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Politique fiscale et informalités économiques au Niger

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par Moussa Sahirou Tchida
Institut universitaire d'études en développement de Genève - Diplôme d'études approfondies (DEA) 2005
  

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CHAPITRE DEUXIEME : Histoire comparée de la fiscalité en France et au Niger

L'histoire politique de la France est en soi un cas d'école et reste particuliérement instructive eu égard aux différentes phases qui ont marqué son évolution a travers l'empire, la Révolution et la République. Ces différentes phases, marquent incontestablement des périodes spécifiques ayant façonné une certaine vision de l'Etat, de la citoyenneté et de la gestion des affaires publiques. La République du Niger est une ex-colonie francaise ayant accédé a l'indépendance le 3 aotit 1960, comme la plupart des pays ouest-africains francophones. L'intérést de passer en revue l'histoire comparée de la France et du Niger dans le cadre de ce mémoire, sur un sujet aussi important que la fiscalité, réside dans le fait que le Niger s'inspire du modéle administratif francais et qu'il continue toujours a bénéficier de l'assistance technique de ce pays, en particulier dans le domaine de l'administration fiscale.

L'enjeu d'un tel exercice, est de voir en quoi le plaquage de ce modéle est-il pertinent pour le Niger, qu'est-ce qui pourrait expliquer sa réussite ou son échec et éventuellement quelles pourraient titre les leçons a tirer. Pour ce faire nous allons essayer de rappeler briévement l'évolution de la fiscalité en France depuis le début du XIXe siécle, en termes des mesures et réformes fiscales adoptées et mises en oeuvre. En ce qui concerne le Niger, il sera question de passer en revue les différentes phases de l'évolution de sa fiscalité en fonction des contingences politiques de chacune des périodes.

/. Evolution de la fiscalité en France depuis la Révolution de /789

/./ Caractéristioues de la fiscalité francaise au lendemain de la Constituante

Le systeme fiscal francais a pris un tournant décisif avec la tenue en 1789 de l'Assemblée Constituante et dont la Déclaration qui en est issue dispose en son article 14 que « les citoyens ont le droit de constater, par eu~-memes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée »47. Cette disposition rev<t tout son sens lorsqu'on sait que le poids de la fiscalité, son inégale répartition et les vices qui la caractérisaient sous la Monarchie furent, entre autres, a l'origine de la révolution48. C'est au cours de ses assises que les bases d'un débat démocratique sur l'imp,t en France furent jetées,

47 Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

48Gerard KLO CH, « Réforme fiscale, physiocratie et statistique : le cas de LAVOISIER », &dées économiques sous la révolution, 1789-1794, Jean-Michel SERVET( Coord.), Presses Universitaires de Lyon, Lyon, 1989, pp.125-140.

en tenant compte principalement de la question de justice sociale, des besoins de l'Etat et des possibilités de recouvrement. Le systeme fiscal francais a la veille de la révolution se caractérisait par sa lourdeur, sa complexité et son incohérence et surtout par son incapacité a mettre fin au déficit budgétaire devenu chronique du fait d'un faible rendement. Ce systeme fiscal qui constituait « un enjeu de privileges » comprenait des impots directs et indirects.

Au titre des impOts directs la taille (personnelle en tant impOt individuel sur le revenu et réelle en tant qu'impot foncier sur les revenus des biens immobiliers), la capitation (frappant l'ensemble de la population ne faisant pas partie de la noblesse), le vingtieme essentiellement supporté aussi par les classes non nobles (assis sur les revenus des immeubles, les rentes, le commerce et les droits féodaux) et la corvée des grands chemins (impot en nature, il consistait a la construction et a l'entretien des routes aux frais des propriétaires riverains)49. En ce qui concerne les impots indirects, ils se décomposaient en aides (impots de consommation assis sur les boissons alcoolisées), la gabelle (petite et grande, elle est un impot de consommation assis sur le sel) et les traites (les douanes a l'intérieur du pays). La collecte des impOts directs et indirects se faisait respectivement par l'administration royale et le systeme de la ferme50.

L'opposition des physiocrates51 contre les impOts indirects qu'ils considéraient comme nuisibles au développement économique avait conduit a leur suppression lors de la Constituante. En supprimant les impots indirects, la Constituante voulait mettre en oeuvre un systeme fiscal simple et maitrisable frappant les masses imposables les plus visibles comme les terres, les immeubles, les signes ostensibles de richesse, etc. Cependant, cette suppression ne fut que momentanée, car moins de dix ans apres, ils finiront par être rétablis, d'abord progressivement sous le Directoire avant d'être totalement restaurés par Napoléon. Le retour progressif et définitif des impOts indirects sous le Directoire et Napoléon fut particulierement motivé par l'insuffisance des recettes tirées des impots directs. Celles-ci n'arrivaient plus a couvrir les besoins de plus en plus croissants de l'Etat qui devrait intervenir dans tous les domaines publics en plus des efforts de guerre. Malgré l'amélioration apportée a l'administration des impots directs(sur la fortune, les signes ostensibles de richesse, la personnelle-mobiliere, les terres, etc.), les pouvoirs publics n'arrivaient pas a imposer les nouveaux riches tirant profit du modele libéral en marche.

49 Gérard KLOCH, « Réforme fiscale... », p.126

50 Ibidem, p126.

51 Il s'agit des économistes du XIIIe siècle qui fondaient leur conviction sur le fait que l'agriculture constituait la principale source de richesse d'un pays.

Le débat politique et juridique autour de la nature des impOts directs et indirects en France au sortir de la Révolution, était axé sur une certaine idée de liberté. En effet, pour une certaine opinion, l'imp,t direct s'assimilait a la coercition alors que l'imp,t indirect est considéré comme un impot de liberté et volontariste pour le citoyen. Aussi, pour les défenseurs des impots indirects, c'est que ces derniers o se perçoivent presque a l'insu du contribuable »52. Pourtant, ce ne sont pas les opposants qui manquaient et pour qui les taxes sur la consommation frappent indéniablement les pauvres plus que les riches, les familles nombreuses plus que les familles restreintes et les célibataires. En tout état de cause, la restauration des impots indirects, principalement sous Napoléon, aurait permis une nette amélioration des ressources publiques. Cette amélioration était principalement due aux importantes ressources tirées de la taxation de l'alcool, du tabac et de certains produits de consommation courante ainsi que de l'offre des services publics a travers la vente des timbres et des droits d'enregistrement.

Le système fiscal francais au XIXe siècle fut un système de compromis politique et citoyen en ce sens qu'il conciliait les diverses opinions autour des enjeux du moment et de la nécessité de mobiliser autant de ressources qu'il fallait pour assurer le service public et les exigences de la guerre. C'est en cela qu'il fut qualifié de o systeme mixte qui combine les idées réformatrices des derniers contrôleurs généraux de l'ancien régime, les innovations des physiocrates et bourgeois de la Constituante, et le retour aux sources de l'impôt indirect opéré par les technocrates du Consulat sous les contraintes des coets de la politique extérieure »53. C'est un système fiscal qui évoluait en cherchant a s'adapter continuellement a son contexte, celui d'une France qui, petit a petit, s'éloignait de la ruralité en se modernisant et par conséquent en accroissant ses besoins.

Dans le domaine de la fiscalité, le XIXe siècle constitue sans aucun doute une période d'innovation fiscale, car c'est a partir de ce moment que les débats sur la fiscalité vont véritablement entrer dans les mours républicaines. En outre, c'est également en cette période que l'Exécutif a la demande du meme Parlement adoptera le principe du budget annuel équilibré en recettes et dépenses. Il s'agit d'une importante révolution qui impliquerait des profonds changements dans la gestion des deniers publics et la politique budgétaire de l'Etat francais. Le XIXe siècle a donc ouvert la voie au débat démocratique sur ce qui touche directement le patrimoine des citoyens meme s'ils n'ont pas toujours les moyens de s'opposer directement a certaines décisions comme quand Napoléon eut o ressuscité les méthodes de la

52 Robert S CHNERB, Deux siecles de fiscalité francaise, Ed. Mouton Editeur -- Paris - La Haye, 1973, p.68

53 Robert S CHNERB, op.cit, p.56

Ferme générale lorsqu'il était apparu que le systéme de la Constituante ne donnait que des recettes insuffisantes.»54

Les traits caractéristiques du systeme fiscal francais de l'époque faisaient ressortir que les impôts directs qui avaient une base réelle, étaient des prélévements forfaitaires sur une matiére imposable déterminée (terre, entreprise, immeuble, etc.) La fixité des impôts directs les rendait peu sensibles aux fluctuations économiques, car la doctrine telle que défendue par Léon Say55, voulait qu'il soit « laissé entre les mains du propriétaire, du producteur, du vendeur, la plus large marge possible de profit, dont la croissance ne devait pas etre absorbée par l'Etat, mais bénéficier a l'économie nationale »56. Il s'agit d'un systeme fiscal qui se voudrait économiquement neutre, sans incidences particuliéres ni sur les revenus, ni sur la richesse du point de vue de sa répartition et encore moins sur les structures de l'économie. En outre, la recherche de la justice et de l'équité dans les prélévements fiscaux a de tout temps été au centre des préoccupations aussi bien des seigneurs que des législateurs en se basant sur les signes extérieurs de richesse, sur la consommation, les terres, immeubles, loyers, etc.

Nous retiendrons de ce siècle que les impôts, dans un contexte économique dominé par l'agriculture, constituaient la principale source des revenus de l'Etat et que les citoyens francais étaient doublement imposés au titre du budget général de l'Etat et de celui des Communes. Aussi, pouvons-nous remarquer que l'évolution de l'impôt n'est jamais linéaire, mais qu'elle se caractérisait par des allers-retours, des ajustements, des réformes en fonction des exigences du moment et des besoins de la gestion des affaires publiques. De son aspect financier en termes de pourvoyeur de ressources, l'impôt est devenu un enjeu politique autour duquel des idéologies et des courants politiques se confrontent au nom des valeurs et des principes mettant tantôt l'individu, tantôt le collectif au centre des préoccupations socioéconomiques des gouvernants.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld