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Le projet de zone monétaire unique en afrique de l'ouest: fondements, état des lieux et analyse prospective

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par Souleymane DABONE
Institut Diplomatique des Relations Internationales (IDRI) - Diplôme d'Etudes Superieures en Diplomatie et Relations Internationales 2007
  

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Section II : Enjeux et perspectives

La grande inconnue dans le projet Ouest africain, comme celle qui a prévalu dans le projet européen, c'est le temps qui pourrait être nécessaire pour enfin voir tous les Etats utiliser la même monnaie.

A défaut d'être précis sur le temps nécessaire pour créer l'Union monétaire de la CEDEAO, on peut, cependant, noter que dans la perspective de l'observation intégrale des critères de convergence par la ZMAO, un certain nombre d'enjeux voire de défis resteront à être relevés. En effet, des réponses aux questions suivantes devront être trouvées: quel régime de change peut être adopté pour l'Eco et la monnaie unique-CEDEAO ? Etant donné que la monnaie d'ancrage de l'Eco est le dollar, quelle peut être celle de la monnaie uniqueCEDEAO ?

II.1 Le régime de change de l'Eco

Pour que la ZMAO soit une zone monétaire effective et durable, il faut qu'elle arrive à adopter un régime de change adéquat, qui lui permettra d'afficher plus de crédibilité. La nécessité d'être crédible est un objectif certain que la ZMAO se devra d'atteindre afin qu'intervienne l'étape de la négociation entre elle et l'UEMOA pour la création de la ZMU.

L'arrimage de l'Eco au dollar US fournit l'information selon laquelle le régime de change de Eco risque d'être fixe. Et selon de nombreuses analyses portées sur les régimes de change, le Conseil d'émission ou Currency board est de loin la meilleure technique de gestion à observer. Cette technique a permis à de nombreux pays qui l'ont adoptée d'obtenir des résultats spectaculaires en matière d'inflation (3,3% en Argentine en 1995 contre 272% en 1991 ; 36 % en Bulgarie en 1998 contre 572% en 1997). Elle est aussi présentée comme une solution adaptée aux petits pays (Pays baltes, Hong Kong,...), pour lesquels la perte du contrôle du taux de change nominal comme variable d'ajustement ne pose pas de problème

majeur, et à ceux qui connaissent l'hyperinflation (Hanke S. et Walters A. (1992) ; Sgard J., (1998); Dupuy M. (1998). En quoi consiste donc le Currency board ou Conseil d'émission ? Le Currency board est régi par trois principes fondamentaux :

· Le rattachement à une monnaie internationale de réserve. Pour les Etats membres de la zone franc, leur monnaie- franc CFA- est rattachée à l'euro. Dans la plupart des cas, la monnaie de rattachement est le dollar (Argentine, Hong Kong, Lituanie) en raison du fait qu'il intervient dans la facturation des importations et exportations (instrument des échanges).

· Une base monétaire (réserves des banques + monnaie fiduciaire) gagée sur les réserves de change. Le plus souvent, la base monétaire est gagée à 100% (Argentine, Estonie, Lituanie), parfois entre 110 et 120% pour éviter les attaques spéculatives (Hong Kong). Actuellement, la base monétaire du franc CFA est gagée à environ 115% pour une norme fixée à 20%.

· Une politique monétaire à caractère subordonné du fait que l'augmentation de la base monétaire et, par suite, de la masse monétaire ne peut provenir que de la hausse des réserves en devises. Il n'y a pas de création de monnaie autonome et aucune possibilité de financer le déficit budgétaire par la création de monnaie. L'ajustement s'effectue par les taux d'intérêt et les opérations d'open-market.

Le grand avantage de cette technique est qu'elle permet de stabiliser les taux de change en période de crise économique et financière et ainsi de créer des conditions macroéconomiques plus stables. Par ricochet, le Conseil d'émission renforce la crédibilité de la politique monétaire et fiscale des pays qui l'adoptent. Cependant, les coûts de cette technique sont la perte des avantages liés à une politique de taux de change flexible qui permet de maintenir la compétitivité des économies (dévaluations compétitives). Aussi, elle a pour inconvénient de provoquer des crises bancaires souvent profondes comme ce fut le cas en Estonie en 1992 et en Argentine en 1995. Ces crises ont été provoquées par le fait que le Currency Board ne permet pas, en principe, de fournir des liquidités aux banques en difficulté. Son incidence déflationniste retentit fréquemment sur l'économie réelle (Argentine) et se heurte à la non flexibilité des salaires et des prix. Et il en découle souvent une appréciation du taux de change réel.

En somme, c'est un régime extrêmement rigoureux qui verrouille des marges de manoeuvre aux Etats en matière de politique monétaire. Pour parvenir à adopter cette technique avec succès, il est nécessaire d'entretenir une réserve en devises assez importante.

« A l'exception du Nigeria, les autres pays de la ZMAO connaissent une insuffisance de réserves en devises liée à la forte dépendance de leur économie aux prix des matières premières » Sow (2004). On peut donc rester dubitatif sur la capacité de la ZMAO à observer le Currency board avec succès dans le court terme. Notons que la stratégie Ouest africaine de monnaie unique s'inscrit dans la stratégie de l'Union Africaine (UA) de doter le continent d'une monnaie unique en 2021.

II.2 La problématique de la monnaie unique-CEDEAO

Pour qu'intervienne la fusion de la zone UEMOA et de la zone ZMAO, outre les performances de la ZMAO qui devront être satisfaisantes, des points sensibles liés notamment au régime de change de la monnaie de la future ZMU et de la devise de rattachement devront être clarifiés.

II.2.1 La question du régime de change de la monnaie unique

L'idée même de la création d'une monnaie autre que le franc CFA en Afrique de l'Ouest traduit le désaveu des autres pays de la région de participer à l'UEMOA sous sa forme actuelle.

Pour que la définition de la monnaie communautaire ne soit une étape qui fasse obstacle à la création de la zone monétaire unique, il est essentiel de faire un tour des différentes critiques faites à l'UEMOA (ou à la zone CFA). Ces critiques portent essentiellement sur la dépendance de cette monnaie vis-à-vis d'une monnaie étrangère et de la rigidité de son ancrage au franc français et à l'euro.

Selon la théorie économique, la monnaie d'ancrage d'une zone monétaire doit être celle de l'économie la plus forte. Dans le cas d'espèce, le Naira devrait jouer le rôle pivot dans la construction monétaire ouest africaine si toutefois il était crédible. Mais les mauvaises performances de cette monnaie ne permettent pas une telle option (Masson P. et Patillo C., 2005). De plus, la faiblesse du niveau du commerce intra communautaire de la CEDEAO, qui est de l'ordre de 10% des échanges extra communautaire, traduit un niveau des revenus faibles et l'exiguïté des économies. En revanche, l'UEMOA qui a opté pour un ancrage à l'euro est parvenue à l'objectif de stabilité monétaire34. Elle a su éviter les problèmes qui

34 La stabilité monétaire résulte du fait que le taux de change indexé réduit les risques liés aux unités monétaires faibles.

assaillent habituellement les pays du tiers monde tels que l'existence de marchés parallèles pour les devises étrangères, le contrôle des changes ou les infractions à la réglementation des changes. L'UEMOA est aussi parvenue à maîtriser l'inflation. Dans un tel contexte, bien que les critiques ne manquent pas sur la zone CFA, l'indépendance monétaire en Afrique de l'Ouest serait dès le lancement de la monnaie unique une option peu envisageable, en raison de la non crédibilité des monnaies dites «indépendantes», présentes dans la zone. Par contre, l'arrimage à une monnaie internationale est l'option réaliste à envisager en raison de l'expérience réussie de l'UEMOA.

L'inexistence des conditions nécessaires pour aborder avec sérénité la gestion d'une monnaie totalement «indépendante», fait que l'inconvénient de la rigidité des taux de change dans le Currency board avec son corollaire de contraintes en matière de politiques économiques (gestion monétaire, équilibres budgétaire et extérieur), ne milite pas a priori pour l'adoption d'un régime de change fixe rigide pour la monnaie unique CEDEAO. Toutefois l'objectif recherché, à savoir une monnaie crédible pour les Etats membres de la ZMAO, renforce l'option d'un régime de change à parité fixe par rapport à une monnaie forte, ou à un panier de monnaies fortes. Cette parité, outre la discipline monétaire qu'elle exige, nécessite que le rythme des crédits intérieurs et du taux d'inflation n'excède pas ceux du pays, ou de la zone d'ancrage.

II.2.2 Le problème de la monnaie d'ancrage

Une fois la monnaie Eco émise, il ne restera dans la zone CEDEAO que deux monnaies convertibles rattachées chacune à une monnaie internationale, si l'on s'en tient à ce que prévoit la stratégie. A partir de ce moment, la Communauté n'aura que deux choix possibles à faire : soit la monnaie communautaire sera rattachée à un panier de monnaies comprenant l'euro et le dollar, soit elle sera ancrée à une monnaie composite comme le DTS. Ces deux options offrent l'avantage de réduire l'ampleur des fluctuations de la monnaie régionale par rapport à chacune des grandes devises internationales, qui parfois, enregistrent entre elles de fortes variations.

Une analyse de l'opportunité d'un ancrage de la future monnaie commune de la CEDEAO à une devise composite comme le DTS conduit à douter de la nécessité d'opter pour un tel choix. En effet, les problèmes récurrents de collectes et de traitement de données dans la Zone montrent que l'entreprise sera plus ardue pour la Communauté de gérer

efficacement un ancrage au DTS. De plus, l'histoire du système monétaire international enseigne que très peu de pays optent pour un ancrage de leur monnaie au DTS. Si en 1982, 15 monnaies étaient rattachées au DTS, en 1996 il ne restait seulement que deux pays ayant rattachés leur monnaie à cette devise35. Par contre, le rattachement à un panier de monnaies est fort probable en raison de la flexibilité qu'il comporte dans l'affectation des différents quotas aux devises internationales qui entrent dans la composition du panier. En Pologne par exemple, le zloty (la monnaie polonaise) est rattaché à l'euro (55%) et au dollar (45%) depuis 1999 ; avant cette date, le panier comprenait le mark et le dollar.

Une meilleure évaluation des parts de chaque monnaie dans le panier de devises permettra de réduire au mieux les fluctuations de la valeur des transactions internationales exprimée en monnaie régionale. La CEDEAO réalise 40% des échanges internationaux avec l'Union européenne, une pondération de l'euro à un pourcentage équivalent pourrait garantir la stabilité du taux de change pour environ 50% des échanges internationaux de la zone. Du fait du poids du dollar et de l'euro dans la facturation internationale des exportations, des importations et de l'évaluation de la dette des pays membres de la CEDEAO, Berthélémy et Chauvin (1998) proposent un ancrage à un panier constitué uniquement de l'euro et du dollar comme en Pologne. Mais, en raison de la percée actuelle de la Chine continentale sur le marché africain et mondial, l'on peut aussi envisager la prise en compte du yuan dans le panier. Cependant, avant toute décision allant dans le sens de déterminer la part de chaque monnaie dans le panier de devises, une analyse de l'orientation géographique des paiements internationaux de l'ensemble CEDEAO avec une prise en compte du poids des monnaies dans la facturation des échanges internationaux et opérations relatives à la dette devra être effectuée.

Il apparaît au terme de ce chapitre, qu'il n'y a pas lieu de douter de la volonté politique des Etats membres de la ZMAO, en raison de l'amélioration de leurs performances macroéconomiques après 2004. On peut retenir, aussi, que non seulement la monnaie Eco ne pourra pas être crédible dans le court terme ; mais aussi, que l'avènement de la ZMU demeurera problématique tant des réponses définitives ne seront pas trouvées aux questions ayant trait au régime de change et à la (les) devise(s) d'ancrage de la monnaie unique.

35 Ces données proviennent de BOURGUINAT Henri, Finance internationale, Paris, Presses Universitaires de France, 1997, 4è édition, p528-529.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille