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La médiation sanitaire: une réponse à  l'insatisfaction du patient

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par Isabelle Jeanneret
Institut universitaire Kurt Bosch IUKB, CH-Sion - Master européen en médiation 2009
  

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1.2. La relation thérapeutique

L'idée de «colloque singulier» date de la deuxième moitié du 18ème siècle, époque à laquelle le médecin, dans les sociétés occidentales, acquiert, de par son savoir et la naissance de corporations, une identité professionnelle et une notoriété publique reconnues. Les échanges entre patients et médecins s'organisent alors dans une relation duale, intime, dépassant souvent le cadre médical, scène de débats d'idées et de confrontations de savoirs17.

Le Petit Robert définit «la relation» comme un «lien, rapport; lien de dépendance ou d'influence réciproque (entre personnes); le fait de communiquer, de se fréquenter».

Conditionnée par des aspects historiques, sociaux et culturels, la relation thérapeutique, forte des caractéristiques de dépendance ou d'influence de tout rapport, s'articule autour de deux principes fondamentaux : la bienfaisance18 du médecin et l'autonomie du patient. Cette relation particulière convoque d'une part, deux individus et, d'autre part, deux fonctions différenciées: la personne du médecin à qui l'on demande des prestations de soins et la personne requérante de soins qui alors devient un patient. L'interrelation et les échanges qui en découlent évoluent sur deux niveaux: le premier relevant de l'histoire, des expériences et des valeurs culturelles et sociales individuelles et, le deuxième, lié au contexte social dans lequel s'inscrit la relation thérapeutique, déterminée par certains aspects tels que la figure du médecin et de la médecine, le degré de confiance qu'elle génère, la représentation et l'imaginaire collectifs sur lesquels se construisent les attentes du patient.

Les progrès de la médecine et l'apparition des droits des patients ont provoqué des changements profonds complexifiant le cadre de la relation thérapeutique actuelle. D'un côté, l'importance du soin du corps prévaut aujourd'hui sur celui de l'âme, la priorité étant donnée à l'efficacité scientifique de la médecine au

17 M. Louis-Courvoisier, «Le malade et son médecin : le cadre de la relation thérapeutique dans la deuxième moitié du XVIII siècle», http://www.cbmh.ca/archive/00000526/01/cbmhbchmv18n2louis-courvoisier.pdf

18 Le principe de bienfaisance nous vient du précepte de la médecine hippocratique «d'abord ne pas nuire», notion fondatrice du code déontologique des médecins qui détermine leurs comportements et attitudes et la mission sociale qui leur est confiée. La version moderne du serment d'Hippocrate, «le serment médical» intègre le paradigme des droits des patients et valorise l'approche médicale humaniste et l'autonomie du patient

détriment d'une vision holistique du patient et d'une réponse individualisée. Les découvertes médicales telles les antibiotiques ou la biogénétique ont accentué l'image d'une médecine surpuissante et, par là, renforcé la figure du médecin, autant que les attentes du patient à son égard. De l'autre côté, les législateurs occidentaux, suivant les principes de la Déclaration de la promotion des Droits des patients de 1994, ont instauré ceux-ci dans leurs textes, soucieux de défendre l'autonomie de leurs citoyens au nom des principes d'égalité et du respect de leur libre arbitre. Ces nouveaux droits remettent en cause le modèle paternaliste de la médecine ancré depuis le début du siècle passé et convoquent un modèle participatif qui repose sur les principes d'autodétermination du patient et de responsabilité médicale. Or, le passage «abrupt» d'un archétype défini par un rapport «dominant-dominé» à un modèle participatif ne se fait pas sans difficulté :

«Nombreux sont les médecins qui ont senti une mise en cause de leur mission et, sans doute, de leur autorité. Ils on dû apprendre la transparence et l'humilité : partager l'information comme le doute, s'incliner devant une volonté contraire à la leur. Du côté des patients, certains se sont senti dépassés, la responsabilité des décisions thérapeutiques générant plus d'angoisse que ne leur procurait de réconfort la liberté de les prendre. Ils ont dû apprendre l'autonomie et la confiance en eux : demander l'information, accepter le doute, affirmer leur choix»19.

L'acquisition de l'autonomie du patient et l'abandon du pouvoir médical dans ce contexte idéalisé d'une médecine «qui peut tout» complexifient la construction d'une relation soignant-soigné dans laquelle le patient et le professionnel sont censés établir un rapport de confiance, un partage équitable, prenant en compte les composants de la relation thérapeutique20 et les limites de la science médicale: déficiences technologiques, erreurs humaines, impuissance face au vieillissement, à des maladies incurables et à la mort. A cela s'ajoute la dimension sociale du patient dont la maladie peut affecter la constellation familiale et appelle à une relation thérapeutique élargie, plus particulièrement dans des situations chroniques, de fin de vie ou d'incapacité de discernement dans lesquelles les proches expriment le besoin d'être associés au projet de soins.

19 O. Guillod in « La relation thérapeutique : état des lieux», D. Sprumont ( sous la dir. de), Rapport IDS No 1, 2003, p.47

20 Composants de la relation thérapeutique : confiance, respect, intimité, empathie et pouvoir

Ordre des infirmières et infirmiers de l'Ontario, «La relation thérapeutique», 2006, p.3 http://www.cno.org/docs/prac/51033nurseclient.pdf

Un placement à demeure, une hospitalisation de longue durée ou encore des soins ambulatoires réguliers accentuent le degré de dépendance de la personne fragilisée, son besoin de réassurance et celui de ses proches.

Si un réel partenariat s'est développé par des adaptations mutuelles progressives, des représentations et comportements antérieurs peinent à disparaître et «parsèment d'embûches cette évolution»21. Certains professionnels résistent encore à l'idée d'aborder les questions de prise en charge financière, à partager leurs doutes, voire à proposer des alternatives de traitements, l'information perdant alors de sa substance puisqu'elle paraît vouloir convaincre le patient d'adhérer à la proposition unique.

Le besoin d'informations compréhensibles et les nombreux questionnements qu'il génère, la remise en question des propositions de traitement et l'expression de l'insatisfaction devraient être accueillies par le soignant avec empathie et respect et donner lieu à une discussion équitable et authentique.

«Ce processus doit s'ancrer dans la confiance. Or la confiance ne peut pas simplement découler d'un argument d'autorité ou de l'affirmation d'un savoir. Elle se construit, notamment à travers la transparence, la tolérance et la sincérité»22.

C'est donc par l'établissement d'un dialogue éthique et humain que le rapport de confiance peut s'établir entre le soignant et le soigné, et participer autant au développement d'une intercompréhension au sein du colloque singulier qu' à l'empowerment23 du patient et plus largement à l'humanisation des soins.

Pour Jean Martin, la capacité de dialogue éthique relève de compétences propres à l'exercice de la médecine dans les règles de l'art et non pas uniquement d'une «composante optionnelle» à bien plaire, le défaut d'échanges et d'informations claires étant considéré aujourd'hui comme un fait de malpractis parfois condamnable24.

21 O. Guillod, «La relation médecin-patient : état des lieux», D. Sprumont (sous la dir. de) Rapport. IDS No 1, 2003,

p. 48

22 Ibidem, p. 49

23 J. Martin, «Dialoguer pour soigner : les pratiques et les droits », Ed. Médecine & Hygiène, Chêne-Bourg-Genève,

2001, p. 6 : «Empowerment ou capacitation : participation active des patients aux démarches préventives, thérapeutiques et de réadaptation»

24 Ibidem, p.14

D'autre part, l'auteur estime que la manifestation spontanée d'empathie, de regrets ou d'excuses lors d'un événement fâcheux, défavorable à la santé physique ou morale du patient, qu'il soit d'ordre relationnel ou technique, est «humainement souhaitable, et déontologiquement normale» mais aussi «le meilleur moyen d'éviter d'envenimer la situation»25.

Selon Jocelyne Pourveur, l'accroissement du nombre de plaintes et de procès qui remettent en question le pouvoir médical relèverait plus d'une contestation sur la manière dont il s'exerce que sur son existence et serait l'expression du désir d'autonomie et «d'une plus grande prise de conscience de sa propre santé»:

«Le patient interpelle et demande au corps médical comment il s'y prend. Le

modèle de la relation patient-médecin dans laquelle le médecin, compte-tenu de sa compétence, est doté d'un pouvoir de décision absolu dans ce quiintéresse et touche directement au malade et à sa vie, tendrait à être dépassé»26.

La légitimation des droits des patients et l'idée d'une médecine surpuissante ont modifié la perception citoyenne de la science médicale et les rapports de l'individu avec les acteurs du système de santé, le médecin se transformant en magicien. Face à un résultat thérapeutique insatisfaisant, les attentes déçues et le désarroi du patient ou de ses proches s'expriment par la colère et un profond sentiment d'injustice, qui sans dialogue transparent, sincère et empathique, l'orienteront vers un dépôt de plainte.

C'est dans ce contexte que l'intervention de la médiation , au-delà de sa logique de gestion des conflits, permet de lever les malentendus, d'instaurer un dialogue éthique entre les partenaires, de donner un sens à l'événement douloureux, de favoriser la réconciliation et la restauration du lien social et, par les engagements du professionnel de la santé, d'agir sur la qualité des soins et le respect des droits du patient.

25 J. Martin , Dialoguer pour soigner : les pratiques et les droits», Ed. Médecine & Hygiène, Chêne-Bourg, Genève 2001, pp. 15-16

26 J. Pourveur, «La médiation en milieu hospitalier : du mythe à la réalité», Mémoire Master IUKB, Sion 2001, p. 27

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