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L'enseignement/apprentissage en langues nationales: une alternative au renforcement des compétences intellectuelles pour un développement durable

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par Aristide Adébayo ADJIBODOU
Université d'Abomey-Calavi (BENIN) - DEA en Sociolinguistique 2006
  

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1.3. Politique, planification et aménagement linguistiques au Bénin.

Selon Chaudenson (1991)10 « la politique linguistique est l'ensemble des choix en matière de langue et de culture ». Elle est entendue comme choix politiques et administratifs et s'inscrit dans une dynamique. La politique linguistique une fois explicite a pour conséquences des mesures scientifiques et techniques d'accompagnement à travers la Planification linguistique et l'aménagement linguistique.

En la matière, qu'observe-t-on au Bénin ? 1.3.1. Politique linguistique au Bénin

Les objectifs définis par la politique linguistique béninoise sont multiples et diversifiés ; ils trouvent leur fondement dans les différentes prises de décision politiques et juridiques, de la période révolutionnaire à l'avènement du Renouveau Démocratique.

Les objectifs de la politique linguistique officielle béninoise se définissent comme suit :

- introduire les langues nationales dans l'administration au niveau local (préfectures, communes, arrondissements, villages, quartiers de ville) ;

- introduire les langues nationales dans l'éducation formelle : introduire les langues nationales comme matière et par la suite comme véhicules du savoir en cohabitation avec le français dans l'enseignement (écoles, collèges, centres de formation professionnelle, universités)

- promouvoir les recherches sur les langues nationales ;

- mettre des moyens à la disposition des institutions spécialisées pour faire des recherches sur les langues nationales en vue de leur développement.

La réhabilitation des langues nationales et leur introduction dans le système éducatif formel ont été les préoccupations majeures du Gouvernement Militaire Révolutionnaire. Cela a été souligné à travers, notamment le Discours Programme du 30 novembre 1972, le Programme National d'Edification de l'Ecole Nouvelle et l'Ordonnance n° 75%30 du 23

9 MPREPE: Programme National de Développement Communautaire (PNDC), juin 1998; Composante 1: Education et formation Communautaires; Sous- programme 2: Intensification de l'alphabétisation foctionnelle de masse, page 35.

10 Cité par Marc-Laurent HAZOUME, 1994 in Politique linguistique et développement (Cas du Bénin), Cotonou, Les Editions du Flamboyant, p. 57.

juin 1975 portant loi d'orientation de l'Ecole Nouvelle.

A l'avènement de la Démocratie pluraliste, le peuple et les autorités ont rappelé et réaffirmé les positions initiales à travers la Constitution du 11 décembre 1990, la Politique Culturelle et la Charte Culturelle en République du Bénin, la Loi N° 2003% 17 portant Orientation de l'Education Nationale en République du Bénin et la Décision du 15 juillet 199211.

Cette politique linguistique vise plusieurs secteurs :

- l'enseignement, de la maternelle au supérieur ;

- l'administration ;

- les services socio-professionnels ;

- tous les secteurs de l'alphabétisation et de l'éducation des adultes.

« Si la Révolution démocratique et populaire en a fait un combat à travers l'alphabétisation de masse, l'action la plus concrète de l'ère du Renouveau Démocratique concernant l'éducation et les langues nationales au Bénin c'est la réforme donnant lieu aux Nouveaux Programmes d'Etudes (NPE) dans l'enseignement primaire. Le "Module Langue et Culture" est l'innovation de ces programmes d'études ; la langue maternelle est utilisée au cours de plusieurs activités (...) A la fin de l'année scolaire 1997%1998, les trente premières écoles expérimentales ont présenté leurs premiers élèves candidats au Certificat d'Etudes Primaires (CEP) et ont été évalués en langues et culture au même titre que dans les autres disciplines »12.

L'instauration du "Module Langue et Culture" ne permet pas pour autant de croire que les pratiques linguistiques sont réelles et effectives ; les secteurs socio-professionnels sont toujours en balbutiement.

En effet, les principaux résultats issus de l'application de la politique linguistique ne sont que le reflet des taux d'alphabétisation existants. Les résultats restent mitigés. La politique linguistique du Bénin se limite aux déclarations d'intention.

1.3.2. Planification linguistique au Bénin.

Après les choix politiques, l'étape suivante pour la valorisation des langues nationales et
cultures est celle qui consiste à prendre les mesures techniques et administratives
convenables pour y parvenir ; Hazoumé (1994) le trouve comme « un préalable

11 cf. Relevé des Décisions Administratives N°27/SGG/REL du 16 juillet 1992

12 Tchitchi, T. Y., 2003, "Pratique et Gestion des langues nationales au Bénin", Communication in Atelier de mise en commun des expériences en matière de gestion des langues en Afrique de l'Ouest, Rapport général, par l'Agence Intergouvernementale de la Francophonie, Bamako, 19-21 nov. 2003.

nécessaire à toute action d'envergure ».

Selon Chaudenson (1991)13, la planification est « l'ensemble des opérations qui visent la programmation et les modalités de la réalisation des objectifs définis par la politique en fonction des moyens disponibles et des procédures envisagées pour cette mise en oeuvre ».

Au Bénin, les actions principales se sont limitées à :

- la création de structures scientifiques et techniques chargées de la promotion des langues nationales ;

- des insertions timides et éparses de décisions administratives en faveur des langues nationales.

Paradoxalement, les textes juridiques ne sont pas très tranchés et ne permettent pas de leur accorder une place envieuse.

Le statut de langue officielle, langue de travail et langue de l'administration, accordé au français au détriment des langues nationales reste et demeure le tout premier handicap. Surtout parce que dans le même temps aucun statut clair et privilégié n'est accordé à aucune langue nationale pouvant lui permettre de s'imposer. Ainsi, quelles que soit les actions entreprises, l'absence de `contrainte' lié au statut, donc à la place et au rôle des langues nationales sera un handicap pour leur promotion.

Selon VIGNER (1992), « Les éléments de statut sont appréhendés à l'aide des catégories suivantes : officialité ; usage institutionnalisé (textes officiels, textes administratifs, justice, administration locale, religion) ; éducation ; moyens de communication de masse (presse écrite, radio, télévision, cinéma, édition) ; secteur économique (secondaire et tertiaire). Les éléments de corpus renvoyant aux usages effectifs de la langue distinguent les milieux et les langues selon : le mode d'appropriation (acquisition ou apprentissage) ; la production et l'exposition langagières ; la compétence linguistique ; les taux de véhicularisation et de vernacularisation »14

Le statut représente donc un ensemble d'attributs importants que l'on confère à une langue et qui lui offre sa place ou son role sur le plan communicationnel et donc dans la société.

Une loi qui obligerait par exemple les députés à parler une ou des langues nationales
dans l'hémicycle, les Maires ou les élus locaux à utiliser une ou des langues nationales

13 Cité par Marc-Laurent HAZOUME, 1994 in Politique linguistique et développement (Cas du Bénin), Cotonou, Les Editions du Flamboyant, p. 57.

14 VIGNER, Gérard, 1992, "Situations linguistiques en Afrique" in Diagonales n° 24, p. 8.

dans leur localité, ou les services publics à accorder une place à une ou quelques langues, etc. pourrait permettre d'amorcer une utilisation institutionnelle de ces langues comme déjà largement souhaitée et explicitée dans les choix.

Le premier acte de la planification est donc relatif au statut1 5.

Les pays avancés dans le domaine l'ont si bien compris qu'ils ont pris en la matière des mesures pratiques :16

- Le Canada Québec l'a amorcé depuis 1867 en optant pour le bilinguisme (anglais, français), puis en 1972 avec l'adoption d'une « loi sur la langue officielle », et en 1977 l'adoption de la charte de la langue française ;

- Dans l'ex-Union Soviétique la politique linguistique a abouti au choix de la langue russe comme langue officielle et a fait des langues considérées comme minoritaires des langues n'ayant aucune envergure internationale ;

Avec l'éclatement de l'Union d'autres tendances ont vu le jour : certains pays comme la Lithuanie et l'Estonie ont adopté des modifications constitutionnelles pour proclamer en 1988 leurs langues respectives, langues officielles. L'année suivante, des lois à caractère linguistique furent votées ; et d'autres républiques fédérées leur emboîtaient le pas ;

- L'Inde, pays où il est attesté mille six cent cinquante deux langues maternelles a pu choisir le hindi et l'anglais comme langues nationales officielles ;

- Avec ces multitudes de parlers, l'Indonésie a donné un statut officiel à l'indonésien, langue nationale et à l'anglais, une langue étrangère ;

- En Papouasie Nouvelle Guinée, environ huit cent cinquante langues sont dénombrées ; pourtant deux langues nationales et une langue étrangère ont été reconnues comme langues officielles ;

- Au Pérou soixante langues sont parlées ; mais seulement le quechua et l'aymara sont déclarés langues d'usage officiel et l'espagnol langue officielle de la République.

- Au Nigeria, avec l'option de l'Etat,17 « le Gouvernement doit veiller a ce que le

15 Selon Hazoumé (1994 : 60), « En allant encore dans le détail, le statut recouvrirait deux réalités : le "status" et le "corpus" ». L'auteur cite Chaudenson (1991) en ces termes : « Décider par décret de faire de tel idiome la langue officielle d'un Etat est un acte qui relève de l'aménagement de status, la pourvoir d'un code graphique ou l'enrichir au plan terminologique est une opération qui concerne le corpus »

16 cf. Mauraix, J. cité par Marc-Laurent HAZOUME, 1994 in Politique linguistique et développement (Cas du Bénin), Cotonou, Les Editions du Flamboyant, p. 61-70.

17 Adégbija (1992), cité par Marc-Laurent HAZOUME, 1994 in Politique linguistique et développement (Cas du Bénin), Cotonou, Les Editions du Flamboyant, p. 68-69

medium d'instruction dans l'enseignement primaire soit, tout d'abord, la langue maternelle ou la langue de la communaute immediate et, à un stade ultérieur, l'anglais »

Abdulaziz (1992)18 ajoute que « le Nigeria a decide que le hawsa, le yoruba et l'ibo étaient les langues dominantes qu'on devrait utiliser a l'Assemblee federale à l'avenir ».

- En République Centrafricaine, le sango est reconnu comme langue nationale officielle à côté du français.

Ce sont là quelques exemples de décisions relatives au premier acte de la planification linguistique qu'est la question du statut.

Cette étape de la planification n'est pas encore amorcée au Bénin. Il est indispensable que l'Etat béninois s'y engage sans réserve.

Il est vrai, avec la décision du Conseil des Ministres du 15 juillet 1992 mentionnée dans le Relevé des Décisions Administratives N°27/SGG/REL en date du 16 juillet 1992, le Bénin a fait un grand pas. Malheureusement, plus de treize années après cette décision, aucune mesure obligatoire et contraignante conséquente n'a suivie.

La raison est toute simple : c'est une décision administrative ; elle n'a pas force de lois, et les textes fondamentaux de la République, la Constitution du 11 décembre 1990 notamment, ne confèrent aucun statut juridique aux langues nationales. Cette étape s'avère très indispensable.

Dans cette démarche il est tout de même important d'éviter une monopolisation culturelle. « Il ne s'agira pas, en choisissant de valoriser une langue régionale, de procéder à une glottophagie scandaleuse ou d'exercer un impérialisme linguistique sur un quelconque groupe. Il s'agit purement et simplement d'une question stratégique qui n'exclut aucune langue maternelle. Une position contraire consisterait à nier les cultures des groupes sociaux existant dans le pays »19.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld