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La place de l'affaire Eichmann dans le processus de construction de la mémoire de la Shoah en France au début des années 1960

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par Patrick Gillard
Université libre de Bruxelles - Licencié en histoire 2009
  

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La recrudescence ou non d'actes à caractère antisémite

La question de la multiplication ou non d'incidents à caractère antisémite, au début des années 1960, exerce une influence non négligeable sur le retentissement que l'affaire Eichmann a eu un peu partout dans le monde et, en particulier, en France. Ce point fera donc l'objet d'un examen approfondi.

Les personnalités juives opposées au procès, puis à l'exécution d'Eichmann, invoquent souvent dans leur argumentation la crainte d'assister à une renaissance de l'antisémitisme dans le monde 143(*). Les autorités israéliennes partagent d'ailleurs les mêmes inquiétudes. Elles redoutent tellement que des actes antisémites entravent le bon déroulement du procès qu'elles prennent même des mesures préventives pour les circonscrire 144(*).

Pourtant, comme le note l'historien israélien Yosef Gorny lorsqu'il se réfère dans son ouvrage déjà mentionné aux résultats d'une étude internationale contemporaine sur le procès : « les craintes de voir une résurgence de l'antisémitisme liée à l'enlèvement et aux poursuites contre Eichmann se trouvent infirmées » 145(*). Ce démenti n'exclut toutefois pas une intensification des actes à caractère antisémite indépendants de l'affaire, au début des années 1960.

La série d'incidents antisémites perpétrés avant la capture d'Eichmann par des groupuscules néo-nazis ou des groupes apparentés, d'abord en RFA, puis un peu partout dans le monde sauf en France, atteint même un niveau inégalé depuis la Libération 146(*). En somme, l'affaire Eichmann s'inscrit dès le départ dans le contexte violemment antisémite du tournant des années 1960 147(*).

Si les craintes d'assister à une renaissance de l'antisémitisme liée à cette affaire ne sont pas attestées, la formule quasi inverse -- « plus il y a de procès, plus s'affaiblit la résurrection nazie » -- attribuée à Simon Wiesenthal se vérifie-t-elle davantage 148(*) ? Même si elle se confirmait pour la RFA et l'Autriche -- ce qui reste encore à prouver --, cette corrélation ne serait pas pour autant généralisable. A priori, rien ne prouve qu'il existe une interdépendance étroite, inversement proportionnelle, entre ces deux éléments.

Au fond, ni le procès ni l'exécution d'Eichmann ne justifient la recrudescence d'incidents à caractère antisémite du début des années 1960. De même, l'absence relative de procès avant celui de 1961 n'explique pas non plus la renaissance des mouvements néo-nazis antisémites. Quelles sont dès lors les causes profondes de la réémergence effective de ces deux phénomènes étroitement liés ?

Le nouveau succès que rencontrent alors les groupuscules de cette obédience résulterait d'abord de la situation politique, économique et sociale des pays où ils sévissent. Après tout, comme le suggérait d'ailleurs déjà, en 1962, le professeur Max Beloff de l'université d'Oxford dans sa réponse à l'enquête de la revue du CDJC sur le néo-nazisme antisémite : « les raisons de la recrudescence de l'activité nazie doivent être trouvées dans les circonstances de pays particuliers » 149(*). Par conséquent, la multiplication contemporaine d'actes antisémites découlerait, elle aussi, avant tout du contexte des pays où ces incidents se multiplient. La vérification de cette hypothèse se fera à partir de trois exemples séparés dans le temps comme dans l'espace.

Trois études de cas

Une fois n'est pas coutume, l'histoire contemporaine italienne documente notre première étude de cas. Comme le relèvent les historiens Pierre Milza et Serge Bernstein dans leur dictionnaire des fascismes et du nazisme : « À Rome, en juillet 1960, la tentative de mise à sac du quartier du ghetto fut accompagnée de manifestations en l'honneur d'Eichmann organisées par le mouvement Ordine nuovo qui exaltait l'Empire SS, le racisme et l'antisémitisme 150(*). »

Comment expliquer l'intensification d'actes à caractère antisémite dans la capitale italienne en juillet 1960 ? Par la capture d'Eichmann en Argentine deux mois plus tôt ? Par la politique du gouvernement italien de mars à juillet 1960 ? Ou bien par la combinaison de ces deux éléments d'explication à partir du 23 mai de la même année -- lorsque l'affaire Eichmann éclate dans l'espace médiatique international ? Pour tenter de répondre à ces questions, un bref détour par l'histoire contemporaine de la Péninsule s'impose.

À l'évidence, la vie en Italie au début des années 1960 n'est pas un long fleuve tranquille 151(*). Comme le rappelle l'historien Marc Lazar, lorsqu'il aborde cette période, dans sa récente monographie de l'Italie d'après-guerre : au mois de « mars 1960, le président de la République, le démocrate-chrétien Giovanni Gronchi, charge Fernando Tambroni, lui aussi membre de la D[émocratie] C[hrétienne], de former un nouveau gouvernement » 152(*).

Le futur président du Conseil reçoit non seulement, poursuit Marc Lazar, « la confiance des élus du MSI mais », en juin de la même année, « il autorise [aussi] un congrès de ce parti à Gênes, l'une des villes symboles de la Résistance, ce qui suscite des affrontements et une situation quasi insurrectionnelle, avec nombre de victimes, durant une dizaine de jours dans de nombreuses villes de la Péninsule » 153(*). En conséquence, ajoute le même historien, « Tambroni est contraint à la démission » dès le 6 juillet 1960 154(*).

Dans cette perspective, la tentative de saccage du quartier du ghetto romain et les manifestations néo-fascistes qui l'accompagnent s'inscriraient plutôt directement dans le contexte quasi insurrectionnel créé alors en Italie, non seulement par l'autorisation de la tenue d'un congrès national du MSI dans un haut lieu de la Résistance italienne, mais aussi par la répression sanglante du sursaut antifasciste que cette provocation néo-fasciste soutenue par le gouvernement déclenche. Les dirigeants néo-fascistes italiens ajoutent stratégiquement les manifestations pro-Eichmann à leur programme d'action par la suite -- dès que l'affaire déboule bruyamment sur la scène internationale.

L'examen de notre deuxième exemple nous transporte outre-Atlantique pendant l'année 1961. Dans une récente étude consacrée à la mémoire de la Shoah aux États-Unis, l'historienne Françoise Ouzan attire notre attention sur les rassemblements à caractère antisémite que George Lincoln Rockwell, le chef du parti nazi américain, organise dans plusieurs villes du pays l'année même où le procès Eichmann s'ouvre à Jérusalem 155(*). L'historienne insiste sur le fait que le « hate ride » [voyage de la haine] combiné par « Rockwell contre le film Exodus » se déroule précisément « au moment le plus dramatique du procès » -- lorsque les témoins de l'extermination des Juifs de Hongrie se succèdent à la barre 156(*).

Qu'est-ce qui motive fondamentalement cette vague de manifestations à caractère antisémite ? La retransmission quotidienne à la télévision américaine de larges extraits des audiences du procès ? La projection du film Exodus dans certaines salles de cinéma du pays ? Ou bien la combinaison de ces deux facteurs avec des éléments propres au contexte états-unien caractérisé au début des années 1960 par l'émergence du mouvement des droits civiques ? L'article de Françoise Ouzan répond en grande partie à nos interrogations.

Si les projections d'Exodus donnent bien lieu à des rassemblements à caractère antisémite -- comme lors du « voyage de la haine » en 1961 par exemple lorsque, ainsi que le souligne Françoise Ouzan, « Rockwell, le nazi américain, projette de se rendre à la Nouvelle Orléans pour organiser une manifestation devant le cinéma de Baronne Street » --, elles ne nous renseignent pas pour autant sur leurs causes profondes 157(*).

Celles-ci se décèlent bien plutôt dans le processus de déségrégation raciale qui s'amorce à la fin des années 1950 158(*). Les rassemblements à caractère antisémite de l'extrême droite américaine constituent avant tout une réaction violente au « nouveau climat de revendications ethniques » qui caractérise le pays au début des années 1960 -- soit comme le rappelle l'historienne française : « la lutte pour les droits civiques où Noirs et Juifs défilent côte à côte au nom d'une «alliance naturelle», entretenue par le «rêve» de Martin Luther King (1963), mais rompue plus tard à cause de volontés séparatistes » 159(*).

Dans cette façon de voir, les séquences filmées du procès Eichmann ne justifient pas les manifestations américaines à caractère antisémite de 1961 -- bien qu'elles puissent parfois les encourager. Qui plus est, « l'effet couplé de l'apparition d'Eichmann à la télévision et celle du néonazi Rockwell », que souligne Françoise Ouzan, a peut-être jeté une confusion durable dans les esprits 160(*).

L'Amérique latine en 1962 constitue le théâtre de notre troisième et dernière étude de cas. Plusieurs sources rapportent que l'exécution d'Eichmann en mai 1962 entraîne sur-le-champ un accroissement des actes à caractère antisémite en Argentine et dans plusieurs pays sud-américains 161(*).

La pendaison de l'ancien colonel SS n'explique sans doute pas à elle seule la multiplication soudaine de ces incidents. Ainsi, comme le notait dès 1962 le professeur Max Beloff dans sa réponse à l'enquête initiée par le CDJC sur le néo-nazisme antisémite : « les incidents en Argentine sont autant le produit d'une situation politique et sociale extrêmement critique et fluide dans ce pays, que de l'activité préméditée d'agitateurs néo-nazis d'origine allemande » 162(*).

Quels sont les principaux enseignements à tirer de nos trois études de cas ? La contemporanéité de l'affaire Eichmann et de ces actes à caractère antisémite ne doit pas nous induire en erreur : cette affaire ne suscite presque pas d'incidents de ce genre -- sauf peut-être en Amérique du Sud. Leurs causes profondes sont avant tout intérieures : politiques en Italie, ethniques et socio-économiques aux États-Unis, sociales et politiques en Argentine. Les groupes néo-fascistes ou néo-nazis qui affichaient ouvertement leur antisémitisme et n'hésitaient pas à passer à l'acte avant la capture d'Eichmann s'approprient profitablement l'affaire par la suite 163(*).

La propension des médias à braquer systématiquement leurs projecteurs sur tous les faits et gestes de ces groupuscules extrémistes a tendance à grossir le moindre incident à caractère antisémite dont ils se rendent responsables -- que l'affaire Eichmann lui ait été utilement associée ou non 164(*). La combinaison du gonflement médiatique et de l'instrumentalisation extrémiste entraîne une amplification du retentissement de cette affaire à chaque manifestation antisémite -- comme si cet agencement lui offrait une caisse de résonance supplémentaire.

Le cas de la France

La France ne résonne pas d'échos de ce genre car on n'y déplore, à notre connaissance, aucun incident antisémite majeur entre 1960 et 1962 165(*). Cette absence notable ne signifie cependant pas que toutes les formes d'antisémitisme y ont soudainement cessé d'exister.

Au contraire, comme l'a montré l'historienne Anne Grynberg dans l'étude qu'elle a spécialement consacrée à ce sujet, « l'antisémitisme n'a pas disparu dans la France de l'immédiat après-guerre » -- entendez entre 1945 et 1953 166(*). Les cinq dernières années de la guerre d'Algérie entre 1958 et 1962 représentent même, comme le souligne l'historien israélien Joseph Algazy dans sa monographie du néo-fascisme hexagonal, « le moment le plus opportun pour les néo-fascistes français » 167(*). Cette occasion inespérée n'entraîne cependant pas la multiplication d'actes à caractère antisémite dans la métropole 168(*).

Le contexte spécifique de la guerre d'Algérie pousse les néo-fascistes français, à la différence de leurs homologues néo-nazis exclusivement antisémites, à s'en prendre prioritairement à un nouveau bouc émissaire tout désigné par l'affaire algérienne : l'Arabe qui lutte pour l'indépendance de son pays 169(*). L'antisémitisme ne figure par exemple pas au programme de l'Organisation de l'armée secrète (OAS) -- une organisation terroriste proche du fascisme, ouverte aux « sympathisants «pieds-noirs» d'origine juive » et que les néo-fascistes français tentent de récupérer 170(*). Aussi, les attentats de l'OAS font-ils d'autres victimes 171(*). En somme dans ce contexte particulier, les néo-fascistes français adoptent plutôt une politique nationaliste, voire ultra-nationaliste -- mieux à même, à leurs yeux, de faire augmenter leurs effectifs et de les mener à la victoire politique 172(*).

De notre point de vue, c'est l'absence d'actes à caractère antisémite qui constitue l'aspect essentiel du contexte hexagonal au début des années 1960. Dans le climat de terreur de la fin de la guerre d'Algérie, les néo-fascistes et les médias français ont d'autres chats à fouetter que de s'occuper de l'affaire Eichmann. Non seulement le phénomène de l'amplification de son retentissement, constaté dans d'autres pays touchés par cette affaire, ne se produit pas en France, mais en plus le contexte français a même plutôt tendance à l'assourdir.

* 143 Comme le note I. Benari dans son article consacré aux changements survenus dans la société israélienne au lendemain de l'annonce du 23 mai 1960 : aux yeux de certains dirigeants juifs américains, « le procès pourrait être le signal de la résurrection d'un antisémitisme brutal, qui pourrait affecter le statut des communautés juives dans le monde entier ». (Le Monde Juif, vol. 16, n° 24-25, mai-juin 1961, pp. 72-73) Le philosophe Karl Jaspers s'interrogeait « aussi sur le risque qu'un procès israélien ne provoquât une nouvelle vague d'antisémitisme si les ennemis d'Israël réussissaient à faire d'Eichmann un martyr ». (Elisabeth YOUNG-BRUEHL, op. cit., p. 431) Membre du groupe d'enseignants de l'université hébraïque opposés à l'exécution de l'ancien colonel SS, Hugo Bergmann était lui aussi « persuadé que la sentence de mort accroîtra[it] la haine dans le monde -- contre nous [les Juifs] et contre d'autres ». (Tom SEGEV, op. cit., pp. 424-425)

* 144 Ainsi, le Premier ministre Ben Gourion était-il suffisamment inquiet pour « ordonner au Mossad de surveiller de près les incidents antisémites au cours du procès ». (Peter NOVICK, op. cit., p. 185)

* 145 Yosef GORNY, op. cit., p. 49, n. 3.

* 146 L'antisémitisme n'a pas disparu du jour au lendemain après la Libération. L'historienne Anne Grynberg a d'ailleurs consacré toute une étude aux manifestations de ce phénomène dans la France de l'immédiat après-guerre. (Anne GRYNBERG, « Des signes de résurgence de l'antisémitisme dans la France de l'après-guerre (1945-1953) ? », dans Survivre à la Shoah. Exemples français. Les Cahiers de la Shoah, n° 5, 2001, pp. 171-223) En 1960, « trente représentants d'organisations néo-nazies de France » se réunissent à Paris. Leur meeting s'ouvre par un discours franchement antisémite. (Le Monde Juif, vol. 17, n° 30-31, septembre-décembre 1962, p. 8) En 1957, des « agitateurs néo-nazis [allemands] s'efforcent de revivifier l'antisémitisme germanique en s'en prenant aux pierres mortuaires, dans les cimetières juifs ». (Le Monde Juif, vol. 11, n° 10 (77), mai 1957, p. 39) Les incidents à caractère antisémite n'ont donc pas cessé après 1945, mais leur ampleur n'avait jamais atteint un niveau comparable à celle de ceux qui éclatent en 1960. Partis de Cologne dans les tout derniers jours de l'année 1959, lorsque deux jeunes membres du plus grand parti néo-nazi antisémite de la RFA profanèrent la synagogue locale, des incidents à caractère antisémite « se reproduisirent dans d'autres villes allemandes ; on en rapporta quatre cents. Ce phénomène se propagea dans d'autres pays du monde. » (Tom SEGEV, op. cit., p. 376) Le 10 janvier 1960, un grand rassemblement de protestation contre les récentes manifestations antisémites (qui ont apparemment épargné la France) réunit quelque dix mille personnes à Paris. (Le Monde Juif, vol. 15, n° 20 (87), janvier-mars 1960, p. 33) Sur ce rassemblement, voir aussi Annette WIEVIORKA, « Un lieu de Mémoire et d'Histoire : Le Mémorial du Martyr juif inconnu », dans Les Juifs entre la mémoire et l'oubli. Revue de l'Université de Bruxelles, 1987, 1-2, p. 129. Sur l'absence d'actes antisémites perpétrés alors en France, voir infra.

* 147 Qui plus est, comme le souligne Harel dans son récit détaillé de la capture d'Eichmann dont il assurait le commandement : « la nouvelle vague du nazisme donnait le plus grand poids à notre opération. Capturer Eichmann et le juger en Israël, c'était opposer une puissante contre-attaque au monstre nazi qui encore une fois relevait la tête. » (Isser HAREL, op. cit., p. 51)

* 148 Simon WIESENTHAL et Joseph WECHSBERG, op. cit., p. 13. Wiesenthal prétendait en effet que « le procès d'Adolf Eichmann à Jérusalem en 1961 fut le frein majeur à la croissance du néo-nazisme en Allemagne et en Autriche. » (ibid., p. 13) Quoi qu'il en soit, le procès relance à coup sûr la chasse aux criminels nazis impunis : « Le retentissement de ce procès dans le monde a encore éveillé dans la conscience des peuples l'exigence de la punition des criminels de la dernière guerre qui avaient échappé jusqu'ici au châtiment et a ainsi grandement contribué à la découverte et à la poursuite de plusieurs criminels nazis. » (Pierre A. PAPADATOS, Le Procès Eichmann, Librairie Droz, Genève, 1964, p. 104)

* 149 Le Monde Juif, vol. 17, n° 30-31, septembre-décembre 1962, p. 24.

* 150 Pierre MILZA et Serge BERSTEIN, Dictionnaire historique des fascismes et du nazisme, Éditions Complexe, Bruxelles, 1992, p. 235. En Italie, le Movimento sociale italiano (MSI) « exerce depuis l'immédiat après-guerre un quasi-monopole sur les tendances néo-fascistes ». Deux courants divisent toutefois le MSI -- Mouvement social italien. C'est de la « gauche » de ce parti que « va se détacher en 1956 une poignée d'intransigeants rassemblés autour de Pino Rauti et du mouvement Ordine nuovo d'orientation ouvertement néo-nazie ». (Pierre MILZA, Les Fascismes, Éditions du Seuil, Paris, Collection « Points Histoire » n° H147, 2001, pp. 479 et 482)

* 151 Milza attire notre attention sur « les grandes batailles de rues des années 1960 et 1961 » dans lesquelles les néo-fascistes, les antifascistes et les forces de l'ordre s'affrontent. (Pierre MILZA, op. cit., p. 482)

* 152 Marc LAZAR, L'Italie contemporaine de 1945 à nos jours, Éditions Fayard, Paris, 2009, p. 33.

* 153 Ibid.

* 154 Ibid.

* 155 Françoise S. OUZAN, loc. cit., pp. 300-305. Pour un survol historique du néo-fascisme américain, voir Pierre MILZA, op. cit., pp. 495-501.

* 156 Françoise S. OUZAN, loc. cit., pp. 304-305. Otto Preminger réalise le film Exodus en 1960 à partir du roman éponyme de Leon Uris. Pour une analyse de ce film, voir Sara R. HOROWITZ, « The Cinematic Triangulation of Jewish American Identity : Israel, America, and the Holocaust », dans Hilene FLANZBAUM (dir.), The Americanization of the Holocaust, The Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1999, pp. 155-156.

* 157 Françoise S. OUZAN, loc. cit., p. 303. La police locale empêche finalement le déroulement de cette mini-manifestation. (ibid.) Le « voyage de la haine » de Rockwell entend avant tout répondre aux « freedom rides » [voyages de la liberté] organisés à partir du mois de mai 1961 par les militants du mouvement des droits civiques. Si ces derniers se déplacent démonstrativement en bus, les quelques partisans de Rockwell voyagent ostensiblement dans une Volkswagen bleue et blanche. Sur les « voyages de la liberté », voir Pierre MELANDRI, Histoire des États-Unis contemporains, André Versaille éditeur, Bruxelles, 2008, p. 424. Par la suite, la projection d'Exodus provoque des « émeutes antisémites » à Tegucigalpa -- la capitale du Honduras. (Le Monde Juif, vol. 17, n° 30-31, septembre-décembre 1962, p. 18)

* 158 Sur « le «rêve» de la déségrégation et la crise de Little Rock », voir Pierre MELANDRI, op. cit., pp. 406-410.

* 159 Françoise S. OUZAN, loc. cit., p. 299.

* 160 Ibid., p. 305.

* 161 Le dossier que la revue du CDJC consacre en 1962 au néo-nazisme antisémite indique que « l'exécution d'Eichmann a eu pour résultat en Argentine l'intensification des incidents antisémites ». (Le Monde Juif, vol. 17, n° 30-31, septembre-décembre 1962, p. 4) Dans sa somme sur les fascismes, Pierre Milza attire notre attention sur le fait que « des manifestations antisémites orchestrées par des néo-nazis ont eu lieu également au Brésil en 1958 et surtout, après l'exécution d'Eichmann en 1962, en Argentine et en Uruguay ». (Pierre MILZA, op. cit., p. 535)

* 162 Le Monde Juif, vol. 17, n° 30-31, septembre-décembre 1962, p. 24.

* 163 « Au cours de l'année 1961, le dirigeant du parti nazi américain, George Lincoln Rockwell a émis des critiques sur le «rôle» d'Israël, «l'équité» du procès et «l'éthique» du judaïsme tandis que le jugement de l'État juif occulte celui de l'inculpé, une tendance partagée par ceux qui ont critiqué le procès. » (Françoise S. OUZAN, loc. cit., p. 302)

* 164 Aux États-Unis, « les médias braquèrent [...] leurs projecteurs sur George Lincoln Rockwell, dont le minuscule American Nazi Party réussit à provoquer des affrontements largement couverts par la presse. » (Peter NOVICK, op. cit., p. 180)

* 165 Si le moindre incident à caractère antisémite s'était alors produit en France, les rédacteurs de la revue du CDJC se seraient empressés de le porter à la connaissance de leurs lecteurs. Or, ils n'en font rien. Même le dossier, assorti d'une enquête internationale, qu'ils consacrent spécialement dès 1962 au phénomène du néo-nazisme antisémite reste complètement muet à ce sujet. (Le Monde Juif, vol. 17, n° 30-31, septembre-décembre 1962, pp. 1-42) La vague antisémite qui déferle alors sur le monde entier semble épargner la France. Selon l'avis autorisé d'Henry Bulawko recueilli dans le cadre de la même enquête du CDJC, « bien que la France ait été peu touchée par le renouveau antisémite (l'extrême-droite activiste ayant trouvé un autre bouc émissaire), il n'est pas exclu que la confusion politique dont nous sommes témoins favorise à brève échéance un tel mouvement. » (ibid., p. 39) Depuis son retour des camps, Henry Bulawko n'a jamais cessé « de s'occuper de multiples façons des déportés ». Il a notamment animé et présidé une amicale d'anciens déportés juifs de France. (Annette WIEVIORKA, Déportation... op. cit., p. 171)

* 166 Anne GRYNBERG, loc. cit., p. 210. L'antisémitisme y reste apparemment assez stationnaire par la suite. Henry Rousso note effectivement que, si les recherches de Béatrice Philippe sont dignes de foi, « même le rapatriement progressif de près de 300 000 Juifs d'Afrique du Nord, entre 1956 et 1967, ne semble pas avoir ravivé l'antisémitisme populaire » en France. (Béatrice PHILIPPE, Être Juif dans la société française. Du Moyen-âge à nos jours, Montalba, Paris, Collection « Pluriel », 1981, pp. 389 et suiv. -- cité par Henry ROUSSO, Le Syndrome de Vichy (1944-198...), Éditions du Seuil, Paris, 1987, p. 149)

* 167 Joseph ALGAZY, La Tentation néo-fasciste en France de 1944 à 1965, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1984, p. 327. De fait, les succès des néo-fascistes français semblent étroitement liés au contexte de la guerre d'Algérie. « L'affaire algérienne prend, à partir de 1957, le relais du poujadisme comme terrain de culture du néo-fascisme français. » (Pierre MILZA, op. cit., p. 509) « La fin de la guerre d'Algérie marque le début du reflux de l'extrême droite française. » (ibid., p. 510)

* 168 Des actes à caractère antisémite sont toutefois à déplorer dans la colonie entre 1955 et 1961. Leurs auteurs sont musulmans. (Benjamin STORA, Les Trois exils. Juifs d'Algérie, Éditions Stock, Paris, 2006, pp. 135, 139-140, 148, 155-156 et 161) En 1961, des attentats de l'Organisation de l'armée secrète (OAS) frappent aussi les Juifs d'Algérie. (ibid., p. 162) Sur l'OAS, voir infra.

* 169 Lorsqu'il aborde la question de l'antisémitisme des néo-fascistes français, Algazy note que « la haine au présent à l'égard des Arabes supplantait momentanément leurs sentiments antijuifs qu'ils étaient obligés de refouler pour les besoins de la cause et de l'heure ». (Joseph ALGAZY, op. cit., p. 235) Les Français partisans de l'indépendance de l'Algérie étaient évidemment aussi dans le collimateur des néo-fascistes.

* 170 Ibid., pp. 235 et 138. Dans les documents de l'OAS, « les Juifs étaient absents comme objet d'aversion [et] d'incitation à la haine ». (ibid., p. 235) Sur l'Organisation de l'armée secrète, voir ibid., pp. 221-244. « En fait, l'O.A.S. apparut comme une conséquence logique de l'échec du putsch des généraux en Algérie, au mois d'avril 1961. » (ibid., p. 233) Sur cette tentative de putsch, voir infra. Sur la présence de Juifs dans les rangs de l'OAS, voir Benjamin STORA, Les Trois... op. cit., pp. 156-157 et 163-165.

* 171 « Les victimes du terrorisme O.A.S. en France furent des députés, des maires, des journalistes, des hommes politiques, des officiers et des intellectuels, tous anti-O.A.S. ou présumés anti-O.A.S. Le général de Gaulle fut lui-même la cible d'une série d'attentats qui échouèrent. » (Joseph ALGAZY, op. cit., p. 237) Est-ce l'absence d'actes antisémites alors en France qui pousse aussi l'intellectuel catholique Jacques Nantet à faire erronément le lien, dans sa réponse à l'enquête du CDJC sur le néo-nazisme antisémite, entre « les manifestations néo-hitlériennes en Europe Occidentale et les débordements de l'O.A.S. » dans l'Hexagone ? (Le Monde Juif, vol. 17, n° 30-31, septembre-décembre 1962, pp. 33-34)

* 172 Entre 1958 et 1968, « le fascisme français n'est plus que l'aile minoritaire d'une opposition nationale que dominent les courants réactionnaires classiques ; y compris en Algérie où, parmi les mouvements qui prospèrent entre 1958 et 1962, beaucoup conservent une idéologie traditionaliste proche de celle de la révolution nationale. » (Pierre MILZA, op. cit., p. 509) « Tablant sur la crise algérienne, sur les slogans de «l'Algérie française» et sur l'aide factieuse des «ultras» et de l'O.A.S., [les néo-fascistes français] ont cru que leur heure avait sonné, qu'ils allaient enfin pouvoir réaliser leurs desseins politiques. » (Joseph ALGAZY, op. cit., p. 327)

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus