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Morale et politique chez Kant: le républicanisme comme fondement de la responsabilité morale en politique

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par Moussa Sahirou Tchida
Université de Ouagadougou - Maà®trise ès lettres et philosophie 1998
  

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3. DE LA LIBERTE DE PRESSE COMME CONDITION D'EMERGENCE D'UNE OPINION PUBLIQUE MORALISATRICE

Dans les democraties representatives modernes, les decisions et lois que les organes executifs, ou legislatifs prennent ne sont pas forcement toujours celles conformes a la volonte generale du peuple. Dans ces conditions, le peuple

46 Kant, Critique de la raison pratique, PUF, 1966, p 53

47 John Rawls, Theorie de la justice, Seuil, 19 87, p 276

peut-il rester muet face a des decisions et des lois prises en son nom et qui vont A l'encontre de ses interets ?

La reponse est manifestement negative. Kant suppose a cet egard que la liberte de presse, qui est selon ses termes propres, "la liberte d'ecrire", est un puissant moyen pour le peuple ou pour ceux qui sont ses "porte-voix" de denoncer les actes injustes pris par les gouvernants. Ainsi, le peuple (qui, chez lui n'a pas le droit de desobeir ou de resister a l'autorite politique), peut donc legitimement exprimer son opinion ou denoncer les decisions gouvernementales qu'il juge injustes.

Les gouvernants soumis a l'obligation de conformer leurs missions aux aspirations du peuple, ne doivent en aucun cas "faire ce que le peuple ne fera pas pour lui-meme"48. Ils ont donc vocation a laisser le peuple s'exprimer librement. Ils y ont meme inter:t car l'opinion publique est comme un "miroir", qui reflete l'accueil fait par le peuple aux decisions des gouvernants. Elle constitue ainsi un thermometre social, une source de pression morale et un lieu d'approbation ou de refus des actes des gouvernants. La liberte d'expression est avant tout un droit inalienable reconnu aux citoyens par toutes les constitutions s'inspirant de la declaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de 17 89. Cette declaration stipule en son article 11 que "la liberte de communication, des pensees et des opinions est un des droits les plus precieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, ecrire, imprimer librement, sauf a repondre de l'abus de cette liberte dans les cas determines par la loi"49.

La presse comme moyen d'expression de l'opinion publique est dans une certaine mesure un autre moyen de controle de l'action des gouvernants d'evaluer leurs decisions afin de les corriger le cas echeant. Sinon, par quelle voie, comme se le demande Kant, "le gouvernement peut-il obtenir les informations qui viennent en aide a son propre dessein, sinon en laissant s'exprimer l'esprit de liberte, si digne de respect dans son origine et dans ses effets"50. Par consequent, lorsque les gouvernants, sont convaincus qu'en tant qu'hommes leurs oeuvres ne sont jamais parfaites et persuades qu'ils agissent au nom du peuple, ils doivent se convaincre egalement que l'opinion publique leur est indispensable pour la realisation du destin national.

La liberte de presse qui permet une expression d'opinions plurielles est ce qu'il y a de mieux pour animer le debat politique dans une saine emulation republicaine. En effet, n'y avait-il pas pour reprendre les propos de Charles Ledre "d'interêt a ce que les idees, les initiatives, les projets des gouvernants

48 Friedrick, A Hayek, Droit, Legislation et Liberte, T2, PUF 1926, p 6 8.

49 Kant, Euvres philosophiques T3, Gallimard 19 86, pp 2 88-2 89.

50 Kant, Euvres completes, Gallimard 19 86, p 2 89-290.

fussent soumis a une discussion d'autant plus opportune qu'il se trouve moins de science et de ressources dans la tete, meme ministerielle, que dans toutes les tetes"51.

Il se trouve alors que la premiere tache d'un gouvernement republicain est de veiller a ce que la liberte de presse soit sauvegardee et cela dans l'interet general. Toutes les actions que le gouvernement initiera sont supposees etre destinees au peuple. A ce titre, il apparait logique que des citoyens mieux avertis, plus informes et plus instruits se fassent le devoir d'exprimer leur opinion. Il est meme un devoir pour le citoyen de se prononcer sur les actes du gouvernement s'il les jugent injustes. P.L. Cour disait si justement : "laissez dire, laissez-vous blamer, condamner, emprisonner, laissez-vous pendre, mais publiez votre pensee. Ce n'est pas un droit, c'est un devoir, etroite obligation de quiconque a une pensee de la produire et mettre au jour pour le bien commun. La verite est toute et a tous"52.

La presse au sens large du terme, c'est-A-dire celle qui informe, qui eduque le peuple, celle qui porte haut sa voix, est indispensable pour garantir une gestion rationnelle de la chose publique. A travers elle, nous publions et diffusons nos attentes, nos inquietudes, nos approbations et desapprobations sur la gestion de notre patrimoine national. Lorsqu'il y a absence ou etouffement de l'opinion publique dans un Etat quel qu'il soit, il y a un risque evident de derapage et d'abus de la part des gouvernants. A ce propos, les affirmations de Sylvain Marechal sont assez eloquentes quand il dit que "dans quelque Etat que se trouve la chose publique, n'en desesperer pas tant qu'elle aura pour sentinelle la liberte absolue de la presse. Mais n'attendez rien du salut de la patrie si vous vous laissez dessaisir de cette arme, avec laquelle vous serez invulnerable et sans laquelle vous deviendrez esclaves..."53.

Par ailleurs, si Kant privilegie la liberte de presse, c'est parce qu'il estime qu'elle est aussi un mode de pacification des rapports entre gouvernants et gouvernes. C'est donc par la communication et le dialogue que l'on peut parvenir a un accord sur la maniere de gerer les affaires de l'Etat. Et lorsqu'il arrive que le citoyen apprehende mal les actions gouvernementales en voyant en elles des formes d'injustice, il se doit de se donner les moyens appropries pour manifester ses inquietudes. Il ne s'agira pas pour lui de se soustraire et d'envisager une quelconque rebellion, a laquelle Kant s'oppose farouchement comme il a ete dejà dit. A cet egard donc, Kant suggere encore la publicite "comme tout homme possède cependant ses droits inalienables qu'il ne peut

51 Charles Ledre, Histoire de la presse, Fayard 195 8 p 93

52 P.L. Com, (Euvres completes, Fayard 1962, p 214.

53 Sylvain Marechal, homme politique francais de l'ere de la revolution, cite dans l'histoire de la presse, op cit p 115

jamais abandonner, quand bien meme il le voudrait, et au sujet desquels il est lui-meme autorisé a juger, mais que l'injustice dont il se considère la victime n'arrive, d'après ce qui vient d'être posé, que par erreur ou par ignorance de la par du pouvoir supreme de certaines conséquences des lois, il faut que le citoyen ait la possibilité, et ce encourager par le souverain lui-meme, de faire connaitre publiquement son avis sur ce qui, parmi les dispositions prises par le souverain lui semble constituer une injustice en vers la communauté"54.

En somme, en nous appuyant sur le cas de la liberté de presse dans les pays de grande tradition démocratique, l'on constate que l'opinion publique par ce biais, influe considérablement sur les décisions gouvernementales. Aussi, les sondages régulièrement effectués sur cette opinion publique par rapport a des questions précises d'intérêt national amènent les gouvernants a mieux réfléchir avant de poser tout acte tant dans leur vie publique que privée. Par la liberté de presse et la pleine jouissance qu'en effectue l'opinion publique nationale, il est constater plus de rigueur dans la gestion de la chose publique, plus de tenue pour les gouvernants et moins de dérapage et d'abus du pouvoir sur les citoyens. A travers la liberté de presse telle que prescrite et défendue par Kant, nous entrevoyons une réconciliation de la politique avec elle-même a travers cette forme d'humanisation et de moralisation des rapports entre gouvernants et gouvernés dans la logique d'une approche participative en vue de la gestion responsable de la chose publique. Un tel processus trouvera son prolongement dans l'analyse du rapport entre la doctrine du droit, objet de réflexion au chapitre suivant.

54 . Kant, Euvres philosophiques, T3, Gallimard 19 86, p 2 88.

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