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Les forces armées camerounaises face aux nouvelles formes de menaces à  la sécurité : d'une armée de garde vers une armée d'avant garde 1960-2010

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par Ernest Claude MESSINGA
Université de Yaoundé II-SOA - Doctorat/Ph.D en science politique 2011
  

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3- LE DIFFEREND FRONTALIER DE BAKASSI

Pendant longtemps, le Nigeria a côtoyé les côtes camerounaises avant de manifester son désir d'appropriation. Cette volonté expansionniste s'est d'abord manifestée par une double contestation : la contestation des accords de 1913 au motif qu'ils n'ont pas été ratifiés du fait de la Première Guerre mondiale alors qu'ils ont bel et bien été ratifiés le 6 juillet 1914 ; la contestation de la Déclaration de Maroua du 1er juin 1975 sous le prétexte qu'elle n'a pas été ratifiée par le Conseil militaire supérieur. Or, la ratification par le Conseil militaire supérieur des actes des chefs d'Etat nigérians a été instituée le 15 octobre 1975 par la « Constitution (Basic provision) Décret 1975 n°32, section 8 et section 11 ». Ce décret avait un effet rétroactif pour compter du 29 juillet 1975 (article 21). Or la déclaration de Maroua date du 1er juin 1975, donc bien avant la sortie de ce décret et bien avant la période rétroactive (Messinga 2008 : 106). En réalité, le Nigéria est un pays en proie à l'insécurité, à l'instabilité politique, à la désobéissance civile, l'ordre n'étant rétabli que grace aux interventions militaires (Mvié Meka 1992 : 50).

Après cette phase diplomatique, viendra la phase stratégique.

Cette phase stratégique sera impulsée par deux groupes d'experts commis à cet effet par le gouvernement. Le premier groupe de travail commis sous

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l'égide du Ministère des Affaires Etrangères et du Ministère de l'Intérieur ou « Task Force » sous la direction de M. K. D. Olukolu, a déposé son rapport le 06 juin 1985. Le second groupe d'experts commis par le Nigeria en 1988 dirigé par M. Bassey E. Ate déposa un rapport dans lequel il situe ainsi le problème:

Thesis one: «The National Interest of Nigeria in the maritime area commonly shared with the Republic of Cameroon can only secured through effective control of the Cross River estuary and Bakassi peninsula. Such effective control, potentially, can be ensured either unilaterally by Nigeria or through collaborative action with Cameroon. For Nigeria, the strategic (maximum) purpose of any new negotiations with Cameroon should be to review the entire border question from the beginning, with the aim of arriving at a final solution that will ensured the attainment of the above objective...»

Thesis two: «The vital considerations involved in the maritime dispute with Cameroon, for Nigeria, are strategic and political more so than LEGAL...».

D'où les recommandations et les options suivantes soumises au gouvernement:

« One choice is to accept the « fait accompli » inherent in the Maroua Declaration, which means, in effect, a denial of Nigeria's exclusive Jurisdiction over the entirety of the cross river estuary and the Calabar channel. To the Cameroonians, this would be the optimal objective, amount to a ratification of 1913 agreements. In the framework of this choice, Nigeria might at best be able to persuade Cameroon to respect the neutrality of the 2 kilometres corridor which AHIDJO has conceded to Gowon in 1975 or make other minor adjustments. The consequences of this choice, in terms of Nigeria's Strategies and political interests and sub-regional position would be highly detrimental.

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The second choice is for Nigeria to insist on effective control of the cross river estuary and the Calabar channel which involves pressing claim to Bakassi peninsula, as a better guarantee for the protection of its interests and growth potential in the area. In this choice, the preferred boundary would be at the Rio Del Rey...

In the nature of things, there appear to these three basic options:

As option one, Nigeria could unilaterally occupy Bakassi peninsula. In deciding to do so, of course, the military, logistic, political, financial and other factors bearing in the calculations of the out-come of such operation should be considered. Assuming the level of this action, Nigeria might then force the Cameroonians to enter into serious negotiations aimed at establishing acceptable boundary...

A second option would be to offer to buy the Bakassi peninsula from Cameroon

A third option is that Nigeria and Cameroon could seek to institute a «collaborative regime» that will administer the trans-border area in contention in the direct interest of the peoples residing there and for the mutual advantage of the two countries»43(Messinga 2006 : 63-64).

43 Traduction française

Première thèse : « L'intérêt national du Nigeria dans la zone maritime qu'elle partage avec le Cameroun ne peut être préservé qu'à travers le contrôle effectif de l'estuaire de la Cross River et de la péninsule de Bakassi. Un tel contrôle peut être assuré soit unilatéralement par le Nigeria, soit à travers la collaboration avec le Cameroun. Pour le Nigeria, l'objectif stratégique de toute nouvelle négociation avec le Cameroun serait de revoir la question de toute la frontière avec pour but d'aboutir à une solution finale qui assurera l'atteinte de l'objectif sus-cité. »

Deuxième thèse : « Pour le Nigeria, les considérations vitales impliquées dans la dispute frontalière avec le Cameroun sont plutôt stratégiques et politiques que légales... »

D'où les recommandations et les options suivantes soumises au gouvernement.

« Un choix est d'accepter le fait accompli contenu dans la déclaration de Maroua qui signifie en effet une négociation de la compétence exclusive du Nigeria sur l'ensemble de l'estuaire de la Cross River et du chenal de Calabar. Pour les camerounais, ce serait un objectif capital, équivalent à la ratification des accords de 1913. Sur la base de ce choix, le Nigeria pourrait au mieux persuader le Cameroun à respecter la neutralité des

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Comme on le voit, le Nigeria a décidé de choisir les recommandations du rapport Bassey E. Ate, et notamment l'occupation unilatérale de la péninsule de Bakassi par la force (option n°1), ce qui va justifier la posture agressive permanente du Nigeria. Cette posture va se traduire par les offensives nigérianes et ripostes camerounaises, qui se sont soldés par un bilan non négligeables.

Le 21 décembre 1993, les troupes nigérianes prennent l'initiative de franchir la frontière camerounaise sous le prétexte de protéger leurs ressortissants qu'elles estiment menacés dans la péninsule de Bakassi par les « gendarmes » camerounais (Messinga 2006 : 66).

Ces Forces Armées nigérianes faites de 2000 à 3000 hommes trouvent sur le territoire escompté une esquarre camerounaise faite d'environ 40 hommes (30 éléments de la marine nationale, quelques gendarme et policiers) qui assuraient la mission d'intégrité territoriale en poste avancé et dont le PC se situait à Idabato I en décembre 1993. Ces

deux kilomètres de couloir que le président Ahidjo avait concédé à Gowon en 1975, ou faire d'autres ajustements mineurs. Les conséquences de ce choix en terme de stratégies et d'intérêts politiques ainsi que sur la position sous régionale du Nigeria seraient hautement catastrophiques.

Le second choix pour le Nigeria est d'insister sur le contrôle effectif de l'estuaire de la Cross River et sur le chenal de Calabar, ce qui implique des réclamations pressantes sur la péninsule de Bakassi comme meilleure garantie pour la protection de ses intérêts et du développement potentiel de cette zone. Dans ce choix, la frontière préférentielle se situerait au Rio Del Rey. Par la nature des choses, ces trois options sont retenues :

Premièrement, le Nigeria pourrait occuper unilatéralement la péninsule de Bakassi. En décidant de le faire, les facteurs militaires, logistiques, financiers et les autres facteurs liés à la réussite d'une telle opération doivent être considérés. Pour assumer la gravité d'une telle action, le Nigeria devait alors forcer les camerounais à entrer dans des négociations sérieuses ayant pour but d'établir une frontière mutuellement acceptable...

Deuxièmement, le Nigeria pourrait proposer d'acheter la péninsule de Bakassi au Cameroun...

La troisième option est que le Nigeria et le Cameroun pourraient chercher à instituer un « régime collaboratif » qui administrera la frontière en accord avec les intérêts directs des populations y résidant et pour l'intérêt mutuel des deux pays.

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Forces camerounaises, face à cette attaque surprise et le surnombre des troupes nigérianes, vont tout de même essayer de repousser les assaillants. Déjà à l'intérieur du territoire camerounais, les Forces nigérianes vont occuper au 21 janvier 1994 les localités de :

- Kombo A Bedimo et Inokoi (Bakassi Point)

- Jabane I et II (Sandy point)

- Diamond (MINDEF 1996 : 1).

Décidées de rallier le territoire nigérian à la rive sud du Rio Del Rey, elles vont multiplier les offensives et vont s'emparer en février 1994 de la localité d'Akwa (Archibong). Pendant ce temps, les Forces camerounaises essayent de se mobiliser (Opération Delta) en GOS, GOC, GON. Et au cours de leur attaque sur la localité de Kombo A Janea, elles seront repoussées par le GOS en poste avancé (MINDEF 1996 : 2). Cette riposte camerounaise sera considérée par le gouvernement nigérian comme « une déclaration de guerre », ce qui entraînera plus tard une intensification des hostilités.

Figure 10: Le positionnement des Groupements Opérationnels de l'Opération Delta sur le champ des opérations

Source : L'Etat du Cameroun 2008, Page 108.

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Du 2 au 7 février 1996, les troupes nigérianes investissent plus en profondeur en territoire camerounais (15 Km vers l'est). C'était une attaque en force sur toute l'étendue de la presqu'île, des tirs à armes lourdes qui pilonnaient au sol les Forces camerounaises. Cette offensive leur a permis d'occuper les localités telles que :

- Sous-préfecture d'Idabato I ;

- Idabato II ;

- Kombo Awase ;

- Kombo A Munja I et II ;

- Guidi-Guidi ;

- Uzama (Messinga 2008 : 109).

Au cours de cette attaque, le Cameroun va perdre environ une centaine d'hommes et près de 120 seront faits « prisonniers de guerre », malgré la non déclaration officielle de guerre du gouvernement nigérian comme du gouvernement camerounais. Cette attaque massive nigériane de 1996 (artillerie à bloc) va leur permettre d'occuper les 3/5e de la presqu'île querellée.

Cette escalade périlleuse va amener les Forces camerounaises à se réinventer d'autant plus qu'il ne leur restait plus que les 2/3 du territoire sauvegardé par leur courage. A cet effet, les autorités camerounaises vont armer leurs Forces de 30 vedettes appelées « Sweep Ship ». C'était des petits bateaux américains pouvant contenir 10 à 12 personnes à bord et équipés de 4 mitrailleuses (2 lourdes et 2 légères) (Messinga 2008 : 109). Ces vedettes étaient le matériel indiqué pour le combat dans la mangrove qui recouvrait la presqu'île.

Nanties de ce matériel d'appoint, les Forces camerounaises dirigées par le Capitaine de vaisseau Oyono Mveng, commandant de l'Opération Delta, vont organiser une contre-attaque en mars 1996. Cette contre-attaque surprise va leur permettre de récupérer certaines localités à la suite de lourdes pertes nigérianes, environ 2000 hommes tués, des bâtiments de

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guerre détruits (Jonathan). Au-delà de ces pertes en vies humaines, près de 150 soldats nigérians seront faits prisonniers de guerre par le Cameroun, parmi lesquels 4 officiers d'après le Général d'Armée Pierre SEMENGUE44. Cet équipement spécifique va permettre aux Forces camerounaises de maintenir les Forces nigérianes dans leurs retranchements. Les positions occupées par les deux camps resteront comme telles jusqu'au dénouement diplomatique d'octobre 2002 au mépris des mesures conservatoires indiquées à l'attention des deux gouvernements par l'ordonnance du 15 mars 1996 de la CIJ à la Haye et de la demande adressée par les membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies le 29 février 1996, pour le cessez-le-feu et le retour des troupes des deux parties à leurs positions initiales (Messinga 2008 : 109-110).

Cette lourde perte nigériane (une semaine à repêcher les corps) a semé le doute dans leurs rangs, raison pour laquelle elles n'ont plus organisé d'offensives de grande envergure, même après l'arrêt du 10 octobre 2002 de la CIJ. On n'observera sur le champ des opérations que quelques actions isolées perpétrées même le plus souvent par les militaires camerounais (actions individuelles) ayant le contrôle de la situation.

De 2002 à 2006, le champ des opérations sera sous le contrôle camerounais. Mais, l'arrêt de la CIJ rétablissant la souveraineté camerounaise sur la presqu'île de Bakassi sera boudée par le Nigeria malgré l'engagement solennel des deux chefs d'Etats le 5 septembre 2002 à Saint-Cloud, en présence du Président français Jacques Chirac et du Secrétaire général de l'ONU, Koffi Annan. Ainsi, le retrait des troupes nigérianes imposé par l'arrêt de la CIJ ne sera pas effectif d'après la déclaration officielle de son intention de rejeter le verdict de la CIJ le 23 octobre 2002. Le Nigeria justifie ce rejet par deux raisons : d'abord l'impartialité du Président français de cette juridiction Gilbert Guillaume et des juges

44 Révélation au cours d'un entretien dans son Hôtel sis au Quartier Général.

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allemands et anglais, dont le travail s'est réduit à la confirmation des accords conçus par leurs aînés ; ensuite le refus d'abandonner ses intérêts et surtout son peuple vivant à Bakassi. Le communiqué commis à cet effet mentionne : « En tant que Nation régie par la loi, nous devons continuer à exercer notre juridiction sur ces zones en accord avec la constitution. A aucun prix, le Nigeria n'abandonnera son peuple et ses intérêts. Pour le Nigeria, ce n'est pas une question de pétrole ou de ressources naturelles sur les terres ou eaux territoriales. Il s'agit du bien être et de la santé de son peuple sur ses terres ». En marge de cette version officielle, le Nigeria considère cette décision comme une atteinte à son statut de puissance sous régionale, un déshonneur pour lui qui devrait inspirer respect et crainte aux autres Etats (Messinga 2008 : 110).

Cet état d'esprit va se matérialiser sur le terrain par le maintien de l'Opération « Harmony IV» sur les positions occupées. Il était question pour les Forces nigérianes d'entretenir la souveraineté nigériane sur les localités qu'elles occupaient à défaut d'une occupation totale de la presqu'île. Aussi, les Forces camerounaises avaient pour mission de maintenir les Forces nigérianes dans leurs retranchements. Cette mission était dirigée par le Commandant B2/B3 GOS relativement aux consignes particulières :

- Le B3 (3è bataillon) était chargé des opérations défensives et offensives ;

- Le B2 (2è bataillon) s'occupait des renseignements.

Le chef B2/B3 GOS exécutait les tâches suivantes au quotidien :

· Suivi de l'instruction

· Faire des TD (travaux dirigés) de relève et d'arrivée sur la zone des personnels suivants : COM GOS, CES/GOS, B1/B4, B2/B3, armuriers, détachement Milan. Il faisait aussi les TD de préparation de relève 01 mois avant et 02 semaines avant.

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· Faire le programme hebdomadaire d'instructions dont la copie doit être adressée à COM DELTA tous les jeudis et comptant pour les semaines à venir.

· Tenir le registre des mouvements et activités du groupement appelé « journal de marche des opérations ».

· Mettre à jour le tableau des relèves.

· Visiter les postes de combat du groupement (01 fois/semaine).

· Effectuer la relève des unités.

· Effectuer les patrouilles.

· Chasser les pêcheurs nigérians.

· Insécuriser en permanence la zone de responsabilité camerounaise.

· Récupérer les pirogues ou embarcations avec personnels et contenu et les mettre à la disposition de la prévôté pour besoin d'enquête.

· Avoir le souci de la bonne utilisation des embarcations.

· Faire respecter les consignes de COM DELTA sur la navigation sur zone et en particulier la navigation de nuit est interdite sauf cas de force majeure.

· Tout mouvement d'embarcation doit être ordonné par le COM GOS.

· Faire garder une attitude militaire (port de la tenue).

· Respecter scrupuleusement les degrés d'alerte (1-2-3)

· Respecter l'envoi des pièces périodiques.

· Veiller à la bonne conservation des cartes et autres documents officiels.

· Pouvoir faire un compte rendu instantané, précis et détaillé sur la
Nature, le Volume et l'Armement (NVA) des Forces nigérianes.

· Entretenir le moral des hommes.

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· Riposter efficacement à toute attaque par des tirs à tuer

· Le B2/B3 est conseiller maritime du COM GOS

· Le B3 établit pour le groupement des ordres de conduite et d'opération (Messinga 2006 : 70-72).

C'est grâce au respect de toutes ces consignes que les Forces camerounaises ont pu retenir les Forces nigérianes jusqu'à leur retrait au lendemain des accords de Greentree avec comme bilan :

~ Sur le plan humain, le Cameroun a perdu environ 200 à 300 hommes sans compter les disparus à l'instar du médecin porté disparu à la suite d'un accident d'hélicoptère. Le Nigeria quant à lui a perdu environ 2000 à 3000 hommes dans cette guerre. Le bilan nigérian le plus lourd a été enregistré lors de la riposte camerounaise en mars 1996 à Kombo A Janea (2000 morts environ). A coté de ces pertes en vie humaine, on peut ajouter les prisonniers de guerre qui ont été libérés à la suite de l'échange organisé à Yaoundé en juin 2006 par les deux gouvernements sous l'égide de la Croix Rouge Internationale. Le Cameroun a libéré environ 150 prisonniers nigérians parmi lesquels le corps du Capitaine Foutoumbe, mort en captivité à Yaoundé. Le Nigeria à son tour en a libéré environ 120 parmi lesquels deux corps des sous officiers rapatriés.

~ Sur le plan matériel, le Cameroun a perdu trois (03) hélicoptères (deux sont tombés en mer, un a été emporté par un tourbillon marin et est allé tomber à 500 mètres de la côte et à 300 mètres de profondeur de la mer) ; un sweep Ship ; beaucoup d'armes et de munitions lors de la prise d'Idabato I et II par les Forces nigérianes en février 1996. Le Nigeria quant à lui a perdu trois bâtiments de guerre parmi lesquels le « JONATHAN » détruit par les fusiliers marins commandos camerounais encore appelés « hommes

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grenouilles » ; beaucoup d'armes et de munitions abandonnées lors de la riposte camerounaise de mars 1996.

D'après des sources militaires nigérianes officieuses, le Nigeria a perdu environ 1 millier d'hommes ; quelques disparus ; une centaine de prisonniers de guerre. Le Cameroun en a perdu des centaines d'hommes ; une centaine de prisonniers également. Sur le plan matériel, quelques frégates, beaucoup d'armes et de munitions ont été perdues par le Nigeria contre des hélicoptères, des corvettes, des embarcations légères, des armes et des munitions en grand nombre du coté camerounais.

En faisant la moyenne de ces deux versions de bilan, il apparaît que le Nigeria paye le tribut le plus lourd dans cette guerre. Non seulement il n'a pas pu s'approprier la presqu'île par la force des armes, mais aussi il a connu des pertes insoupçonnées devant le Cameroun. Une telle situation ne correspond pas aux prévisions d'avant la guerre, lorsqu'on se réfère au potentiel militaire du Nigeria considéré comme première puissance de la sous région (Messinga 2008 : 111-112).

A la question de savoir qu'est ce qui a fait le mérite des Forces camerounaises dans cette guerre, le Général d'Armée Pierre SEMENGUE évoque la qualité des hommes et la spécificité de l'armement :

· Le Nigeria a mobilisé pour cette guerre environ 10000 hommes de formation au rabais (45 jours environ de formation) et beaucoup de moyens mal organisés. Le Cameroun de son coté a présenté 2000 hommes environ, nantis d'une formation de haute facture (deux ans) et des moyens limités, mais spécifiques, c'est-à-dire adaptés pour le combat dans la mangrove. Le Nigeria était assez équipé pour la parade, mais manquait d'équipement de combat dans la mangrove au début de la guerre ;

· La qualité de l'organisation des Forces camerounaises a primé également, c'est-à-dire leur sens de la discipline et leur cohésion devant une Armée nigériane indisciplinée et politisée par des

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hommes d'affaires. L'Armée nigériane n'est pas comme l'Armée camerounaise le creuset de l'unité nationale (Messinga 2008 : 111- 112).

Mais, l'évolution géopolitique et géostratégique du contexte de défense et de sécurité nationale et internationale marqué par l'émergence des nouvelles menaces imposera une redéfinition de la doctrine d'emploi des Forces Armées camerounaises. Cette redéfinition sera imposée par les attaques multiples avec succès des pirates de mer sur la presqu'île de Bakassi dans le Sud-Ouest Cameroun, les prises d'otages permanentes et demandes de rançons des coupeurs de routes dans le Grand Nord, la criminalité transfrontalière et le trafic des stupéfiants et êtres humains de l'Est Cameroun sous l'impuissance des Forces Armées jadis parées à toutes épreuves.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault