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Démocratie et pouvoirs coutumiers dans les chefferies du Haut-Uélé en RDC

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par Félix-Amand et Dieudonné FUFULAFU ZANIWE et BUAGUO MOSABI
Université de l'Uélé -  2012
  

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3. La conception du pouvoir coutumier dans le Haut-Uélé

La conception du pouvoir coutumier dans les chefferies est intimement liée à celle de l'autorité et de l'influence de chefs coutumiers

a) De l'autorité

D'après Max WEBER24(*), il existe trois types d'autorités : traditionnelle, charismatique et juridico-rationnelle ou bureaucratique.

1. Autorité traditionnelle

Celle-ci est l'autorité par laquelle les subordonnés acceptent de se conformer aux directives de leurs supérieurs et justifient ces directives en raison du fait qu'elles ont été toujours justifiées et acceptées dans le passé. Les chefferies créées dans le Haut-Uélé par l'administration coloniale datent déjà de plus de sept décennies pour les unes et bientôt un siècle pour les autres. La population reconnait l'autorité des chefs coutumiers du fait qu'elle a été toujours soumise à ceux-ci.

2. Autorité charismatique

Ce type d'autorité est celle par laquelle les subordonnés suivent les ordres de leurs supérieurs en raison de la personnalité exceptionnelle de ceux-ci. Nonobstant quelques contestations dans certaines chefferies, la plus part de population reconnait dans leurs chefs coutumiers un certain nombre de charismes. Cependant, il faut reconnaitre que quelques uns de ces charismes sont réels et les autres fictifs en dépit des mythes protecteurs du pouvoir.

3. Autorité juridico-rationnelle ou bureaucratique

Weber qualifie de bureaucratique l'autorité par laquelle les subordonnés acceptent les instructions de leurs supérieurs parce que ces instructions sont conformes à des règles qu'eux subordonnés considèrent comme légitimes. Dans les chefferies, double pour les unes et triple acte pour les autres renforce cette autorité considérée comme légitime. Il s'agit d'abord de l'intronisation coutumière après désignation du successeur par un comité patriarcal restreint de la famille régnante. Cette intronisation est constituée par un ensemble de cérémonies. En suite la décision administrative de nomination. Et en fin l'octroi de numéro matricule comme fonctionnaire de l'Etat.

b) Du pouvoir

S'agissant du pouvoir, entendu comme la capacité dans les rapports sociaux de s'imposer ou d'imposer sa volonté en dépit d'une résistance éventuelle. Le fait qu'on trouve les policiers locaux au service de chefferies qui contraignent les citoyens à se soumettre aux décisions prises, à opérer des arrestations, à accompagner les agents recouvreurs des taxes, à surveiller les travaux collectifs... ce pouvoir de contraindre accorde aux chefferies les prérogatives de la puissance publique et par conséquent un pouvoir incontestable aux chefs coutumiers. Car les fonctions politiques sont plus lisibles lorsqu'un chef exerce toute l'autorité sur le groupe et qu'il dispose d'un minimum d'institutions coercitives25(*).

c) De l'influence

Quant à ce qui est de l'influence des chefs, en dépit de ce qui vient d'être répertorié, les pouvoirs coutumiers reposent sur deux principaux piliers :les ancêtres morts et les vivants. Chaque groupe d'ancêtres joue un rôle spécifique bien que complémentaire dans la vie de la société en général et en particulier sur des sous groupes tels que lignage, famille élargie ou nucléaire. En outre, ils sont non seulement respectés du fait qu'ils sont descendants du fondateur du village primitif et chefs politiques, descendants du chef de la tribu des conquérants26(*), autorités et gardiens des coutumes et maitres de terres, mais aussi ils sont craints puisqu'ils sont réputés sorciers et jeteurs des mauvais sorts pour les désobéissants. Car depuis toujours, les chefs étaient une autorité vénéré dont le pouvoir croyait-on, émanait non seulement des hommes mais aussi et surtout des puissances occultes27(*). Comment peut-on gérer les sorciers lorsqu'on ne l'est pas, dit-on.

Mais la question que l'on pourrait se poser est celle de savoir pourquoi l'Etat congolais continue à garder les chefferies comme circonscriptions territoriales. Qu'est ce qu'elles représentent pour les citoyens et pour les chefs politiques ?

Du côté des citoyens, il se fait voir que lors des cérémonies telles que : inaugurations, implantations d'un ouvrage, coupure de ruban, enterrement, voyage, etc. Les citoyens sollicitent la bénédiction des chefs coutumiers, demandent que ceux-ci fassent pleuvoir ou arrêter la pluie. Cette réalité est observable non seulement dans le Haut-Uélé mais aussi dans d'autres pays d'Afrique.

Exemple, au Mozambique la fin de l'annéé1989 et le début de l'année 1990 furent marquées par des périodes de sécheresse prolongées et par des pénuries alimentaires. Les chefs traditionnels ont fait des cérémonies pour résoudre ces problèmes alimentaires et de pluie. Celles-ci contribuèrent grandement au renforcement du pouvoir non seulement religieux mais aussi traditionnel des chefs traditionnels qui se voyaient sollicités par des fonctionnaires de l'Etat, par des administrateurs de districts et des chefs de postes administratifs28(*).

Du côté de l'administration ou de pouvoirs publics, les chefs apparaissent davantage comme les fonctionnaires de l'administration locale. Pour réussir un programme gouvernemental de grande envergure comme Vaccinations, sensibilisation, les chefs jouent un rôle indéniable. Cependant, du côté politique, la perception des chefferies comme ressources politiques est visible. Ceci est certainement vrai et très perceptible surtout pendant les campagnes électorales. Les partis politiques nouent avec les chefs coutumiers des chefferies des alliances qui relèvent en dernière analyse du clientélisme politique. C'est-à-dire d'une stratégie d'obtention, de mise en oeuvre et du renforcement du pouvoir politique du côté des patrons et de protection et de promotion de leurs intérêts du côté des clients. Pendant les élections, certains chefs battent campagnes au profit de certains partis et candidats. Et surtout dans la plupart de cas au profit des partis au pouvoir. De manière particulière, les chefs régents et ceux qui sont coutumièrement contestés sont faibles, dociles et très favorables aux partis au pouvoir, de peur de se voir déguerpis. Ainsi donc comme l'affirme BOUJOU29(*), dans le contexte des élections municipales les chefs apparaissent comme des « grands électeurs informels ».

Un autre aspect visible dans les chefferies sur le plan politique est la notoriété acquise des chefs due à leur statut. Pendant les élections législatives 2006, certains chefs coutumiers du Haut-Uélé furent cooptés et les autres élus grâce à leur statut de chef. Les voix massives des citoyens à leur faveur furent recueillies suite à leur notoriété. Ces élus furent certes en position de force par rapport à leurs challengers et leurs colistiers. Pour ce, le militantisme politique des chefs, notamment leurs soutiens qu'ils apportent au parti au pouvoir fait souvent qu'ils tombent dans le chantage conservateur du régime30(*).

Après ces constats, du conservatisme, du clientélisme, et de la conception du pouvoir coutumier dans les chefferies Haut-Uélé, celles-ci apparaissent antidémocratiques.

En fin, comment démocratiser les chefferies du Haut-Uélé ? D'emblée, la transformation de celles-ci en secteurs s'avère important dans un premier temps mais ne suffira pas. Il faudra sensibiliser celles-ci par une campagne de grande envergure pour réveiller les esprits surtout des citoyens ruraux et implanter la culture politique démocratique au détriment de la culture politique paroissiale et de la culture politique de sujétion. C'est alors que les citoyens reconnaitrons et redécouvrirons leurs droits politiques long temps confisqués.

* 24 WEBER M.The theory of social and economic organizations(traduit de l'anglais par HANDERSON AM et T. PARSONS GI, cite par EPEE Gambwa J dans le syllabus de cours de théories des organisations, inédit, G3 SPA, Uniuélé, 2004

* 25 CLAVAL,P., Les espaces de la politique, Coll. géographie, Armand Colin, Paris, 2010, p 127

* 26 ARBOUSSET F. «  Chefferie africaine », in Encyclopédie mensuelle d'outre mer, Paris, 1950, p 278

* 27 NKASA TEKILAZAYA YELENGI Op cit p 415

* 28 SALVADOR CADETE FORQUILHA, « Chefferie traditionnelle et décentralisation au Mozambique : « Discours, pratiques et dynamiques locales » in Politique africaine, Paris ° 117, Karthala, 2010,p 60.

* 29 BOUJOU. J. « Clientélisme, corruption et gouvernance locale à Mopti » cité par LESERVOISIER, O. « Démocratie, Renouveau des chefferies et luttes sociales à Kaédi(Mauritanie) ,in Politique africaine, Paris ,N° 89, Karthala, 2003, p. 171.

* 30 IBRAHIM MOUICHE, « Autorités traditionnelles, multipartisme et gouvernance démocratique au Cameroun », in Afrique et développement, CODESRIA, Vol XXX, N°4,2005, p. 226.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius