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Google et le droit d'auteur; "don't be evil"

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par Bastien Beckers
Université de Liège - Master en droit  2009
  

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3. Conclusion

C'est une décision salutaire pour les éditeurs français puisque le tribunal y reconnait tout d'abord l'application de la loi française, contrairement à la décision précédemment évoquée (S.A.I.F contre Google66(*)). Dans cet arrêt, le juge avait fait l'application de l'article 5.2 de la Convention de Berne, selon lequel la loi applicable est celle du lieu du fait générateur du dommage (en l'occurrence la loi américaine).

Dans l'affaire Seuil contre Google, le juge a considéré que le litige entretenait plus de liens avec la France qu'avec les Etats-Unis et a donc retenu l'application de la loi française. Google n'a donc pas pu se prévaloir de l'exception de fair use.

Lorsqu'on compare cette décision avec celle prise par le tribunal de Grande Instance de Paris le 20 mai 2008, l'affaire S.A.I.F, il peut paraître étonnant que, dans les deux affaires, la recherche de la loi applicable n'ait pas abouti au même résultat, compte tenu de la similarité de certains critères examinés: dans les deux cas c'est la société Google qui était en cause, le fait générateur du dommage avait été produit par des serveurs situés aux Etats-Unis et, enfin, dans les deux cas, le dommage s'était réalise en France. Pourtant, les décisions sont différentes sur ce point. Cette appréciation divergente des critères déterminant l'application, ou non, de la loi américaine dans un litige qui met en cause la société Google est source d'insécurité juridique. En effet, comme on peut le constater, la décision peut être différente, selon que le tribunal applique la loi française ou la loi américaine.

Il est difficile d'apprécier si, en l'espèce, le tribunal aurait aussi accordé l'exception de fair use mais il serait intéressant d'essayer de le déterminer, malgré tout.

Pour rappel, les conditions, cumulatives, pour bénéficier de cette exception de fair use au sens du Copyright Act de 1976 sont les suivantes:

1)Il faut tout d'abord vérifier si "les buts et les caractéristiques de l'utilisation [sont] de nature commerciale ou poursuivent des buts d'éducation non lucratifs". A première vue, le site Google Books est gratuit pour les internautes qui peuvent librement accéder à la bibliothèque, comme c'est le cas pour Google Image. Dans la décision opposant la S.A.I.F. à Google le tribunal a décidé qu'il n'y avait pas de but de lucre, cette décision était déjà critiquable. Dans le cas présent, on constate que sur Google Books il y a aussi des liens publicitaires qui sont utilisés. Lorsque l'internaute consulte des passages d'un livre protégé par un des droits d'auteur, Google propose des liens commerciaux vers des sites où ces livres peuvent être achetés. En outre, dans le Google Books Settlement, Google annonce qu'il vendra des abonnements aux bibliothèques. Il est donc certain que Google poursuit un but de lucre.

2)Ensuite il faut s'attacher à "La nature de l'oeuvre protégée". En l'espèce cette condition est rencontrée; les livres scannés par Google constituent évidemment des oeuvres protégées.

3)Le troisième critère est "la quantité et le caractère substantiel de la partie utilisée par rapport à l'ensemble de l'oeuvre protégée". En l'espèce, Google ne propose que des "échantillons" des livres scannés qui correspondent aux recherches effectuées par l'internaute. Ces courts passages représentent évidemment une infime partie du livre entier. Il faut par ailleurs signaler que les couvertures des livres sont entièrement reproduites. Néanmoins cette troisième condition parait remplie, la portion lisible d'un livre n'étant pas substantielle.

4) Enfin, il faut analyser "l'incidence de l'utilisation sur le marché potentiel ou la valeur de l'oeuvre protégée". L'impact que peut avoir la publication de fragments de livre par Google Books est évidemment limité sur le marché du livre. Il n'en serait pas de même si Google publiait le livre en entier, mais ce n'est pas le cas. Cette condition est donc, selon nous, également remplie.

Trois conditions sur quatre sont donc réunies, ce qui n'est pas suffisant pour bénéficier de l'exception de fair use. Selon nous, quand bien même la loi applicable aurait été la loi américaine, Google n'aurait donc pas pu bénéficier de l'exception de fair use comme ce fut le cas dans la décision du 20 mai 2008 l'opposant à la S.A.I.F. Néanmoins, il faut noter que dans cette précédente décision le tribunal n'avait étonnament pas reconnu le caractère lucratif de Google Image alors que des liens commerciaux sont aussi présents. Mais il est vrai que leur utilisation est plus flagrante sur le site Google Books.

Quelle que soit la loi applicable dans la décision opposant les éditions du Seuil et le Syndicat National de l'Edition à Google, la décision est défavorable à ce dernier . Le tribunal a reconnu que les actes de reproduction non autorisés constituaient des contrefaçons. L'exception de citation n'a pas été retenue, car le tribunal a qualifié la reproduction de fragments du texte du livre par Google Books "d'aléatoire". Cette qualification n'est pas précise car, à notre sens, l'algorithme utilisé par Google lors d'une recherche effectuée par un internaute n'est pas du tout aléatoire mais, au contraire, très pointu et performant. Quoi qu'il en soit, même sans cette qualification "d'aléatoire", la décision resterait inchangée: il s'agit donc d'une victoire des éditeurs face à Google.

* 66 Tribunal de Grande Instance de Paris, 20 mai 2008, précité, p. 501.

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