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Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet (1830-1848)

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par Julien Vinuesa
Université de Rouen - Maîtrise d'histoire 2004
  

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2-3-3 : La société pour le patronage des jeunes libérés : le philanthropisme parquetier à l'oeuvre.

« Ne croyez pas les ramener, ils aiment la vie du malfaiteur » M. Moyne236(*).

La société pour le patronage des jeunes libérés naît de l'initiative de MM. Duhamel et Lecointe, membres du comité cantonal gratuit pour l'instruction primaire de Rouen. Ils proposent de mettre en place, au sein de la prison Bicêtre de Rouen, une école d'apprentissage. Cette école dite « d'enseignement mutuel » est fondée le 21 février 1833 et dirigée par eux. L'objectif de cette entreprise est de faire diminuer le nombre élevé de récidives des jeunes détenus après qu'ils aient purgé leurs peines. Ils veulent ajouter à l'enseignement élémentaire, moral, et religieux, « une profession utile, afin de joindre l'exemple au précepte »237(*).

Ainsi, dès le 15 mai 1833, à la suite d'une aide de 4000 francs du préfet de la Seine-Inférieure Dupont-Delporte, sont construits, dans l'enceinte de la prison, des « ateliers de cordonniers, tailleurs d'habits, tisserands, menuisiers, et lamiers »238(*). Cette société pour le patronage des jeunes libérés intéresse, à plusieurs titres, le parquet général. Le procureur général en est, semble-t-il, le président de droit : le procureur général Moyne en a été le premier président, comme en témoigne un discours très intéressant que nous verrons239(*). Jacques-André Mesnard lui a succédé comme en font foi deux discours, de moindres valeurs, prononcés en séance publique240(*). Rien ne prouve que le procureur général Alexandre Gaultier a été président de la société mais la présidence avérée du procureur général Frédéric Salveton241(*), de 1845 à 1848, laisse à penser qu'il n'a pas dérogé à la règle. Les avocats généraux participent également à l'administration de la société : Pierre-Aubin Paillart est, en 1835, un des six membres du conseil d'administration242(*) et a versé, au titre de souscripteur, la somme de 15 francs. Jean-Marie-Joseph Gesbert, premier avocat général, donne 25 francs et l'avocat général Le Tendre de Tourville, 12 Francs243(*). Mais celui qui contribue le plus, au parquet général, est le procureur général : le procureur général Moyne souscrit pour un montant de 50 francs. Après lui, viennent le premier président de la Cour Eude avec 90 francs, le maire de Rouen avec 100 francs, le préfet Dupont-Delporte avec 50 francs enfin le duc d'Orléans et la reine des français avec 200 francs respectivement. La liste prestigieuse des souscripteurs pour le patronage des jeunes libérés fait voir l'intérêt que portent les plus hautes autorités de la ville et de la France pour ce projet.

Le parquet général et la justice représentée à son plus haut sommet à Rouen par le premier président se doivent de mettre tout en oeuvre pour réussir leur double mission : ils ont à punir en cas de faute mais aussi à s'assurer de ramener les délinquants dans le droit chemin. Ainsi, cette participation à la vocation salvatrice de la société pour le patronage des jeunes libérés donne une autre image du parquet général, qui n'est plus seulement une institution judiciaire appliquant aveuglément la loi, mais des hommes qui pensent à sortir les plus faibles de l'ornière criminelle. Le métier, acquis grâce au patronage, permet au jeune de s'assumer, gagner honnêtement sa vie, de sortir de l'indigence et donc de la délinquance. Le parquet général a tout intérêt à soutenir cette initiative lorsque l'on connaît le problème majeur que posent les conséquences de la pauvreté dans les affaires de justice. C'est aussi une réaction de notables, inquiets de voir des jeunes désoeuvrés, animateurs potentiels de troubles ou de débordements révolutionnaires futurs.

Excellent résumé des devoirs de la société de patronage, le discours prononcé par le procureur Moyne en assemblée générale dans la grande salle de l'hôtel de ville de Rouen, en 1836, traduit bien le point de vue du notable à la bonne conscience, qui stigmatise la pauvreté comme un vice et les pauvres comme une classe dangereuse :

« Messieurs,

Si parmi les prisonniers, il en est qui sont corrompus et pervers et chez lesquels les bons exemples sont inutiles ; si ceux-là doivent rester dans cette ligne du crime qui les conduit, par degrés, à des peines plus fortes, et qu'alors la société soit réduite à la dure nécessité de prendre ses sûretés pour se garantir de leurs excès, il en est, et le nombre en est assez considérable qui répondent aux efforts que l'on fait pour les rendre meilleurs. Le résultat, quelque faible qu'il paraisse, est toujours fort important, aussi rien ne doit ralentir le zèle des hommes généreux qui consacrent leur temps à l'amélioration morale de cette classe de la société. Sans doute, il en est beaucoup qui veulent rester en état d'hostilité contre leurs semblables, et qui préfèrent la vie aventureuse des vagabonds à la vie laborieuse des pères de famille ; les soins seront infructueux, l'habitude du mal est un besoin pour eux ; ils se plaisent dans le crime, ils font la guerre à leurs semblables, comme si la guerre pouvait être un droit ; ils se placent dans cette position hostile qui devient une nécessité et qu'ils assimilent à un devoir ; ces prisonniers conservent les mauvaises traditions des prisons, ils sont le crime personnifié, avec tout ce qu'il traîne de hideux à sa suite [...]. Ne croyez pas les ramener, ils aiment la vie du malfaiteur [...]. Les jeunes détenus sont, en général, des enfants naturels abandonnés ou des orphelins placés dans la même position ; livrés au vagabondage, vivant de la mendicité, ils sont entraînés dans cette voie par la nécessité, ils y restent par habitude et par fainéantise ; privés de leçons et de bons exemples, ils n'ont pas la force ou la volonté d'en sortir ; ignorants, ils sont privés des ressources que procure le travail ; fainéants, ils chérissent la paresse [...]. Si on laisse cette classe nombreuse suivre les routes et parcourir les cités, bientôt on verra les crimes se multiplier et les bancs de la police correctionnelle ou de la Cour d'assises présenter en grand nombre des enfants aux prises avec le crime [...]. Jusque-là, Messieurs, les jeunes libérés étaient rendus à la liberté et abandonnés à leurs penchants bons ou mauvais : combien alors de récidives venaient affliger leurs bienfaiteurs? Il fallait un complément aux institutions formées dans la maison de détention : alors vous avez fondé le patronage des jeunes libérés ; ainsi toutes les institutions de bienfaisance sont les anneaux d'une seule chaîne. Les salles d'asile protègent l'enfance et lui préparent de bonnes habitudes, en même temps que les parents sont rendus à toute la liberté que réclame le travail. L'école et les ateliers, établis à Bicêtre, instruisent les adolescents qui ont failli, et leur créent des ressources par l'exercice d'une profession. L'extinction de la mendicité dans la ville de Rouen fera cesser une des causes de beaucoup de délits. Le patronage, enfin, les suit dans la société, leur cherche un asile, un tuteur, leur procure des ressources pour rendre leur travail plus productif, les couvre enfin de son autorité qui est toute morale et de confiance »244(*).

Sorti de la société pour le patronage, le parquet participe bien modestement aux oeuvres de charité.

* 236 Discours prononcé par M.Moyne, président de la société pour le patronage des jeunes libérés du département de la Seine-Inférieure, Rouen, imprimerie Brière, 1836, BA 1461.

* 237 Considérations sur l'utilité de fonder des écoles morales dans les prisons, février 1835, BA 1461.

* 238 Ibid.

* 239 Discours prononcé par M.Moyne, président de la société pour le patronage des jeunes libérés du département de la Seine-Inférieure, Rouen, imprimerie Brière, 1836, BA 1461.

* 240 Discours de M.Mesnard, procureur général du 4 février 1838 et du 4 mars 1841, BA 1461.

* 241 Manuel du Biographe normand, Rouen, A.Le Brument, 1858, Tome I.

* 242 Considérations sur l'utilité de fonder des écoles morales dans les prisons, février 1835, BA 1461.

* 243 Ibid. L'imprimé a interverti les fonctions de De Tourville et Gesbert : De Tourville, devenu premier avocat général aurait versé 12 francs et Gesbert, devenu, avocat général, aurait versé 25 francs.

* 244 Discours prononcé par M.Moyne, président de la société pour le patronage des jeunes libérés du département de la Seine-Inférieure, Rouen, imprimerie Brière, 1836, BA 1461.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld