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Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet (1830-1848)

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par Julien Vinuesa
Université de Rouen - Maîtrise d'histoire 2004
  

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3-1-2 : La répression des troubles qui suivent les Trois Glorieuses : la poursuite systématique du parquet.

A-Contre les coalitions de l'automne 1830.

Dans l'histoire de la France des origines à nos jours, André-Jean Tudesq consacre six lignes aux débordements de Darnétal pour illustrer la crise sociale du début de la monarchie de Juillet260(*). Le premier avocat général Alfred Daviel, dans un travail préparatoire, fait une longue description des événements du 6 septembre 1830. Le déroulement de la journée est précisément rapporté et la forme de l'exposé laisse à penser qu'il a été rédigé comme un compte-rendu officiel de l'événement :

« Dans les premiers jours du mois de septembre 1830, les ouvriers appartenant aux différentes manufactures situées à Darnétal et dans les communes voisines s'étaient coalisés pour arracher à leurs maîtres des conditions que ceux-ci n'eussent pas librement consenties »261(*).

Daviel semble comprendre la crise et les mobiles du mécontentement. La demande des coalisés porte sur la durée du temps de travail, qu'ils veulent fixer à douze heures et non quatorze ou quinze262(*). Devant la montée de l'insatisfaction ouvrière, le préfet de la Seine-Inférieure, le comte Treilhard, prend un arrêté, le 5 septembre, qui interdit au ouvriers des établissements industriels de se coaliser ou de former des attroupements dans les rues. Comme l'écrit Jean-Pierre Chaline dans Rouen sous la monarchie de Juillet, « [il n'est] pas question de manifester dans la rue ou de se «coaliser» contre les patrons »263(*). Pour le premier avocat général, les revendications ouvrières, bien que recevables, ne doivent pas déstabiliser l'ordre publique. Cet arrêté, prévenant les coalisés des risques encourus, est le point de départ de la journée du 6 septembre. La lecture de l'arrêté, affiché le matin par un adjoint au maire de Darnétal, provoque des cris de colère : de « à bas l'arrêté, à bas l'affiche », on finit par hurler « à bas la garde nationale ». Un tisserand de Darnétal, Ambroise Moulin, essayant d'entraîner ses compagnons, est particulièrement virulent envers les gardes nationaux de Darnétal. Averti que la coalition prenait de l'ampleur, le procureur du Roi de Rouen Aroux, se rend sur place vers onze heures du matin. Les trois sommations réglementaires n'entament pas le moral des coalisés. Au contraire, ces derniers, plus déterminés que jamais, dirigent leurs pas vers la garde nationale, aux cris de « enfonçons les »264(*). Choisi par ses camarades, Louis-Jacques Bégard, ouvrier-teinturier, demande la libération de deux manifestants, faits prisonniers. Devant un rassemblement de plus de six cents ouvriers armés, « les uns de fourches, les autres de broches à rôtir, ceux-ci de bâtons simples, ceux-là de bâtons garnis par le bout de lames de couteau, quelques-uns de sabres ou d'épées »265(*), le maire de Darnétal cède et remet en liberté les deux prisonniers. Peu après, des renforts de gardes nationaux et de gendarmes arrivent de Rouen et, finalement, chargent, dans la rue de la Chaîne, une cinquantaine d'ouvriers, menée par Louis-Jacques Bégard.

De la centaine de prévenus, retenue pour cette affaire, seulement cinq sont accusés de crime de rébellion266(*) ; les autres sont entendus comme témoins. Par un arrêt de la chambre des mises en accusation du 14 octobre 1830, sont renvoyés devant la Cour d'assises267(*) : le tisserand de Darnétal Ambroise Moulin ; Louis Prévost, fileur de Saint Martin du vivier, qui « s'était montré, le vendredi 3 septembre, l'un des plus ardents moteurs de la coalition »268(*) ; Désiré François Pimort, ouvrier-teinturier de Saint Jacques sur Darnétal ; Zacharie Rever, charretier à Darnétal et l'ouvrier-teinturier rouennais Louis-Jacques Bégard. Seul ce dernier n'est pas acquitté par le jury : le meneur de la révolte est condamné à cinq ans de travaux forcés.

Le 8 octobre, le ministère public a une nouvelle affaire de coalition à examiner, mais cette fois-ci, devant la Cour des appels correctionnels. L'appelant n'est pas le ministère public mais Pierre-François Drely, ouvrier fileur, coupable d'avoir mené une coalition d'ouvriers, formée notamment dans les communes de Barentin et Pavilly. Moteur de la coalition, Drely soulève ses camarades pour s'opposer, une nouvelle fois, aux abus quant aux heures de travail et demande aux ouvriers une petite contribution financière « pour salarier ceux qui ne travailleraient point »269(*). Résumant l'affaire, le substitut De Tourville demande le rejet de l'appel de Drely. La Cour, se posant du point de vue de « la prospérité du commerce et surtout du commerce industriel », réaffirme que les ouvriers doivent respecter « les règlements arrêtés par un fabriquant pour déterminer par jour, la quantité d'heures de travail » et qu' « il est très intéressant pour un fabriquant que ces conditions soient strictement suivies »270(*). Donnant raison au ministère public, la Cour confirme le jugement de première instance et la condamnation de deux ans de prison. Le parquet, en poursuivant les chefs de coalition et en sollicitant les peines les plus sévères, garantit le maintien de l'ordre à l'intérieur de l'atelier et assure, par conséquent, la bonne marche des affaires industrielles.

* 260 Cf. André-Jean Tudesq, « La France romantique et bourgeoise, 1815-1848 », in Georges Duby (dir.), Histoire de la France des origines à nos jours, Paris, Larousse, coll. In Extenso, 1999, p. 602.

* 261 Rapport du premier avocat général Alfred Daviel sur les événements du 6 septembre 1830, le 14 janvier 1831, 2U 1703.

* 262 André-Jean Tudesq, « La France romantique et bourgeoise, 1815-1848 », op. cit.

* 263 Cf. Jean-Pierre Chaline, Rouen sous la monarchie de Juillet, Rouen, C.R.D.P., 1971, p. 12.

* 264 Rapport du premier avocat général Alfred Daviel sur les événements du 6 septembre 1830, le 14 janvier 1831, 2U 1703.

* 265 Ibid.

* 266 Ibid. : « Dans ces circonstances, Ambroise Moulin, Louis Prévost, Désiré-François Pimort, Zacharie Rever et Louis-Jacques Bégard sont accusés d'avoir, le 6 septembre 1830, fait attaque et résistance avec violences et voies de fait envers la force publique agissant pour l'exécution des ordres de l'autorité publique, et d'avoir commis cette rébellion, au nombre de plus de vingt personnes armées ».

* 267 Réquisitoire du procureur général de Rouen, du 14 janvier 1831, 2U 1703.

* 268 Rapport du premier avocat général Alfred Daviel sur les événements du 6 septembre 1830, op. cit.

* 269 Procès de Pierre-François Drely devant la Cour des appels correctionnels, le 8 octobre 1830, 2U 441.

* 270 Ibid.

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