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L'àĒge légal du mariage: approche législative, jurisprudentielle et doctrinale.

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par Aguibou LY
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - MaàŪtrise de droit privé 2010
  

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Paragraphe II : L'analyse de la position des juges.

Ce qui est intéressant dans l'analyse de la position des juges, relativement aux mariages d'enfants, est que cela nous permet de vérifier de quelle manière ces derniers appliquent la loi. Quelle interprétation ils font des lois, une interprétation extensive ou restrictive. Ainsi, il convient de préciser qu'il serait intéressant d'observer et d'analyser la position qu'ont adoptée les juges à travers nos deux décisions à savoir le jugement rendu par la Justice de Paix de Tambacounda en date du 06 décembre 1974 et le jugement no 5012 ; Djariatou CAMARA et autres contre la SOTRAM, LA NATIONALE ; rendu par le Tribunal de Première Instance de Dakar, le 15 novembre 1980.

D'une part, le jugement rendu par la Justice de Paix de Tambacounda en date du 06 décembre 1974 ; il s'agit en l'espèce du sieur Dioulanké Wagne et Sira Awa Gadjigo, alors âgés respectivement de 44 ans et 13 ans, ont contracté mariage selon la coutume laobé islamisée. Sira Awa Gadjigo ayant quitté le domicile conjugal, son mari l'assigne en justice afin qu'elle réintègre le domicile conjugal ou qu'elle lui rembourse toutes les dépenses-dot et autres frais effectués à l'occasion de la célébration du mariage. Par ailleurs, la dame Gadjigo demande l'annulation pure et

simple de son mariage au motif qu'elle est impubère. Avant d'arriver à la solution il serait intéressant de reproduire le raisonnement qu'a suivi le juge à travers son Attendu : « Attendu que l'union matrimoniale du sieur Dioulanké Wagne et de la dame Sira Awa Gadjigo a été célébrée alors que celle-ci n'avait pas encore atteint l'âge requis par l'article 111 du Code de la famille, qui dispose que la femme doit être âgée de plus de 16 ans ; que selon l'article 141 dudit Code, le défaut de l'âge requis est un empêchement dirimant au mariage et toute union célébrée en violation de cette disposition légale est entachée de nullité absolue ; d'après l'article 142 du Code de la famille, la nullité absolue qui frappe son mariage ne peut être couverte que si l'épouse a atteint l'âge requis ou lorsque la femme a conçu ; qu'aucune de ces circonstances ne s'est produite ; la dame Sira Awa Gadjigo n'a pas encore atteint l'âge requis et elle n'a pas conçu puisque le mariage litigieux n'a jamais été consommé. » Par suite ce qui précède, on peut dire que le juge a fait une bonne application de la loi à travers cette décision, qui devait apporter une réponse à la question de savoir s'il est possible d'annuler un mariage célébré, selon la coutume laobé islamisée alors que l'épouse n'avait pas encore l'âge requis pour se marier. On note d'abord que le juge, après avoir constaté les faits, qui se rapportent à la célébration d'un mariage dont l'un des époux n'avait pas encore l'âge requis pour se marier (la fille n'avait que 13 ans), a conclu qu'il y a eu violation de l'article 111 du Code de la famille qui fixe l'âge du mariage à plus de 16 ans pour la fille. Suite à ce constat de la violation de l'article 111 du Code de la famille, le juge évoque l'article 141 du Code de la famille, qui prévoit la sanction en cas de méconnaissance des dispositions de l'article 111 du Code de la famille. Ainsi, l'article 141 du Code de la famille dispose que : «quelque soit la forme du mariage, sa nullité doit être prononcée : ... Lorsque l'un des époux n'avait pas l'âge requis... » Etant donné que les faits ont été rangés dans une catégorie juridique bien déterminée, pour nommer l'opération de qualification des faits mais également la sanction à appliquer en l'espèce est déterminée. Enfin, avant de donner la solution le juge s'est assuré que les faits de l'espèce ne sont pas couverts par l'article 142 du Code de la famille, dans certains cas cet article ordonne aux juges à régulariser les mariages célébrés même

précocement. Par ailleurs tel n'est pas le cas de cette décision si toutefois on se refaire à cette partie de l'attendu du juge : « la dame Sira Awa Gadjigo n'a pas encore atteint l'âge requis et elle n'a pas conçu puisque le mariage litigieux n'a jamais été consommé. » Le reproche qu'on peut adresser à ce jugement est qu'en l'espèce quelque soit la situation puisque c'est la femme qui est à l'origine de la demande d'annulation de son mariage même si elle avait atteint l'âge requis ou avait conçu la nullité absolue du mariage devrait être prononcée afin de se conformer à la dernière partie de l'alinéa 4 de l'article 142 du Code de la famille qui dispose que : « lorsque l'un des époux n'avait pas l'âge requis, la nullité ne peut être invoquée après qu'il ait atteint cet age ou lorsque la femme a conçu, à moins que l'action ne soit intentée par la femme elle-même. » Il est important de noter que c'est après ce raisonnement d'une logique juridique certaine que le juge donne sa solution dans un autre Attendu : « Attendu en conséquence, qu'il y a lieu d'accéder à la demande d'annulation présentée par la dame Sira Awa Gadjigo. » Au demeurant, il importe de noter que cette solution est claire et le juge a fait une application conforme des dispositions du Code de la famille relatives à l'âge du mariage.

Et de l'autre, nous avons le jugement no 5012 ; Djariatou CAMARA et autres contre la SOTRAM, LA NATIONALE ; rendu par le Tribunal de Première Instance de Dakar, le 15 novembre 1980. En l'espèce, il s'agit de la dame Djariatou CAMARA qui est née le 5 janvier 1964 a contracté mariage le 7 mars 1979 sous la coutume toucouleur islamisée avec Alpha Amadou LY né le 15 avril 1948. Le 5 décembre 1979, Alpha Amadou LY décède des suites d'un accident de la circulation et, par acte servis le 7 et 10 janvier 1980, la dame CAMARA assigne l'auteur de l'accident en responsabilité et en paiement en sa qualité d'épouse sur le fondement des dispositions de l'article 137 du Code des Obligations Civiles et Commerciales. Le défendeur à l'action fait plaider l'irrecevabilité de l'action au motif que ce mariage est nul pour avoir été contracté à un moment où la dame n'avait pas l'âge requis par la loi.

Le problème qui se posait au juge était de savoir si la dame CAMARA avait la qualité d'épouse afin de prétendre à la réparation d'un préjudice qu'elle a

certainement subi. En effet, la juridiction devait se prononcer sur un problème de recevabilité d'une action en justice. Le juge de Dakar a répondu par l'affirmative. En effet, après avoir déclaré le mariage nul, de nullité absolue il a, par des attendus qu'il serait intéressant de reproduire, déclaré ladite nullité couverte en se fondant sur l'article 142 alinéa 4 du Code de la famille :

« Attendu toutefois, qu'exceptionnellement, cette nullité d'ordre public peut être couverte lorsque l'époux qui n'avait pas l'âge requis a atteint cet age ;

Attendu que l'interprétation de ce texte de loi (art. 143 alinéa 3 du Code de la famille) ne peut prêter à controverse quant au moment où l'on doit considérer que l'époux a atteint l'âge pour se marier ;

Qu'en effet, aux termes de l'article 135 du Code des Obligations Civiles et Commerciales, l'évaluation de dommage se fait au jour du jugement et non au jour de la demande ou celui du fait dommageable ;

Qu'ainsi, à la date du présent jugement (15 novembre 1980) Djariatou CAMARA qui née le 5 janvier 1964 a largement atteint l'âge de 16 ans, ce qui a pour effet de couvrir la nullité dont était entachée originellement son mariage » ;

En définitive, le raisonnement du juge de Dakar à travers ces attendus mérite d'être discuté. Au demeurant, la particularité en matière de mariage provient du souci du législateur de sauvegarder autant que possible cette institution. C'est la raison pour laquelle le mariage entaché de nullité peut être couvert dans deux cas seulement aux termes de l'article 142 du Code la famille.

1° lorsque l'époux qui n'avait pas atteint l'âge requis a atteint cet âge,

2° lorsque la femme a conçu.

En ce qui concerne le second cas relatif à la conception, le problème est relativement simple car il y a là un renversement de la présomption selon laquelle l'aptitude à la procréation n'existe pas avant 16 ans. Le problème se pose autrement lorsque l'époux qui n'avait pas l'âge requis a atteint cet âge. Effet, deux situations peuvent être envisagées :

la première est celle où l'époux mineur a atteint l'âge requis alors que son conjoint
est encore vivant. C'est l'hypothèse la plus simple à résoudre et les dispositions de

l'article 142 du Code de la famille s'appliquent normalement.

La seconde est celle où l'époux n'avait atteint l'âge requis au moment où son conjoint est décédé. C'est le problème que soulève ce jugement. Il convient ainsi de se demander à quel moment doit-on se situer pour déterminer l'âge du conjoint survivant encore mineur ? La réponse à cette question est déterminante pour la déclaration de validité ou de nullité de ce mariage. Le tribunal de Dakar a entendu résoudre ce problème en se fondant sur les dispositions de l'article 135 du Code des Obligations Civiles et Commerciales aux termes duquel, nous le rappelons, « l'évaluation du dommage se fait au jour du jugement ». A notre avis, le problème qui se pose est moins celui de l'évaluation du dommage subi par Djariatou CAMARA qui relève d'une question sur le fond de l'affaire, que celui du moment de la détermination de l'âge de la demanderesse, donc la recevabilité de son action. Il faut préciser qu'en réalité « évaluer un dommage » suppose nécessairement au préalable l'existence de ce dommage ; l'existence dudit dommage appelle les notions de responsabilité et d'imputabilité, et pour qu'il puisse y avoir réparation, il faut que la victime du fait dommageable qui doit être évalué plus tard ou ses ayants droit remplissent les conditions d'exercice de l'action en justice. La demanderesse avaitelle la qualité d'épouse de la victime et la capacité d'ester en justice pour prétendre à la réparation qu'elle a réclamé ? La réponse est juridiquement négative pour deux raisons :

la première est qu'on admettra difficilement, comme la soutenu le juge du tribunal de Dakar que « l'interprétation de ce texte de loi (art. 142 du Code de la famille) ne peut prêter à controverse quant au moment où l'on doit considérer que l'époux a atteint l'âge requis » pour la raison bien simple qu'il n'est contenu nulle part dans le Code de la famille une disposition qui détermine ce moment ; d'autre part le recours à l'article 135 du Code des Obligations Civiles et Commerciales n'est pas à proprement parler opportun, car cette disposition est prévue dans la section IV qui traite des dommages et intérêts, section elle-même contenue dans le chapitre 1° du titre II du Code relatif au droit commun de la responsabilité, alors que dans le cas d'espèce il est plutôt question d'aborder de la validité d'un mariage et de la recevabilité d'une

action en justice.

La seconde raison est tirée de l'application de l'article 222 du Code des Obligations Civiles et Commerciales et un exemple pourrait asseoir notre démarche. Une fillette de 11 ans est donnée en mariage par ses parents comme il est fréquent de le constater dans certaines de nos coutumes. Son époux décède des suites d'accident une année après cette union. Le mariage est en principe nul car, une condition de fond du mariage (l'age) n'est pas remplie. Mais l'application de la jurisprudence du tribunal de Dakar, conduirait aisément à déclarer la nullité de ce mariage couverte. En définitive, il suffirait à la demanderesse, compte tenu de la prescription décennale de l'action civile de l'article 222 du Code des Obligations Civiles et Commerciales, d'attendre quatre années après la mort de son conjoint, pour assigner l'auteur de l'accident en sa qualité d'épouse, car au jour du prononcé du jugement, elle aurait en tout cas plus de 16 ans. Il convient dès lors de noter que la combinaison des articles 135 et 222 du Code des Obligations Civiles et Commerciales pourrait entraîner des solutions contraires à l'esprit du législateur dans ses efforts de protection des conditions de fond du mariage dont le respect de l'âge légal du mariage.15

A la suite, la position des juridictions sénégalaises, nous verrons la position de la doctrine sur la pratique du mariage précoce.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire