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Problématique de la pauvreté et bidonvillisation en Haiti, le cas de Shada au Cap-Haitien

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par Banet JEAN
Université d'Etat d'Haiti - Licence sciences économiques 1999
  

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SECTION 3. LA REFORME AGRAIRE ET LA DECENTRALISATION

La réforme agraire se définit, selon Mokhtar Lakehal, comme une politique d'expropriation des propriétaires riches et de redistribution de leurs terres à des paysans pauvres, en vue de lutter contre l'exode rural et d'améliorer le niveau de vie des masses paysannes. L'expropriation peut se faire sans indemnisation139. De l'avis de Malcolm Gillies, habituellement, la réalisation d'une reforme agraire se fonde principale sur des motifs politiques. Les facteurs politiques qui conduisent à la reforme sont de deux ordres. La société dotée d'une fraction importante de fermiers et journaliers sans terre, placée sous la tutelle d'autres classes, peut se trouver en butte à une agitation rurale croissante. Dans la première formule de reforme agraire, pour empêcher l'agitation d'exploser en révolution, on adopte des lois qui visent à réduire la charge imposée à la paysannerie et à l'intéresser au maintien de la stabilité. Dans le second cas, la reforme agraire survient après le succès d'une révolution soutenue par les ruraux démunis. En l'espèce, l'objectif essentiel de la reforme est de consolider l'appui de ces derniers à la révolution et d'éliminer la base économique de l'une des classes, celles des propriétaires- les plus opposés à la revolution140. En Haïti, la lutte pour une vraie reforme agraire ne date pas d'hier. Pour certains, cela remonte au lendemain de la guerre de l'Indépendance, en 1804. André Yves Cribb, explique que J.J. Dessalines commença a dénoncé l'exclusion économique des `pauvres noirs' sans terre ; mais, malheureusement, il n'a pas eu le temps de réaliser une redistribution foncière en leur faveur. En 1883, Salomon mit en exécution une reforme agraire ; mais, malheureusement, celle-ci n'avait pas une dimension suffisante pour provoquer de profond changement dans le système économique et social du

139 Mokhtar Lakehal, p.566

140 Malcom Gillies, p.561

pays141. En ses manières, le Professeur E. FRANCISQUE dit « La question agraire posée au lendemain même de l'indépendance d'Haïti malgré les divers traumatismes sociaux dont elle est responsable à titre principal, n'a encore trouvé de solution adéquate. Elle s'inscrit en filigrane dans la trame de tous les bouleversements, de tous les conflits qui jalonnent plus d'un siècle et demi d'histoire nationale...Le paysan haïtien, toujours en butte de tracasseries de l'administration, défend chaque jour, pouce par pouce, sa propriété constamment menacée. L'essor démographique, en faisant essaimer les cultivateurs sur les domaniales et même sur les `habitations' des propriétaires absentéistes, favorisa ça et là le développement de la petite propriété au cours d'un siècle et demi142».

Faute d'une prise en charge par l'Etat, ses paysans sont restés seuls à se débrouiller pour trouver des solutions à leurs problèmes, notamment en ce qui a trait avec la question de deux moities, engrais, machine agricole, etc. C'est ainsi qu'on constate une sorte de paupérisation qui se développe dans les milieux ruraux et qui facilite et encourage l'exode rural. Ce dernier, comme on le sait bien, va amplifier les problèmes existant déjà dans les villes ou centres urbains, en augmentant ce qu'on appelle les « bidonvilles » quand les migrants n'ont autre choix. André Y. Cribb fait remarquer que de nombreuses études publiées au cours des dix dernières années mettent à nu l'ampleur de la misère dans laquelle vivent des ruraux haïtiens. La plupart d'entre elles analysent minutieusement cette lamentable situation et en même des interprétions. « En 1988, la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'Agriculture) a informé que les ruraux haïtiens vivant dans la pauvreté absolue- c'est-à-dire, n'ayant pas suffisamment de moyens pour satisfaire leurs nécessités basiques- représentaient environ 80 % de la population totale du pays et 95 % de la population rurale. Elle a en outre pris le soin d'indiquer que, parmi ces pauvres, il existait des indigents, c'est-à-dire des ruraux n'ayant même pas la possibilité d'acheter le minimum d'aliments nécessaires. Ceux-ci constituaient environ 90 % des ruraux pauvres. En 1992, le FIDA (Fonds International pour le Développement agricole) a classé Haïti parmi les quatorze pays de l'Amérique Latine où la pauvreté rurale est sévère. Elle base cette classification sur l'indice de sécurité alimentaire. Le FIDA a constaté que, sur une période à peu près vingt cinq ans, la pauvreté ne cessait de s'accroître. De 1965 à 1988, le nombre de ruraux vivant dans la pauvreté absolue passait

141 André Yves Cribb, p.4, www.geocities.com/aycribb

142 Edouard Francisque, p.111

d'environ 891 000. Les catégories de ruraux principalement atteints étaient : les petits agriculteurs, les ruraux sans terre, les travailleurs ruraux journaliers, les petits artisans et les jeunes chômeurs ruraux 143». Dans le cadre de lutte contre la pauvreté qu'on mène en Haïti, une reforme agraire s'avère nécessaire en vue de faciliter un mieux-être pour les pauvres paysans.

On doit, certes, se référer aux différentes « réformes agraires » qu'on a déjà expérimentées, mais, cependant on ne peut pas les prendre comme modèle. Si on prend le cas de celle qui a été menée par le leadership du Président René Préval (en 1995), dans la vallée de l'Artibonite, on peut se dire que cela a contribué à l'éradication des conflits mettant assez souvent des petits paysans face à face, ou tantôt avec les « grandons » présents ou absentéistes. A ce niveau, c'était un succès, mais si on considère les autres aspects en terme d'accompagnement, cette reforme peut-être considère comme un échec. Il n'y avait quasiment aucun encadrement en faveur des pauvres ruraux. Par exemple, comme le constate Djemps Olivier d'Alter Presse, « l'augmentation considérable des coûts de production grève les profits de ce riziculteur de Carrefour Peigne, près de Pont Sondé. Vendu à 175 gourdes il y a six ans, le sac d'engrais coûte aujourd'hui 1500 gourdes. Pas étonnant qu'il ne récolte plus que seize sacs de riz à chacune de ses deux récoltes annuelles, soit moitié de ce qu'il récoltait auparavant... 144». Il est vrai que l'institut National de la Reforme Agraire (INARA) a prévu de distribuer une parcelle d'1/2 hectares à chacun des bénéficiaires du programme et l'octroi d'un prêt de 5000 gourdes pour une durée de deux ans145, mais cela ne suffit pas, comme le montre la réalité, d'après.

Il faut reconnaître même si on aurait donné tout ce qu'il faut pour assurer le suivi de la

reforme, dans le contexte du commerce international d'aujourd'hui, les paysans seraient toujours en butte à certaines difficultés. Les parcellements n'encouragent pas le développement des technologies pouvant aider les paysans à maximiser leurs profits davantage, au contraire, ils encouragent des systèmes d'exploitation familiale. Il faut, de toute façon, agir, en sorte que la reforme agraire soit accompagnée d'une « politique de développement rural intégré », c'està-dire une « politique qui se définit par un ensemble d'objectifs et de moyens destiné à faciliter l'intégration des marginalisés en comblant le fossé entre les secteurs riches et pauvres du monde rural. Elle est conçue de façon à apporter des ressources aux pauvres des zones rurales. Elle met l'accent sur des programmes tels que le crédit, l'assistance technique, la conservation des sols, l'infrastructure routière, l'adduction d'eau potable, la santé, l'éducation, etc.... Aujourd'hui, le développement rural ne doit pas être considéré comme une bienfaisance

143 André Yves Cribb, p.1, www.geocities.com/aycribb

144 http://www.alterpresse.net

145 http://www.collectif-haiti.fr/data/file/nih_16.pdf.

sociale mais plutôt comme un investissement socialement rentable dans le cadre d'une stratégie globale de la relance de l'économie nationale. Les financements, consentis pour le réaliser, peuvent favoriser à une croissance évidente de l'offre de produits agricoles et artisanaux ainsi qu'une augmentation considérable de la demande de ceux-ci. La clé du succès d'un tel processus de reprise économique réside dans le choix et l'agencement de mesures et actions définies dans le cadre d'une perspective de freinage de l'exode rural146». L'Etat haïtien a intérêt de doter des paysans les moyens nécessaires pour survivre à la campagne, au lieu de les attendre à venir gonfler les bidonvilles déjà existés ou en créer d'autres. Leurs prises en charge en ville par l'Etat haïtien seraient plus coûteuses à tous les points de vue. « Le développement rural en Haïti exige une politique destinée à combattre non seulement des problèmes liés aux techniques de production agricole ou forestière mais aussi ceux relatifs à d'autres aspects économiques et sociaux. Une telle politique ne peut être conçue et menée à bonne fin qu'avec la participation d'une équipe de cadres professionnels, choisis non sur la base clientélisme mais en fonction de leurs compétences. Il est temps de faire preuve de discernement et de volonté politique. C'est seulement à ce modeste prix qu'on peut cesser de cultiver la pauvreté rurale en Haiti147 ».

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon