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Morale et politique chez Kant: le républicanisme comme fondement de la responsabilité morale en politique

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par Moussa Sahirou Tchida
Université de Ouagadougou - Maà®trise ès lettres et philosophie 1998
  

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2. DE L'AUTORITE DE LA LOI MORALE A LA RIGUEUR DE LA LOI JURIDIQUE

La loi morale comme la loi juridique s'impose a l'individu en terme de contrainte avec cette difference essentielle que la premiere suppose une contrainte que le sujet s'impose a lui-meme et la seconde renvoie a une contrainte venue de l'exterieur. En d'autres termes, la loi morale decoule de la volonte particuliere et autonome du sujet, alors que la loi juridique (tirant son origine du droit positif) emane de la volonte du legislateur qui, dans la Republique, est le peuple a travers ses representants. Il y a lieu egalement de souligner que la loi morale et la loi juridique caracterisees par une universalite formelle, nous renvoient aux concepts de morale privee et de morale publique. Par cette derniere, nous entendons les principes et bonnes manieres admis par tous les citoyens dans leurs relations publiques.

Comme telle, il n'y a pas de difference, entre elles mais presentent une certaine complementarite, car le sujet moral ne vit pas en dehors de la societe. Il ne peut donc y avoir une mise entre parentheses de la realite sociale par celui-ci dans la mesure oil le monde qui fait irruption dans la solitude de son :tre "l'empêche de s'apaiser dans l'oubli de la realite commune, la realite de l'action

39 Kant, Euvres philosophiques, T03 Gallimard 196 8, p 2 83

40 Eric Weil, Philosophie politique, J Vrin 19 84.

et des conséquences"41. En effet, les maximes du sujet moral ne prennent forme qu'à l'occasion 'actions dans le monde des hommes. Autrement dit, même si pour le sujet moral les conséquences de ses actions ne déterminent pas ses maximes, il n'en demeure pas moins qu'il ne peut pas rester indifférent aux conséquences qu'engendreront ses actions, car elles sont aussi l'élément de mesure de validité même des maximes.

Il est donc de notre devoir de veiller a ce que les actions que nous initions soient seulement fondées sur des maximes pouvant être valables pour tout être raisonnable, et qu'elles soient aussi conformes a la loi juridique, au principe de "non nuisance" a la liberté et au bien d'autrui. Il s'agit donc du domaine du droit oil "les fins que se propose le sujet n'impliquent pas pour être réalisées que la liberté d'un sujet opprime celle d'un autre"42. Les lois juridiques ne sont pas de créations ex nihilo, elles peuvent être considérées comme la formalisation des principes du droit naturel. Elles constituent une sorte de consensus entre les hommes qui, en décidant de vivre ensemble, décident par le même motif d'établir des règles de conduite auxquelles chacun devrait se conformer pour l'harmonie et la cohésion de la communauté.

La loi juridique organise le role de chacun, fixe les conditions d'acquisition et de conservation du "mien et du tien", elle crée les conditions d'un agir humain a même de prendre en compte la dignité et la liberté des autres. La loi juridique n'est donc pas essentiellement coercitive, car elle suppose d'abord une référence, un repère pour des individus qui ont tendance a s'éloigner de la morale publique, en s'abandonnant a leurs inclinations subjectives. La loi juridique constitue donc une sorte de rappel et d'avertissement a chaque individu pour qu'il reste dans les limites de sa nature raisonnable et évite d'attenter a la morale publique. En un mot,, nous pouvons dire que la loi juridique a aussi un role préventif.

Par ailleurs, la place de l'homme dans la société est celle du particulier dans l'universel, deux concepts qui s'interprètent, s'inter définissent, et qui sont par conséquent inclusifs : l'un ne peut se définir sans l'autre. Ainsi, l'action de l'homme en vue de ses propres fins selon "la raison liberté" est aussi action sur le monde. Partant de cela, il apparait qu'il n'y a pas a proprement parler de morale exclusivement privée, car toute opinion morale appelle autrui pour sa reconnaissance en ce sens qu'autrui représente ici, toute la communauté des citoyens a travers la morale publique. De ce point de vue, les maximes que je me donne ne doivent pas être en principe tues et tenues au secret, mais portées a la connaissance des autres pour évaluer la pertinence. Rappelons que le maxime est le principe subjectif qu'un sujet moral se donne en vue d'une action. La question

41 . Eric Weil, op cit p 31.

42 Kant, Métaphysique des Moeurs, Doctrine du droit, Gallimard 19 86, p 15.

a ce niveau est de savoir si elle aura valeur objective pour etre raisonnable, c'esta-dire, si elle peut etre erigee en loi universelle. Or, on ne peut savoir si elle aura cette valeur objective, sans qu'elle ne soit au prealable confronte aux opinions des autres. D'ou le principe de "publicite" dont parle Kant et qui doit necessairement etre pris en compte dans la definition de nos maximes. Kant souligne ainsi, que "la maxime que je n'ose publier, sans agir contre mes propres fins, qui exige absolument le secret pour reussir, et que ne saurais avouer publiquement sans armer tous les autres, contre mon projet, une telle maxime ne peut devoir qu'a l'injustice dont elle menace cette opposition infaillible et universelle dont la raison prevoit la necessite absolue"43.

Cependant, le principe de publicite ne prend tout son sens que dans le cadre du droit public et celui du rapport entre gouvernants et gouvernes. En effet, les citoyens doivent etre tenus informes des lois et decisions prises en ce qui les concerne, pour qu'ils puissent au titre de l'opinion publique, donner leur appreciation. En ce qui concerne precisement les lois, elles doivent faire l'objet de publicite pour qu'elle recueille l'assentiment et l'adhesion libre de tous, afin qu'elles soient maintenues et renforcees dans leur cadre imperatif. Toute loi qui, dans une republique, ne recueille pas l'adhesion libre de tous, c'est-à-dire qui ne soit pas compatible avec la volonte generale [de tous] est tyrannique, autrement dit injuste.

Si dans la morale privee, c'est la volonte libre et autonome du sujet qui est legislatrice, il s'en suit qu'en ce qui concerne la morale publique, c'est la volonte unifiee de tous qui est legislatrice, car comme le souligne Kant, "il n'y a que la volonte concordante et unifiee de tous, pour autant que chacun pour tous et tous pour chacun decident la meme chose (...) qui puisse etre legislatrice"44. Dans le domaine de la loi, aucun mutisme n'est tolere, car ne dit on pas que dans une republique ou tout est regle par les principes du droit "nul n'est sense ignorer la loi ?". Or, peut-on effectivement connaitre et respecter la loi, si elle ne fait pas l'objet de publicite (condition de transparence dans le processus de decision) ?

C'est donc par la publicite qu'on peut connaitre et respecter la loi (loi juridique s'entend). La publicite participe ici au renforcement du caract&re universel de la loi, qui doit en principe s'imposer a tous. Mais, l'universalite n'est pas le seul point commun entre la loi morale et la loi juridique, il y a aussi le principe d'egalite. En effet, le caract&re universel de la loi morale et de la loi juridique dont on parle, ne peut avoir de sens que lorsqu'on consid&re effectivement que tous les hommes sont egaux en dignite et en droit et qu'ils soient tous capables de saisir la substance rationnelle de la loi. Le respect de la

43 Kant, Euvres philosophiques, T3 Gallimard 19 86, p 37 8.

44 Kant, Euvres philosophiques, Gallimard 19 86, pp 57 8-579

loi morale et de la loi juridique incombe donc a tout être raisonnable et a tout citoyen et personne ne doit se soustraire de cette logique, dans la mesure oil, de part notre nature, nous sommes tous libres et égaux et jouissons tous de la faculté de discerner le bien du mal.

Ainsi, chacun d'entre nous doit pouvoir s'élever au dessus de son individualité et exercer de manière autonome sa volonté en vue de conférer a ses actions une valeur morale. La maxime que je me donne comme règle pratique a ma volonté, devrait en tout lieu être celle que se donnera un autre en toute circonstance comme une loi universelle c'est-a-dire une règle de droit. Le droit est corollaire de la loi, ils entretiennent une sorte de relation dialectique en ce sens que le droit est exprimé par la loi et que la loi elle-même se détermine par le droit. La loi découle toujours de la nécessité de traduire expressément ce que les hommes ont le droit de faire ou de ne pas faire. La loi est donc toujours ce par quoi les droits des uns sont protégés contre les désirs et les tentations des autres a les violer.

L'obéissance a la loi n'est donc pas la soumission a une simple règle, mais c'est avant tout le respect de la dignité de la personne humaine. C'est en cela que le respect de la loi devient un impératif catégorique, un devoir auquel chacun d'entre nous doit se soumettre. Il se trouve ainsi que si nous pouvons distinguer une loi juridique d'une loi morale, force est de reconnaitre que l'obéissance que nous devons a l'une ou a l'autre émane de notre nature d'être libres. Kant dira a cet effet : "qu'il faut qu'il soit dans toute communauté une obéissance au mécanisme de la constitution politique d'après des lois de contrainte, mais en même temps un esprit de liberté étant donné que chacun exige en ce qui touche au devoir universel des hommes, d'être convaincu par la raison que cette contrainte est conforme au droit afin de ne pas se trouver en contradiction avec soi-même. L'obéissance sans l'esprit de liberté est la cause de la naissance de toutes les sociétés secrètes"45. Il se trouve ainsi qu'un système de lois qui s'adresse a des personnes raisonnables afin d'organiser leur conduite doit se préoccuper ce qu'elles peuvent faire ou ne pas faire en tenant compte de leur liberté.

L'obéissance aux lois constitue pour chacun un devoir qu'il s'impose a lui-même et que lui impose aussi la communauté, parce qu'il est une partie de ce tout et qu'a ce titre il est lui-même législateur. L'obéissance a la loi juridique ne se fonde pas a priori sur des considérations morales, mais elle contribue a promouvoir chez le citoyen la faculté de moraliser sa conduite, c'est a dire qu'elle l'amène a conformer sa conduite aux valeurs du juste et du bien. Par ailleurs, le non respect de la loi juridique et la non reconnaissance de sa

45

Kant, Euvres philosophiques, T3 Gallimard 19 86, p 342. Op cit, p 342

souverainete sont des delits qui peuvent concourir a la degenerescence de l'Etat en le precipitant dans l'anarchie. La loi est le ciment de la societe, son respect eleve la conscience individuelle, a l'universalite. Les juristes disent a cet effet que "la loi est generale, impersonnelle et universelle dans objet et sa portee. "

Une analyse plus approfondie des concepts de la loi juridique et de la loi morale nous revele dans une mesure que la rigueur de l'une peut se comprendre par l'autorite de l'autre. L'individu qui fait violence sur lui-meme pour respecter la loi morale en lui, se voit obliger d'observer la meme rigueur a l'egard de la loi qu'il a en partage avec les autres au nom du principe, "du dois, donc tu peux". Ce principe implique tout simplement que la maxime que je me donne librement ou la loi qu'on se donne tous ensemble et souverainement, n'a ete acceptee que parce que nous pensons honnetement pouvoir l'appliquer.

De la loi morale a la loi juridique, Kant lance un appel au sujet moral confondu en la personne du citoyen de faire "un bon usage, un usage public de sa raison". Nous retrouvons d'ailleurs l'echo d'un tel appel a travers la maxime fondamentale de la raison pure pratique :"Agis de telle sorte que la maxime de ta volonte puisse toujours valoir comme un principe de la legislation universelle"46.

En definitive, nous devons retenir que la loi juridique tout en etant une loi de contrainte, garantit tout de meme nos libertes, car en tant que principe de legalite, elle trouve son fondement "dans l'accord conclu par des personnes raisonnables en vue d'etablir pour elles-memes la plus grande liberte possible egale pour tous"47. Aussi, devons-nous convenir avec Hayek que "la difference entre les lois morales et juridiques n'est pas entre des regles qui se sont developpes spontanement, et ces regles qui ont ete faites deliberement, car la plupart des regles du droit n'ont pas ete faites deliberement a leur origine. C'est plutot une distinction entre des regles auxquelles la procedure d'officialisation par l'autorite contraignante legitime devrait s'appliquer, et celles auxquelles elle ne devrait pas s'appliquer"47.

Nous aborderons a present le role de l'opinion publique dans le processus de moralisation de la vie publique par le biais de la liberte de presse.

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