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Les forces armées camerounaises face aux enjeux militaires dans le golfe de Guinée: le cas du conflit de Bakassi

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par Ernest Claude MESSINGA
Université de Yaoundé II-SOA - Master en science politique 2007
  

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CHAPITRE III :
LE CONFLIT ARMÉ DE BAKASSI : PÉRIPÉTIES ET
ESCARMOUCHES

Pendant longtemps, le Nigeria a côtoyé les côtes camerounaises avant de manifester son désir d'appropriation. Cette volonté expansionniste s'est d'abord manifestée par une double contestation : la contestation des accords de 1913 au motif qu'ils n'ont pas été ratifiés du fait de la Première Guerre mondiale alors qu'ils ont bel et bien été ratifiés le 6 juillet 1914 ; la contestation de la Déclaration de Maroua du 1er juin 1975 sous le prétexte qu'elle n'a pas été ratifiée par le Conseil militaire supérieur. Or, la ratification par le Conseil militaire supérieur des actes des chefs d'Etat nigérians a été instituée le 15 octobre 1975 par la « Constitution (Basic provision) Décret 1975 n° 32, section 8 et section 11 ». Ce décret avait un effet rétroactif pour compter du 29 juillet 1975 (article 21). Or la déclaration de Maroua date du 1er juin 1975, donc bien avant la sortie de ce décret et bien avant la période rétroactive (MINDEF 1996 :20). Après cette phase diplomatique, viendra la phase stratégique.

Cette phase stratégique sera impulsée par deux groupes d'experts commis à cet effet par le gouvernement. Le premier groupe de travail commis sous l'égide du Ministère des Affaires Etrangères et du Ministère de l'Intérieur ou « Task Force » sous la direction de M. K. D. OLUKOLU, a déposé son rapport le 06 juin 1985. Le second groupe d'experts commis par le Nigeria en 1988 dirigé par M. BASSEY E. ATE déposa un rapport dans lequel il situe ainsi le problème:

Thesis one: «The National Interest of Nigeria in the maritime area commonly shared with the Republic of Cameroon can only secured through effective control of the Cross River estuary and Bakassi peninsula. Such effective control, potentially, can be ensured either unilaterally by Nigeria or through collaborative action with Cameroon. For Nigeria, the strategic (maximum) purpose of any new negotiations with Cameroon should be to review the entire border question from the beginning, with the aim of arriving at a final solution that will ensured the attainment of the above objective...»

Thesis two: «The vital considerations involved in the maritime dispute with Cameroon, for Nigeria, are strategic and political more so than LEGAL...».

D'où les recommandations et les options suivantes soumises au gouvernement:

« One choice is to accept the « fait accompli » inherent in the Maroua Declaration, which means, in effect, a denial of Nigeria's exclusive Jurisdiction over the entirety of the cross river estuary and the Calabar channel. To the Cameroonians, this would be the optimal objective, amount to a ratification of 1913 agreements. In the framework of this choice, Nigeria might at best be able to persuade Cameroon to respect the neutrality of the 2 kilometres corridor which AHIDJO has conceded to Gowon in 1975 or make other minor adjustments. The consequences of this choice, in terms of Nigeria's Strategies and political interests and sub-regional position would be highly detrimental.

The second choice is for Nigeria to insist on effective control of the cross river estuary and the Calabar channel which involves pressing claim to Bakassi peninsula, as a better guarantee for the protection of its interests and growth potential in the area. In this choice, the preferred boundary would be at the Rio Del Rey...

In the nature of things, there appear to these three basic options:

As option one, Nigeria could unilaterally occupy Bakassi peninsula. In

deciding to do so, of course, the military, logistic, political, financial and other

factors bearing in the calculations of the out-come of such operation should be

considered. Assuming the level of this action, Nigeria might then force the Cameroonians to enter into serious negotiations aimed at establishing acceptable boundary...

A second option would be to offer to buy the Bakassi peninsula from Cameroon

A third option is that Nigeria and Cameroon could seek to institute a «collaborative regime» that will administer the trans-border area in contention in the direct interest of the peoples residing there and for the mutual advantage of the two countries» (MINDEF 1996: 24-25)3.

3 Traduction française

Première thèse : « L'intérêt national du Nigeria dans la zone maritime qu'elle partage avec le Cameroun ne peut être préservé qu'à travers le contrôle effectif de l'estuaire de la Cross River et de la péninsule de Bakassi. Un tel contrôle peut être assuré soit unilatéralement par le Nigeria, soit à travers la collaboration avec le Cameroun. Pour le Nigeria, l'objectif stratégique de toute nouvelle négociation avec le Cameroun serait de revoir la question de toute la frontière avec pour but d'aboutir à une solution finale qui assurera l'atteinte de l'objectif sus-cité. »

Deuxième thèse : « Pour le Nigeria, les considérations vitales impliquées dans la dispute frontalière avec le Cameroun sont plutôt stratégiques et politiques que légales... »

D'où les recommandations et les options suivantes soumises au gouvernement.

« Un choix est d'accepter le fait accompli contenu dans la déclaration de Maroua qui signifie en effet une négociation de la compétence exclusive du Nigeria sur l'ensemble de l'estuaire de la Cross River et du chenal de Calabar. Pour les camerounais, ce serait un objectif capital, équivalent à la ratification des accords de 1913. Sur la base de ce choix, le Nigeria pourrait au mieux persuader le Cameroun à respecter la neutralité des deux kilomètres de couloir que le président Ahidjo avait concédé à Gowon en 1975, ou faire d'autres ajustements mineurs. Les conséquences de ce choix en terme de stratégies et d'intérêts politiques ainsi que sur la position sous régionale du Nigeria seraient hautement catastrophiques.

Le second choix pour le Nigeria est d'insister sur le contrôle effectif de l'estuaire de la Cross River et sur le chenal de Calabar, ce qui implique des réclamations pressantes sur la péninsule de Bakassi comme meilleure garantie pour la protection de ses intérêts et du développement potentiel de cette zone. Dans ce choix, la frontière préférentielle se situerait au Rio Del Rey. Par la nature des choses, ces trois options sont retenues :

Premièrement, le Nigeria pourrait occuper unilatéralement la péninsule de Bakassi. En décidant de le faire, les facteurs militaires, logistiques, financiers et les autres facteurs liés à la réussite d'une telle opération doivent être considérés. Pour assumer la gravité d'une telle action, le Nigeria devait alors forcer les camerounais à entrer dans des négociations sérieuses ayant pour but d'établir une frontière mutuellement acceptable...

Deuxièmement, le Nigeria pourrait proposer d'acheter la péninsule de Bakassi au Cameroun...

La troisième option est que le Nigeria et le Cameroun pourraient chercher à instituer un « régime collaboratif » qui administrera la frontière en accord avec les intérêts directs des populations y résidant et pour l'intérêt mutuel des deux pays.

Comme on le voit, le Nigeria a décidé de choisir les recommandations du rapport Bassey E. Ate, et notamment l'occupation unilatérale de la péninsule de Bakassi par la force (option n° 1), ce qui va justifier la posture agressive permanente du Nigeria. Cette posture va se traduire par les offensives nigérianes et ripostes camerounaises (I), qui se sont soldés par un bilan non négligeables (II).

I- LES MANOEUVRES MILITAIRES CAMEROUNO-NIGERIANES

I.1- Les actions militaires de 1993 à 1995 : les conquêtes nigérianes

De longue date, le Nigeria a toujours amassé des troupes le long de la

frontière commune et construit de grosses garnisons le plus près de celles-ci : - Calabar,

- Ikang,

- Ikom,

- Makurdi,

- Gembu,

- Yola,

- Mubi,

- Kerawa,

- Baina et Mongunou,

- Maïduguri.

Le 21 décembre 1993, les troupes nigérianes prennent l'initiative de franchir la frontière camerounaise sous le prétexte de protéger leurs ressortissants qu'elles estiment menacés dans la péninsule de Bakassi par les « gendarmes » camerounais (MINDEF 1996 : 1).

Ces forces armées nigérianes faites de 2000 à 3000 hommes trouvent sur le territoire escompté une esquarre camerounaise faite d'environ 40 hommes (30 éléments de la marine nationale, quelques gendarme et policiers) qui assuraient la mission d'intégrité territoriale en poste avancé et dont le PC se situait à Idabato I en décembre 1993. Ces forces camerounaises, face à cette attaque surprise et le surnombre des troupes nigérianes, vont tout de même essayer de repousser les

assaillants. Déjà à l'intérieur du territoire camerounais, les forces nigérianes vont occuper au 21 janvier 1994 les localités de :

- Kombo A Bedimo et Inokoi (Bakassi Point)

- Jabane I et II (Sandy point)

- Diamond (MINDEF 1996 : 1).

Décidées de rallier le territoire nigérian à la rive sud du Rio Del Rey, elles vont multiplier les offensives et vont s'emparer en février 1994 de la localité d'Akwa (Archibong). Pendant ce temps, les forces camerounaises essayent de se mobiliser (Opération Delta) en GOS, GOC, GON. Et au cours de leur attaque sur la localité de Kombo A Janea, elles seront repoussées par le GOS en poste avancé (MINDEF 1996 : 2). Cette riposte camerounaise sera considérée par le gouvernement nigérian comme « une déclaration de guerre », ce qui entraînera plus tard une intensification des hostilités.

Figure 4 : Le positionnement des Groupements Opérationnels de l'Opération Delta sur le champ des opérations

Source : Présidence de la république du Cameroun, 2001.

I.2- Bakassi de 1996 à 2002 : les offensives nigérianes face à la sévère riposte camerounaise

Du 2 au 7 février 1996, les troupes nigérianes investissent plus en profondeur en territoire camerounais (15 Km vers l'est). C'était une attaque en force sur toute l'étendue de la presqu'île, des tirs à armes lourdes qui pilonnaient au sol les forces camerounaises. Cette offensive leur a permis d'occuper les localités telles que :

- Sous-préfecture d'Idabato I,

- Idabato II,

- Kombo Awase,

- Kombo A Munja I et II,

- Guidi-Guidi,

- Uzama (MINDEF 1996 : 2).

Au cours de cette attaque, le Cameroun va perdre environ une centaine d'hommes et près de 120 seront faits « prisonniers de guerre », malgré la non déclaration officielle de guerre du gouvernement nigérian comme du gouvernement camerounais. Cette attaque massive nigériane de 1996 (artillerie à bloc) va leur permettre d'occuper les 3/5e de la presqu'île querellée.

Cette escalade périlleuse va amener les forces camerounaises à se réinventer d'autant plus qu'il ne leur restait plus que les 2/3 du territoire sauvegardé par leur courage. A cet effet, les autorités camerounaises vont armer leurs forces de 30 vedettes appelées « Sweep Ship ». C'était des petits bateaux américains pouvant contenir 10 à 12 personnes à bord et équipés de 4 mitrailleuses (2 lourdes et 2 légères) (Présidence de la République du Cameroun 1999 :3-4). Ces vedettes étaient le matériel indiqué pour le combat dans la mangrove qui recouvrait la presqu'île. Ces engins étaient destinés à permettre la mobilité des forces camerounaises contrairement aux frégates nigérianes qui ne pouvaient pas circuler dans la mangrove d'après le Général d'Armée Pierre SEMENGUE.

Nanties de ce matériel d'appoint, les forces camerounaises dirigées par le Capitaine de vaisseau Oyono Mveng, commandant de l'Opération Delta, vont organiser une contre-attaque en mars 1996. Cette contre-attaque surprise va leur permettre de récupérer certaines localités à la suite de lourdes pertes nigérianes, environ 2000 hommes tués, des bâtiments de guerre détruits (Jonathan). Au-delà de ces pertes en vies humaines, près de 150 soldats nigérians seront faits prisonniers de guerre par le Cameroun, parmi lesquels 4 officiers d'après le Général d'armée Pierre SEMENGUE. Cet équipement spécifique va permettre aux forces camerounaises de maintenir les forces nigérianes dans leurs retranchements. Les positions occupées par les deux camps resteront comme telles jusqu'au dénouement diplomatique d'octobre 2002 au mépris des mesures conservatoires indiquées à l'attention des deux gouvernements par l'ordonnance du 15 mars 1996 de la CIJ à la Haye et de la demande adressée par les membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies le 29 février 1996, pour le cessez-le-feu et le retour des troupes des deux parties à leurs positions initiales (MINDEF 1996 : 2).

Cette lourde perte nigériane (une semaine à repêcher les corps) a semé le doute dans leurs rangs, raison pour laquelle elles n'ont plus organisé d'offensives de grande envergure, même après l'arrêt du 10 octobre 2002 de la CIJ. On n'observera sur le champ des opérations que quelques actions isolées perpétrées même le plus souvent par les militaires camerounais (actions individuelles) ayant le contrôle de la situation.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote