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Du Bestiaire au Mythe: Analyse d'un aspect de l'imaginaire baudelairien dans Les Fleurs Du Mal

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par Amina Benelhadj
Université Mentouri de Constantine - Magister 2006
  

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Analyse dynamique, anthropologique et mythique

Introduction :

Dans l'intention de mieux comprendre l'imaginaire baudelairien, dans les Fleurs du Mal, ainsi que son fonctionnement, l'objectif de ce deuxième chapitre est de mettre l'accent sur le dynamisme des images animales qui sont, avant tout, révélatrices d'un trajet anthropologique baudelairien. Ce trajet reflète, à priori, des influences qui remontent essentiellement à l'Antiquité et aux histoires bibliques. Il s'agira donc de centrer la lumière sur cet héritage classique et sur son apport à l'imaginaire baudelairien.

Le recours aux images antiques et bibliques présente, par ailleurs, un point commun qui donne une seule et même trajectoire au trajet anthropologique baudelairien. En effet, toutes ces images d'origine antique ou biblique sont, avant tout, des représentations mythiques. Ainsi on parle, par exemple, du mythe du sphinx ou de celui du cheval chthonien. Ces différents animaux classiques, qu'ils soient réels ou imaginaires, connaissent par ailleurs, un riche destin littéraire, autre point commun qu'ils partagent avec d'autres animaux qui ne sont pas nécessairement antiques ou bibliques mais qui acquièrent un caractère mythique de par leur grande utilisation littéraire. Citons l'exemple du chat, la mouche, le ver ou encore l'araignée.

I- Analyse de la dynamique des signes dans le bestiaire de Les Fleurs du Mal :

Les thèmes du bestiaire baudelairien analysés ci-dessus naissent, selon Durand, de la mobilité des images qui, par leur ambivalence et leur dynamisme renvoitnt, à plusieurs thèmes à la fois. Il arrive même qu'une même image animale renvoit à l'intérieur d'un même thème à différents éléments ayant différentes valeurs.

Ainsi, les reptiles, entre autres, sont des créatures qui font preuve d'un grand dynamisme symbolique. La vipère qui, dans le poème Bénédiction, symbolise le malheur d'une mère déçue d'avoir eu pour fils un poète, symbolise également la mort dans Sépulture, où ce reptile ira faire ses petits dans une tombe fraîchement creusée. Dans L'Avertisseur, la vipère renvoit par sa « Dent »(1) maudite au passage destructeur du temps.

De son côté, le serpent se fait symbole de séduction et de froideur de l'âme dans Le Serpent qui danse ou dans Avec ses vêtements ondoyants et nacrés. A travers son regard charmeur et sa forme sensuelle, il renvoit à une féminité à laquelle le poète a du mal à résister. Sensualité féminine et serpentine que l'on retrouve de manière plus tendre et plus douce dans le Beau navire avec l'image du boa.

Après avoir identifié la peur devant la fuite du temps, la froideur, la beauté et la sensualité féminine, l'image reptilienne est également employée pour identification biblique des humains qui, inconscients sont comparés à l'aspic(2). Par ailleurs, sous l'influence d'une tradition biblique, le poète recourt à l'image du serpent qui renvoit dans A Une Madone, à une représentation religieuse pervertie du mythe d'Adam et Eve.

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(1) L'avertisseur, Les Fleurs du Mal, strophe 2, v. 3

(2) Cf. Identification des êtres humains, in. L'homme-animal : le bestiaire de l'identification.

L'image du chat fait également preuve d'une grande dynamique. Elle est employée afin d'identifier le poète, être comme lui « sédentaire »(1) et la femme qu'elle présente comme une créature sensuelle et mystérieuse, séraphique et assassine qui conduit le lecteur dans un univers fait de plaisirs, de magie mais aussi d'amour froid et distant.

Le chien, symbole de fidélité dans Hymne à la beauté, est, avec son cri ténébreux, l'un des animaux inspirant la mort. Son doublet, le loup l'est également, faisant ainsi une transition du schème de l'animation vers celui du cri. Par ailleurs, l'image de la louve

employée notamment dans J'aime le souvenir de ces époques nues et dans Le Cygne, symbolise quant à elle la mère et la prostituée.

Une influence da la fable est également à noter dans Le Cygne, où cet oiseau, symbole des exilés, se transforme en un animal parlant à Dieu, pour lui faire des reproches. De son côté, l'emploi des images de créatures mythiques connaît également une dynamique des signes, citons l'exemple du vampire qui dans le poème éponyme identifie le poète, alors que dans Les métamorphoses d'un vampire, il identifie la femme.

L'image du cheval dans la poésie baudelairienne est aussi l'une des plus dynamiques. Elle revoie à la sensualité féminine à travers la « lourde crinière »(2) de cet animal qui est également symbole de la mort à travers son image de cheval chthonien annonçant la fin du monde comme dans L'Apocalypse(3). Par ailleurs, dans Femmes Damnées, un « lourd attelage / de chevaux »(4) écrase le corps de l'amante déchirée par l'amour physique d'un homme violeur.

