisant, contribuer à instaurer plus de cohésion sociale. Il s'agit précisément de réglementer un ensemble de situation, de concrétiser les prescrits de la Constitution de 1987 et les réglementations internationales relatives aux droits de la personne. Les orientations proposées pour les textes de loi se base d'une part, sur le principe selon lequel il incombe à l'Etat de garantir la protection des individus en légiférant, en toute équité, et d'autre part, sur les principes du refus de toutes formes de discrimination sexuelle et d'exclusion sociale119(*).

En terme de bilan et réalisation, les remarques sont quasiment les mêmes que celles que nous avons faites pour le mouvement féministe. Les opinions se différent les unes des autres parmi les femmes et les organisations féministes. Si pour certains, le Ministère est un acquis que les femmes doivent conserver afin de mener la lutte pour le respect des droits de toutes les femmes haïtiennes et l'égalité de l'homme et de la femme. Pour d'autres, ce Ministère n'a rien fait de sérieux et que sa raison d'être est inutile, c'est le cas pour 75% des femmes que nous avons questionné lors de notre enquête. Selon la SOFA, le Ministère à la Condition Féminine et aux Droits de la Femme (MCFDF) est affublé d'une mission normative inefficace et peu utile en intervention auprès des femmes victimes de violence. Par cette pratique, le MCFDF transfère ses responsabilités aux organisations de femmes en leur faisant prendre en charge des centaines de victimes de violence « sexospécifique » et ce, sans aucun appui financier du Ministère120(*). Il y aussi le MOFKA121(*) qui pense que de part son manque d'engagement vis-à-vis des besoins sociaux des femmes pauvres de la société, le Ministère participe à la violence à l'égard de ces femmes.

3- La Police Nationale D'Haiti (PNH)

L'article 269 de la Constitution haïtienne du 29 mars 1987 stipule clairement que la Police est créée pour garantir l'ordre public et protéger la vie et les biens des citoyens. Il s'agit en ce sens d'un des aspects du devoir de garantie de l'Etat haïtien établi par cette Constitution: «  l'Etat a l'obligation impérieuse de garantir le droit à la vie, à la santé et au respect de la personne humaine, pour tous les citoyens sans distinction, conformément à la Déclaration universelle des droits de l'homme (Article 19) ». D'un autre côté, la loi du 29 novembre 1994 portant sur la création de la PNH, en son article 7 déclare que : « Les policiers ont pour mission d'assurer la protection et le respect des libertés des personnes, des vies et des biens, de garantir la sûreté des institutions de l'Etat et de "maintenir l'ordre, la paix, la sécurité, la tranquillité et la salubrité publique ». Donc à travers ces responsabilités, la Police nationale d'Haiti détient l'autorité d'intervenir en vue de la protection des femmes contre tous les actes de violence qu'elles auraient subis.

De plus, en tant qu'auxiliaire de la Justice, la Police nationale a pour rôle aussi de rechercher les contraventions, les délits et les crimes commis en vue de la découverte et de l'arrestation de leurs auteurs (article 273 de la constitution de 1987). En ce sens, les auteurs des violences commises contre les femmes, partout où l'action se passe, devraient être poursuivis par la Police dans le souci de protéger ces femmes. La police a le mandat de défendre et de protéger les droits des humains en général, et ceux des femmes en particulier.

4- Autres institutions

Parmi les autres institutions haïtiennes impliquées de prêt dans la protection des droits des femmes figurent l'appareil judiciaire et l'office de protection des citoyens. Les autorités judiciaires en général, les commissaires de Gouvernement, les Juges d'instruction et les juges de paix en particulier, peuvent intervenir pour protéger les femmes contre les abus et les violations de leurs droits.

L'Office de la Protection du Citoyen est créé par la Constitution de 1987 en vue de protéger tout individu, adulte ou enfant, homme ou femme, contre toutes formes d'abus de l'Administration publique. Son intervention en faveur des plaignants se fait sans aucun frais, quelle que soit la juridiction (article 207 de la Constitution). Il est de la responsabilité de l'OPC de recevoir les plaintes des femmes victimes d'exaction, d'actes de violence ou de discrimination de la part d'autorités ou agents de l'Etat.

B- LES INSTRUMENTS REGIONAUX ET INTERNATIONAUX

En plus des instruments juridiques adoptés au niveau national, la République d'Haiti est engagé par un certain nombre d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme en général et des femmes en particulier. Tous ces instruments condamnent directement ou indirectement toutes les formes de violence ou de discrimination à l'égard des femmes haïtiennes. Non seulement ils condamnent ces pratiques abjectes à l'égard des femmes, mais aussi ils établissent des bases pour favoriser aux femmes la jouissance de leurs droits fondamentaux. L'Etat haïtien, en signant et en ratifiant ces instruments prend l'engagement de tout mettre en oeuvre pour respecter et faire respecter les droits des haïtiennes et de travailler à leur développement personnel et à leur épanouissement dans la société.

1- Traités régionaux et internationaux

Selon l'article 276-2 de la Constitution haïtienne de 1987 :  «  les traités, ou accords internationaux, une fois sanctionnés et ratifiés dans les formes prévues par la constitution, font partie de la Législation du pays et abrogent toutes le Lois qui leur sont contraires ». En ce sens, les conventions suivantes ont force de loi en Haiti par le fait qu'elles ont été ratifiées par les autorités parlementaires de la République :

a) La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, en vigueur en Haiti le 20 juillet 1981. Cette convention fait obligation à l'Etat haïtien en tant qu'Etat partie de condamner la discrimination à l'égard des femmes sous toutes ses formes et de convenir de poursuivre par tous les moyens appropriés et sans retard une politique tendant à éliminer la discrimination à l'égard des femmes. Le pays doit s'engager à :

- Inscrire dans leur constitution nationale ou toute autre disposition législative appropriée le principe de l'égalité des hommes et des femmes, si ce n'est déjà fait, et à assurer par voie de législation ou par d'autres moyens appropriés, l'application effective dudit principe;

- Adopter des mesures législatives et d'autres mesures appropriées assorties, y compris des sanctions en cas de besoin, interdisant toute discrimination à l'égard des femmes;

- Instaurer une protection juridictionnelle des droits des femmes sur un pied d'égalité avec les hommes et garantir, par le truchement des tribunaux nationaux compétents et d'autres institutions publiques, la protection effective des femmes contre tout acte discriminatoire;

- s'abstenir de tout acte ou pratique discriminatoire à l'égard des femmes et faire en sorte que les autorités publiques et les institutions publiques se conforment à cette obligation ;

- prendre toutes mesures appropriées pour éliminer la discrimination pratiquée à l'égard des femmes par une personne, une organisation ou une entreprise quelconque;

- prendre toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l'égard des femmes;

- et enfin d'abroger toutes les dispositions pénales qui constituent une discrimination à l'égard des femmes.

b) La Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme, en vigueur en Haiti le 2 juin 1997. Cette convention régionale oblige les Etats parties, dont Haiti particulièrement, à condamner toutes les formes de violence contre la femme et d'adopter par tous les moyens appropriés et sans délais injustifiés, une politique visant à prévenir, à sanctionner et à éliminer la violence. Ils doivent s'engager en outre :

- à ne pas commettre aucun acte de violence et à ne pas pratiquer la violence contre les femmes et à s'assurer que les autorités, les fonctionnaires et les agents et institutions respectent cette obligation;

- à agir avec la diligence voulue pour prévenir la violence contre la femme, mener les enquêtes nécessaires et sanctionner les actes de violence exercés contre elle;

- à incorporer dans leur législation nationale des normes pénales, civiles et administratives ainsi que toute autre norme qui s'avère nécessaire pour prévenir, sanctionner, éliminer la violence contre les femmes, et à arrêter les mesures administratives pertinentes;

- à adopter les dispositions d'ordre juridique pour obliger l'auteur des actes de violence à s'abstenir de harceler, d'intimider et de menacer la femme, de lui nuire ou de mettre sa vie en danger par n'importe quel moyen qui porte atteinte à son intégrité physique ou à ses biens;

- à prendre toutes les mesures appropriées, y compris celles d'ordre législatif, pour modifier ou abroger les lois et règlements en vigueur ou pour modifier les pratiques juridiques ou coutumières qui encouragent la persistance ou la tolérance des actes de violence contre la femme;

- à instituer des procédures juridiques équitables et efficaces à l'intention de la femme qui a été l'objet d'actes de violence, notamment l'adoption de mesures de protection, la réalisation d'instructions opportunes et l'accès effectif à ces procédures;

- à mettre au point les mécanismes judiciaires et administratifs nécessaires pour assurer que la femme sujette à des actes de violence soit effectivement dédommagée, qu'elle reçoive des réparations ou bénéfice d'une compensation par tout autre moyen équitable et efficace;

- à adopter les mesures législatives ou autres qui s'avèrent nécessaires pour donner effet à la présente Convention.

c) Le Pacte International relatif aux droits civils et politiques, en vigueur en Haiti le 6 février 1991. Haiti en tant qu'Etat partie à ce Pacte s'engage à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. Le pays s'engage en outre :

- à garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le présent Pacte auront été violés disposera d'un recours utile, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles;

- à garantir que l'autorité compétente, judiciaire, administrative ou législative, ou toute autre autorité compétente selon la législation de l'Etat, statuera sur les droits de la personne qui forme le recours et développe les possibilités de recours juridictionnel;

- enfin à garantir la bonne suite donnée par les autorités compétentes à tout recours qui aura été reconnu justifié.

d) La Convention Américaine relative aux Droits de l'Homme, en vigueur en Haiti le 27 septembre 1977. Comme toutes les autres conventions des droits de l'Homme, celle-ci concerne les hommes et les femmes, la personne humaine en général est concernée selon l'article premier : « les États parties s'engagent à respecter les droits et libertés reconnus dans la présente Convention et à en garantir le libre et plein exercice à toute personne relevant de leur compétence, sans aucune distinction fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l'origine nationale ou sociale, la situation économique, la naissance ou toute autre condition sociale. »

e) La Convention sur les droits politiques de la femme signée par Haiti le 23 juillet 1957 et ratifiée le 12 juillet 1958122(*); cette Convention accorde aux femmes le droit de vote sans aucune forme de discrimination, l'article premier stipule que : «  les femmes auront, dans des conditions d'égalité avec les hommes, le droit de vote dans toutes les élections, sans aucune discrimination ». Selon l'article II :  « Les femmes seront, dans des conditions d'égalité avec les hommes, éligibles à tous les organismes publiquement élus, constitués en vertu de la législation nationale, sans aucune discrimination ». Et également : « Les femmes auront, dans des conditions d'égalité, le même droit que les hommes d'occuper tous les postes publics et d'exercer toutes les fonctions publiques établis en vertu de la législation nationale, sans aucune discrimination »( Article III).

2- Déclaration Universelle des droits de l'Homme et les Chartes de L'ONU et l'OEA

En plus des traités internationaux, il y a d'autres instruments importants qui engagent les Etats membres de l'Organisation des Nations unies ou de l'Organisation des Etats américains. Par conséquent, Haiti en tant que membres de ces deux organisations est tenue de prendre en compte le contenu de ces instruments de politique internationale. Pour ce qui a trait à la Déclaration universelle des droits de l'Homme, elle a été ratifiée par l'Etat haïtien dans les mêmes formes que les conventions, c'est-à-dire par le Parlement. Parmi les principaux instruments régionaux et internationaux, nous distinguons :

a) La Déclaration Universelle des droits de l'Homme du 10 décembre 1948

La Déclaration Universelle des droits de l'homme est le principal instrument garantissant les droits universelles de tous les êtres humains : « La Présente Déclaration Universelle des Droits de l'Homme comme l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et l'application universelles et effectives, tant parmi les populations des États membres eux-mêmes que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction 123(*)». Elle stipule en outre que : « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité124(*) ». Et que : « chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation125(*) ».

b) La Charte des Nations unies de 26 juin 1945126(*).

En signant la Charte des Nations unies, l'Etat haïtien est convenu à proclamer sa foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes.

c) La Charte de l'Organisation des Etats américains127(*).

Haiti en tant que membre de l'organisation des Etats américains doit s'engager conformément aux prescrits de la charte de l'OEA à proclamer les droits fondamentaux de la personne humaine sans aucune distinction de race, de nationalité, de religion ou de sexe.

d) A ne pas oublier également la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme, adoptée à la neuvième conférence internationale américaine tenue en 1948 à Bogota, en Colombie. Selon cette Déclaration : « Toutes les personnes, sans distinction de race, de sexe, de langue, de religion ou autre, sont égales devant la loi et ont les droits et les devoirs consacrés dans cette déclaration128(*) ».

3- Les instruments de politique internationale

Ces instruments, sans avoir les mêmes valeurs que les conventions dûment ratifiées selon les termes de l'article 276-2 de la Constitution haïtienne de 1987, engagent d'une certaine manière la République d'Haiti en tant que membre de l'Organisation des Nations unies :

a) La Déclaration sur l'élimination de la discrimination à l'égard de la femme proclamée par l'Assemble Générale des Nations unies le 7 novembre 1967 (résolution 2263) considère que la discrimination à l'égard des femmes, du fait qu'elle nie ou limite l'égalité des droits de la femme avec l'homme, est fondamentalement injuste et constitue une atteinte à la dignité humaine. Et par conséquent toutes mesures appropriées doivent être prises pour abolir les lois, coutumes, règlements et pratiques en vigueur qui constituent une discrimination à l'égard des femmes, et pour assurer la protection juridique adéquate de l'égalité de droits des hommes et des femmes129(*).

b) La Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard de la Femme adoptée par la résolution 48/104 de l'assemblée générale des Nations unies du 20 décembre 1993 ;

c) La Déclaration et Programme d'action de Vienne, adoptés lors de la conférence sur les droits de l'homme ;

d) La Déclaration et Programme d'Action de Beijing (Pékin) ont été adoptés le 15 septembre 1995, lors de la 4e conférence mondiale sur les femmes ;

e) La Résolution 55/68 sur l'Elimination de toutes les formes de violence, y compris les crimes tels que définis dans le document final adoptée par l'Assemblée Générale extraordinaire à sa 23e session intitulée « les femmes en l'an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle ;

f) La Résolution 52/86 sur les mesures en matière de prévention du crime et de justice pénale pour éliminer la violence contre les femmes ;

g) La Résolution 52/2 sur la déclaration du Millénaire ;

h) La Résolution 58/47 sur l'élimination de la violence familiale à l'égard des femmes ;

i) La Résolution 1325 de 2000 sur les femmes, la paix et la sécurité.

C- -LES TEXTES ADOPTÉS AU NIVEAU NATIONAL

Cette section est consacrée aux instruments juridiques nationaux relatifs aux droits de l'homme en Haiti, notamment la Constitution haïtienne de 1987 et les différents textes de loi adoptés par les autorités haïtiennes. Nous présentons dans cette section un survol historique sur les droits des femmes à travers les principales constitutions haïtiennes (de l'indépendance à 1987). Cela permet de mieux informer sur l'état des droits civils et politiques de la femme tout au long de l'histoire constitutionnelle haïtienne. Il convient également de faire le rapprochement des textes adoptés au niveau national avec les instruments internationaux dûment ratifiés par Haiti en vue de déterminer les progrès et les faiblesses de la législation haïtienne en matière des droits de l'homme en général et des femmes en particulier.

1- Les femmes à travers les Constitutions haïtiennes

Il est important de faire ce bref rappel historique afin de monter comment les premiers politiciens et dirigeants haïtiens avaient traité la question des droits des femmes et de permettre de constater les progrès réalisés au niveau constitutionnel. L'historien haïtien Claude Moise distingue deux grandes étapes historiques en ce qui a trait à la condition féminine à travers les constitutions haïtiennes. Selon lui, une première étape va de l'indépendance d'Haiti à 1950 où la femme a été méconnue comme citoyenne à part entière130(*). Et une seconde étape qui va de 1950 à nos jours, où les chartes fondamentales de la République posent explicitement la question de la reconnaissance du droit des femmes à l'égalité civile et politique dans des conditions variables avec l'époque et l'importance des bouleversements sociaux et politiques131(*).

Au cours de la première phase le statut constitutionnel de la femme haïtienne était très imprécis ; bien qu'il soit inscrit dans les constitutions le principe de liberté, d'égalité, de non discrimination relative à la naissance et d'hérédité de pouvoir comme principe des droits de l'homme, les femmes étaient en même temps exclues de la qualité de citoyennes à part entière jouissant de l'universalité de leurs droits132(*). La Constitution de 1806 en son article 3 stipule que  « les droits de l'homme en société sont : la liberté, l'égalité, la sûreté, la propriété ». Plus loin, l'article 5 de cette Constitution ajoute que «  l'égalité consiste en ce que la loi est la même pour tous. L'égalité n'admet aucune distinction de naissance, aucune hérédité de pouvoir ». Si en apparence, les femmes étaient considérées comme des haïtiennes libres au même titre que les hommes, jouissant des droits fondamentaux attachés à la qualité de citoyen, mais dans la pratique, il semble qu'il n'ait pas été le cas. L'article 5 de la Constitution de 1805 est d'ailleurs peu clair en ce qui concerne les caractéristiques d'un citoyen haïtien, on dirait que les femmes étaient totalement exclues de la qualité de citoyen haïtien: «  Nul n'est digne d'être haïtien s'il n'est bon père, bon fils, bon époux et surtout bon soldat ». Cet article a été repris par l'article 18 de la constitution de 1806 et l'article 22 de la constitution de 1816 en y ajoutant l'expression : « bon ami ».

La deuxième étape s'étend de l'année 1950 jusqu'à  la dernière Constitution en vigueur, celle du 29 mars 1987. Après le renversement du Président Dumarsais Estimé, on avait relevé des failles au niveau de la Constitution de 1946, ce qui avait conduit à la formation d'une nouvelle assemblée constituante dans le but de promulguer une nouvelle constitution. Cette nouvelle constitution a vu le jour le 28 novembre 1950 et comportait deux innovations majeures : l'élection du chef de l'Etat au suffrage universel et l'accession de la femme à l'exercice de ses droits politiques. Cette innovation inscrite au chapitre du droit public à l'article 4, énonce clairement le principe d'égalité : «  tout haïtien, sans distinction de sexe, âgé de 21 ans accomplis, exercent les droits politiques s'il réunit les autres conditions déterminées par la Constitution et par la loi ». Le deuxième alinéa de l'article 9 renforce l'article 4 et était ainsi libellé : « Tout haïtien a le droit de prendre une part active au gouvernement de son pays, d'occuper des fonctions publiques ou d'être nommé a des emplois de l'Etat, sans aucune distinction de couleur, de sexe ou de religion ».

Toutefois, une condition restrictive est relevée dans l'article 4 : «  l'exercice de ces droits pour les femmes temporairement limité à l'échelon municipal est soumis à une période de probation de sept ans puisqu'il ne pourra avoir son plein effet que dans un délai maximum de trois ans après les prochaines municipales ». Enfin, le dernier alinéa de cet article 4 ajoute ceci : «  toutefois, la loi règle les conditions auxquelles la femme sera soumise sous le rapport familial et matrimonial, l'accès restant ouvert à toutes reformes jugées utiles pour réaliser un régime d'égalité absolue entre les sexes ». Avec la Constitution de 1950, la lutte féminine avait atteint un niveau décisif, la conquête a été irréversible et la crise politique de 1957 allait accélérer le processus d'intégration des femmes dans la vie politique133(*). En dépit des ouvertures créées par cette Constitution, ce n'était qu'en 1957 que les femmes arrivaient à conquérir effectivement le droit de vote.

A partir de 1957, la lutte des femmes pour l'exercice de leurs droits fondamentaux en général et leurs droits politiques en particulier a connu des avancées significatives. Ainsi, dans toute l'histoire d'Haiti, les femmes ont voté pour la première fois en 1957. A partir de là, ce n'est plus qu'une formalité, désormais dans les textes constitutionnels le principe d'égalité absolue des haïtiens des deux sexes est clairement établi, sous réserve des conditions imposées par la Constitution et par la loi134(*). A quelques nuances près, l'égalité de sexe est reprise dans les mêmes termes dans les constitutions de 1957, de 1964, de 1983 et de 1987. Pour la Constitution du 29 mars 1987, la dernière en date, nous en donnerons beaucoup plus de détails dans les prochains paragraphes.

2- Le cadre juridique national relatif aux droits des femmes

Nous n'avons pas l'intention de relever tous les textes de loi adoptés au niveau national relatifs à la condition féminine. L'objectif est surtout de mettre l'accent sur les principaux instruments juridiques internes touchant spécialement les droits des femmes haïtiennes. Parmi les plus importantes dispositions législatives prises au niveau interne en rapport avec la situation des femmes en Haiti, nous distinguons la Constitution haïtienne du 29 mars 1987 et d'autres Lois et Décrets :

a) La Constitution du 29 mars 1987 : Cette Constitution est la dernière en date de la République d'Haiti et a été inspirée de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et d'autres instruments internationaux importants relatifs aux droits de la personne humaine pour garantir les droits inaliénables et imprescriptibles de chaque haïtien, sans distinction de sexe, de classe sociale ou de religion. La Constitution de 1987 a été conçue pour fortifier l'unité nationale, en éliminant toutes discriminations entre les haïtiens et les haïtiennes. L'article 17 précise que les haïtiens sans distinction de sexe et d'état civil, âgés de dix-huit (18) ans accomplis, peut exercer leurs droits civils et politiques et sont égaux devant la Loi (article 18). En ce sens, la Constitution de 1987 ne fait pas de distinction entre hommes et femmes, entre haïtiens et haïtiennes;

b) Décret du 6 juillet 2005 modifiant les sanctions en matière d'agression sexuelle ;

c) Le Décret du 8 octobre 1982 : ce Décret donne à la femme mariée un statut conforme à la constitution de 1983 et élimine toutes les formes de discrimination à son égard. Cet instrument juridique accorde à l'homme et à la femmes les mêmes obligations dans le mariage, nous lisons dans l'article premier que : «  le mariage crée entre le marie et la femme, les droits et devoirs réciproques tels : vie commune, fidélité et assistance ». Avant l'adoption de ce Décret, la femme mariée ne jouait pas un rôle d'égal à égal avec son mari dans le foyer, c'était le mari qui décidait de presque tout. Avec ce Décret, la puissance paternelle est remplacée par l'autorité parentale. Cette autorité, selon l'article 13, appartient tant au père qu'à la mère. Néanmoins, en dépit des innovations apportées par ce Décret au profit de la femme mariée, l'article 5 trahit en quelque sorte l'attente des féministes haïtiens, nous y lisons ce qui suit: « ils choisissent de concert la résidence de la famille. Cependant, le domicile conjugale demeure celui du mari135(*) » ;

d) Le Décret du 3 mars 1975 accordant à la femme haïtienne le droit de remplir la fonction de jurée. Dans son article 4, il est stipulé ce qui suit : « la femme haïtienne, en conformité de la Constitution en vigueur, fera partie du Jury de jugement ». Il s'agit là d'un acquis pour les femmes haïtiennes qui étaient exclues de faire partie des Jury de jugement. Cet aspect de l'exercice des droits civiques était un privilège exclusif réservé aux haïtiens de sexe masculin, les femmes ne pouvaient pas remplir cette fonction ;

e) Le Code du travail haïtien : sous l'empire de la législation du travail, les femmes et les hommes ont les mêmes droits et les mêmes obligations (Art.316 CT.). Pour un travail de valeur égale, la femme recevra un salaire égal à celui payé au travailleur de sexe masculin (Art.317 du CT.). L'article 330 interdit formellement : toute discrimination entre les femmes mariées et celles qui sont célibataires quant à la mesure de leurs droits et obligations et quant aux conditions effectives du travail ; ainsi que le fait de congédier des travailleuses pour le seul motif de la grossesse ou de l'allaitement ; et enfin d'exiger des femmes en état de grossesse qu'elles effectuent au cours des trois mois précédent l'accouchement, des travaux demandant un effort physique excessif ;

f) Le Code civil haïtien et autres : Dans les autres Codes de lois, particulièrement dans le Code civil, plusieurs articles font allusion aux femmes, mais pas toujours dans leurs intérêts. Par exemple la recherche de paternité est interdite, il ne permet pas à une femme de se recourir au test d'ADN pour démontrer le père de son enfant, ni non plus à une femme non mariée de déclarer le père de son enfant.

3- Les faiblesses relevées au niveau des textes nationaux

Les faiblesses des lois haïtiennes sont étudiées en fonction du refus des autorités étatiques d'harmoniser les textes nationaux adoptés depuis très longtemps avec la Constitution et surtout avec les instruments juridiques internationaux signés et ratifiés par la République d'Haiti. Ainsi, il y a le besoin pressant d'harmoniser les textes juridiques aux conventions internationales ratifiées par Haiti. Cette harmonisation est nécessaire afin de doter le pays d'instruments juridiques aptes à favoriser la mise en application des conventions internationales qui sont contre la violence et la discrimination à l'égard des femmes.

Les lois haïtiennes sont en général désuètes et par conséquent dépassées par la réalité contemporaine. Et ceci à tous les niveaux. Certaines lois qui sont particulièrement discriminatoires à l'égard des femmes sont encore en vigueur. Jusqu'à présent, en son article 285, le Code Pénal prévoit une peine d'emprisonnement de trois mois au moins à deux ans au plus pour la femme reconnue coupable d'adultère. L'homme, pour la même faute, n'est passible que d'une amende variant de 100 à 400 gourdes (article 287 du Code Pénal Haïtien). Et ce qui parait révoltant, c'est que l'article 269 du Code Pénal, deuxième alinéa, déclare « excusable le meurtre commis par l'époux sur son épouse et/ou sur son complice surpris en flagrant délit dans la maison conjugale ». Il est à signaler également l'absence totale de garanties accordées par la loi en matière de succession aux femmes engagées dans les unions consensuelles. Ce mode d'union étant pratiquement le plus répandu en milieu rural, les femmes paysannes ou citadines n'ont presque jamais la possibilité d'hériter de leurs concubins.

* 116 Article 3 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, en vigueur en Haiti le 20 juillet 1981.

* 117 MCFDF, Loc. cit., p.4.

* 118 Ibid.

* 119 Ibid.

* 120 SOFA, Loc.cit., p.7.

* 121 MOFKA : Mouvman Fanm Aktif Kafou: lettre ouverte adressée au Ministre à la Condition Féminine et aux Droits des femmes à l'occasion de la journée internationale des femmes, Le Nouvelliste, no. 37580 du vendredi 9 au dimanche 11 mars 2007, p.39.

* 122 Haut Commissariat aux droits de l'Homme, http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/treaty1e_fr.htm

* 123 Préambule de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.

* 124 Article premier de la Déclaration.

* 125 Article 2-1 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

* 126 Des amendements aux articles 23,27 et 61 de la charte ont été adoptés par l'Assemblée Générale des nations Unies le 17 décembre 1963 et sont entrés en vigueur le 31 août 1965. Un autre amendement à l'article 61 a été adopté par l'Assemblée générale le 20 décembre 1971. Un amendement à l'article 120, adopté par l'assemblée générale le 20 décembre 1965, est entré en vigueur le 12 juin 1968, Source AIDH : www.aidh.org/Biblio/Onu/LaCharte.htm

* 127 Reformée par le protocole de Buenos aires en 1967, par celui de Cartagena de Indias en 1985, par le protocole de Washington en 1992 et par le protocole de Managua en 1993/ Source OEA: www.oas.org/juridico/fran%E7ais/charte.html

* 128 Article II de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme.

* 129 Article 1 et 2 de la Déclaration sur l'élimination de la discrimination à l'égard de la femme.

* 130 Claude MOISE, Loc. Cit., p.105.

* 131 Ibid.

* 132Ibid.

* 133 Ibid, p.116.

* 134 Ibid, pp.117-118.

* 135 Le Décret du 8 octobre 1982 donnant à la femme mariée un statut conforme à la constitution et éliminant toutes les formes de discrimination à son égard. Moniteur no. 75 du jeudi octobre 1982

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