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L'execution par l' administration des décisions du juge administratif, en droit français et en droit grec.

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par Antonia HOUHOULIDAKI
Université Paris I Sorbonne - DEA de droit public comparé des pays européens 2002
  

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CHAPITRE II : L'ADMINISTRATION LIÉE PAR LES

DÉCISIONS DU JUGE ADMINISTRATIF.

Toute instance, appelle le prononcé d'un jugement, c'est à dire d'une décision juridictionnelle.73(*) Par ce jugement, l'instance prendra fin et la juridiction sera dessaisie.

Ce principe vaut, également, pour le juge administratif. En effet, dans ses rapports avec l'administration, pour que son contrôle puisse avoir une effectivité, encore faut-il que ses décisions revêtent l'autorité de la chose jugée.

De ce fait, cette notion, représente la clef de la soumission de l'administration aux décisions de la juridiction administrative.

Ainsi, on constate, dans un premier temps, l'existence d'une obligation faite pour l'autorité administrative d'exécuter les décisions du juge administratif( Section I ).

Néanmoins, il ne faut pas perdre d'esprit, que l'administration ne peut être considérée comme une partie ordinaire au procès. Par conséquent, il est intéressant, d'examiner le contenu même de cette obligation ( Section II ).

Section I : L'obligation de se conformer aux décisions du juge administratif .

Dès le prononcé d'un jugement définitif, émanant du juge administratif français ou grec, l'administration se trouve liée par les termes de la décision. Cela signifie qu'elle doit tirer toutes les conséquences du jugement et cela dans un « délai raisonnable ».

Afin de parvenir à ce résultat, la décision rendue par la juridiction administrative, va revêtir l'autorité de la chose jugée(A).

Par ailleurs, l'autorité de la chose jugée n'est pas la seule cause de la soumission de la personne publique aux jugements administratifs. D'autres fondements y contribuent également.(B)

A) L'autorité de la chose jugée.

L'autorité de la chose jugée, peut se définir, « comme interdisant, que ce qui a été jugé, puisse être ( si ce n'est en conséquence de l'exercice d'une voie de recours contre le jugement même) méconnu ou contesté ».74(*)

Plus particulièrement, en droit hellénique, c'est l'article 50§5 du décret 18/1989, qui prévoit expressément cette autorité de la chose jugée, émanant des arrêts du Conseil d'État, rendus à la suite de recours pour excès de pouvoir.

À ce titre, il faut, dans un premier temps présenter les caractères de l'autorité de la chose jugée (1), et dans un deuxième temps examiner sa portée (2).

1) Les caractères de l'autorité de la chose jugée.

Parmis les caractères de l'autorité de la chose jugée, on constate qu'elle se rattache au bloc de légalité(1), d'une part, et qu'elle comporte deux aspects dont la distinction doit être établie, d'autre part (2 ).

a) L'autorité de la chose jugée, un élément du bloc de légalité.

L'autorité de la chose jugée, notamment, en matière de contentieux de l'excès de pouvoir, impose à l'administration de prendre toutes les mesures nécessaires, afin qu'elle produise ses effets.

Ainsi, son rattachement au bloc de légalité, se manifeste, lorsque l'administration active refuse de se conformer à une décision de la juridiction administrative, le juge administratif, saisi de nouveau, la sanctionnera pour illégalité, par une assimilation de la violation de la chose jugée à la violation de la loi. 75(*) Ceci, a été affirmé dans l'arrêt Botta, où le Conseil d'État, en tant que juge de cassation de la Cour des comptes, avait indiqué à cette dernière, que l'autorité de la chose jugée s'impose à elle, lorsqu'elle statue après cassation de l'un de ses arrêts, et que cette autorité constitue pour elle, dans les décisions qu'elle rend à l'égard des comptes des comptables, un élément de légalité qu'elle ne peut reconnaître. Notons, que le juge administratif hellénique opère la même assimilation, en ce sens, que la violation de la chose jugée équivaut à la violation de la loi.76(*)

Mais aussi, le juge administratif peut rattacher la violation de l'autorité de la chose jugée à un détournement de pouvoir.

Nous devons citer le fameux arrêt qui consacre cette solution, en droit administratif français. En effet, dans l'arrêt d'assemblée, Bréart de Boisanger,77(*)le principe selon lequel l'autorité de la chose jugée se rattache au bloc de légalité, a été rappelé.

En l'espèce, la Haute juridiction, a considéré « qu'il résulte, tant de l'ensemble des pièces du dossier, que des circonstances dans lesquelles est intervenu, puis a été immédiatement appliqué, le décret réglementaire attaqué, que ce dernier, en modifiant dans les conditions sus indiquées, le statut de l'administrateur de la Comédie- Française, a eu pour motif déterminant de permettre au Gouvernement de prendre, en application de dispositions nouvelles, deux mesures individuelles de portée pratique semblable à celle des mesures précédemment annulées et de faire échec à l'autorité de la chose jugée par les décisions susrappelées du Conseil d'État ; qu'il suit de là que ledit décret est entaché de détournement de pouvoir et encourt de ce chef l'annulation (...) ».

Selon J-F Lachaume, « l'intérêt de cette décision, tient aussi, aux techniques utilisées par l'administration, afin d'échapper à l'autorité de la chose jugée et qui débouchent, finalement, sur un détournement de pouvoir ».78(*)

Enfin, il faut souligner, que la chose jugée est caractérisée, également, par le fait qu'elle est intangible et incontestable.

« Son intangibilité se manifeste par son caractère formel et procédural, son incontestabilité, se rattache à son caractère matériel, c'est à dire l'effet produit par elle, au fond du droit ».79(*)

En somme, de part son rattachement au bloc de légalité, ainsi que de son caractère intangible et incontestable, l'autorité de la chose jugée, devrait entraîner l'impossibilité de tout recours contre les jugements définitifs, qui tendrait à remettre en cause la vérité de ce qui a été jugé.

b) Force obligatoire et exécutoire de l'autorité de la chose jugée.

L'exécution d'une décision du juge administratif est un devoir juridique et par conséquent, une obligation. Cependant, on ne peut pas pour autant affirmer, que du fait que cette décision a une force obligatoire, cela équivaut à la force exécutoire.

En principe, la force exécutoire et la force obligatoire, sont deux éléments de la chose jugée. Néanmoins, ces derniers coexistent parfaitement pour les personnes privées, contrairement aux personnes publiques.

Laferrière, a déclaré, que « si le devoir juridique est certain, la sanction peut seule faire défaut ».80(*) De même, Montane de la Roque, a considéré que « la force exécutoire, la faculté effective d'exécution (...), est  toujours absente à l'égard de l'administration ».81(*)

La formule exécutoire des jugements administratifs a plus une valeur symbolique, qu'un véritable effet juridique. En d'autres termes, on demande à l'administration de se soumettre à un jugement administratif, tout en sachant, que l'on ne pourra pas user les voies exécution de droit commun, de telle sorte que ces dernières, ne concernent que les personnes privées.

En somme, on pourrait illustrer ce fait, par la formule suivante : « Les particuliers ne disposent pas de la force publique contre la force publique ».82(*)

Cependant, le droit administratif hellénique, a franchi un pas considérable, puisque ce dernier, en vertu de la loi 2522/1997, a admis la possibilité d'exécution forcée à l'égard de l'administration et des personnes morales de droit public, dans les cas où ils se trouvent débiteurs d'une somme d'argent. Plus particulièrement, l'article 6 de la loi précitée, prévoit la saisibilité de leur patrimoine privé.

Il est important de noter, que l'article 94§4 de la Constitution, révisée en 2001, prévoit aussi, cette possibilité d'exécution forcée à l'égard des personnes publiques.

Cette évolution est due au fait que l'article 8 de la loi 2097/1953, qui interdisait l'exécution par force, a été jugé contraire, non seulement, à l'article 20§1 de la Constitution hellénique, lequel traite de la protection juridictionnelle de l'administré, mais aussi au Pacte International des Droits Civiques et Politiques.83(*)

2) La portée de l'autorité de la chose jugée.

Avant même le prononcé d'un jugement, le juge administratif va procéder à un raisonnement juridique, de sorte que l'on peut s'interroger, jusqu'où s'étendent les effets de l'autorité de la chose jugée ( a ).

De plus, le jugement administratif, a la particularité de dissocier l'intensité de l'autorité de la chose jugée, selon le type de contentieux (b ).

a) L'étendue de l'autorité de la chose jugée.

Concernant l'étendue de l'autorité de la chose jugée, il faut souligner, que cette dernière, s'attache, non seulement au dispositif du jugement administratif, mais aussi « à celui ou à ceux de ses motifs, que l'on qualifie de décisifs ».84(*)

En d'autres termes, selon une formule commune des jurisprudences administratives et judiciaires françaises, il s'agit des motifs qui constituent le « support inséparable ».85(*)

Ainsi, dans un arrêt du Conseil d'État français du 26 juillet 1912, la Haute juridiction, par référence à l'attitude du juge judiciaire, énonça  que « si, en principe, la chose jugée réside dans le dispositif des jugements, ce dispositif, ne doit pas être envisagé, abstraction faite des motifs, lorsque ceux ci peuvent seuls en déterminer la portée ».86(*)

On peut ajouter que les différents considérants d'une décision juridictionnelle, doivent être distingués. En effet, il peut arriver que certains considérants fassent simplement état des moyens des parties, et ne sont, finalement, que la transcription de leur argumentation, et que d'autres soient qualifiés des motifs, sans lesquels, la juridiction administrative n'aurait pas statué comme elle l'a fait.

Le droit administratif hellénique, quant à lui, reprend, avec plus de précisions, cette même règle.

Sa position définitive s'est fait sous l'impulsion de la doctrine. Cette dernière, considérait que certes, le « vrai dispositif » était revêtu de l'autorité de la chose jugée, mais que certains motifs, devaient, également, bénéficier de cette autorité.87(*) Cette réflexion doctrinale fut entendue par la juridiction administrative, qui de part ses décisions, a consacré cette solution.88(*)

En outre, cette dernière a apporté d'autres précisions, en considérant, qu' a contrario, les questions de compétence du juge administratif,89(*) l'application de telle règle de droit 90(*)ou, encore, l'application de certaines règles procédurales ( exception faite des tribunaux administratifs où ces dernières sont revêtues de l'autorité de la chose jugée), 91(*)sont dépourvues de toute autorité de chose jugée.

Enfin, la portée de cette autorité, sera variable. Elle peut être, soit absolue, soit relative.

b) La distinction entre autorité relative et autorité absolue de la chose jugée.

Les jugements administratifs présentent la particularité, que dans certains types de contentieux, ils acquièrent une autorité absolue de la chose jugée, alors que le principe, c'est l'autorité relative.

Les décisions d'annulation pour excès de pouvoir, disposent d'une autorité absolue. Cela signifie, que la chose jugée ne peut être réexaminée ou méconnue par quelque autorité que ce soit. De plus, toute personne peut s'en prévaloir, elle est opposable à toute personne, en d'autres termes, elle a un effet erga omnes.

Ce caractère absolu qui s'attache aux annulations pour excès de pouvoir, a été expressément affirmé par l'arrêt Simonet, en 1961.92(*)

Enfin, dans le cas de l'autorité absolue de la chose jugée, le moyen tiré de la chose jugée est d'ordre public et, par conséquent, elle doit être relevée d'office par le juge administratif (s'il y a lieu).

Il faut, par ailleurs, souligner, qu'en droit public grec, il existe une similitude partielle. En ce sens, que l'autorité absolue de la chose jugée, se trouve en matière de contentieux d'annulation, mais à la différence du cas français, le caractère absolu, s'attache, uniquement, au résultat même de l'annulation.93(*) La question de nature administrative, traitée dans le litige, revêt, quant à elle, une autorité relative.

Cette règle vaut également pour les recours en annulation formés devant les tribunaux administratifs.

Concernant l'autorité relative, il faut se référer aux termes de l'article 1351 du Code Civil français. Ainsi, une décision juridictionnelle dispose d' une autorité relative de la chose jugée, lorsque ce qui a été jugé, ne peut l'être à nouveau, dans le cas où sont réunies les trois identités de l'article 1351 du Code Civil.

En effet, il faut, d'abord, une identité d'objet, c'est à dire, celle de « la chose demandée ». On peut citer l'exemple suivant ; la demande des dommages et intérêts, pour frais de réparation d'un véhicule commercial, endommagé dans un accident, n'a pas le même objet qu'une demande tendant à la réparation du manque à gagner qui a pu résulter de l'immobilisation du véhicule.

Il faut ensuite, une identité de cause. C'est le cas où le requérant invoque, contre la même décision, les mêmes moyens, que ceux qui ont été jugés ne pas justifier son annulation. 94(*)

Enfin, on exige l'identité des parties, comme l'exprime l'article 1351 du Code Civil. En effet, cela signifie que ce sont les mêmes parties qui figurent dans la nouvelle instance, en la même qualité que dans la précédente. Par exemple, il y aura identité, dans le cas où un enfant, devenu majeur, agit pour son compte, après rejet du recours, formé en son nom par ses parents, lors de sa minorité ( voir affaire Gevrey).

Le droit administratif hellénique, dans le cadre de la définition de l'autorité relative de la chose jugée, prévoit deux conditions : d'une part, l'identité des parties ( ÓÅ 46/1973, ÁÐ 39/1988) et d'autre part, l'identité du litige, c'est à dire des circonstances de fait et de droit sur lesquelles s'appuie le jugement ( ÓÅ 1429/1986, 2139/1993) .

En somme, dans le cas où ces conditions ne sont pas réunies, il n'y a pas d'autorité de la chose jugée et par conséquent, il n'existe pas d'obstacle à ce que le juge se prononce à nouveau sur certaines questions déjà jugées.

B) Les bases juridiques complémentaires fondant l'obligation d'exécution.

L'administration doit exécuter la décision de la juridiction administrative, du fait que cette dernière est revêtue de l'autorité de la chose jugée. Néanmoins, d'autres fondements vont contribuer à cet état de fait (1).

Par la suite, ces derniers vont faire l'objet d'un renforcement, afin d'investir la décision du juge administratif d'une efficacité (2).

1) L'existence d'un fondement multiple.

On se réfère notamment, au principe de l'État de droit(a), et à de dispositions constitutionnelles, ainsi que législatives, dans les deux pays(b).

a) Le principe de l'État de droit.

Dans un premier temps, on se réfère au principe de l'État de droit. C'est surtout le cas en France, où tant la doctrine, ainsi que les hommes politiques, lient l'obligation d'exécuter la chose jugée aux exigences dudit principe.

La notion de l'État de droit, connue dans plusieurs pays, est apparue au début du 19e siècle, dans la doctrine allemande, mais on en trouve des éléments dans la pensée d'Aristote et de Voltaire.95(*)

Par ailleurs, selon l'ex-Président de la République hellénique, Constantin Tsatsos, « Un État de droit, c'est un État où le pouvoir politique est autolimité par les lois et ne les change pas conformément à ses intérêts du moment, mais les applique même contre lui, en créant un sentiment de sécurité pour les individus ».96(*) En effet, c'est cette attitude du pouvoir politique, qui assure sa crédibilité.

Plus particulièrement, le principe de l'État de droit présente trois aspects.97(*) D'une part, le pouvoir, notamment le pouvoir exécutif, est autolimité dans son comportement envers les administrés, par la Constitution et la législation, qui déterminent si l'administration peut agir, comment, à quelles conditions et avec quels moyens.

D'autre part, les limitations du pouvoir concernent tous les organes de l'État et toutes leurs activités qui touchent à la vie d'individu.

Enfin, les prétentions de l'individu, peuvent être revendiquées par voie juridictionnelle devant les juges indépendants, dont les décisions doivent être respectées par les autres branches du pouvoir étatique.

Par conséquent, il ne serait pas paradoxal, de conclure que ce principe constitue une sorte de fondement de l'obligation pour l'administration d'exécuter la chose jugée.

b) Les textes normatifs.

Par textes normatifs, on entend, dans ce cas, la Constitution et la loi. Concernant la Constitution, on peut noter que le droit grec se distingue du droit français, puisque la Constitution hellénique prévoit expressément, l'obligation pour l'administration de se conformer aux décisions du juge administratif.

En effet, le constituant grec a souhaité concrétiser les exigences de l'État de droit par rapport à l'exécution des jugements et l'investir d'une valeur constitutionnelle. Ainsi, l'article 95§5 de la Constitution hellénique du 1975-1986 stipulait que « L'administration est tenue de se conformer aux arrêts d'annulation du Conseil d'État. La violation de cette obligation engage la responsabilité de tout organe fautif, ainsi qu'il est prescrit par la loi ».

On constate que seuls, les arrêts d'annulation du Conseil d'État étaient concernés, et par conséquent les tribunaux administratifs étaient exclus du champ d'application de l'article susvisé.98(*)

Toutefois, l'article 95§5 de la Constitution révisée en 2001, énonce que « L'administration est tenue de se conformer aux décisions juridictionnelles. La violation de cette obligation engage la responsabilité de tout organe compétent, ainsi qu'il est prévu par la loi. Une loi définit les moyens nécessaires destinés à garantir la conformation de l'administration ».

Désormais, on se réfère, également aux décisions des tribunaux administratifs et c'est en outre l'article 94§4 de la Constitution qui ajoute que « dans les compétences des tribunaux administratifs et judiciaires, est incluse celle de prendre les moyens nécessaires afin que l'administration se conforme( ...) ».

Par contre, en raison de l'absence d'une base constitutionnelle explicite, imposant l'obligation d'exécution de la chose jugée à l'administration, des lois françaises ont été adoptées, afin de combler cette lacune.

Il faut, tout d'abord, citer la loi du 16 juillet 1980 précitée, qui constitue une véritable base juridique pour l'obligation d'exécution.

Cette loi, prévoit un système complet de contraintes au paiement, en cas de condamnation pécuniaire de l'État, des collectivités locales et des établissements publics ou des personnes privées chargées de la gestion d'un service public.

De plus, on pourrait se référer à la loi du 8 février 1995, déjà citée, laquelle, en consacrant la possibilité pour le juge administratif, de prononcer des injonctions, soutient, indirectement, l'obligation pour l'administration d'exécuter la chose jugée.

Quant au droit hellénique, il a fallut attendre 9 ans, pour que le législateur grec intervienne, conformément à l'article 95§5 de la Constitution de 1975. C'est par la loi 1470/1984, que le législateur a validé la plupart des dispositions de la loi 170/1973, relative au Conseil d'Etat, laquelle régissait le régime précédent. En plus, la nouvelle loi a ajouté d'autres dispositions, et l'ensemble se trouve, désormais codifié par le décret présidentiel 18/1989.

Enfin, en ce qui concerne les tribunaux administratifs, c'est le décret 341/1978, qui, dans son article 5 alinéa 4, prévoit l'obligation de conformation à leurs jugements, rendues en matière de plein contentieux.99(*)

Avant d'examiner le renforcement du fondement juridique de l'exécution des décisions du juge administratif, il convient de rappeler que la jurisprudence de la juridiction administrative a, pour sa part, contribué considérablement à la concrétisation de ce fondement.100(*)

2) Le renforcement du fondement.

Le fondement qu'on vient d'examiner, se trouve renforcé par l'article 6 al.1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (Rome, 4 novembre 1950), ainsi que par la jurisprudence européenne qui en découle. (b)

Mais, avant d'étudier le rôle joué par la CEDH et la Cour européenne des droits de l'homme, il convient de se référer à l'article 20§1 de la Constitution hellénique(a ).

a) L'article 20§1 de la Constitution hellénique.

Cet article, stipule que « Chacun a droit à la protection légale des tribunaux et peut exposer devant eux, ses points de vue sur ses droits et ses intérêts ». La reconnaissance expressis verbis dudit principe, conduit à l'amélioration du fonctionnement du système procédural d'un État de droit.

L'exécution des jugements, en tant qu'un des aspects de la protection juridictionnelle, constitue en fait un complément nécessaire. Sinon, ladite protection serait vidée de sens, inefficace et dépourvue d'importance.

Plus précisément, dans le cadre du sujet qui nous intéresse, la nécessité d'une protection efficace, qui aboutira à l'exécution du jugement rendu en faveur de l'adversaire de l'administration, s'avère plus forte, car face au justiciable, se trouve la puissance publique jouissant de nombreux privilèges.

Mis à part la protection juridictionnelle consacrée par l'article 20§1 de la Constitution hellénique, l'article 6al.1 de la CEDH101(*), a lui aussi comme effet de renforcer le fondement juridique de l'obligation d'exécuter la chose jugée.

b) L'article 6 alinéa 1 de la CEDH.

Aux termes de cet article «  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle(...) ».

On peut, d'ailleurs, le rapprocher à l'article 13 de la même Convention, selon lequel « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, même si la violation a été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ».

L'analyse de ces dispositions met en évidence l'intention des parties cocontractantes de protéger un droit à la protection juridictionnelle-même face à la puissance publique- de façon complète et efficace.

On pourrait penser que l'article 6 al.1 n'est pas applicable aux litiges portés devant les juridictions administratives, puisque ce dernier il se réfère aux « droits et obligations civiles ».

C'est la Cour européenne des droits de l'homme, qui a apporté la réponse, dans l'affaire Konig, du 28 juin 1978, en étendant le champ d'application de l'article 6 al.1 de la CEDH, aux litiges administratifs.

Cependant, les frontières du procès équitable ont été à nouveau étendues avec l'arrêt Hornsby contre Grèce, du 19 mars 1997. Pour la première fois, la Cour européenne énonce formellement «  le droit à l'exécution du jugement », quelle que soit la juridiction qui l'a rendu. 102(*)

Lorsqu'il s'agit de l'administration, l'inexécution contrevient à l'article 6al.1, si elle est dépourvue de base légale.103(*) Si, au contraire, la loi habilite l'administration à laisser inexécutée une décision juridictionnelle, ce doit être à des conditions et dans des limites propres à éviter que l'appréciation de l'opportunité par l'administration n'anéantisse la chose jugée.104(*)

Enfin, notons, que dans certaines affaires récentes, le droit à l'exécution des décisions de justice, est lié à la violation du droit de propriété, prévu dans l'article 1 du premier protocole additionnel à la CEDH.

En effet, la Cour européenne rappelle « le devoir de l'État ou d'une autorité publique de se plier à un jugement ou un arrêt rendus à leur encontre ». À ce titre, le refus de l'administration d'exécuter un arrêt définitif de la Cour des comptes, fixant le montant d'une pension complémentaire à verser au requérant, constitue une ingérence dans le droit de propriété de ce dernier.105(*)

Aux termes de ces développements, la puissance publique doit se conformer aux jugements administratifs. En conséquence de cette obligation, la personne publique se trouve face à un certain nombre de devoirs.

* 73 R.Chapus,  droit du contentieux administratif , précité, p.823.

* 74 R.Chapus , précité, p.955.

* 75 CE 8 juillet 1904, Botta, p.557, concl. Romieu, S.1905. 3.81., note Hauriou, D.1906.3.33,

concl. Romieu.

* 76 ÓÅ 933/1964.

* 77 CE Ass. 13 juillet 1962, Rec. 48 ;, D. 1962.664, concl. Henry ; AJDA, 1962.549, chr. Galabert et

Gentot.

* 78 J.-F.Lachaume, « Les grandes décisions de la jurisprudence : droit administratif », Paris, PUF, 1995

( 9e éd.), pp.147-148 .

* 79 H.Oberdorff, précité, p.226.

* 80 Laferriere, « Juridiction et contentieux » T.2, p.573.

* 81 P.Montane de la Roque, « L'inertie des pouvoirs publics », p.383.

* 82 H.Oberdorff, précité, p.233.

* 83 O.ÆÞêïõ: Colloque précité,p.6.

* 84 R.Chapus, Droit du contentieux administratif , précité, p.956

* 85 CE , 23 octobre 1970, Société Renaudin et Cie, réc.p.618 ;AJDA, 1971, p.315.

* 86 CE 26 juillet 1912, Compagnie d'Orléans et du Midi c. l'État, réc.p ;889, concl. Riboulet, D.

1916.3.19.

* 87 Ðáðáãéáííüðïõëïò, «ÁíôéêåéìåíéêÜ üñéá ôïõ äåäéêáóìíïõ óôç äéïéêçôéêÞ äßêç », ÄéÄéê, 1999,

óåë.805. ( sur la note de Begleris).

* 88 ÓÅ 813/1981 ;1429/1986 ;880/1995 ; 3033/1998.

* 89 ÓÅ 3562/1986 ; 3588/1987.

* 90 CAA d'Athènes, 531/1982 ; 160/1983.

* 91 ÓÅ 3426/1985 ; 4838/1983, 3661/1982.

* 92 CE 22 mars 1961, réc.p.211.

* 93 Article 50§1 et §5 du décret 18/1989.

* 94 CE 11 juillet 1980, Soc. civ. des Falaises de Flamanville, p.8.

* 95 Chr.fr.Menger, Der Begriff des socialen Rechtsstaat im Bonner grundgesetz, in « Rechtaatlichkeit

und Socialstaatlichkeit », 1968, p.46 et suiv, G.Kassimatis, commentaire, Textes juridiques de

V.Rotis, p.369.

* 96 C.Tsatsos, « Théorie de déontologie politique », 1975, p.250 et suiv.

* 97 ÔóÜôóïò, «  Óõíôáãìáôéêü Äßêáéï », 1982, óåë.254-255.

* 98 Débats de l'Assemblée Constituante (E'), p.604.

* 99 Il convient de souligner que les tribunaux administratifs sont le juge de droit commun des litiges de pleine juridiction, en dehors de ceux qui relèvent de la compétence d'attribution du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes.

* 100 En Grèce, la jurisprudence administrative a couvert les lacunes, en assimilant, par exemple, les effets des arrêts d'annulation des CAA à ceux des arrêts du ÓÅ par une combinaison des articles 95§3 et §5 de la Constitution, et des articles 1, 4 de la loi 702/1977 ; ÓÅ 4267/1988, 3739/1988, 1820/1989.

* 101 La Convention a été publiée en France par le décret n° 74-360 du 3 mai 1974 et en Grèce ratifiée par la loi 53 du 19 avril 1974 ( J.O Section A 256/ 22.9.1974).

* 102 « En s'abstenant pendant plus de cinq ans de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à

une décision judiciaire définitive et exécutoire, les autorités nationales ont, en l'occurrence, privé

les dispositions de l'article 6§1 de tout effet utile. Par conséquent, il y a eu violation de cet

article », Hornsby,§45.

* 103 Cour EDH  ,Georgiadis c.Grèce, 28 mars 2000, §26 ; Antonetto c.Italie, 20 juillet 2000, §27-30.

* 104 Cour EDH, Palumbo c.Italie, 30 novembre 2000, §42 et 45-46.

* 105 Cour EDH, Georgiadis, précité.

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