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La filière des dattes communes dans les oasis de Gabès dans le contexte des aléas climatiques et économiques: fonctionnement, atouts et contraintes

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par Foued Ben Hamida
Institut national agronomique de Tunisie - Master 2011
  

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2. PROBLEMATIQUE

La richesse de la vie sur terre est le résultat de centaines de millions d'années d'évolution et de milliers d'années d'expériences paysannes dans l'acclimatation des plantes et la domestication et le dressage des animaux.

De ce fait, nous pouvons dire que les oasis, sont non seulement des zones cultivées intensivement dans des milieux désertiques, mais sont aussi des symboles de gestion des ressources rares et précieuses fruit de ce savoir-faire ancestral.

Leurs organisations héritées et adaptées au cours des siècles se sont traduites autant dans des techniques agronomiques que des modes de gestions écologiques, des modalités sociales, économiques et culturelles qui constituent un véritable patrimoine répondant parfaitement à la définition même du développement durable. La diversité de leurs situations a produit, entre autre, de multiples stratégies de savoir-faire et de création de richesses permettant la fixation de populations entières dans des milieux hostiles. C'est cette extraordinaire richesse qui a produit une représentation mythique des oasis largement partagée dans différentes régions.

En effet, et face aux diverses contraintes naturelles et socio économiques et aux menaces qui pèsent sur le système oasien, les agriculteurs de ces zones ont développé des stratégies de développement « durable » et ont mis en oeuvres des pratiques et approches qui leur ont permis de vivre et de s'épanouir dans ce système à équilibre fragile. Ces agriculteurs ont ainsi, à travers le temps, cumulé un savoir-faire appréciable en matière d'agriculture oasienne. Il va sans dire que l'adoption du système intensif à trois étages et l'intégration de l'élevage des petits ruminants, l'association agriculture artisanat, la pratique d'une agriculture orientée vers les cultures sélectionnées dominées par les variétés à forte valeur commerciale et la diversification des productions sont autant d'exemples qui témoignent d'un esprit d'ingéniosité de l'agriculteur oasien.

En outre, plusieurs techniques agricoles (modes de gestion des ressources naturelles et forme d'organisation) ont eu naissance non pas au sein des laboratoires de recherche, mais à l'intérieur de l'oasis suite aux pratiques, aux savoirs et aux oeuvres du paysan oasien depuis la création de ce « paradis sur terre » qu'est l'oasis.

Durant des siècles, et comme nous l'avons signalé plus haut, ces populations ont exploité l'oasis sans mettre en péril la biodiversité, mieux encore ils ont toujours pris le soin de la préserver. L'oasien, à travers les temps, a su maintenir cette biodiversité pour des raisons liées à sa propre sécurité, sa nourriture, son habitat et sa culture. Du coup, nous pouvons dire que la diversité biologique et le savoir-faire local sont étroitement liés.

Il est clair que le palmier dattier, qui constitue le pivot du système oasien, a une importance aussi bien écologique que socio-économique. Il fournit un aliment important pour le bétail et constitue une base pour l'exploitation artisanale par le biais de la vannerie, de la sparterie et d'autres produits utilisés comme matériaux de construction qui font vivre des familles entières (ELHOUMAIZI, 1998). D'autre part, les dattes qui sont considérées souvent par beaucoup de consommateurs comme un fruit dessert, constituent la base de l'alimentation des habitants du Sahara, et peuvent servir à l'élaboration d'une gamme très étendue de produits alimentaires de grande valeur énergétique et diététique (DJERBI, 1982).

Le système oasien a permis de créer des zones tampons se référant à des techniques et des traditions sociales assurant les meilleures conditions de gestion des ressources naturelles.

Sur le plan agronomique, le palmier dattier occupe une place stratégique dans la stabilité socio-économique et écologique du système oasien. La population tunisienne vivant de la phoeniciculture est estimé à environ 10% sur le plan quantitatif, le patrimoine génétique phoenicicole tunisien compte environ 5400 000 palmiers (MRABET et al, 2006).

Reste à préciser que les oasis, et malgré la place qu'occupe le palmier, se dotent d'une diversité agro écologique permettant plusieurs productions végétales et animales puisqu'elles constituent des zones favorables à la production des cultures fruitières (bananes, grenades, prunes, vignes, et c.), des cultures légumières (piments, tomates, blettes, choux, carottes, et c.), des cultures fourragères (luzerne, sorgho, vesce avoine, etc.), des cultures industrielles (henné, tabac, etc.), sans oublier les semences et boutures ainsi que les produits de l'élevage (INRAT, 2006). Or, il faut préciser que les populations anciennes qui ont vécu dans ces milieux désertiques, ont pu organisé l'espace oasien autour du facteur « eau » en utilisant des techniques et des méthodes traditionnelles basées sur la gestion sociale de l'eau pour bien maîtriser cette ressource précieuse (KABIRI, 2006). D'ailleurs nous pouvons affirmer avec juste raison que la gestion sociale de l'eau, par le biais des structures traditionnelles de gestion, les fameuses « jamiyâa maiyâa » (Association d'eau), ainsi que le savoir-faire local ont constitué jusqu'à longtemps les deux piliers de survie des oasis.

La consultation des références bibliographiques (études, thèses, rapports et autres) que nous avons pu faire jusqu'à maintenant nous permet de résumer les principales contraintes au développement de l'agriculture oasienne comme suit :

- la situation hydraulique est marquée par un déficit important en eau dans de nombreuses parelles qui sont en voie d'abandon.

- le système d'irrigation par submersion est un système de gaspillage d'eau. Par manque de nivellement, de désherbage ou d'entretien, l'eau ne circule pas rapidement dans les planches ce qui engendre une perte énorme.

- la destruction du palmier dattier, par le recours des oasiens à l'extraction du vin de palme « legmi » comme source facile d'entrée d'argent, pourrait bouleverser le milieu oasien notamment en raison de son importance dans la création du microclimat,

- la baisse du revenu agricole oasien est devenue un facteur qui pousse les jeunes à fuir l'agriculture et les amène à émigrer pour chercher des revenus meilleurs dans les secteurs des bâtiments et des services (ROMDHANE, 2004),

- le fait urbain : par la création du complexe industriel et la diversification des activités économiques, Gabès est devenue un pole d'attraction pour la main-d'oeuvre du centre et du sud et connaît un accroissement démographique important qui s'est traduit par une explosion du périmètre communal en dépit des oasis.

Si nous mettons l'accent sur l'une des problématiques des oasis, à savoir la main d'oeuvre, l'apparition d'offres d'emplois salariés dans un premier temps à l'étranger puis localement dans les industries, l'administration et diverses autres activités non agricoles à fortement attiré la force de travail de l'oasis et a provoqué un désintérêt des jeunes générations pour l'activité agricole. L'agriculture oasienne est de plus en plus pratiquée à temps partiel (ABDEDAEIM, 1997). Elle est, même, devenue pour certains, surtout les fonctionnaires, une activité de « jardinage » et pour d'autres, un attachement à un patrimoine familial sans plus. Tout cela, qui s'ajoute aux mutations socio-économiques dans ce nouveau contexte de mondialisation, fait que nous assistons de plus en plus à une perte du savoir-faire local, à une utilisation de techniques inappropriée à l'oasis (rigoles en ciment), à une introduction de spéculations non compatibles avec les ressources oasiennes (élevage bovin), à la déserte de la main d'oeuvre jeune, au démantèlement des service d'encadrement et d'accompagnement des oasiens (Désengagement de l'Etat), bref à l'accroissement du phénomène d'abandon (déprise agricole) ce qui met en péril la survie des oasis considérée comme « grenier » de la biodiversité et du savoir-faire local (CHETOUI et HAMROUN, 2004).

Il va sans dire que la situation des oasis traditionnelles est presque alarmante. La reconversion des palmeraies a entraîné une érosion génétique sévère de la diversité génétique de patrimoine phoenicicole (CHETOUI et HAMROUN, 2004). Cette reconversion a favorisé la disparition progressive de certaines variétés présentant des intérêts socio-économiques et même technique importants (MRABET et al., 2006).

Nous n'ajoutons rien de neuf lorsque nous signalons que l'augmentation du coüt du travail, due à la raréfaction de la main-d'oeuvre (manque de pollinisateurs des palmiers), d'une part et à l'effondrement des prix des dattes communes, d'autre part, conduit les exploitants à ne plus recourir à certains travaux ou à les faire moins fréquemment (pollinisation, toilettage des palmiers, etc.). Il en résulte une diminution des rendements et des revenus, ce qui entraîne un important manque à gagner (LASSAUX, 2004).

Si nous continuons notre réflexion sur la problématique, nous disons que les mutations socioéconomiques qu'a connue la région de Gabès depuis l'installation des usines chimiques au début des années 70, en premier temps et l'instauration du programme d'ajustement structurel au milieu des années 80, en second temps, ont eu des effets néfastes sur les oasis.

En effet, plusieurs auteurs (BECHRAOUI, 1980 ; ABDEDAEIM, 1997, etc.) ont montré que l'impact négatif du secteur industriel sur les oasis était multiple :

- sur le plan social, par les offres d'emplois annuels (quelques milliers), par le développement
et la diversification des activités économiques qu'elle a entraînés (services, Bâtiment,

transport, industrie, émigration vers la Libye et l'Europe, etc.) il a poussé les jeunes à déserter l'agriculture oasienne,

- sur le plan agricole, par la consommation énorme d'eau, il a favorisé le rabattement des nappes souterraines et donc il est le premier responsable de la problématique de l'eau,

- sur le plan démographique, par la presque multiplication de la population de la ville de Gabès ce qui a provoqué une extension urbaine au dépend de l'espace oasien (emprise du bâtit sur l'espace vert),

- sur le plan écologique, par la pollution chimique qu'il a engendré, il a participé à la destruction de l'étage supérieure des oasis à savoir les arbres fruitiers et surtout le palmier (plusieurs centaines de procès gagnés par les oasiens contre le Groupe Chimique Tunisien). D'un autre côté, l'application du Programme d'Ajustement Structurel (PAS) à partir de 1986 n'a fait qu'aggraver la situation. Avant cette date, l'Office des périmètres irrigués assurait l'encadrement des oasiens (vulgarisation technique, accompagnement dans l'installation des nouveaux projets, relais avec les autres services, etc.) leur ravitaillement en intrants à des prix subventionnés et surtout leur facilitant la commercialisation des produits. La suppression de cet office a mis les oasiens seuls face aux lois du marché ce qui a provoqué la paupérisation d'une masse non négligeable d'entre-deux et a donné une raison de plus aux jeunes oasiens de déserter définitivement l'activité oasienne, d'où l'accélération du phénomène de déprise agricole (abandon des parcelles) qui était, jusque là, étrange à l'oasis (BEN SAAD, 2004).

Si on ajoute à cela individualisme et égoïsme, comme nouvelles valeurs sociales dans ce nouveau contexte de mondialisation, nous pouvons affirmer avec juste raison que la transmission du savoir-faire local, entre générations, n'est plus à l'ordre du jour des oasiens.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld