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L'étude de l'épopée d'Abdoul Rahmâne du Foûta-Djalon

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par Amadou Oury DIALLO
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Mémoire DEA 2008
  

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II. LES ARTICLES :

Résumé de l'article « Épopée et identité : exemples africains » (1988), Christiane Seydou in Journal des africanistes, Volume 58, n° 1.

L'Afrique offre un champ d'exploration privilégié pour l'étude de l'épopée malgré le fait que l'Occident ait longtemps nié l'existence de ce genre sur le continent. L'épopée peut y être saisie en situation parce qu'elle reste une parole vivante. Les traits spécifiques qui le définissent sont : l'association obligatoire de la parole épique à un instrument spécifique; la transgression comme ressort de toute l'action épique et la fonction réactualisatrice de l'identité du groupe.

L'épopée sert à faire une communion entre les membres de la communauté en exaltant son histoire, sa conscience et son identité distinctive.

En Afrique centrale, chez les Fang, la récitation du mvet (l'instrument qui désigne l'épopée) alternant des épisodes narratifs qui relatent la lutte entre les Immortels et les Mortels avec des interludes lyriques, a pour fonction de renforcer la cohésion du groupe par le biais de ce fameux instrument qui est « la voix des origines » (p. 9). Ici, la transgression consiste à rompre la ligne de partage qui existe entre Immortels et Mortels.

Chez les Nyanga du Zaïre, l'épopée a une vocation sacralisante qui se traduit par une projection idéologique et mythique de leur histoire; projection dont le but est de solidifier leur identité unificatrice.

En Afrique de l'Ouest, l'épopée malinké de Soundiata, de par ses références historique et mythique, constitue « une sorte de compendium de toute [la] société et de toute [la] culture » (p. 15) mandingues. Elle cristallise autour de la figure de Soundiata le nationalisme et l'idéologie de la société. C'est pourquoi d'ailleurs, elle justifie l'histoire par le mythe et la culture, et la société mandingue par l'histoire. Cette épopée a été composée pour « ranimer les ferments d'unité du peuple mandingue » (p. 15).

Il apparaît ainsi d'abord que le mvet, partant d'une cosmogonie originelle, représente l'image d'une « méta-société; que l'épopée malinké, ancrée dans le mythe et l'histoire, fait la caution de la société, et qu'ensuite le griot manding est socialement institué tandis que le barde de l'Afrique Centrale, lui, est « sacralisé par une initiation ou une inspiration divine » (p. 17).

Le traitement que l'épopée opère du mythe et surtout de l'histoire montre la conception que les civilisations à tradition orale ont de l'histoire; parce que manipulée par l'épopée, l'histoire ne prend son sens dans cette perspective que lorsqu'elle intègre le passé au présent, et de ce point de vue, elle n'est « ni archivage neutre du passé, ni réflexion analytique objective » (p. 17).

Au Macina, chez les Peuls, l'épopée, vraisemblablement empruntée aux Bambara, tire son substrat de l'histoire de l'empire du Macina fondé par Sékou Amadou. Mémoire d'une époque capable de se prêter à la critique historique, l'épopée, ici, incarne au plus haut point les vertus cardinales du pulaaku53(*) : réserve, fierté, bravoure, maîtrise absolue de soi, sens aigu de la liberté...

La particularité de cette épopée peule est qu'elle laisse le soin au héros de se définir lui-même dans ses actes et ses attitudes et qu'elle se caractérise aussi par une intériorisation visant à signifier un trait de caractère propre aux valeurs de la culture et de civilisation peules.

À l'issue de cette étude, on voit que les épopées mythologiques sont produites par les sociétés polyarchiques et que les épopées historiques, elles, naissent plutôt dans des sociétés structurées en royaumes ou empires. On note in fine le poids culturel considérable qu'a l'épopée dans les civilisations africaines.

Cet article de Christiane Seydou dont les études sur les Peuls sont plus que pénétrantes et pertinentes est très instructif pour notre thèse. En particulier, les analyses faites sur l'épopée peule du Macina nous permettent de scruter, de plonger à fond pour mieux examiner certaines parties de notre thèse : le chapitre I de la troisième partie (La question de l'identité et de l'altérité) et les points : épopée et histoire, épopée et généalogie du chapitre III intitulé L'épopée ou confluence des genres.

Résumé de l'article : « Notes sur les procédés poétiques dans la littérature des Peuls du Foûta-Djalon », SOW Alfâ Ibrâhîm (1965) dans Cahiers d'Études Africaines, n° 19, Paris, Mouton et Co. 1965, pp. 370-387.

La poésie des Peuls du Foûta-Djalon, par son inspiration et sa forme, reste très fortement liée à la poésie arabe. Écrite soit en langue arabe, soit en langue peule, la littérature, au Foûta-Djalon, est avant tout « une littérature nationale, pieuse et édifiante » (p. 370); elle traduit les aspirations profondes et les rapports au monde des Peuls. Certains auteurs comme Tierno Sâdou Dalen, auteur de Nahaw fulfulde ou Traité de Grammaire et de Versification Peules, ont écrit des traités de versification pour donner une assise théorique à la poésie.

Étant à la fois une affaire d'usage et de tradition, la poésie peule est fondée sur la succession des syllabes longues et des syllabes brèves, et elle est quantitative.

Dans le vers qui est composé de deux hémistiches d'égales longueur et de durée, les rejets sont proscrits d'un vers à un autre, mais tolérés à l'intérieur d'un même vers. Le vers est plutôt mesuré, cadencé et musical et non syllabique. Les principaux mètres que l'on trouve sont le Kâmil, le Bâsil, le Sari', le Wâfir, le Rajâz et le Mutaqârib.

Par l'étymologie même, le poète (yimoowo) se dit chanteur, et le poème (gimol, gim?i au pluriel) est avant tout une voix agréable au coeur et douce à l'oreille.

Pour véhiculer leurs messages, les poètes (et écrivains) usent d'artifices poétiques non seulement sur le système vocalique mais aussi sur le système consonantique. Il s'agit à chaque fois d'allonger les voyelles simples, d'établir des assimilations vocaliques ou consonantiques pour produire des effets phonétiques et sémantiques.

Le rythme et l'harmonie permettent de définir les contours de la poésie peule. Le rythme se caractérise par l'alternance et la quantité syllabique, le choix des mots et leurs liens internes, l'accent d'intensité syllabique et l'accent des séquences rythmiques, et enfin l'ordre des mots dans le vers.

L'harmonie découle des effets obtenus à travers le rythme, comme cela transparaît dans l'analyse des poèmes de Tierno Alliou Boûba Ndiang, Tierno Abdourahmane, Tierno Djâwo Pellel et Tierno Mouhammadou Samba Mombéyâ.

Par ailleurs, la rime est codifiée. Elle doit être un phonème final, placé au deuxième hémistiche, qui reste le même dans tout le poème. Elle peut être vocalique (a, o, u, i, e) ou consonantique (l, il, el, ol, al, ul).

Enfin, notons que l'harmonie initiative est utilisée comme procédé poétique majeur capable de produire d'heureuses impressions. Elle est très perceptible dans le poème intitulé Hymne à la Paix et au Foûta-Djalon de Tierno Abdourahmane, où l'écoulement continu de l'eau, le bruissement des rivages et l'écho des chutes sont suggérés par l'allongement et la fréquence des voyelles (i, o, u et a) et la répétition de la conjonction de coordination (e) et du possessif (mu'un).

Ces divers procédés poétiques montrent certains aspects de la richesse du Pulaar que l'artiste par son talent met à profit « pour exprimer l'expérience humaine de la vie dans toute la plénitude de sa complexité » (p. 387).

L'intérêt de l'article de Sow Alfâ Ibrâhîm dont nous avons fait ici le résumé réside dans le fait que l'analyse qu'il a faite des procédés poétiques dans la littérature des Peuls du Foûta-Djalon concerne aussi dans une large mesure l'épopée d'Abdoul Rahmâne. En effet, quoique épopée, le récit n'en demeure pas moins poétique. À maints endroits du récit, le griot procède de la même manière que les poètes. Il use d'une multitude d'artifices poétiques ou rhétoriques. C'est à ce titre que l'analyse de Sow peut nous servir à faire ressortir tous les aspects et toutes les subtilités poétiques, stylistiques de l'épopée.

Résumé de l'article : « Mode d'expression poétique et stratification sociale dans l'État théocratique du Fouta Djallon » de Alpha Ousmane Barry (2004), Semen, 18 : De la culture orale à la production écrite : Littératures africaines, Presses universitaires France-Comtoises, pp. 135-148.

L'analyse portant sur le rapport entre la stratification sociale au Fouta Djallon et le mode d'expression poétique examine le débat né autour de la problématique de la parole et de l'écriture; problématique qui consiste à se demander entre les genres oraux et les productions écrites en langues étrangères qui est digne de porter le titre de littérature(s) africaine(s). La littérature africaine comprend non seulement les productions orales, mais aussi les productions écrites.

Le Fouta Djallon est une région montagneuse ayant d'immenses plateaux et de nombreux cours-d'eau. Les Peuls s'y sont établis dès le XVè siècle sous la direction de Koly Tenguela. Ils y fondèrent ensuite une théocratie dont l'épanouissement favorisa la naissance de nombreux centres culturels et la production d'une abondante littérature qualifiée tantôt « d'Islam noir », tantôt de « littérature arabo-islamique d'expression peule ». (p. 137)

Au point de vue des structures politiques, on note à la tête de l'État, l'Almami (Chef du pouvoir central), ensuite au niveau des provinces, il y a les lam?e diiwe et enfin le pouvoir administratif dirigé par les hooree?e leydi. Quant à la société, elle se compose des couches suivantes : les quatre lignées patrilinéaires et aristocratiques (Bah, Diallo, Barry et Sow), les hommes libres ou rim?e, les artisans (ñeeñu?e) et les captifs (haa?e).

Dans les productions orales, les ressources expressives de la langue s'y manifestent par l'allitération, la régularité de certaines occurrences et les manipulations morphosyntaxiques. On peut dire, par ailleurs, que la production poétique va de la poésie didactique à la poésie mystique, de l'oraison à l'élégie, de l'apologue au prône, de la satire à l'épopée.

Outre les ressources expressives, les oeuvres orales présentent des caractéristiques phonétiques, stylistiques d'une haute qualité esthétique et littéraire comme on peut le remarquer à travers les textes de la version peule de la loi de Talion, les jeux verbaux des enfants, le poème dit hirdé jimbé.

La littérature orale se subdivise en genre profane ou populaire et en genre sacré ou ésotérique. Ces différents genres se différencient par les thèmes traités. Le genre ésotérique est centré sur la protection du bovidé. Le genre épique concerne la poésie généalogique ou asko, les hauts faits de courage et de bravoure (Samba Danna le fameux chasseur) et les faits historiques mémorables de héros nationaux.

En Afrique, au Fouta-Djalon en particulier plusieurs canaux sont mis à profit par les « auteurs » pour exprimer leurs pensées et leurs sentiments. Ces canaux sont l'expression de la richesse, de la vitalité et de la variété de la littérature orale.

La lecture critique de l'article de A. O. Barry appelle de notre part quelques remarques :

La transcription de certains passages en Pulaar ne répond pas aux normes conventionnelles de la langue. On trouve, éparpillés à travers l'article, deux systèmes de transcription : diiwè, hooree?e, leydi, maw?è (p. 139), etc. Parfois, d'ailleurs, les mots sont mal transcrits : rundè au lieu de runnde, ?ee?u?e à la place de ñeeñu?e (p. 140), mbutoori (p123) au lieu de buutoori, junna (p.143) à la place de jonna... Par ailleurs, le verbe appeler devrait se mettre à la troisième personne du pluriel dans la phrase : « Certains auteurs qualifient cette poétique d'Islam noir; tandis que d'autres l'appele tout simplement littérature arabo-islamique d'expression peule ». (p. 137)

On peut, en outre, critiquer le concept d'Islam noir utilisé pour qualifier la littérature écrite en caractères arabes, ou ajami. L'Islam noir, titre de l'ouvrage de Vincent Monteil (Paris, Seuil, 1966), désigne la coloration bien particulière et bien propre que revêt l'Islam en Afrique Noire. C'est, autrement dit, la coloration issue du contact de l'Islam et des religions traditionnelles, l'animisme notamment, qui fait que l'Islam de l'Afrique Noire se distingue de l'Islam saoudien ou iranien, même si le dogme qu'ils ont en commun reste inchangé.

Nonobstant ces critiques, l'étude de A. O. Barry reste quand même intéressante. Les poèmes sur les jeux verbaux des enfants, la version peule de la loi de Talion, le hirdé jimbé54(*) sont autant d'extraits que nous pouvons utiliser en guise d'illustration dans notre thèse qui, à l'heure ou nous écrivons ceci, pourrait englober un domaine plus vaste : les traditions orales du Foûta-Djalon. Au cas où notre thèse évoluera dans cette direction, l'article de Barry nous sera d'une grande utilité parce qu'il nous permettra d'élargir la typologie des genres oraux du Fouta-Djalon.

I. LES COMPTES RENDUS :

1. COMPTE RENDU DU SÉMINAIRE DE M. BASSIROU DIENG.

La problématique du séminaire de Bassirou Dieng porte sur le rapport entre oralité et écriture. Le séminaire s'est déroulé en deux temps. D'abord il a été question de la littérature et du lieu. Selon le professeur , en effet, « Les logiques d'expansion des littératures locales en Afrique ne sont pas nécessairement coordonnées aux aires linguistiques, aux aires culturelles, aux territoires nationaux » parce qu'on note « une mise en connexion des dynamiques littéraires avec les données physiques, humaines et historiques », et que, ajoute-t-il, « il s'agit ici de remettre en perspective les littératures africaines du point de vue des dynamiques de production locale, en tenant en compte de l'ancrage territorial » (document inédit distribué par le professeur Dieng pendant une séance de ce séminaire).

Une telle perspective consiste à envisager les littératures africaines en montrant que :

- L'imbrication entre l'oralité et l'écriture fait naître de nouvelles formes d'oralité faisant place à la médiation écrite (poésie urbaine, romans radiodiffusés, cinéma et vidéosphère, théâtre, forum).

- Le comparatisme interlinguistique peut s'appuyer sur la coexistence de plusieurs langues.

- L'articulation du livre et des productions scripturales - affiches, livrets, presse, inscriptions peut déboucher sur des nouveaux horizons.

Cette question de l'oralité et de l'écriture débouche aussi sur celle de l'intertextualité dans les oeuvres autant écrites qu'orales. Selon B. Dieng, en effet, « Traiter de l'intertextualité des oeuvres orales et des oeuvres écrites, et lier cette question aux aires culturelles procèderait d'un questionnement à double articulation de prime abord. Il s'agirait, d'une part, de l'ancrage géographique de l'oeuvre littéraire et, d'autre part, de l'inscription de l'oralité dans l'écriture55(*) ».

Il nous a détaillé ensuite le modèle de la communication orale à travers les systèmes pulaar et wolof tels que Ibrahima Wane les a établis dans sa thèse de troisième cycle (Chanson moderne et modèle de communication orale, Dakar, FLSH, 2003).

Dans la littérature pulaar, ou plutôt peule, il y a les formes corporatives (Pekaan, Dillere, Gummbalaa, Yelaa, Fantang, Keroode, Naale), les formes communes ou populaires (Janti, Daarol, Tindol, Cifti, Pulareeje, Jaraale, Noddol, Jaargol, Mallol, Leele, Lengui), les formes islamiques (Beyti, Giiri, Qasida, Taarikh).

Chez les Wolof, la typologie s'articule autour des genres narratifs (Cosan, Woy maam, Woy jaloore, Qasida, Léeb, Maye), des genres formulaires (Léebu, Cax) et des genres poétiques (Ndëpp, Gumbe, Baaw-naam, Taajaboon, Xas, Ngomaar, Kasak ou Woyu mbaar, Njam, Ceet, Xaxar, Laabaam, Bëkëtë, Woyu tool, Semb, Kañu, Jat, Lamb, Bakk(u), Tagg, Taaxuraam, Mband, Laawaan, Taasu, Taalif, Jang).

Après, on a abordé les cadres de production urbains qui comprennent : les manifestations festives, les performances ludiques, les compétitions sportives, la scène politique, la sphère religieuse, le circuit commercial.

Par ailleurs, le système de l'oralité se fonde, selon Bassirou Dieng, sur une technique de communication dont la visée est la transmission du patrimoine culturel. Ce système se base essentiellement sur la rétention et la transmission qui se font respectivement par le biais d'une mémoire institutionnalisée et la parole proférée.

La mémoire institutionnalisée est représentée par les dépositaires-transmetteurs, encore appelés griots, sages, ou initiés, qui se repartissent en non professionnels et en professionnels. Les non-professionnels produisent des oeuvres qui se situent plutôt du côté du divertissement comme les contes, les proverbes, les formules élémentaires, alors que les professionnels, eux, détenteurs de la mémoire officielle, leurs oeuvres concernent aussi bien les genres dits profanes que les genres sacrés.

Grâce à la parole proférée, diseurs et auditeurs se retrouvent ensemble, pour la transmission et la réception du message. Au-delà de cette communication, la parole proférée permet aux membres de la société de communier ensemble.

En outre, il fut procédé à l'examen de la relation entre littérature orale et société. L'idée générale de cette question est que, d'une part, la littérature orale, à travers des réalités historique et culturelle de la société, rend compte des institutions, des systèmes des valeurs, de la vision du monde propre à une société (Document inédit intitulé L'oralité distribué par le professeur Dieng, p. 3).

D'autre part, la littérature orale peut être l'expression des idées et sentiments qui fustigent des comportements jugés dévoyés par rapport à la morale.

La seconde partie du séminaire portait sur les exposés présentés par les différents étudiants sur la base d'une liste d'ouvrages ayant traits à la problématique. Voilà de façon succincte le compte rendu du séminaire qui a été animé et particulièrement très enrichissant.

2. COMPTE RENDU DU SÉMINAIRE DE M. AMADOU LY.

Le séminaire de M. Amadou Ly, axé sur la problématique : relations sud/nord : incompréhension? (traitement littéraire de la question), a fait l'objet de trois sortes de séances : la première séance est essentiellement orientée sur la mise au point de la question à travers l'histoire, la deuxième a fait l'objet d'échanges très fructueux entre étudiants, cinéastes et écrivains, et enfin la troisième s'est déroulée sous forme d'exposés présentés par les étudiants du séminaire.

En effet, l'intervention de Ly a consisté d'abord à préciser que la question du regard de l'autre est délicate et complexe, et qu'elle est le plus souvent le reflet des cultures et des civilisations en contact. Autrement dit, l'on regarde l'autre avec ses yeux, ou pour dire mieux les yeux de sa culture, de sa civilisation. C'est ce qui fait d'ailleurs qu'un tel regard se trouve être quelque peu orienté, et que chacun croît que c'est lui qui est au centre du monde.

Par ailleurs, il existe trois sortes de regards : un regard objectif qui voit l'autre comme un alter ego; un regard rejetant et repoussant qui n'accepte pas la différence et enfin un regard sympathique qui se montre tendre à l'égard de l'autre malgré qu'il soit différent.

Les relations sud/nord, ou si l'on veut nord/sud, diversement traités par les auteurs, font l'objet d'une littérature abondante. Ainsi, au nord, la production littéraire en la matière peut partir de Montaigne (Le Cannibale, le repentir) au discours de Sarkozy en passant par Voltaire (Le huron), Pierre Loti (Portrait d'un spahi), Odile Tobmer (Du racisme français), etc. Au sud, entre autres, on peut citer les oeuvres suivantes : Discours sur le colonialisme (Césaire), Oui mon commandant (Hampathé Bâ), Noirs dans les camps nazis (Serge Bilé), Le viol de l'imaginaire (Aminata Traoré), Heurts et malheurs. Des rapports Europe-Afrique Noire dans l'histoire moderne XV-XVIIIè siècle (B. Matys), L'Europe et nous (Rabemananjara), Bamako, Paris, New-York (Mantia Diawara), L'Afrique répond à Nicola Sarkozy (collectif), etc.

Le professeur a pris soin de nous préciser qu'à côté de ces productions, il y a une autre qui est issue du métissage culturel, comme Mémoires d'une peau (William Sassine), Nini ou la mulâtresse du Sénégal (A. Sadji), Douceurs du bercail (A.S. Fall), Mal de peau (Ilboudo)...

En général, l'ensemble de ces oeuvres traduit soit la volonté de domination, soit l'incapacité à prendre l'autre comme soi parce qu'il est différent, soit la contestation de la manière dont on est regardé, soit le malaise existentiel né de l'appartenance ambivalente à deux cultures...

Abordant un des contours de l'incompréhension qu'on observe entre le nord et le sud, M. Ly nous a expliqué par quelle manière Vladmir Jankélévich a tenté de comprendre le malentendu. Selon cet auteur « Le malentendu n'est pas seulement une erreur impalpable en sa source, c'est encore une erreur invétérée et durable en ses conséquences. Pour qu'il y ait malentendu il faut, non seulement avoir mal compris, mais encore ne pas s'en apercevoir tout de suite, ou du moins (si on trouve quelque intérêt à perpétuer l'équivoque) faire semblant de ne pas s'en apercevoir tout de suite. Le malentendu est un ordre, et un ordre créateur d'institutions56(*) ».

La méconnaissance à partir de laquelle naît le malentendu peut s'observer dans quatre cas : Premièrement, « les deux partenaires se méconnaissent mutuellement. [...] L'auditeur a mal compris alors que son interlocuteur se croît bien compris; dans la mesure où il ne remarque pas la méprise, ce dernier se méprend donc aussi57(*) ». Deuxièment, l'un des deux partenaires seulement se méprend. Celui qui ne s'est pas mépris peut soit faire prendre conscience à son partenaire sa situation ou son état; dans ce cas il brise le cercle qui les sépare; soit il le laisse dans sa méprise, et dans ce cas le malentendu devient tromperie58(*). Troisièment, « c'est la fausse dupe qui a conscience d'une équivoque à exploiter, et qui feint de mécomprendre, le partenaire se trouvant mécompris à son insu59(*) ». Enfin le quatrième cas, Jankélévich le qualifie de fausse situation et l'explicite ainsi : « Je te comprends, et je sais que tu me comprends, comme tu comprends toi-même que tu es compris60(*) ».

La dissolution des malentendus passe nécessairement, selon Jankélévich, par le dialogue, la médiation du langage.

En ce qui concerne les échanges avec certains cinéastes et écrivains, M. Ly nous amené Awam Amkpa, Ben Diogoye Bèye et Mantia Diawara, tous auteurs et professeurs dans des universités aux Etas-Unis. Cette séance, qui a duré tout un après-midi, a réuni ces auteurs, les étudiants du DEA de Ly et ceux du DEA du Département de Philosophie. Les thèmes débattus portaient sur le rôle des intellectuels de la diaspora et leur intégration, l'engagement de l'écrivain, la question des langues nationales, l'intégration et l'unité africaine... Sur la question du rôle des intellectuels de la diaspora, les trois auteurs étaient d'accord sur le fait que leur installation aux Etas-Unis ne signifiait pas qu'ils aient tourné le dos à l'Afrique : en faisant découvrir les aspects des cultures et des civilisations africaines aux américains, ils servent l'Afrique. Le sénégalais Ben Diogoye Bèye avait un avis très tranché sur les langues nationales : dans un pays plurilingue, il faut, estime-t-il, imposer la langue majoritaire. Mantia Diawara, dont le livre Bamako-Paris-New York est centré sur la problématique du séminaire de DEA nous a fait part de ses impressions d'intellectuel vivant dans les capitales étrangères : en étant à Paris, c'est comme si New-York lui manquait, et à Bamako, il éprouve la même chose.

Enfin, le séminaire a fait l'objet des séances d'exposés de deux sortes : un exposé sur la problématique de la thèse et un autre cette fois-ci écrit sur un ouvrage traitant du thème des relations sud/nord.

Ce séminaire a été, comme on le voit, marqué par de multiples échanges qui ont été très riches d'enseignements et ont satisfait la curiosité de plus d'un.

* 53Manière d'être idéale et distinctive du Peul.

* 54À titre d'exemple, nous donnons ici le poème intitulé « la soirée dansante au rythme du tam-tam ». Nous avons rectifié la traduction de dewro : à la place de copie, nous avons mis copine.

1. Lewru ndun no sayyitaa// 5. Samba Juma e Saatenen

2. wengaa// dow dow to weeyo 6. Nodditii fijoo?e ?en

3. kammu ngun no ?enkitaa 7. Siran Sitan e Kumba Korka

4. Leele no teeri amoowo 8. Wontiri ?un jinda fatwa

9. Hande Kadi ko hirde jimbe 13. Kunnakiti ko tikka sooyi

10. Hirde tama e hirde sanje 14. ?un alaa ko yeddu maa

11. Gooto kala e dewro mu'un 15. Mi weddoto ngol jooni jooni

12. Fottoyen ka ndantahun 16. Dewro tuma nde yolli?a

17. Samba Tenen tappu tii?a 20. Donkin-Dane-mawna-inde

18. Manga Sabu no hirsi 21. Lewru ndun no sayyitaa mbeewa

19. Hande ko fijo cuule julde 22. Kammu ngun no ?enkitaa

Traduction : La lune est balayée, suspendue très haut dans l'éther. Le ciel est astiqué. La clarté de la lune défie le danseur. Samba Juma et Saatenen convient leurs invités à la réjouissance. Sira Sitan et Kumba Korka s'activent à vérifier tous les détails de l'organisation. Aujourd'hui encore c'est jour de danse au son du tam-tam, aux tambourins et aux crécelles. Chacun avec sa copi[n]e, convergeons tous vers l'espace public. Il ne fait l'objet d'aucun doute que Tikka soyi est un habit à la mode. Lorsque nous serons entrés dans la transe, je jetterai très haut mon mouchoir de tête. Samba Tenen active-toi dans la percussion. Manga Sabu a abattu une chèvre pour la circonstance. Aujourd'hui c'est jour de réjouissance pour l'excision de Julde. Donkin-Dane-grand personnage illustre. (Semen, op, cit. , p. 144)

* 55 Dieng, Bassirou (1991), « Les genres narratifs et les phénomènes intertextuels dans l'espace soudanais (mythes, épopées et romans) » in Annales de le Faculté des Lettres et Sciences et Humaines, n° 31, (pp. 77-93), p. 77.

* 56Jankélévich, Vladmir (1980), Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien (2.La méconnaissance/Le malentendu), Paris, Seuil, col. Essai, p. 211.

* 57Jankélévich, Vladmir (1980), op. cit., p. 212.

* 58Ibid, p. 213.

* 59Ibid, p. 214.

* 60Ibidem.

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