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(1) Les Chats, Les Fleurs du Mal, strophe 1, v. 4.

(2) Le Léthé, Les Fleurs du Mal, strophe 1, v. 4.

(3) Cf. analyse du thème de la mort à travers l'image du cheval chthonien, in. La phobie d'Anubis ou le bestiaire de la mort.

(4) Femme damnées (Delphine et Hippolyte), Les Fleurs du Mal, strophe 9, vv. 1 & 2.

De son côté, le bestiaire ornithologique, après avoir servi à l'identification du poète avec, entre autres, l'image de l'albatros et du cygne, fait également preuve d'un grand dynamisme, analysable à deux niveaux. Dans un premier lieu, le bestiaire ascensionnel fonctionne selon une dynamique qui transforme l'oiseau, en tant qu'animal volant, en une idée d'élévation. Cette désanimalisation permet à l'être humain et à son âme, d'avoir des ailes pour prendre un essor qui reste imaginaire.

Le dynamisme symbolique ornithologique se place, en deuxième lieu, à un niveau plus proches des « miasmes morbides »(1) terrestres. En effet, l'oiseau, symbole d'ascension, se transforme en charognard à travers l'image des « féroces oiseaux »(2), symbolisant ainsi la mort.

L'image de la mort est très présente dans la poésie baudelairienne où elle reflète la peur du poète. Ce dernier qui dans un but d'exorciser sa terreur devant le temps qui « mange la vie »(3) et devant la mort, recourt à une importante dynamique.

Cette lutte contre la mort par une dynamique symbolique se poursuit dans Une Charogne, où le poète cherche à trouver une nouvelle définition de la beauté, pis encore, il met de l'art et de la vie dans la mort.

Après les descriptions détaillées, réalistes et choquantes faites dans Un Voyage à Cythère ou dans Une Charogne, le poète propose un autre visage de la mort. En effet, dans Le Mort Joyeux, elle est envisagée d'une manière sarcastique. Le poète s'y prépare et finit même par l'attendre avec grande impatience. Dans ce poème où la mort est finement imaginée, « la terre devient berceau magique et bienfaisant parce qu'elle est le lieu du dernier repos . » ( 4 ) .

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(1) Elévation, Les Fleurs du Mal, strophe 3, v. 1.

(2) Un Voyage à Cythère, Les Fleurs du Mal, strophe 8, v. 1.

(3) L'ennemi, Les Fleurs du Mal, strophe 4, v. 1 

(4) op. cit., Durand (1969), p. 270.

Par ailleurs, dans Brumes et Pluies, où l'âme du poète ouvre « largement ses ailes de corbeaux »(1), « On voit nettement la mort s'inverser »(2) et « devenir le doux réveil du mauvais rêve »(3), elle est présentée comme étant une libération de la vie terrestre.

Il est, enfin, possible de relever la présence des chrysalides, « à la fois tombe(s) et berceau(x) des promesses de survie »(4), qui dans Le Flacon, « dégagent leur aile et prennent leur essor. »(5)

Cette évolution du thème de la mort montre d'abord, à travers les descriptions effrayantes faites par le poète, à quel point il en est terrorisé. Par ailleurs, les images proposées dans Le Mort Joyeux, Brumes et Pluies ou Le Flacon, dynamisent le symbole de la mort en lui attribuant des vertus de paix, de libération et de renaissance.

La poésie baudelairienne dans Les Fleurs du Mal est donc le théâtre d'une grande dynamique des signes qui se voit non seulement à partir des relations ambivalentes qu'entretiennent les images animales avec les thèmes analysés, mais également à partir de ces mêmes thèmes. En effet, comme il a été le cas pour la dynamique des différentes images liées à la mort, celles qui renvoitnt à la femme dans le bestiaire de l'identification font également preuve d'une grande dynamique. En effet, la femme est à la fois décrite comme une créature belle, sensuelle et envoûtante, mais aussi animale, féroce et monstrueuse. Cette description changeante voire, contradictoire reflète un Remords posthume qui habite le poète et qui, souvent, exprime des regrets suite aux péchés charnels qu'il commet et dont il tient la femme pour responsable.

L'ambivalence des images renvoyant au poète, dans ce même bestiaire de l'identification, comme étant à la fois un « monstre rabougri  » (6) , un « tout jeune oiseau qui tremble et qui

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(1) Brumes et Pluies, Les Fleurs du Mal, strophe 2, v. 4.

(2) Op. cit., Durand (1969), p. 273.

(3) Ibid., p. 271.

(4) Le Flacon, Les Fleurs du Mal, strophe 3, v. 3.

(5) Ibid.

(6) Bénédiction, Les Fleurs du Mal, strophe 3, v. 4.

palpite »(1), un albatros « Exilé sur le sol »(2),un « gai (...) oiseau des bois »(3), un vampire, un prédateur ou un Don Juan, montre, quant à elle, la difficulté qu'éprouve le poète à s'identifier par rapport à une monde d'où il sent rejeté.  

Le bestiaire baudelairien, par sa richesse et par sa variété, permet donc de dégager, à travers la grande dynamique des différentes images animales qu'il propose, plusieurs thèmes et plusieurs significations. Il est par ailleurs important de noter que ces images sont reliées par des points communs reflétant des représentations à la fois psychologiques, sociales et culturelles. En effet, les différentes connotations attribuées aux images animales ont, pour la plupart, une origine folklorique, antique ou biblique. Le recours au bestiaire n'est il pas en lui-même la preuve d'une grande influence de la culture chrétienne ?

Analyse anthropologique d'un bestiaire antique et biblique :

Par leurs rapports et leurs relations dynamiques ainsi que par leurs connotations diversifiées, les images animales relevées dans Les Fleurs du Mal, témoignent, dans une perspective d'un trajet anthropologique, de la vie sociale et culturelle de Baudelaire. Cette base socioculturelle, reflétée dans Les Fleurs du Mal par diverses aspects et thèmes d'écriture, est l'expression flagrante d'une influence à la fois antique et biblique que l'on pourrait relever tout au long du recueil.

Parler de l'héritage antique et biblique dans la poésie baudelairienne nécessiterait un travail de recherche exclusif. Aussi, et vu l'objectif que se fixe ce travail, ces quelques pages ne

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(1) Ibid., strophe 13, v. 1.

(2) L'Albatros, Les Fleurs du Mal, strophe 4, v. 3.

(3) Bénédiction, Les Fleurs du Mal, strophe 7, v. 4.

serviront qu'à rendre compte de ces influences classiques tout en leur proposant un ancrage dans la poésie baudelairienne.

Cette présence à la fois antique et biblique fait « partie de l'héritage littéraire et artistique de l'époque »(1) de Baudelaire. Il faut noter qu'à cette période de l'histoire, le système éducatif était classique et très conservateur, et dès son plus jeune âge, « L'écolier »(2) a été « mis en contact direct avec les plus grands écrivains antiques »(3). Une influence qui, selon Gilbert Durand, fait partie intégrante des `structures anthropologiques de l'imaginaire' puisque faisant partie intégrante de la culture du poète.

Il serait, cependant, impossible de parler de ces influences classiques sans passer par une notion très importante qui leur sert de lien et qui n'est autre que le mythe.

Dans son livre intitulé Mythes et Mythologies dans la Littérature Française, Pierre Albouy donne une définition de l'origine du mythe qui s'avère fort intéressante pour son analyse dans l'oeuvre poétique baudelairienne. Pour lui, « le mythe est, le plus souvent, emprunté à une tradition, que ce soit la Fable gréco-latine ou les récits de la Bible, les mythologies scandinave et germanique ou les légendes médiévales »(4)

Qu'il s'agisse des Dieux de l'Olympe, des personnages bibliques, de mythes scandinaves, germaniques ou médiévaux, ces aspects du mythe sont, sans exception, présents dans Les Fleurs du Mal. Baudelaire « reste »(5) en effet, « attaché à deux mythes qu'on peut dire « classiques »

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(1) G. Henry Freeman, Le message humaniste de LES FLEURS DU MAL, Essai sur la création onomastico-thématique chez Baudelaire, Paris, Librairie A.-G. Nizet, 1984, p. 25.

(2) Alain Michel, « Baudelaire et l'Antiquité », in. Dix études sur Baudelaire, Paris, Honoré Champion Editeur, 1993, p. 186.

(3) Ibid.

(4) Op. cit., P. Albouy, p. 11.

(5) Op. cit., P. Brunuel (1998), p. 171.

et qui ressortissent en fait à deux sources du classicisme : la mythologie gréco-latine »(1) ainsi que «  l'Ancien Testament. »(2).

I- Les Fleurs du Mal : Poésie d'un héritage antique :

Comme il a déjà été vu au cours de l'analyse thématique proposée dans l'un des chapitres précédents, la présence de la mythologie antique se fait très fréquente dans Les Fleurs du Mal. Elle apparaît d'une part à travers des images de créatures imaginaires(3) tels que le monstre, le sphinx, les lutins ou les sirènes et d'autre part la mythologie antique est présente à travers des personnages antiques tels que Hercule, - le seul être humain devenu immortel -, Midas(4), ou encore les Danaïdes(5) que l'on retrouve dans le poème intitulé Les Tonneaux de la Haine. Au sujet de ce poème, G. H. Freeman précise que « le premier vers du sonnet dépeint, sous une forme allégorique, une fable qui nous est connue grâce aux oeuvres d'Eschyle et de Platon. »(6).

D'Eschyle à Ovide passant par Virgile et Juvénal, il est en effet possible de relever dans plusieurs poèmes de Les Fleurs du Mal, diverses influences d'écrivains antiques. Notons l'exemple de Sed Non Satiata, dont le titre est emprunté à Juvénal, Les Plaintes d'un Icare inspiré de la légende ovidienne, ou encore la première et la septième partie de Le Voyage, où Baudelaire réemploie des images de L'Odyssée.

Cette influence antique se lit, également dans plusieurs autres poèmes de Les Fleurs du Mal. J'aime le souvenir de ces époques nues, est l'un de ces poèmes où la mythologie antique est

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(1) Ibid.

(2) Ibid.

(3) L'héritage antique qui se voit à travers des figures d'animaux imaginaires a déjà été analysé au cours du chapitre précédent (cf. thème de la fuite antique), il ne sera donc que signalé, laissant place à d'autres éléments antiques.

(4) Cf. p. 113.

(5) Cf. p. 114.

(6) Op. cit., G. H. Freeman, pp. 51-52.

présente de manière significative. En effet, ce poème d'influence néo-païenne, représente essentiellement « le paradigme d'une opposition entre âge antique et âge moderne »(1). Les trois parties qui le composent, constituent un parallèle entre le monde antique et la société moderne du XIXe siècle.

Dans la première partie de ce poème, Baudelaire chante les louanges de l'Antiquité qu'il décrit comme étant harmonieuse et idéale. Il a recours entre autres à l'image de la déesse Cybèle, héritière des déesses-mères anatoliennes(2). Cette « Grande Mère »(3), comme elle est souvent qualifiées, est présente dans ce poème à travers l'image de la louve, la nourricière des jumeaux Rémus et Romulus. Elle représente ainsi à travers ses « tétines brunes »(4), un mariage singulier entre la divinité et l'animal ce qui est considéré comme « l'indice qu'une même loi d'amour régit les ordres de l'univers, qu'il soient célestes, humain ou animal, et que c'est cette même loi qui fonde les cités. »(5). Cette même image de la déesse sous forme de louve, est également présente à la fin du poème intitulé Le Cygne où elle se transforme en divinité du malheur, marquant le « hiatus qui sépare l'antique du moderne »(6).

Dans la seconde partie de J'aime le souvenir de ces époques nues, cette notion de modernité se fait très présente. En effet, le poète peint un « noir tableau plein d'épouvantement »(7), où on assiste à la douloureuse disparition de l'harmonieuse Cité, laissant place à un monde où règnent le froid et le désespoir. Monde où la généreuse et la végétale

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(1) Op. cit., P. Labarthes, p. 320.

(2) Cf. op. cit., M. Philibert

(3) Cf. op. cit., M. Philibert

(4) J'aime le souvenir de ces époques nues, Les Fleurs du Mal, v. 10.

(5) Op. cit., P. Labarthes, p. 322.

(6) Ibid.

(7) J'aime le souvenir de ces époques nues, Les Fleurs du Mal, v. 19.

Cybèle, comme elle apparaît dans Bohémiens en Voyage, est remplacée par « le dieu de l'Utile »(1), le dieu de la société capitaliste du XIXe siècle.

Un appauvrissement de l'être et de l'âme se fera également ressentir à travers cette « diminution physique »(2). Quant aux beautés, ces « Fruits purs de tout outrage et vierges de gerçures »(3), que l'on retrouve dans la première partie, elles se verront dans la seconde, traîner « l'hérédité »(4) « Du vice maternel »(5) .

La troisième partie du poème joue, quant à elle, un rôle d'exorcisme à la colère éprouvée contre ce monde méprisé et qualifié de `corrompu' par le poète. Ce dernier, tente par ailleurs de définir, dans ce monde humain de « races maladives »(6), la Beauté moderne qui est inspirée par des muses qui sont tout aussi `maladives'.

Dans un autre poème portant le titre significatif de La Muse Malade, il s'agira toujours de cette opposition entre antiquité et modernité. Dans cette pièce, la muse rappelle par son être froid et appauvri, les humains du poème précédent.

A travers sa poésie, « Baudelaire saisit les leçons et les exemples de l'Antiquité classique à travers la modernité même »(7). Dans le poème sur-cité, le monde moderne est envisagé à travers la société antique où la muse moderne se voit noyée dans les lieux marécageux des « fabuleux Minturnes »(8). Cette même muse qui en se faisant vénale, se voit exposée aux antiques Borées, froids vents de Janvier.

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(1) Ibid., v. 23.

(2) Ibid., P. Labarthes, p. 321.

(3) J'aime le souvenir de ces époques nues, Les Fleurs du Mal, v. 13.

(4) Ibid., v. 27.

(5) Ibid.

(6) Ibid., v. 34.

(7) Op. cit., A. Michel, p. 192

(8) J'aime le souvenir de ces époques nues, Les Fleurs du Mal, v. 8.

S'oppose à cette muse maladivement moderne, une autre qui exhale « l'odeur de la santé » (1). Une muse antique qui inspire à la fois le vin, la force et la richesse, à travers les images de Bacchus, de Phoebus et du « grand Pan »(2).

Le Cygne est également un des poèmes où à travers l'antiquité, Baudelaire « saisit la plus âpre modernité »(3). En effet, dans ce poème qui pleure la douleur des exilés, le poète se trouve dans un Paris neuf qu'il ne reconnaît plus. Pour s'en échapper, il fait vivre ses fantômes puisés dans le monde antique en faisant appel à l'image du cygne. Cet oiseau qui remonte jusqu'à l'oeuvre de Virgile en passant « par des textes admirables de Samazar que tous les experts en vers latins connaissent au temps de Baudelaire (...) évoque à la fois L'Enéïde et « l'homme d'Ovide(4) », l'homme de Platon, dont le regard se tend désespérément vers le ciel. »(5). Cette dernière image que l'on retrouve dans le vingt-cinquième vers du poème :

Vers le ciel quelques fois, comme l'homme d'Ovide,

Vers le ciel ironique et cruellement bleu,

Sur son cou convulsif tendant sa tête avide,

Comme s'il adressait des reproches à Dieu !(6)

C'est à l'image de la déesse de la lune, Séléné et de son amant Endymion, que le poète fait référence dans le poème intitulé La Lune Offensée. Cette même Déesse que l'on retrouve sous le nom de Phoebé dans Le Jet D'eau.

La Lune Offensée est une autre pièce où il est question de modernité à travers l'image de l'antique. le poète utilise ce mythe en transformant « cette fable antique en une arme redoutable, celle d'une ironie mordante et nocive »(7).

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(1) Ibid., v. 9.

(2) Ibid., v. 10.

(3) Op. cit., A. Michel, p. 198.

(4) Il faut savoir que Ovide a été d'une grande inspiration pour Baudelaire qui faisait une lecture romantique de son oeuvre.

(5) Op. cit., A. Michel.

(6) Le Cygne I, Les Fleurs du Mal, strophe 7.

(7) Op. cit., G. H. Freeman, p. 31

Sur un ton familier et interpellant la déesse par le nom de Cynthia, comme l'aurait fait un romantique anglais au nom de Cynthia, le poète veut savoir « si la poésie d'inspiration païenne suffit à la France du dix-neuvième siècle. »(1). La lune répond au poète « avec une véhémence incisive »(2) :

« - Je vois ta mère, enfant de ce siècle appauvri,

qui vers son miroir penche un lourd amas d'années,

et plâtre artistement le sein qui t'a nourri ! »(3)

Ces vers dévoilent les premiers caractères de la Beauté moderne telle qu'elle sera conçue par Baudelaire une dizaine d'années plus tard.

Dans De Profundis Clamavi, le poème où le poète « jalouse le sort des plus vils animaux / Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide, »(4), la mythologie se fait tout aussi présente. En effet, ce monde dont parle le poète, et où le soleil brille six mois et disparaît les six autres mois, rappelle l'histoire de Perséphone, fille de Déméter et de Zeus(5), qui se trouve condamnée à vivre au monde des Hadès(6) pendant la période hivernale de l'année.

Les Enfers, sous le noms des Hadès, que l'on retrouve également dans Le Guignon où le poète fait appel au courage et à la patience de Sisyphe condamné éternellement à pousser un rocher. A travers cette image, Baudelaire « renforce le caractère antique de l'aphorisme et l'unit aux labours sans fin et sans récompense du poète moderne »(7) :

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(1) Ibid.

(2) Ibid.

(3) La lune offensée, Les Fleurs du Mal, strophe 3.

(4) De Profundis Clamavi, Les Fleurs du Mal, strophe 4, vv. 1-2.

(5) Guus Houtzager, L'Univers de la Mythologie grecque, Adaptation française de Jean-Louis Houdebine, Paris, Gründ, 2004, p.203.

(6) Hadès désigne à la fois le royaume des morts et le dieu qui le régit. Ce dernier n'en sort qu'en des occasions exceptionnelles, comme pour ravir Perséphone, qui sera son épouse, ou pour chercher Sisyphe. Le royaume de l'Hadès n'a pas de localisation précise. Delon l'Iliade, il s'agit d'un univers souterrain. Sans l'Odyssée, la chemin qui y conduit débute aux confins du monde et passe au-delà de l'océan. cf. op. cit. M. Philibert.

(7) Op. cit., G. H. Freeman, p. 54.

Pour soulever un poids si lourd,

Sisyphe, il faudrait ton courage !

Bien qu'on ait du coeur à l'ouvrage,

L'Art est long et le Temps est court.(1)

La poésie baudelairienne est aussi celle des douleurs qui naissent chez le poète des Temps modernes. « Les plaintes de Baudelaire résonnent avec force parce que c'est au nom de toutes les âmes angoissées de tous les siècles qu'il se plaint. »(2). Baudelaire se plaint aussi à travers le personnage ovidien d'Icare qui n'arrive pas à quitter la terre pour les cieux.

Dans Horreur Sympathique, poème publié trois ans après la condamnation de Les Fleurs du Mal, le poète crie une fois de plus sa douleur et son angoisse. Il compare sa destinée à celle d'Ovide, ce poète latin qui mourut en exil après avoir été banni par l'empereur romain Auguste. Poète qui avait connu un destin bien plus terrible et bien plus sévère que celui que connaît le poète moderne.  :

Insatiablement avide

De l'obscur et de l'incertain,

Je ne geindrai pas comme Ovide

Chassé du paradis latin.(3)

Face à cette souffrance que le poète hurle à travers les temps, c'est à travers une vie divine que dans Bénédiction le poète conçoit sa destinée. En effet, dans ce poème, il réussit à trouver « dans tout ce qu'il boit et dans tout ce qu'il mange »(4), « l'ambroisie et le nectar vermeil »(5).

Dans Sed non Satiata, poème dont le titre latin emprunté à Juvénal, signifie `Mais non comblée', montre la désolation du poète et son découragement lorsqu'il est devant la femme

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(1) Le Guignon, Les Fleurs du Mal, strophe 1.

(2) Op. cit., G. H. Freeman, p. 55.

(3) Horreur sympathique, Les Fleurs du Mal, strophe 2.

(4) Bénédiction, Les Fleurs du Mal, strophe 6, v. 3.

(5) Ibid., v. 4.

métisse qui obsède son esprit et ses pensées. On assiste dans ce poème à « une perséphonisation de Jeanne Duval »(1) , ce « démon sans pitié »(2) qui se trouve captif de sa vie frivole. Dans ce poème, « Baudelaire poursuit un jeu, qui est assurément un jeu érotique, (...) mais c'est aussi un jeu mythologique »(3)  :

Hélas ! et je ne puis, Mégère libertine,

Pour briser ton courage et te mettre aux abois,

Dans l'enfer de ton lit devenir Prospérine !(4)

En plus de la référence à Juvénal, le poète rend, une fois de plus, hommage à Ovide. Quand il déclare au onzième vers :  « Je ne suis pas le Styx pour t'embrasser neuf fois. »(5). Parallèlement à la référence au fleuve de l'Enfer, une allusion est faite à L'Art d'aimer, oeuvre de l'auteur latin Ovide, et où ce dernier écrit : « Je me souviens d'avoir été glorieux pendant neuf assauts »(6).

Le Voyage est un autre poème « inséparable »(7) des « textes canoniques »(8) tels que l'Odyssée dont on retrouve l'influence, notamment dans la première et la septième partie du poème. En effet, il est possible de relever dans la troisième strophe de la première partie, la référence à « la Circé(9) tyrannique aux dangereux parfums »(10) qui changea les hommes d'Ulysse en pourceaux.

Dans la septième partie, le poète fait appel à plusieurs figures mythiques, notamment celles du juif errant d'Electre, des Pylades et du lotus. Cette dernière référence qui replonge une

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(1) Op. cit., P. Brunuel (1998), p.173.

(2) Sed non Satiata, Les Fleurs du Mal, strophe 3, v. 2.

(3) Op. cit. P. Brunuel (1998).

(4) Sed non Satiata, Les Fleurs du Mal, strophe 4.

(5) Sed non Satiata, Les Fleurs du Mal, strophe 3, v. 3.

(6) Ovide, L'Art d'aimer, in. Op. cit., R. Sctrick, p.319.

(7) Op. cit., P. Brunuel (1998), p. 176.

(8) Ibid.

(9) Cf. pp. 64, 65, 114.

(10) Le Voyage I, Les Fleurs du Mal, strophe 3, v. 4.

fois de plus le poème dans l'univers de l'Odyssée et de Ulysse dont les compagnons, après avoir goutté à cette fleur de lotus, ne voulaient plus quitter la terre où cette plante poussait.

D'autres références à des lieux antiques sont également à relever, telle la référence à Leucate ou à l'île de Cythère « l'eldorado banal de tous les vieux garçons »(1) ou encore celle aux éthers et tous les espaces célestes imaginés par les Grecs, et que l'on retrouve dans Elévation.

Lesbos(2) est un autre poème qui regorge de références mythologiques. Dès le titre, nom de l'île antique qui a vu naître Sapho(3) et ses écoles de musique et de poésie, le poète rend hommage à celle-ci, notamment dans les cinq dernières strophes :

De Sapho qui mourut le jour de son blasphème,

Quand insultant le rite et le culte inventé,

Elle fit son beau corps la pâture suprême

D'un brutal dont l'orgueil punit l'impiété

De celle qui mourut le jour de son blasphème.(4)

Lesbos représente aux yeux du poète un eldorado antique. Contrairement à Cythère la « pauvre terre »(5), cette île est la « Mère des jeux latins et des voluptés grecques »(6) et la « Reine du doux empire »(7) qui devient féroce et morbide chez Baudelaire. Le poète fait référence à d'autres endroits mythiques tels que Leucate et Paphos. Cette dernière où se trouvait un des plus célèbres temples d'Aphrodite.

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(1) Un Voyage à Cythère, Les Fleurs du Mal, strophe 2, v. 3.

(2) Lesbos, en grec, Lésvos, est une grande île de l'est de la Grèce qui fut habité dès l'époque préhistorique et qui fut vraisemblablement édifiée par les Troyens. Au début du Vie siècle A.-J., elle tomba entre les mains du tyran Pittacos, qui la pacifia en lui donnant ses lois. Lesbos connut alors une ère de prospérité. Ce siècle fut marqué par la présence de la poétesse Sapho et du poète Alcée, qui critiquèrent le gouvernement de Pittacos. Cf. op. cit., Encyclopédie Encarta.

(3) Sapho, poétesse grecque née à Mytilène, dans l'île de Lesbos. Issue d'une famille noble, elle fut peut-être aimée d'Alcée et dut, comme lui, s'exiler en Sicile pour avoir soutenu le parti aristocratique contre le tyran Pittacos. Mariée et mère d'une fille nommée Cléïs selon les uns, elle se serait, selon les autres, précipitée depuis les rocher de l'île de Leucate. Cf. op. cit., Encyclopédie Encarta.

(4) Lesbos, Les Fleurs du Mal, strophe 14.

(5) Un Voyage à Cythère, Les Fleurs du Mal, strophe 2, v. 4.

(6) Lesbos, Les Fleurs du Mal, strophe 1, v. 1 & 5.

(7) Ibid., strophe 5, v. 3.

Toutes les influences antiques vues jusqu'ici sont exclusivement occidentales, cela dit, il faudrait noter, d'une part, la présence d'une influence exotique à travers des poèmes comme A Une Malabraise, A Une Dame Créole ou L'Invitation au Voyage. D'autre part, une influence orientale, notamment, indienne est également à signaler à travers des animaux comme l'éléphant, ou à travers une tradition culturelle comme l'hypnotisme des serpents dans Le serpent qui danse, par exemple, ou la danse, avec la `bayadère' de Danse Macabre. La présence d'une mythologie orientale est également à noter avec des références à la mythologie égyptienne. Signalons, entre autres, le Pharaon de Un Cabaret Folâtre.

Il est également fréquent de rencontrer dans la poésie baudelairienne des mythes modernes, retravaillés selon le goût du poète et de son époque. Dans Don Juan aux Enfers, par exemple, le poète imagine le jour du jugement de ce personnage considéré comme l'un des plus grands mythes littéraires. Pour cela, le poète fera référence à Charon, le batelier légendaire des enfers au séjour des morts.

II- Les Fleurs du Mal : Poésie d'un héritage biblique :

La mythologie est aussi présente sous d'autres formes plus religieuses, avec des animaux(1) comme le corbeau qui, entre les différentes représentations qu'il lui sont attribuées par l'imaginaire humain, inspire la charité, notamment quand il « nourrit le prophète Elie dans le désert, en lui apportant tous les jours du pain et de la viande »(2). Il a également été associé aux mauvais augures, vu son apparition négative dans l'histoire de l'arche de Noé, ainsi qu'à la mort, vu son rôle dans la tradition relieuse de l'enterrement. L'aigle et le cheval chthonien(3) sont également des animaux bibliques auxquels s'est référé Baudelaire dans Les Fleurs du Mal.

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(1) L'héritage biblique est visible à travers des images d'animaux chthoniens pour la plupart. Celles-ci ont été analysées au cours du chapitre précédent. Elles ne seront donc que signalées, laissant place à d'autres éléments bibliques.

(2) Op. cit., F.-Beyoncé et Fayol, p. 60.

(3) Cf. p. 90.

La poésie baudelairienne convoque également d'autres mythes bibliques tels que celui du juif errant, de Satan, de Caïn, où encore le mythe du Christ ou celui de Moïse. Versatile, elle célèbre les deux revers de la religion, le bien et le mal.

Dans la septième partie du poème intitulé Le Voyage, et pour mieux rendre compte de l'errance de l'être humain, le poète fait appel à l'image du juif errant et aux apôtres tout en ajoutant une note supplémentaire de modernité, à travers la référence au wagon. Engin qui particularise le XIXe siècle, le siècle des découvertes.

Comme le juif et comme les apôtres,

A qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,

Pour finir ce rétiaire infâme, il en est d'autres

Qui savent le tuer sans quitter leurs berceau.(1)

Dans L'Héautontimorouménos, le poète s'intéressera à l'histoire de Moïse, l'un des personnages bibliques symbolisant la paix et la patience :

Je te frapperai sans colère

Et sans haine, comme un boucher,

Comme Moïse le rocher !(2)

Dans Bohémiens en Voyage, cette « tribu prophétique »(3) aux airs mystiques rappelle étrangement la tribu de Caïn, du côté de laquelle se rangera le poète dans Abel et Caïn. Cette même tribu dont la caravane se dirige dans Le Voyage vers les Enfers, faisant appel à la fin de l'Odyssée et à l'image des prétendants tués par Ulysse.

Dans ce poème tous les personnages de la pièce gravitent autour du grand séducteur espagnol dans un endroit qui n'est pas la Géhenne biblique mais les Enfers classiques.

La poésie baudelairienne réserve donc une place de choix aux mythes catholiques. Chose considérée comme normale et prévisible par tous les critiques littéraires , étant donné que

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(1) Le Voyage VII, Les Fleurs du Mal, strophe 3.

(2) L'Héautontimorouménos, Les Fleurs du Mal, strophe1, vv. 1-3.

(3) Bohémiens en Voyage, Les Fleurs du Mal, strophe 1, v. 1.

Baudelaire a été, dès son plus jeune âge, de part son éducation et son milieu familial, sous une influence catholique.

Dans sa poésie, Baudelaire célèbre la religion de Dieu et se met sous ses ordres en se déclarant prophète dans Bénédiction. Par ailleurs, il présente sa vie humaine, ainsi que celle de tous les poètes, pétrie de peines et de souffrances, ce qui, cependant, est considéré comme une purification de l'âme de tous les péchés qu'elle a commis. Péchés que Baudelaire présente, souvent, sous forme d'insectes qui rongent l'être humain de l'intérieur.

Souvent, affaibli par les souffrances qui lui sont infligées, le poète oublie leur vertu purificatrice. Dans Les Petites Vieilles, près de ses âmes soeurs, les « Eves octogénaires »(1) dont il se sent le proche, le poète, désespéré, établit une liaison entre divinité et animalité à travers l'image des « griffes effroyables de Dieu »(2).

Baudelaire montre, de par sa grande ambivalence, l'existence d'un revers à son éducation catholique, voire, une autre face du monde qui n'est pas sous la `Bénédiction' de Dieu. En effet, sa poésie se fait aussi chantre de « toute la mythologie de Satan »(3). Mythologie faite de « messes noires »(4) qui inspira le poète, « stimule sa verve et enrichit sa pensée »(5).

Satan tient une place de marque dans la poésie baudelairienne et notamment dans le poème qui chante ses louanges et qui porte le nom de Les Litanies de Satan :

O toi, le plus savant et le plus beau des Anges,

Dieu trahit par le sort et privé de louanges,

O Satan, prends pitié de ma longue misère !

(...)

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(1) Les Petites Vieilles IV, Les Fleurs du Mal, strophe 6, v. 3.

(2) Ibid., v. 4.

(3) Jean Prévost, Baudelaire, Essai sur l'inspiration et la création poétique, Paris, Mercure de France, 1953, p. 73.

(4) L'Imprévu, Les Fleurs du Mal, strophe 6, v. 4.

(5) Op. cit. J. Prévost.

PRIERE

Gloire et louange à toi, Satan dans les hauteurs

Du Ciel, où tu régnas, et dans les profondeurs

De l'Enfer, où vaincu, tu règnes en silence !

Fais que mon âme un jour, sous l'Arbre de Science,

Près de toi se repose, à l'heure ou sur ton front

Comme un Temple nouveau ses rameaux s'épandront !(1)

Dans Les Fleurs du Mal, « Baudelaire ne blasphème qu'en chrétien »(2), il fait de « Satan (le) Trismégiste »(3), le « plus savant et le plus beau des Anges »(4) rappelant l'image antique d'Hermès magicien.

Tous ces recours aux mythes antiques et bibliques relevés dans la poésie baudelairienne, témoignent sans équivoques d'une influence classique évidente. La notion de trajet anthropologique proposée par G. Durand a donc été profitable à cette analyse en ce qu'elle a permis de déterminer les origines du bestiaire baudelairien. En effet, les animaux, dans Les Fleurs du Mal, sont souvent évoqués par rapport à la mise en avant de qualités ou d'attributs qui leurs sont conférés par une tradition de représentations antiques et bibliques voire folkloriques.

Les images animales du bestiaire baudelairien, qu'elles soient classiques ou autre, présentent un point commun qui les rallie sur une seule et même trajectoire faisant d'eux, avant tout, des animaux mythiques.

C'est, en effet, un monde mythique qui prime dans l'imaginaire baudelairien. Un monde d'animaux communs à différentes mythologies qu'elles soient gréco-latine, égyptienne, celte ou autre, donnant ainsi à ces animaux, en plus du thème, de la dynamique et du trajet anthropologique qu'ils représentent, une dimension plus historique. Cet autre aspect du bestiaire

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(1) Les Litanies de Satan, Les Fleurs du Mal, strophe 1 & PRIERE ( fin du poème).

(2) Op. cit., J. Prévost.

(3) Au lecteur, Les Fleurs du Mal, strophe 3, v. 1.

(4) Les Litanies de Satan, Les Fleurs du Mal, strophe 1, v.1.

baudelairien nous pousse à nous interroger sur une éventuelle origine commune aux images animales baudelairiennes.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius