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Le CICR et les conflits étatiques internes

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par Ibrahima NGOM
Gaston Berger de Saint Louis - Maà®trise 2009
  

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Paragraphe 2 : Elargissement des règles applicables aux conflits étatiques internes

L'idée d'élargir les règles applicables aux conflits étatiques internes a émergé avec l'étude sur le DIHC entreprise par le CICR (A). L'application de cette étude aux conflits et l'extension du régime juridique qui leur est applicable nous amènerons néanmoins vers un nouveau DIH applicable à ces conflits (B).

A. Des prémices avec l'étude du CICR des règles DIHC

Le droit conventionnel est bien développé et couvre de nombreux aspects de la conduite de la guerre, en accordant une protection à un large éventail de personnes en période de conflit armé et en limitant les moyens et méthodes autorisés. Les Conventions de Genève et leurs Protocoles Additionnels définissent un régime très complet de protection des personnes qui ne participent pas, ou plus, directement aux hostilités. Cependant, deux obstacles de taille entravent l'application de du droit conventionnel dans les conflits armés actuels et expliquent la nécessité et l'utilité d'une application des règles coutumières du DIH.

Premièrement, les traités ne s'appliquent qu'aux Etats qui les ont ratifiés. De ce fait, différents traités de DIH s'appliquent dans différents conflits armés, en fonction des instruments conventionnels que les Etats concernés ont ratifiés. Si les quatre de Convention de Genève de 1949 sont universellement ratifiées, il n'en va pas de même pour leurs Protocoles Additionnels. Alors que près de 160 Etats ont ratifié le Protocole Additionnel I, plusieurs Etats dans lesquels se déroulent les conflits armés non internationaux ne l'ont pas fait. Dans ces conflits, l'art.3 commun aux Conventions de Genève reste souvent l'unique disposition applicable.

Deuxièmement, pour une proportion importante de conflits étatiques internes, le DIH conventionnel n'est pas assez détaillé. Les règles conventionnelles qui s'appliquent à eux sont, en effet, beaucoup moins nombreuses que pour les conflits internationaux. Par exemple, le Protocole Additionnel II complète utilement l'art.3 commun aux Conventions de Genève, mais il demeure moins détaillé que les règles qui régissent les conflits armés internationaux dans les Conventions de Genève et le Protocole Additionnel I. Le Protocole Additionnel II ne contient guère que 15 articles de fond, là où le Protocole Additionnel I en compte plus de 80. De ce fait, on note une disparité importante dans la réglementation opérée par le droit conventionnel entre conflits armés internationaux et non internationaux, en particulier lorsqu'il s'agit de règles et de définitions détaillées.

C'est dans cette optique que le CICR a entrepris une étude sur le DIHC suite au mandat que lui a confié la Vingt-Sixième Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge réunie du 3 au 7 décembre 1995 à Genève. Cette étude est le fruit de près de dix ans de travaux et de recherches complétés par de larges consultations61(*). En effet, la règle coutumière, contrairement à la règle conventionnelle, s'impose à tous les membres de la Communauté Internationale, qu'ils l'aient expressément ou non acceptée. D'où l'intérêt de mieux identifier les règles du DIH qui sont de nature coutumière et qui sont dès lors d'application universelle.

L'étude des règles coutumières du DIH est primordiale dans les conflits étatiques internes dans la mesure où ces règles sont applicables à toutes les Parties à un conflit, que celles-ci aient ou non ratifié les traités contenant ces règles ou des règles similaires. Les règles coutumières du DIH régissent, d'autre part, les conflits armés non internationaux de manière plus détaillée que le DIH conventionnel. Ces dites règles ont ainsi pour objectif de combler les lacunes du droit conventionnel. En effet, on constate qu'en ce qui concerne le droit des conflits armés, il existe souvent un abîme entre les besoins de protection qu'engendrent certains conflits et les dispositions conventionnelles qui visent à protéger les victimes de ces mêmes conflits.

L'étude des règles coutumières du DIH contribuera aussi à étendre les bases de l'action du CICR comme celle des autres acteurs humanitaires. Elle permettra au CICR de prendre en compte les règles coutumières dans ses démarches et dans ses travaux, tout en étant conscient que la coutume est un processus dynamique et évolutif. Elle servira aussi de base de discussion en ce qui concerne la mise en oeuvre, l'explication et le développement du droit humanitaire.

B. Vers un nouveau DIH applicable aux conflits étatiques internes

Les règles du DIH en vigueur ne permettent pas d'endiguer la spirale de la violence. De même, les combattants, qui s'exposent aux peines les plus sévères au seul titre de leur participation aux hostilités, n'auront que de faibles motifs de respecter les lois et les coutumes de la guerre. En vérité, tous les conflits étatiques internes du XXe et ceux du début du XXIe siècle ont été caractérisés par les violations massives du DIH empêchant le CICR et les autres acteurs humanitaires de mener à bien leur action sur le terrain. La violence des affrontements, les condamnations prononcées de part et d'autre et la surenchère des représailles provoquent des blessures morales qui font obstacles à toute perspective de suspension des combats et de réconciliation.

La solution idéale serait d'adopter un nouveau régime juridique applicable aux conflits étatiques internes qui renforcerait de façon significative la protection des victimes de ces conflits et donnerait, notamment, un statut aux combattants capturés. Deux hypothèses peuvent être envisagées pour cette nouvelle codification du DIH applicable dans les conflits étatiques internes.

Premièrement, cette nouvelle codification pourrait être l'application pure et simple des quatre Conventions de Genève de 1949 et de leurs Protocoles Additionnels aux conflits étatiques internes. Les règles et les limites qu'ils imposent à la manière de conduite de la guerre devraient aussi s'appliquer aussi bien aux conflits armés internationaux que non internationaux. Le fait qu'en 2001, la Convention sur certaines armes classiques ait été amendée pour élargir son champ d'application aux conflits armés non internationaux montre que cette hypothèse gagne du terrain au sein de la Communauté internationale. Ainsi l'extension des règles du DIH aux conflits étatiques internes pourrait définir un standard minimum applicable à toute détenue à l'occasion d'un conflit armé et qui ne bénéficie pas d'un traitement plus favorable. Ce standard minimum pourrait s'inspirer, par exemple, des garanties fondamentales prévues à l'art. 75 du Protocole Additionnel I62(*) mais devrait s'appliquer à tous les conflits armés, internationaux ou non internationaux. Il constituerait un authentique « filet de sécurité humanitaire ».

Dans la même perspective, l'étude des règles du DIHC entreprise par le CICR sous la direction de Jean-Marie HENCKAERTS et Louise DOSWALD-BECK63(*) peut servir de base à une nouvelle codification du DIH. C'est dans cette optique que va l'arrêt du TPIY du 11 mars 200564(*) où la Chambre d'appel du TPIY s'est référée à l'étude publiée par le CICR et, en particulier, aux indications contenues dans le volume II, pour démontrer la nature coutumière du principe général de la protection des biens civils, aussi longtemps qu'ils ne constituent pas des objectifs militaires, et la nature coutumière de l'obligation de respecter et de protéger les biens culturels65(*). Cette nouvelle codification du DIH applicable aux conflits étatiques internes pourrait prendre appui sur les conclusions de l'étude sur le DIHC. L'application du DIHC pourrait amener les acteurs non étatiques à s'engager formellement à respecter le DIH à défaut de reconnaissance de belligérance. Il est évident que l'art. 3 commun aux Conventions de Genève s'applique de plein droit à toutes les Parties au conflit en vertu du caractère élémentaire des obligations qu'il comporte. Aujourd'hui, on peut sans doute en dire autant pour le Protocole Additionnel II. Il n'empêche qu'aucun acteur, gouvernemental ou non gouvernemental, n'acceptera facilement de reconnaître qu'il est lié par un instrument s'il n'a pas la possibilité de manifester sa volonté de s'engager à le respecter. L'application des règles du DIHC permettrait aussi à l'ensemble de ses dispositions qui régissent la conduite des hostilités de s'appliquer aussi bien aux conflits armés non internationaux qu'aux conflits armés internationaux. En d'autres termes, les Etats acceptent en pratique que les mêmes règles s'appliquent aux conflits armés internationaux et aux conflits armés non internationaux. Les méthodes et les moyens de combats qui sont prohibés lorsqu'il s'agit de combattre un ennemi extérieur ne peuvent être utilisés contre des nationaux, et ces règles s'appliquent aux insurgés aussi bien qu'aux forces gouvernementales.

Ainsi en appliquant les règles du DIHC dans les conflits étatiques internes, la question de la force obligatoire de la règle coutumière vis-à-vis du parti insurgé se trouvera posée. Et le CICR, dans l'exercice de sa mission préventive qui est de diffuser et de promouvoir le DIH ne sera pas confronté à des obstacles liés au non respect de ce droit. Cependant, en ce qui concerne sa mission d'assistance et de protection, il doit faire de telle sorte que ses actions soient en conformité par rapport aux besoins des populations victimes de conflit.

* 61 Jean-Marie HENCKAERTS et Louise DOSWALD-BECK, Droit international humanitaire coutumier, Vol. I, Règles, Bruxelles, Etablissements Emile Bruylant, et Genève, Comité internationale de la Croix-Rouge, décembre 2006, LXXIII & 878 pages.

* 62 « Dans la mesure où elles sont affectées par une situation visée à l'article premier du présent Protocole, les personnes qui sont au pouvoir d'une Partie au conflit et qui ne bénéficient pas d'un traitement plus favorable en vertu des Conventions et du présent Protocole seront traitées avec humanité en toutes circonstances et bénéficieront au moins des protections prévues par le présent article sans aucune distinction de caractère défavorable fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou la croyance, les opinions politiques ou autres, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou une autre situation, ou tout autre critère analogue. Chacune des Parties respectera la personne, l'honneur, les convictions et les pratiques religieuses de toutes ces personnes ».

* 63 Jean-Marie HENCKAERTS et Louise DOSWALD-BECK, Droit International Humanitaire Coutumier, vol. I et Vol. II.

* 64 TPIY, 11 mars 2005, « Prosecutor v. Enver Hadzihasanovic and Amir Kubura ».

* 65 François BUGNION, Droit International Humanitaire Coutumier, novembre 2007.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld