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Morale et politique chez Kant: le républicanisme comme fondement de la responsabilité morale en politique

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par Moussa Sahirou Tchida
Université de Ouagadougou - Maà®trise ès lettres et philosophie 1998
  

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2. DE LA LOGIQUE DE L'ETAT CHEZ MACHIAVEL

Comme Hobbes en ecrivant le Leviathan, c'est aussi l'amertume et la desolation devant la degenerescence de son pays qui ont conduit Machiavel a rediger le Prince. A travers cette oeuvre, il s'agit pour lui de proposer une logique politique qui permette a l'Italie de surmonter le desordre ne des incessantes guerres intestines qui l'ont secouee. Il y a lieu de rappeler ici qu'à l'aube du capitalisme industriel, l'Italie imposait a ses voisins europeens sa

suprématie commerciale. Son rayonnement économique lui attirait de plus en plus la convoitise des pays comme la France, l'Espagne et la Suisse.

Au plan militaire, l'Italie était en proie a des guerres intestines et ne comptait qu'une multitude des petits Etats rivaux, toujours entrain de se faire et de se défaire. Cette situation fragilisera du coup la puissance militaire du pays, ce qui favorisera son invasion a plusieurs reprises par les trois pays précités. C'est d'ailleurs ce qui a fait dire a Machiavel que "l'Italie a été connue par Charles, pillée par Louis, violée par Ferdinand et déshonorée par les suisses"13. C'est donc excédé par la barbarie des hommes et surtout les exactions que subissait son pays, que Machiavel souhaita l'arrivée d'un prince, capable de débarrasser l'Italie du pillage et de l'anarchie, de la libérer de ses envahisseurs, afin d'en restaurer et maintenir l'ordre et l'unité.

La déconfiture de l'Italie amena Machiavel a préconiser l'instauration d'un régime fort en vue de discipliner les hommes. Ainsi, bien qu'il souligna que l'histoire est le lieu d'un mouvement qui porte les Etats vers la liberté et la démocratie, cela n'était pas encore possible dans le cas particulier de l'Italie qui vivait un grand désordre et oil, seule une main princière devrait préalablement ramener l'ordre et l'unité.

A partir de ce moment, Machiavel proposa une nouvelle vocation de l'Etat qui consiste non pas a restaurer l'ordre pour le salut exclusif des citoyens, mais pour le salut du prince en le renforcant dans l'exercice du pouvoir. Pour Machiavel, il n'y a de droit que celui qu'une force est capable d'imposer. C'est la force qui décide en politique alors que la morale demeure presque impuissante. La conduite des affaires politiques exige du prince un comportement contraire a la vertu.

Suivant la logique Machiavélique, dans la conduite des affaires de l'Etat, c'est la réussite de l'action politique qui compte et pour y parvenir tous les moyens sont bons et nécessaires. La réussite est donc le premier critere d'évaluation. La bonne politique est celle qui réussit a maintenir l'autorité de l'Etat quels que soient les moyens utilisés. Comme on le constate, c'est l'efficacité que Machiavel vise en politique et il n'y a de mauvais politicien ou de mauvais prince que celui qui ne peut pas faire aboutir ses actions.

Il apparait chez Machiavel que rien n'a plus d'importance que le salut du souverain. Le peuple est relégué au second plan comme s'il n'a pas droit a la protection. Et le paradoxe vient justement du fait que dans le commerce entre Etat et citoyens, ce n'est pas le souverain qui sécurise le peuple, mais plutôt

13 Machiavel, Euvres Completes, Gallimard et 952, ch. xvi p 322.

c'est lui qui se protege contre le peuple, comme si ce dernier est son ennemi. Le comble vient du fait que Machiavel n'hesite pas a prescrire l'usage de la violence pour maintenir le pouvoir du prince. Il soutient qu'avoir le pouvoir c'est contrôler une situation a son avantage et la force souvent est le moyen le mieux indique. Est bonne, une violence qui detruit l'adversaire une fois pour toutes ; est mauvaise la violence qui se repète, et devient alors une terreur continue.

Dans le langage politique de Machiavel, nous constatons que les notions de liberte, de justice, d'egalite sont quasi inexistantes alors qu'elles constituent les valeurs essentielles pour toute politique qui se donne une dimension morale. Machiavel fonde ainsi sa politique en la debarrassant des considerations morales. Ce refus total d'introduire la morale en politique traduit comme on l'a dejà dit ce realisme politique de Machiavel. Il preconise la pratique politique plutot conforme aux realites effectives qu'aux ideaux : "il m'a paru plus pertinent de nous conformer a la verite effective de la chose qu'aux imaginations qu'on s'en fait. En effet, il y a si loin de la façon dont on vit a celle dont on devrait vivre, que celui qui laisse ce qui se fait pour ce qui se devrait faire, apprend plutot a se detruire qu'a se preserver"14.

Une autre caracteristique de la pensee politique de Machiavel qui caresse aussi une certaine amoralite dans la conduite des affaires de l'Etat, c'est la duplicite dont peut faire preuve le prince en fonction des circonstances. En effet, Machiavel developpe une dialectique de l'etre et du paraitre par laquelle le prince doit revetir, selon le besoin, un comportement humain ou animal. Il demande ainsi a l'homme d'Etat d'être centaure (le cas echeant) c'est-A-dire cet animal mythique qui possede a la fois une partie humaine et une autre animale.

Il faut donc aussi savoir faire la bête pour maintenir son pouvoir, savoir ne pas tenir a ses promesses, savoir s'eloigner du bien et "entrer dans le mal". Il confere donc a l'apparence une grande importance, car elle joue beaucoup sur l'imagination des foules. Machiavel souligne que "l'universalite des hommes se repait de l'apparence comme de la realite, souvent l'apparence les frappe meme plus que la realite"15. Il ajoute aussi que la societe des hommes est une societe de spectacle "tout le monde voit bien ce que tu sembles, mais bien peu ont le sentiment de ce que tu es."16

La leçon essentielle a tirer de cette duplicite, c'est l'incitation qui est faite au prince de se servir souvent du mensonge. Il estime en effet, que le mensonge vaut plus souvent mieux que la fidelite a la parole donnee. Il fait remarquer a ce

14 Machiavel, Euvres Completes, Gallimard 1952, p 332.

15 Machiavel, op cit p 343.

16 Ibidem, p 34 8.

niveau que beaucoup de princes s'en étaient bien tirés non pas en faisant de la loyauté leur base de conduite, mais en faisant peu cas de cette fidélité et en s'imposant aux hommes par la ruse. A propos justement de la ruse, il estime que pour s'élever d'une condition médiocre a la grandeur, elle est plus nécessaire que la force, mais que ruse et force doivent par principe etre complémentaires. C'est en cela qu'il définissait la vertu comme la promptitude a savoir se servir de la force et de la ruse.

Machiavel préconise tous les moyens qui peuvent permettre au prince d'atteindre les fins qu'il vise. Il justifie cette approche par le fait que les princes ne peuvent pas etre scrutés devant un tribunal. Il préconise a cet effet, que "le prince songe uniquement a conserver sa vie et son Etat ; s'il y parvient tous les moyens qu'il aura pris seront jugés honorables et loués par tout le monde."17

C'est la recherche d'un Etat fort qui pousse Machiavel a investir son prince des responsabilités exceptionnelles, a le situer au dessus du commun des mortels et a l'autoriser a entrer dans la voie du mal si nécessaire. Convaincu que seule l'extreme rigueur du pouvoir politique peut écarter de l'Etat le spectre du désordre, Machiavel fait table rase de toutes les considérations morales. A ce égard, on est tenté encore de s'interroger, si on fait la politique pour le bien du peuple ou si seulement on fait la politique parce qu'on a soif du pouvoir, soif de gouverner, soif des privileges et des honneurs qui s'y rattachent1 8. Dans ce cas, rien d'autre alors n'a d'importance que la conquete, l'exercice et la préservation du pouvoir.

En définitive, au regard de ce qui précede et pour apprécier brievement la pensée politique de Machiavel, nous allons nous en tenir a la réflexion de Raymond Aron qui affirmait que : "Machiavel, penseur politique a dit et répété avec une absolue franchise, qu'il fallait voir la réalité telle qu'elle est, non telle que l'on voudrait qu'elle fQt. En ce sens élémentaire, il proclame ce que les uns appellent réalisme, les autres cynismes, les autres esprits scientifiques. A certaines époques et dans certaines circonstances, l'esprit scientifique, s'il se comporte ou érige l'emploi des moyens efficaces pour atteindre certains objectifs, aboutit a un certain cynisme. La rationalité dans le choix des moyens, déduites de l'observation sans préjugé des consécutions causales, ne garantit pas plus la moralité des moyens que celle des fins."19

17 Ibidem, P 34 8.

1 8 Spinoza "Machiavel n'a fait que montrer de quels moyens un prince omnipotent dirigé par son appétit de domination doit user pour se rétablir et maintenir son pouvoir" du Traité d'autorité politique, ch. v & 7 p 137, Flammarion 1977.

19 Raymond Aron Machiavel et Marx, in Revue "Centre joint" n°4 été 1971.

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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe