CONCLUSION GENERALE
Avec une production de près de 3000 tonnes, la culture
cotonnière joue un rôle moteur dans l'économie de la
régionale de Bossangoa. La protection de ces cultures, soumises à
de fortes attaques parasitaires, a entraîné une consommation
croissante de pesticides. Outre le problème d'un coût
monétaire élevé, leur mauvaise utilisation a des effets
négatifs sur la santé des utilisateurs et des consommateurs mais
aussi sur l'environnement. Elle provoque de surcroît la sélection
d'insectes résistants.
En parlant des représentations sociales, les
agriculteurs sont conscients des effets néfastes des pesticides. Par
contre ils minimisent les effets immédiats de ces produits et savent que
seule une grande quantité ingurgitée peut constituer un danger
dans les minutes qui suivent. C'est dans cette optique qu'ils utilisent ces
produits à d'autres fins. Cette portion représente un taux de
79,30% du total des enquêtés.
Les personnes les plus exposées aux pesticides sont les
applicateurs. En plus de leur travail qui les met en contact direct avec les
produits, ils sont aussi souvent mal protégés pendant le
traitement des champs. L'exposition aux pesticides peut aussi avoir lieu
à travers l'environnement ou des aliments (résidus dans les
aliments ou l'eau). Ainsi pensent-ils qu'il est nécessaire de se
protéger au cours des traitements.
Toutefois, l'ensemble des planteurs interrogés ne prend
aucune précaution, soit parce que les Equipements de protection
Individuelle (gants, lunettes, blouse ou combinaison) coûtent cher et ne
leur sont pas distribués par la société cotonnière,
soit parce qu'ils déclarent être habitués aux produits.
Cette portion représente la totalité de l'échantillon soit
100%, car aucun des planteurs ne porte les masques exigées par les
normes d'utilisation des pesticides lors des séances de traitement.
Quant aux pratiques liées à l'utilisation de ces
produits, cette étude a révélé qu'il en existe une
pluralité de pratiques. En dehors de la protection de la culture
cotonnière (soit 65,51%), la majeur partie des cotonculteurs
interrogés estiment que ces produits peuvent tout de même
être utilisés pour la chasse (rat, rongeurs, oiseaux) soit 3,45%
du total des enquêtés, la pêche (3,45%), la
pulvérisation des chambres ou des latrines, la neutralisation des poux
de cheveux, la lutte contre les termites et bien d'autres choses
encore. Ceux qui pensent qu'on peut faire un usage multiple
avec les insecticides du cotonnier représentent 16,37% du total des
cotonculteurs interrogés. Cette manière de percevoir ces produits
fait que certains planteurs préfèrent ne pas utiliser toute la
quantité du liquide qu'on leur donne. Ils en gardent pour soit,
réutiliser sur d'autres parcelles, revendre ou soit utiliser pour
protéger leur petit élevage.
Pour ce qui est du respect des procédures et normes en
vigueur, il y a lieu de dire que les pratiques liées à
l'utilisation de ces produits ne cadrent pas avec les directives techniques. Si
les planteurs savent par principes que lors de la manipulation et de
l'application du produit, il faut porter des équipements de protection
phytosanitaires qu'ils en ont pas d'ailleurs et se conformer aux
recommandations de l'étiquette du produit, force est de constater que
ceux-ci détruisent rarement les emballages des pesticides agricoles. Ils
les lavent pour les réutiliser. Cette portion représente 84,47%
de l'effectif de l'échantillon interrogé.
Comme précaution à prendre après les
traitements, tous se lavent les mains, ou prennent un bain après un
traitement ceci, le plus souvent aux bords des marigots qui longent leurs
champs. Cela constitue un risque pour l'environnement aquatique. Les risques
d'intoxication se situent au cours des traitements ou par la consommation de
légumes (récolte de feuilles de niébé, le gombo, le
concombre, la tomate ou autre) cultivées en association avec le coton.
Les risques de contamination des eaux de surface sont ignorés ou
minorés dans cette enquête.
Quant à l'impact socioéconomique de ces
pratiques, la majorité des producteurs ne semble pas avoir une grande
connaissance du spectre d'activité des matières actives et des
doses à utiliser en fonction des superficies à traiter. Ils
répondent que la plupart des pesticides agissent vers les mêmes
cibles, qu'il s'agisse de ravageurs ou de maladies.
Cette méconnaissance est souvent la cause de
l'utilisation abusive des produits et de l'absence de la formation sur ces
produits à l'endroit de ces producteurs. Tandis que les pesticides
destinés au coton sont distribués aux producteurs par la
société cotonnière sous forme de crédit
remboursable après la récolte, les produits homologués
sur les cultures maraîchères ne sont pas toujours
disponibles dans les centres de production et s'ils le sont parfois, leur
coût est dissuasif.
C'est la raison pour laquelle les pesticides destinés
au coton sont souvent détournés pour être utilisés
sur des cultures vivrières (niébé, sésame,
aubergine, tomate, pépinières fruitières souvent
cultivées en association avec le coton) qui ne bénéficient
pas de crédits pour les intrants. Certains producteurs vendent les
produits phytosanitaires « coton » pour la désinfection des
semences vivrières, pour tuer des tiques des animaux d'élevage ou
pour lutter contre les termites dans les habitations. Les pesticides ainsi
dégagés sont reconditionnés dans des divers emballages et
vendus sans étiquette.
Pour ce qui est de la fréquence des cas d'intoxications
ou des cas de tentatives de suicides, 60% des planteurs s'accordent pour
reconnaître que c'est fréquent dans leur milieu ces cas. Tous ceci
arrive du fait de l'absence de surveillance des Délégués
Techniques qui ne sont toujours pas le plus souvent derrière les paysans
pour vérifier si toute la quantité du liquide remise est bien
utilisée (la dose à l'hectare).
Ces pratiques auxquelles nos enquêtés se livrent
pourront trouver une solution dans la formation et la sensibilisation de ces
planteurs, mais hélas, à ce point précis de formation,
plus de 87% de l'effectif total de l'échantillon estiment ne pas avoir
été formés à cet effet. Seulement 36% pensent avoir
été informés lors d'une séance de restitution qui
n'a pas trop durée. Nous voyons un temps aussi relativement court ne
peut permettre de bien cerner tous les contours des pesticides avec les risques
environnementaux et sanitaires qu'ils représentent pour eux.
En définitive, disons que l'emploi des pesticides
permet de réduire les pertes de récoltes dues aux ravageurs et de
stabiliser les rendements. Néanmoins leur mauvais emploi est cause de
nuisances tant pour la santé humaine que pour l'environnement et les
coûts liés à la santé humaine. Les pesticides remis
par les sociétés cotonnières sont parfois utilisés
sur d'autres cultures ou sont revendus. Les principales préoccupations
par rapport à la gestion des pesticides dans le circuit privé
peuvent être résumées de la façon suivante :
v' La non-application de la réglementation relative
à l'agrément des distributeurs et revendeurs des pesticides, ce
qui a pour conséquence des conditions de stockage inadéquates et
l'absence de conseils aux utilisateurs de pesticides ;
v' Les connaissances et la formation des revendeurs et
commerçants pour apporter des conseils adéquats à leurs
clients sont insuffisantes ;
v' La méconnaissance de la toxicité des
pesticides par les commerçants et leurs clients : les pesticides et les
denrées alimentaires sont vendus dans les mêmes magasins ;
v' Le commerce illicite et transfrontalier des produits
frauduleux et prohibés, dans des proportions inquiétantes.
Le mauvais usage des pesticides expose les populations rurales
à des risques d'intoxication graves, et porte atteinte à la
qualité de l'environnement. Il est certes vrai que les productions
cotonnières jouent un rôle très important dans les
entrées de devises comme dans l'alimentation des populations. Cependant,
les légumes peuvent devenir un danger pour la santé des
populations quand l'utilisation de pesticides y devient accrue et
incontrôlée. Il importe alors de renforcer la
réglementation existante quant à l'importation, la distribution,
le stockage et l'utilisation des pesticides.
Dans ces conditions, le bon usage des pesticides s'impose afin de
garantir une alimentation saine pour une population urbaine en croissance
constante. Il passe par :
v' La formation et l'information adéquates des
utilisateurs ;
v' La dotation de services compétents avec des moyens
leur permettant une mise en application des réglementations
sous-régionales, régionales et nationale ainsi que les
conventions internationales auxquelles le pays a adhéré ;
v' L'incitation des maraîchers à s'approvisionner
auprès des commerçants agréés et en produits
homologués ;
v' L'évaluation des résidus des différents
pesticides dans les principaux légumes consommés par les
populations urbaines ;
v' La promotion et l'encouragement des recherches sur les
méthodes alternatives à la lutte chimique.
Cette question de mauvaises pratiques phytosanitaires n'est
pas exclusive à la localité de Bossangoa mais, elle concerne
aussi bien la population citadine. Car c'est vers les villes secondaires que
ces produits sont convoyés pour être écoulés. Tout
le monde est exposé, tout le monde doit veiller à son
alimentation.
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