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La médiation sanitaire: une réponse à  l'insatisfaction du patient

( Télécharger le fichier original )
par Isabelle Jeanneret
Institut universitaire Kurt Bosch IUKB, CH-Sion - Master européen en médiation 2009
  

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1.4. Essai de définition de la médiation

Le flou conceptuel autour de la médiation émane, selon Jean-Pierre BonaféSchmitt, d'une «polysémie» des pratiques de la médiation dans tous les champs sociaux, qui rend son concept encore plus nébuleux et amène à la confusion. Cette variabilité de l'exercice de la médiation existant aussi dans le domaine sanitaire appelle, en premier lieu, à une classification en deux catégories distinctes : les activités et les instances de médiation :

1. Les activités de médiation

«[...] action menée par un tiers impliqué dans une relation triangulaire, en dehors de toute relation de pouvoir. L'action de ce tiers peut porter aussi bien dans le champ de la gestion des conflits que dans celui de la communication ou encore celui de la sécurité»45.

Toute personne intervenant dans des rapports entre patients - soignants ou l'administration hospitalière dans une position de tiers est aussitôt désignée «médiateur».

En Suisse, l'ouverture de «L'espace de médiation» au coeur du HUG, en novembre 2007, en est un exemple concret. L'espace de médiation participe à l'amélioration de la communication entre les patients et les unités de soins par le biais de coordinatrices en lien direct avec l'ensemble des acteurs hospitaliers, sans que soit pratiquée la médiation au sens de la littérature et de la formation IUKB. Cette initiative s'inscrit dans une démarche d'amélioration continue articulée à la gestion des plaintes, démarche soutenue par le directeur de l'institution hospitalière genevoise depuis une dizaine d'années. Le terme «médiation» choisi pour cet espace de parole

45 J.-P. Bonafé-Schmitt, in «La santé : cycle de vie, société et environnement», de P. Perrig-Chiello et H-B. Stähelin, collectif, Ed. Réalités sociales, Lausanne, 2004, p. 125

rapidement mis sur pied évoquait pour les coordinatrices et leur supérieur hiérarchique l'idée de «mise en lien» puis, par expérience, celle de «visage humain» de l'hôpital.

Dans les rapports conflictuels de travail, le tiers nommé reste le plus souvent une personne issue du domaine administratif ou juridique qualifiée de «médiateur naturel». A Lausanne, le service juridique du CHUV pratique des activités de médiation dans les conflits opposant patients et professionnels de la santé.

2. Les instances de médiation

«[...] se distinguent des activités de médiation non seulement par le statut du tiers, marqué par son indépendance, son impartialité et son absence de pouvoir, mais surtout par son mode d'action qui repose sur une rationalité communicationnelle et non instrumentale comme dans les activités de médiation»46.

Pour l'auteur, la différence entre l'activité et l'instance de médiation réside dans l'action du médiateur : le tiers agit dans le but de favoriser, chez les parties, l'émergence d'aptitudes communicationnelles les amenant à redevenir acteurs par la réappropriation de leur conflit et par la co-construction d' une «intercompréhension», notion issue de la théorie de «l'agir communicationnel» de Jürgen Habermas47:

«Dans cette perspective, la médiation s'apparente à un processus visant à permettre aux personne de se construire comme acteur, de promouvoir une capacité d'action, une autonomie dans la gestion de leurs conflits et plus largement de leurs relations sociales»48.

L'expérimentation réalisée par les médiés fait référence aux logiques
communicationnelle et éducative de la médiation selon Jean-Pierre Bonafé-

46 J.-P. Bonafé-Schmitt, «La santé : cycle de vie, société et environnement», de P. Perrig-Chiello et H.B. Stähelin, collectif, Ed. Réalités sociales, Lausanne, 2004, p. 125

47 J.-P. Bonafé-Schmitt, «La médiation, une alternative à la justice ?, Ed. Syros-Alternatives, 1992, p. 146 « Si l'on

définit l'action du médiateur comme un «agir communicationnel», dans le sens où l'entend Jürgen Habermas, il est nécessaire que soit organisé un processus de médiation permettant «la mise en discussion» des actes de langage de manière à rendre possible la compréhension mutuelle entre acteurs. Comme on peut le voir, ce processus repose sur une logique communicationnelle, c'est-à-dire que le rôle du médiateur consiste à créer les conditions processuelles pour permettre une bonne communication orientée vers l'intercompréhension.[...] Par essence, la médiation repose sur une réappropriation par les parties du pouvoir de gérer leurs conflits, l'intervention du médiateur se limitant à favoriser la communication entre elles ».

48 J.-P. Bonafé-Schmitt, « La santé : cycle de vie, société et environnement », de P. Perrig-Chiello et H.B Stähelin, collectif,Ed. Réalités sociales, Lausanne, 2004, p. 125

Schmitt, expérimentation qui est supposée se perpétuer dans la vie familiale, professionnelle et sociale des médiés par un effet pédagogique.

Il définit la médiation dans sa logique de gestion des conflits comme :

«[...] un processus, le plus souvent formel, par lequel un tiers impartial, le médiateur, tente à travers l'organisation d'échanges entre les parties de leur permettre de confronter leurs points de vue et de rechercher avec son aide une solution au conflit qui les oppose»49.

La formalité du processus fait appel au cadre et aux règles garantis par le médiateur ainsi qu'au comportement attendu des parties, terrain favorable au débat d'idées, et à la recherche de solutions.

Michèle Guillaume Hofnung définit la médiation selon deux notions. La première fait état d'un mode de gestion des conflits visant à régler un litige ou un conflit. Cette approche, dit-elle, «peut servir une demande de médiation institutionnelle visant à gagner du temps et à apaiser le conflit» :

«La médiation est un mode de résolution des conflits basé sur la coopération, faisant appel à un tiers impartial, le médiateur, sans pouvoir décisionnel. Le médiateur doit amener les parties à exprimer leurs attentes, besoins et objectifs véritables pour pouvoir ensuite trouver les solutions qui leur conviennent »50.

Cette définition correspond à la majorité des pratiques institutionnelles basées sur la logique instrumentale de la médiation. Nous n'adhérons pas à cette vision tronquée de la médiation.

La deuxième notion intéresse particulièrement le domaine de la santé en crise, dans le sens qu'elle évoque les idées de restauration de la relation dans la durée et de régulation sociale. Elle intègre non seulement les concepts de prévention et de résolution des conflits mais, en sus, ceux de création ou de réparation du lien, de consolidation du tissu social :

«La médiation est un mode de construction et de gestion de la vie sociale grâce à l'entremise d'un tiers impartial, indépendant, sans autres pouvoirs que ceux reconnus par les partenaires qui s'adressent à lui»51.

49 Ibidem, p. 125

50 M. Guillaume-Hofnung, in «Hôpital et médiation», (sous la dir. de ), collectif, Ed. L'Harmattan, Paris, 2001, p. 17

51 Ibidem

Par ses dimensions de construction et de gestion sociale, la médiation dans le domaine de la santé représente, pour l'auteure, la possibilité d'établir des «passerelles entre les partenaires d'un système».

Pour Jean-François Six, la médiation est une «démarche éthique, une action» et non une cause à défendre. Parlant de l'initiation à la médiation, il en explique les quatre principes : la médiation est un non-pouvoir, n'est pas une vénération de soi, son initiation ne consiste pas en une manière d'influencer pour obtenir de l' adhésion à une cause, mais plutôt à ouvrir la voie à la médiation par la reconnaissance de l'autre.

«Vouloir établir la médiation comme si c'était une cause à faire triompher n'a pas de sens; elle n'est pas un absolu à mettre en place mais une perspective relationnelle vers laquelle on essaie de tendre. Une politique totalitaire, une ferveur religieuse fanatique sont contraires à la médiation, sans oublier que l'on peut tout à fait indûment utiliser des médiateurs pour servir sa propre cause»52.

Quant à Jacqueline Morineau, elle explique l'apparition de la médiation par la logique actuelle de refus du chaos qui régit la société, refus exprimé par l'évitement, la fuite ou la banalisation du désordre qui, dit-elle, «nous prive dramatiquement des fruits» qu'il nous offre :

«La prise de conscience des différents mécanismes ancestraux de domination de l'homme sur l'homme en est un des éléments essentiels. Mais curieusement, c'est le rejet du désordre et le besoin d'un espace pour l'accueillir qui vont être la cause de son avènement.[...i Le conflit indissociable de la violence est le cri qui surgit pour que le désordre puisse retrouver sa place.[...]»53.

L'auteure postule que l'acquisition de savoirs a permis à l'homme moderne de développer un sentiment de contrôle sur le monde et l'a orienté vers une quête du «bon fonctionnement», au détriment de la recherche de sa propre vérité. La rationalité d'ordonnancement, base de la science, l'autorise à penser aujourd'hui qu'il domine la nature et la matière, qu'il exerce un plein pouvoir sur l'existence. Comment, dès lors, lui faire admettre ses limites et ses vulnérabilités ? Refus du chaos oblige ! Mais à quel prix ? Par la négation des

52 J.-F. Six, «Médiation », Ed. du Seuil, Paris, 2002, p. 235

53 J. Morineau, «L'esprit de la médiation», Ed. Erès, Ramonville Saint-Agnes, 2001, p. 63

peurs et de la violence qu'elles génèrent et dont les expressions sociales ou individuelles ne cessent de croître. Pour l'auteure, la médiation autorise le conflit, première manifestation du chaos, à reprendre sa place par le biais de la rencontre, de lui redonner son vrai sens , d'en comprendre les enjeux et de permettre à la colère, aux humiliations et injustices, aux désirs refoulés et la violence «d'être» .

«Proposer un lieu où la violence réciproque puisse se dire et se transformer, vouloir la réintégration du désordre participent nécessairement à une véritable révolution sociétale car il faut aller à contre-courant d'un état d'esprit et des usages et coutumes établis. Il s'agit de reconnaître qu'il s'agit d'un bouleversement dans la relation de l'homme avec la société et avec luimême»54.

Dans cette perspective, Jacqueline Morineau estime qu'une rigueur et un cadre spécifique sont nécessaires pour concéder au tiers la faculté d'accueillir «la décharge émotionnelle» libérée par la scénographie du conflit, la reconstruction du «drame» dans son espace et sa temporalité propres. Cette disposition particulière fait sans doute référence à une formation ad hoc et à des aptitudes relationnelles, entre autres l'humilité, l'impartialité, la créativité, la bienveillance, l'empathie, l'écoute, l'objectivité et la capacité de gérer le stress.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon