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Du contentieux constitutionnel en République Démocratique du Congo. Contribution à  l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle

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par Dieudonné KALUBA DIBWA
Université de Kinshasa - Doctorat en droit 2010
  

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CHAPITRE III :
PROCEDURE DEVANT LE JUGE CONSTITUTIONNEL

La procédure est comme tout juriste le sait la clef de voute d'un système juridictionnel. En effet, sans procédure expressément prévue dans la loi, les velléités dictatoriales qui sommeillent dans chaque juge pourraient bien lui dicter des énormités. Aussi, le législateur a-t-il arrêté dans le cadre de ce système une procédure à suivre tant pour saisir le juge que pour exécuter les décisions qu'il aura au départ rendues.

Il s'agira donc ici d'étudier dans un premier moment les recours organisés devant le juge constitutionnel en ce qui est de la procédure juridictionnelle et dans un second mouvement, les conditions de recevabilité et de mise en état de la cause devant ce juge.

Voyons dès lors en détail comment s'organise la saisine du juge constitutionnel dans les différentes matières dont il doit connaitre en tant qu'il exerce sa fonction juridictionnelle.

Section 1 : LES RECOURS DEVANT LE JUGE CONSTITUTIONNEL

Le constituant congolais a prévu dans les dispositions pertinentes982(*) de la Constitution du 18 février 2006 un certain nombre des compétences qui nécessitent pour leur exercice par la haute Cour une saisine particulière. C'est cette saisine que la doctrine qualifie d'ensemble d'actes de procédure pour porter un litige devant le juge qui fera l'objet des paragraphes qui suivent. Par ailleurs, chacun de paragraphes traitera un mode de saisine relatif à une matière de la compétence de la haute Cour précédemment étudiée.

Commençons par le noeud gordien du contentieux constitutionnel qui est le contrôle de constitutionnalité des lois.

§1. En matière de contrôle de constitutionnalité des lois

Deux hypothèses sont susceptibles de survenir en cette matière, soit qu'il s'agit d'une action directe en inconstitutionnalité, soit qu'il s'agit alors d'un incident d'inconstitutionnalité soulevé à l'occasion d'une instance ordinaire devant un juge non constitutionnel. Nous envisageons ici les deux hypothèses et nous y consacrons deux points suivants.

A. Cas de l'action en inconstitutionnalité

L'hypothèse de l'action en inconstitutionnalité est couverte par les dispositions de l'article 162, alinéa 2 de la Constitution. En outre, elle recouvre deux occurrences, celle du contrôle a priori et celle du contrôle à posteriori.

1. Hypothèse du contrôle à priori

Le contrôle de constitutionnalité étant ouvert contre les lois et les règlements dont nous avons parlé au chapitre précédent, le constituant a réservé l'initiative du contrôle a priori aux seules autorités publiques, écartant ainsi les particuliers du cercle des personnes qualifiées pour saisir le juge constitutionnel. En effet, s'agit des actes juridiques en chantier, il est plus logique que ce soient les autorités politiques elles-mêmes au courant de ces textes en chantier qui soient habilitées à en empêcher la naissance juridique.

Il en est ainsi des lois organiques qui sont obligatoirement soumises au contrôle de la Cour constitutionnelle avant leur promulgation, sur pied de l'article 160 ; alinéa 2 de la Constitution. La saisine dans cette occurrence est l'oeuvre du Président de la République auquel le tertio de l'article 124 de la Constitution confère cette compétence. Lorsqu'il s'agit du règlement intérieur des chambres parlementaires ou du Congrès, la saisine revient au Président de la chambre concernée ou, en ce qui est du congrès, à son Président. Il en est de même des règlements des autorités administratives indépendantes que nous avons analysées au chapitre précédent.

Il est également possible au regard de notre ordonnancement juridique que les lois ordinaires puissent également faire l'objet d'un contrôle a priori. En effet, aux termes de l'article 160, alinéa 3 de la Constitution, les lois peuvent être déférées avant leur promulgation par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat ou le dixième des députés ou des sénateurs.

Dans toutes ces occurrences, la saisine appartient aux autorités politiques qualifiées qui doivent agir par voie de requête en inconstitutionnalité. Il n'est pas indifférent de remarquer que cette possibilité d'empêcher la loi de naitre juridiquement est une arme politique dont la minorité dans les chambres ne peut s'interdire l'usage. Le droit public congolais connait déjà un cas qui a malheureusement abouti à une décision d'irrecevabilité. C'est le RConst 06/TSR du 24 mars 2004.

En date du 11 mars 2004, les honorables députés Kazadi Nanshabolowa, Jean Mubanga Kabobela, Alphonse Lupumba Kamanda, Bruno Mukadi et Flory Sekelay ont sollicité l'examen de la conformité à la Constitution de la Transition de la loi portant organisation et fonctionnement des partis politiques.

Enrôlée sous R.Const.06/TSR, la requête du 23 décembre 2003 émanant d'une poignée des parlementaires a donné lieu à un arrêt de principe de la Cour Suprême de Justice, qu'il convient de commenter avant de donner notre position.

Le mode de saisine pratiqué par les parlementaires n'appelle nullement de commentaires particuliers dans la mesure où ils ont agi par voie de requête prévue à l'article 131 de la Constitution de la transition.

L'étude de cet arrêt présente néanmoins un intérêt majeur car il s'agit du premier antécédent jurisprudentiel du recours formé par les députés contre une loi dont ils n'ont pu empêcher l'adoption au niveau de l'Assemblée Nationale.

De ce point de vue, l'on peut apprécier l'efficacité de ce moyen de contrôle exercé par une minorité politique pendant la période de transition. La logique caporaliste des composantes semble émasculer l'efficacité d'une telle procédure.

Il reste à voir si cette requête a répondu aux exigences de forme et de fond portées par l'Ordonnance-loi relative à la procédure devant la Cour suprême de justice.

Dans son arrêt R.CONST. 06/TSR du 24 mars 2004, la Cour Suprême de Justice relève que « s'agissant de la recevabilité du recours en appréciation de la conformité d'une loi à la constitution, l'article 131 de cette loi fondamentale pose deux conditions aux députés désireux d'engager cette procédure, à savoir :

a. Le recours doit être formé par un nombre de députés au moins égal au dixième des membres de l'Assemblée Nationale

b. Le recours doit être introduit dans le délai de six jours francs qui suivent son adoption définitive.

Elle constate en outre que dans l'espèce examinée, « aucune de ces deux conditions n'a été respectée » en ce que d'une part, « le recours du 11 mars a été introduit au-delà de six jours francs fixés par l'article 131 de la Constitution, et qu'il a été signé d'autre part par cinq députés sur les cinq cent que comprend l'Assemblée Nationale ».

Aussi, la Haute Cour, toutes sections réunies et siégeant en matière d'appréciation de la conformité des lois à la constitution, a-t-elle déclaré irrecevable le recours introduit par les requérants pour non respect des conditions fixées par l'article 131 de la Constitution du 4 avril 2003.

L'article 131 de la Constitution du 4 avril 2003 dispose que « la Cour Suprême de Justice peut être saisie d'un recours visant à faire déclarer une loi non conforme à la Constitution de la Transition notamment par un nombre de députés au moins égal au dixième des membres de l'Assemblée Nationale, dans les six jours francs qui suivent son adoption définitive ».

De cette disposition, il découle que tout recours soumis à l'appréciation de la Cour en cette matière, doit répondre aux trois conditions non alternatives suivantes, à savoir : la signature du recours par un dixième au moins des membres de l'Assemblée Nationale ; l'adoption définitive d'une loi par l'Assemblée Nationale et le respect du délai de six jours francs courant à partir de l'adoption de loi.

Dans l'espèce examinée, il ressort qu'aucune de ces conditions n'a été respectée par les représentants, et que c'est à bon droit que la Cour Suprême de Justice a décrété l'irrecevabilité de la susdite requête. 983(*)

L'examen de ce cas nous a permis de relever que dans l'arrêt R.Const 06/TSR, la Cour Suprême de Justice a été autant rigoureuse qu'impartiale. Il faut préciser d'emblée que les notions de courage et de vertu ressortissent du langage moral. Mais la justice n'est-elle pas finalement une question éthique ? La symbolique de la justice n'est-elle pas deux plateaux soutenus au milieu par un glaive, c'est-à-dire le fait et le droit soutenus par la puissance publique (l'imperium) ? Lorsqu'au mépris de cette logique de justice le droit est dit, il n'est pas rare de constater qu'il est contesté et méprisé, à son tour, perdant ainsi son caractère normatif au seul profit de son apparat autoritaire.984(*)

Nous ne pouvons pas perdre de vue aussi un aspect pratique susceptible de constituer une tentative d'explication rationnelle de cet état de choses.

En effet, il n'est pas inutile de constater que la quasi-totalité de nos hauts magistrats sont des juristes de haut niveau oeuvrant depuis vingt-cinq ans, en moyenne, dans le domaine de droit privé et judiciaire sans avoir eu à trancher des matières de droit public du reste rares devant les juridictions inférieures dont ils proviennent.

Nous avons ailleurs dit que ce cas est symptomatique de la situation politique qui prévalait lors de la transition politique d'après Sun City. Et c'est le paradoxe de base du contentieux constitutionnel : les horreurs engendrent le développement de la justice constitutionnelle. 985(*)

2. Occurrence du contrôle à posteriori

La survenance de cette occurrence postule que la loi a été votée et promulguée par le Chef de l'Etat alors qu'elle est infectée des vices d'inconstitutionnalité. Dans ce cas, toute personne a le droit de saisine vis-à-vis des lois déjà étudiées qu'elles soient organiques ou ordinaires, dans la mesure où elles renferment un vice d'inconstitutionnalité. 986(*)

Ainsi, il est permis à toute personne de droit public ou de droit privé, physique ou morale, de saisir le juge par voie de requête. Signalons que le contrôle a priori qu'une autorité publique aurait initié devant la haute Cour ne la rend pas inapte à saisir de nouveau la même juridiction car en effet, la déclaration de conformité d'une loi organique ne joue pas au titre d'autorité de la chose jugée. L'explication rationnelle est qu'agissant sans litige, la Cour constitutionnelle ne fait pas oeuvre de juge, elle agit en revanche au titre d'autorité constituée dans un processus législatif prévu par la Constitution.

B. Cas de l'exception d'inconstitutionnalité

Cette hypothèse est celle prévue par les dispositions de l'alinéa 3 de l'article 162 de la Constitution. Elle n'appelle guère de commentaire particulier sauf à remarquer que la juridiction par devant laquelle est soulevée une exception d'inconstitutionnalité n'a d'autre ressources juridiques que la surséance à statuer, toutes affaires cessantes. La question d'exception concerne une personne qui est partie à un procès et qui se voit appliquer une loi qu'elle juge inconstitutionnelle.987(*)

C'est ici le lieu de mentionner la problématique juridique que soulève l'énoncé constitutionnel sur l'exception d'inconstitutionnalité. En effet, en limitant l'exception d'inconstitutionnalité à la personne concernée par une affaire, le constituant semble donc écarter toute intervention volontaire des tiers.

En d'autres termes, une personne non partie à l'instance n'a aucune qualité pour soulever cette exception. Or, en matière civile et administrative, par exemple, l'intervention volontaire comme la tierce-opposition sont permises de sorte que des tiers plus ou moins intéressés ont le droit aussi de soulever cette exception. 988(*)

Il ne pourrait en aller autrement dans la mesure où il n'est pas inutile d'observer que l'exception d'inconstitutionnalité engendre un contentieux objectif contre la loi ou l'acte réglementaire dont la nullité est ainsi sollicitée.

Le régime congolais de l'exception d'inconstitutionnalité qui fonctionne par renvoi préjudiciel porte une spécificité : non seulement que le texte trouvé et déclaré inconstitutionnel ne peut être comme partout ailleurs appliqué à la partie exceptionnelle mais aussi et surtout le texte constitutionnel postule que la Cour constitutionnelle statue et rend un arrêt définitif sur cet incident.989(*)

L'on peut de même observer que par la longueur des délais de prononcé et la chicane parfois non justifiée des plaideurs, l'on serait amené à considérer l'exception d'inconstitutionnalité comme une sorte d'arme fatale désorientant les plaideurs sur le sort de la question principale. Le destin de cette mécanique procédurale tient sans conteste au respect strict du délai de trente jours990(*) fixé par le projet de loi organique.991(*)

Pour résumer, par voie d'exception, la haute Cour est saisie non d'une requête mais plutôt d'un jugement ou arrêt avant dire droit ordonnant à la fois la surséance de l'examen de la question principale et renvoyant la question de constitutionnalité à la connaissance de la Cour constitutionnelle. 992(*)

* 982 Lire spécialement les articles 160 à 167 de la Constitution du 18 février 2006.

* 983 Arrêt inédit.

* 984 L'autorité est en effet une des caractéristiques de la loi mais l'adhésion est une constante dans l'histoire qui fait de la loi une oeuvre commune des gouvernants et des gouvernés.

* 985 Lire KALUBA DIBWA (D.), La saisine du juge constitutionnel et du juge administratif suprême en droit public congolais, op.cit, Kinshasa, éditions Eucalyptus, 2007.

* 986 Le terme « actes législatifs » utilisé à l'article 162 de la Constitution du 18 février 2006 n'est pas de nature à introduire des distinctions entre les diverses formes de loi. Il importe seulement au regard du critère formel qu'il s'agisse d'un acte législatif, c'est-à-dire d'une manifestation de volonté législative émanant du législateur, ordinaire ou d'exception, exprimée dans la forme et dans les conditions prévues par la Constitution.

* 987 Lire AVRIL (P.) et GICQUEL (J.), Lexique de droit constitutionnel, 7ème édition corrigée, Paris, PUF, 1998, p.57, v° Exception d'inconstitutionnalité.

* 988 Voir articles 80 du code de procédure civile et 84 de la procédure devant la Cour suprême de justice.

* 989 Saisie par avant dire droit, la Cour constitutionnelle rend en effet un arrêt qui sera définitif sur incident vis-à-vis des parties à l'instance principale qui aura entretemps été suspendue.

* 990 Lire article 160, alinéa 4, de la Constitution.

* 991 Lire 50 du projet de loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, inédit.

* 992 Lire article 162, alinéa 4, de la Constitution.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille