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La norme conventionnelle en droit international de l'environnement : "l'exemple de la diversité biologique"

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par Aviol FLEURANT
Université de Limoges / Faculté de droit et des sciences économiques de Limoges - Master 2 Droit international et comparé de l'environnement 2008
  

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Section 2 : La structuration du droit de la biodiversité, les Principes généraux

Le terme « principes généraux » ne renvoie pas ici aux « principes généraux de droit acceptés par les nations civilisées » mais à certains « principes directeurs » du droit international de l'environnement qui, également, forment le cadre juridique du droit international de la biodiversité. Ce sont en fait des principes qu'on qualifie de fondamentaux « sans lesquels le droit international de l'environnement serait sevré de sa dynamique évolutive intrinsèque»35(*). Les Etats sont en effet tenus des obligations de prévention du dommage transfrontière, de précaution pour éviter l'irréversible lorsqu'à cheval sur l'incertitude et l'innovation, l'humanité entrevoit les retombées de technologies mal maitrisées. Ils doivent coopérer en vue d'une utilisation rationnelle de la diversité, ce, selon une approche axée sur le développement durable.

A. Le principe de prévention

Le principe de prévention implique la connaissance d'un risque prévisible et certain et exige de la part des Etats la prise de mesures capables d'empêcher la survenance d'atteintes graves, voire irréversibles, à l'environnement. Il anticipe l'occurrence du dommage à la diversité et se veut complémentaire à tout dispositif curatif. Mieux vaut prévenir que guérir, rappelle Agathe Van Lang, en ce que « la possibilité d'une indemnisation parait bien dérisoire au regard de l'extinction définitive des espèces, de la contamination des sols pour des millénaires ou de l'assèchement total des mers intérieures ... »36(*).

Le principe de prévention sous-tend des considérations particulières. Il traduit une limitation au droit de l'Etat d'exploiter ses ressources selon sa politique d'environnement. Celui-ci a le devoir de faire en sorte que les activités exercées sur son territoire ou sous son contrôle ne causent pas de dommages à l'environnement dans d'autres Etats ou dans les régions ne relevant d'aucune juridiction nationale37(*). Ensuite, il rappelle le concept de Patrimoine commun puisqu'il renvoie à la préservation du patrimoine biologique en quelque lieu où il se trouve. Il renforce l'approche faisant de la biodiversité une préoccupation commune de l'humanité. Ainsi, la convention, en son préambule, stipule : la « conservation de la biodiversité est une préoccupation commune de l'humanité »38(*). Enfin, la prévention réfère à la théorie de l'équité intergénérationnelle selon laquelle « chaque génération est gardienne et usagère des ressources de la Terre et doit transmettre celle-ci dans un état qui n'est pas inférieur à celui dans lequel elle l'a reçue »39(*).

Ce principe doit sa juridicité au droit de Stockholm et de Rio. Son effectivité a été consacrée par une sentence arbitrale dans l'affaire de la fonderie de Trail40(*) où le Canada s'est vu imputé la responsabilité de dommage transfrontière pour avoir ignoré le principe de prévention et celui de l'utilisation non dommageable du territoire. Ainsi, le droit international conditionne-t-il la réalisation d'ouvrage - certes justifié au plan économique - à des études d'impact préalables aux vertus anticipatrices, dans l'optique d'une prise en compte réelle de l'environnement. En fait, par ce principe déjà consacré par la coutume comme norme obligatoire, la souveraineté territoriale de l'Etat souffre d'une certaine limitation au profit d'un intérêt supérieur, celui de l'humanité.

B. Le principe de précaution

Selon Van Lang «la logique de précaution prend en compte des menaces potentielles, incertaines, hypothétiques, toutes celles à propos desquelles aucune preuve tangible ne permet d'affirmer qu'elles se concrétiseront»41(*). Pour ainsi dire, en raison des lacunes que recèlent les connaissances actuelles en matière de biodiversité, l'absence de certitude scientifique - précaution oblige - ne saurait empêcher la prise de mesures susceptibles de prévenir un dommage grave et irréversible au patrimoine génétique, spécifique et écologique de la Terre. L'illustration de ce principe se fait avec éloquence dans la Directive du Conseil des Communautés européennes interdisant l'importation de viande provenant d'animaux auxquels ont été administrées des hormones de croissance. L'Europe, en effet, dans l'affaire du boeuf aux hormones, soutenait que « le manque de connaissances scientifiques sur le risque du cancer n'était pas une raison suffisante pour ne pas prendre des mesures de précaution42(*).

L'approche de précaution, consacrée par le principe 15 de Rio, a aujourd'hui rang de norme conventionnelle à valeur obligatoire puisqu'il figure dans plusieurs conventions internationales, notamment dans les traités de lutte contre les processus et activités à risque pour la biodiversité (pollution, destruction physique, eutrophisation, dissémination d'OGM, désertification). ARBOUR Jean Maurice, à ce propos, écrit : « le principe de précaution a été à l'origine de la négociation de la Convention sur la Protection de la couche d'ozone, alors qu'on n'avait pas encore la preuve scientifique irréfutable des liens entre le chlore et la destruction de l'ozone stratosphérique »43(*). Aussi, figure-t-il respectivement dans la Convention cadre sur les changements climatiques, la Convention de Bamako de 1991 interdisant l'importation de déchets dangereux en Afrique, la Convention sur la Diversité Biologique, le Protocole de Cartagena. Par ailleurs, aux termes du Protocole de Barcelone sur la mer Méditerranée, il ne se pose pas de problème quant à son applicabilité immédiate. Toutefois, le juge international tarde à lui reconnaitre son statut de règle de droit international coutumier.

C. Le principe de coopération

Il s'agit surtout d'un « devoir de coopération » impliquant pour les Etats la double obligation de coopérer en vue de la protection de l'environnement et de rendre effectives certaines obligations conventionnelles susceptibles de prévenir d'éventuels dommages à la diversité biologique. Ce devoir de coopération est inhérent à la conservation et à l'utilisation durable de la diversité biologique et de ses éléments. Il permet la conservation des ressources partagées : espèces migratrices, cours d'eaux internationaux. Ce principe s'avère important pour lutter contre les risques liés aux biotechnologies, à la fabrication de substances dangereuses, bref, des risques liés à des activités dangereuses44(*). Ce principe doit sa juridicité au droit de Stockholm, principe 24. Il a été consacré par la Convention sur la Diversité Biologique en son article 5. Aussi, cette obligation de coopération a-t-elle été proclamée par toute une panoplie de conventions de portée régionale ou globale, ce qui semble traduire un consensus universel autour de sa reconnaissance. De plus, le Tribunal International du droit de la mer l'a expressément consacrée aux termes de son ordonnance du 3 décembre 2001 dans l'affaire de l'usine MOX opposant l'Irlande au Royaume Uni, ce qui pour plus d'un tend à lui conférer le statut d'une « coutume instantanée »45(*). Par ailleurs, le devoir de coopération a su interpeller les Etats dans le cadre d'une utilisation rationnelle et équitable de leurs ressources, ce, dans l'optique d'un développement durable.

D. Le principe du développement durable

L'approche du développement durable est la toile de fond du droit international de la biodiversité. Elle sous-tend un développement selon un mode de croissance économique qui respecte les limites écologiques de la Planète et qui ne met pas en danger ses ressources biologiques46(*). Partant, c'est avec raison que Sadeleer écrit : «l'impact potentiel de ce principe pour le droit de la biodiversité est potentiellement considérable, en ce qu'il fédère l'ensemble des dispositions préconisant l'utilisation durable ou rationnelle de la diversité et de ses éléments »47(*). Consacré par Rio, par l'Agenda 21 et par un ensemble d'instruments conventionnels, le principe du développement durable justifie la défaillance des approches anthropocentriques faisant de l'homme le maitre de la nature. Car, comme le préconise la Convention sur la Diversité Biologique, en son article 2, il s'avère impérieux pour l'humanité « d'utiliser les éléments de la diversité biologique d'une manière et à un rythme qui n'entrainent pas leur appauvrissement à long terme et sauvegardent ainsi leur potentiel pour satisfaire les besoins et les aspirations des générations présentes et futures »48(*). Ainsi, repose-t-il sur les principes d'utilisation durable et équitable des ressources et d''équité intergénérationnelle. En fait, Il promeut l'approche de l'égalité des espèces face à la vie.

E. Le principe du pollueur-payeur et de la responsabilité pour dommage écologique

Il nous a malheureusement été donné de constater l'effacement quasi absolu du principe pollueur-payeur et celui de la responsabilité pour dommage écologique dans le corpus conceptuel et normatif du droit international de la biodiversité. Le premier, chargeant le pollueur d'assumer les coûts externes causés par sa pollution49(*), n'y intervient que de manière transversale et dans des domaines connexes à la diversité biologique, tels les systèmes normatifs portant réglementation des processus affectant la biodiversité. Ne semble, à cet effet, y faire référence que la convention OSPAR instituant un régime de protection pour l'Atlantique du Nord-est contre les activités à risques pour le milieu marin50(*), pollutions d'origine tellurique, immersions, incinérations, etc.... Le second, impliquant généralement l'existence d'un fait internationalement illicite, n'a aucune consécration normative, encore moins coutumière, en droit international de la biodiversité. Car, s'il est vrai que le droit de Stockholm et celui de Rio, assises du droit de la diversité biologique, s'accordent à reconnaitre le principe de la responsabilité étatique en droit international, il est tout aussi sans conteste, d'une part, que ce système déclaratoire relève de la soft Law, d'autre part, aucune juridiction internationale ou nationale n'a encore sanctionné la responsabilité des Etats pour des dommages causés à la biodiversité51(*). En fait, la Convention sur la Diversité Biologique n'assigne pratiquement aux Etats aucune obligation de réparation des dommages causés à la diversité.

En somme, il nous a été donné d'exposer dans ce chapitre les approches fondatrices du droit international de la biodiversité ainsi que les principes généraux structurant cette branche du droit international de l'environnement. En fait, du choc des approches utilitariste et conservationniste, liées aux disparités entre pays en développement et pays développés, a jailli la nécessité d'un dialogue entre Etats, ce, dans le cadre d'une politique inhérente à la conservation de la diversité biologique et de ses éléments. Aussi, a-t-on pu remarquer que certains principes incontournables du droit international de l'environnement forment le corpus juridique du droit de la biodiversité. Et si ce droit doit son originalité et sa spécificité à l'émergence de l'approche de conservation, pierre d'angle de tout le système, ladite approche, socle des mesures de conservation in et ex situ et fondement même de la norme conventionnelle, ne s'inscrit que dans le cadre d'une obligation de moyen, ce qui fait présumer l'inefficience du cadre juridique. Qui plus est, l'absence du principe pollueur-payeur enlève au droit de la biodiversité tout caractère sanctionnateur. Qu'en est-il en conséquence de l'effectivité de la norme conventionnelle relative à la matière ?

* 35 AMEGANKPOE et AVODE in La Protection de l'environnement au coeur du système juridique international et du droit interne, Acteurs, Valeurs et Efficacité, Actes du colloque des 19 et 20 Octobre 2001, Université de Liège, BRUYLANT, 2003, p. 342

* 36 VAN LANG Agathe, Droit de l'environnement, PUF, 2002, pp. 70, 71

* 37 Principe 21 de la Déclaration de Stockholm de 1972 sur l'environnement.

* 38 Convention sur la Diversité Biologique, Préambule et article 3

* 39 ARBOUR Jean-Maurice, LAVALLEE Sophie, op. cit. p. 29.

* 40 NATIONS UNIES, Recueil des sentences arbitrales, vol. III, p. 1938; [1949] 3 Reports of international Arbitration Awards 1905.

* 41 VAN LANG Agathe, Droit de l'environnement, PUF, 2002, p. 95

* 42 ARBOUR J. M. & LAVALLE S. Droit International de l'Environnement, Ed. Yvon BLAIS, 2006, p.57

* 43 ARBOUR J. M. & LAVALLE S. Droit International de l'Environnement, Ed. Yvon BLAIS, 2006, p. 48

* 44 Nicolas de Sadeleer, Charles-Hubert Born, Droit international et communautaire de la biodiversité, Dalloz, 2004, p. 74

* 45 AMEGANKPOE et AVODE in La Protection de l'environnement au coeur du système juridique international et du droit interne, Acteurs, Valeurs et Efficacité, Actes du colloque des 19 et 20 Octobre 2001, Université de Liège, BRUYLANT, 2003, p. 340

* 46 ARBOUR J. M. & LAVALLE S. Droit International de l'Environnement, Ed. Yvon BLAIS, 2006, p.66

* 47 Nicolas de Sadeleer, Charles-Hubert Born, Droit international et communautaire de la biodiversité, Dalloz, 2004, p. 77

* 48 Convention sur la Diversité Biologique, article 2

* 49 N. DE SADELEER, Les principes du pollueur-payeur, de prévention et de précaution : essai sur la genèse et la portée juridique de quelques concepts du droit l'environnement, Bruxelle, Bruylant, 1999, p. 51

* 50 Nicolas de Sadeleer, Charles-Hubert Born, Droit international et communautaire de la biodiversité, Dalloz, 2004, p. 250

* 51 Nicolas de Sadeleer, Charles-Hubert Born, Droit international et communautaire de la biodiversité, Dalloz, 2004, p. 355

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle