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La déclaration de soupçon

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par Bassine Lo
Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise 2007
  

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Chapitre II : La sanction en cas de déclaration de soupçon

La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme passe d'abord par une prévention de l'utilisation du système financier par la criminalité organisée. La stratégie préventive consiste à mettre à la charge des personnes assujetties diverses obligations. Elles sont relatives à l'identification de leurs clients, à la conservation de certains documents ou à la suspension du secret professionnel toutes les fois qu'il parait nécessaire d'informer les autorités de l'existence d'une opération suspecte.

Toutefois, comme toute mesure de protection, elle vise à faire obstacle à la réalisation de l'opération interdite. Dès lors, en cas d'accomplissement de celle-ci une mesure plus radicale. C'est ainsi que la sanction de la personne fautive a été prévue par la Loi.106(*)A cet effet la responsabilité du déclarant peut être engagée (Section I).Des sanctions, aussi, peuvent être retenues contre la personne suspecte (Section II).

Section I : La responsabilité du déclarant

La responsabilité peut se résumer à l'obligation d'assumer et de réparer un préjudice causé à autrui. L'imputabilité de l'acte dommageable à son auteur revêt un caractère spécifique en cas de déclaration d'opération suspecte. En raison du fait que le déclarant est exonéré de toute responsabilité civile. Autrement dit, il bénéficie d'une immunité en raison de la déclaration de soupçon (Paragraphe I).Toutefois la responsabilité pénale et disciplinaire de l'assujetti peut être recherchée en cas de manquements aux obligations qui lui incombent dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme .A cet égard, des sanctions sont prévues contre le déclarant fautif (Paragraphe II).

Paragraphe I : L'immunité du déclarant en raison du dommage causé par la déclaration

L'immunité est une exception prévue par la loi, interdisant la condamnation d'une personne qui se trouve dans une situation bien déterminée.107(*) Elle est une cause d'irresponsabilité qui résulte, le plus souvent, de la qualité objective de la personne108(*).Ce privilège peut présenter une portée générale ou limitée109(*).Cependant cette dérogation légale obéit à des conditions. En l'espèce il s'agit de l'exécution d'une obligation légale (A).Celle-ci même si elle fait obstacle à la réparation du dommage par son auteur, il n'en demeure pas moins que le préjudice subi par la victime est compensé. Il revient à l'Etat de réparer le dommage causé par la déclaration de soupçon (B).

A : L'exécution d'une obligation légale

Il a été admis légalement qu'aucune infraction ne peut résulter de l'autorisation de la loi et du commandement de l'autorité légitime110(*).Ce principe général de droit a été transposé dans le cadre de la déclaration de soupçon. Ainsi l'article 30 de la Loi énonce sans équivoque l'exemption de la responsabilité du déclarant de bonne foi. En effet, c'est la Loi qui consacre et incite à l'accomplissement de la déclaration d'opération suspecte.111(*)Cette dernière est constitutive d'une violation du secret professionnel imposé aussi bien aux établissements financiers112(*) qu'aux autres personnes assujetties dans l'exercice de leurs fonctions.

Dès lors, il importe d'apprécier les pouvoirs du déclarant dans l'exécution de son obligation. A cet effet, il convient de référer à deux théories dégagées par la jurisprudence française en droit pénal113(*).La première, dite de l'obéissance passive, postule que l'assujetti doit toujours obéir aux ordres sans se poser de question sur leur éventuelle illégalité. En contrepartie il est toujours irresponsable en exécutant les ordres quelle que soit l'illégalité de ceux-ci. Cette conception trouve une application en l'espèce .Ainsi aucune poursuite ne peut être intentée contre le déclarant suite à la réalisation d'une opération suspecte à la demande des autorités compétentes.114(*)Quant à la seconde théorie, dite des baïonnettes intelligentes, impose au contraire au subordonné de s'assurer de la légalité de l'ordre115(*).C'est cette dernière théorie qui pourrait se rapprocher du pouvoir d'appréciation dont dispose l'assujetti dans la réalisation de la déclaration de soupçon. Toutefois cette prérogative n'est ni générale, ni absolue116(*).Le caractère suspect d'une opération suffit à déclencher la procédure de dénonciation. Autrement dit, la suspicion ou l'opinion fondée sur des probabilités et des apparences est la seule exigence. Ainsi loin d'une certitude, des indices résultant des circonstances de l'opération sont uniquement nécessaires à l'accomplissement de la délation.

Cependant celle-ci doit s'effectuer en bonne foi. Cette notion peut être conçue comme la croyance erronée et non fautive en l'existence ou l'inexistence d'un fait ou d'un droit117(*).Elle est considérée par certains auteurs.118(*) Comme un moyen de faire pénétrer la règle de morale dans le droit positif. C'est ainsi que la bonne foi du déclarant est requise au moment de la réalisation de la déclaration de soupçon. Il en est de même de toutes les informations transférées à la CENTIF en vue d'infirmer ou de confirmer la dénonciation. Dès lors si la condition est remplie, la réparation du préjudice causé revient à l'Etat.

B : La réparation par l'Etat du préjudice causé

L'Etat est responsable de tout dommage résultant d'une déclaration faite de bonne foi119(*).Cette responsabilité de l'Etat peut être considérée comme une responsabilité du fait d'autrui120(*).Dès lors, il importe de rechercher s'il s'agit de responsabilité de garantie121(*) ou celle de substitution. La première théorie postule l'idée selon laquelle il existe au profit de la victime une garantie objective sans qu'il soit nécessaire que le responsable ait commis une faute122(*).Concernant la seconde pensée, il s'agit de la substitution de l'auteur du dommage par l'Etat. Dans ce cas la victime ne peut s'adresser qu'au responsable du fait d'autrui. Mais il ne faut pas en déduire l'absence de recours du responsable substitué contre l'auteur du dommage. Ainsi la responsabilité de l'Etat, en l'espèce, se rapproche plus de cette dernière pensée. En effet, elle repose sur une faute du déclarant et l'existence d'un préjudice causé au client. La preuve du dommage n'est pas présumée .Elle doit être établie par celui qui se prétend victime.

A ces deux conditions s'ajoute le lien de causalité entre la réalisation d'une déclaration de soupçon et le préjudice subi par le client.123(*)L'exigence d'un lien de causalité n'est pas une création de la jurisprudence ou de la doctrine. Elle résulte des textes légaux qui expriment, mais sans le définir sa nécessité. Ce faisant, ils isolent une donnée juridique, qui constitue non une simple relation de fait mais une notion de droit sur laquelle la cour de cassation exerce son contrôle.124(*)

Ces exigences satisfaites, il pèse, dès lors, sur l'Etat une obligation de réparation. La réparation du préjudice doit être intégrale selon les dispositions de l'article 134 du COCC. Elle l'est même si l'évaluation du dommage est difficile .Toutefois dans l'impossibilité d'un dédommagement total, le préjudice peut être compensé par équivalent.

Par ailleurs, même si l'Etat substitue sa responsabilité à celle du déclarant, il en est tout autre de la responsabilité pénale de l'assujetti. Ce dernier est sanctionné pénalement en cas de faute.

* 106 Ainsi le titre IV de la Loi est consacré aux mesures coercitives à l'égard de toute personne fautive dans le cadre de la déclaration de soupçon.

* 107 Définition tirée de Lexique des termes juridiques

* 108 Il en est ainsi des immunités diplomatiques et des immunités parlementaires.

* 109 Tel est le cas en l'espèce où l'immunité est uniquement limitée à la responsabilité civile du déclarant

* 110 V. art 315 du code pénal sénégalais

Ainsi, acte accompli peut être autorisé par la loi ou le règlement. L'autorisation peut aussi émaner d'un ordre et l'ordre déterminé par une autorité légitime c'est-à-dire une autorité publique, civile ou militaire légalement instituée au regard des textes en vigueur.

* 111 L'article 26 de la Loi fait obligation aux assujettis de procéder à une déclaration sur toute opération de nature douteuse.

* 112 V. art 30 du projet de la loi n° 03 /2008 portant sur la réglementation bancaire (décret de présentation n ° 2007-1622 du 31 décembre 2007 du Président de la République)

* 113 V. l'ouvrage de Frédéric Desportes, Francis Gunéchec sur « le nouveau droit pénal », tome1, Economia ,4 édition, pages 550 et 551

* 114 Il s'agit des autorités judiciaires, des agents de l'Etat chargés de la détection et de la répression des infractions liées aux blanchiments de capitaux, agissant dans le cadre d'un mandat judiciaire ou de la CENTIF. (cf. art 32 al.2 de la Loi.

* 115 A ces systèmes théoriques, s'ajoute une troisième qui propose de distinguer selon le caractère manifestement illégal ou non de l'acte de l'acte dont l'exécution a été ordonnée. C'est ce système qui a été consacré par le nouveau code pénal français en son article 122_4 al 2.

* 116 Il en est ainsi de l'arrêt du Tribunal des Conflits française rendu le 8 février 1873 Blanchot. Cette décision est considérée pendant longtemps comme la pierre angulaire du droit administratif. Elle consacra la responsabilité de l'Etat mais cette responsabilité « n'est ni générale, ni absolue » du fait des considérations du service public. (cf. l'ouvrage « les grands arrêts de jurisprudence administrative », de M. Long, P. Weil et alii, Dalloz, 13e édition, page 3).

* 117 Définition tirée du lexique des termes juridiques

* 118 V. François Terré, Philipe Simler, Yves Lequettes, Droit civil : les obligations, Dalloz ,8e édition, page 434

* 119 V. art 31 de la Loi

* 120 Selon les dispositions de l'article 142 du COCC, on est responsable non seulement du dommage résultant de son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre. Ainsi, si un fait causant un dommage a été commis par une personne normalement exposée en conséquence à une action de la victime, celle-ci peut, en outre s'entreprendre à une autre personne, responsable du fait d'autrui. Cette dernière ne peut invoquer quelque cause d'exonération. Elle garantie alors à la victime la réparation de son préjudice quitte à ce que le responsable puisse se retourner contre l'auteur du dommage.

* 121 La théorie de la garantie est soutenue par Boris Stark dans sa thèse de doctorat « Essai d'une théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de garantie et de peine privée »Paris ,1947

* 122 Le fondement classique de la responsabilité civile de l'auteur du dommage sur une faute causée par lui est devenu insuffisant au fil des années. Son origine est due à la multiplication des accidents de matériels ou corporels, que le développement du machinisme a entraîné dans son sillage. Ainsi la doctrine française a proposé d'autres fondements de la responsabilité. Il s'agit notamment de la théorie des risques dégagée par Saleilles. (cf. R Saleilles, les accidents de travail et la responsabilité civile, 1897 et note Dalloz 1897.1.167)

* 123 V.art 31 de la Loi

* 124 Terré Fr. et alii, droit des obligations, Dalloz, 7e édition, page 634

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus