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Dynamique forestière post-exploitation industrielle: Cas de la forêt dense semi- décidue de Mbalmayo au sud Cameroun

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par Déric KEMADJOU MBAKEMI
Université de Yaoundé I - Master II géographie 2011
  

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VIII.3.2 La dynamique forestière induite par les activités anthropiques

Les activités anthropiques qui imposent les marques les plus visibles sur la végétation sont surtout l'agriculture et l'exploitation du bois. Leur influence sur l'évolution du couvert végétal a été diversement documentée.

VIII.3.2.1. La régénération post-culturale

Les champs abandonnés après récolte connaissent eux aussi une activité dynamique. La vitesse de la reconstitution qui s'opère est fonction du nombre de cycles culturaux antérieurs. Un espace qui a été pendant longtemps exploité verra son potentiel de régénération réduit. Certains éléments de l'environnement immédiat peuvent également avoir une influence sur la reconstitution. C'est par exemple le cas de la présence sur les jachères de certains arbres épargnés par un abattage sélectif pendant l'activité agricole. Ces « orphelins de la forêt » (Carrière, 1999) ont un rôle déterminant dans la dynamique forestière. En effet, l'arbre au sein de l'agrosystème crée les conditions favorables à l'installation des essences ligneuses et facilite la régénération du couvert forestier (Yarranton et Morrison, 1974)9.

Certains auteurs comme Carrière (1999) considèrent que l'agriculture extensive traditionnelle basée sur le système de cultures itinérantes ou essartage, joue un rôle proche de celui des chablis dans la dynamique forestière. Pour cet auteur, dans certaines situations, les perturbations induites par les agriculteurs ne sont pas préjudiciables à la biodiversité de la forêt, mais au contraire, elles en constituent un des éléments. Cela s'explique par le fait que les agriculteurs en aménageant les parcelles de cultures, épargnent un certain nombre d'arbres pour diverses raisons comme la fertilisation pour le cas des légumineuses. D'autres raisons expliquent la préservation des arbres

dans les champs. C'est le cas des arbres fruitiers, des arbres d'ombrage, des essences à valeur culturelle ou rituelle, des éléments à valeur médicinale ou culinaire. Aussi, une fois la parcelle abandonnée en jachère, ces arbres dispersées favorisent ou accélèrent la reconstitution de la forêt du fait qu'ils sont des portes graines et servent aussi de perchoirs aux oiseaux et animaux grimpeurs qui s'y attardent pour manger ou pour expulser leurs déjections. Aussi, les perturbations induites par l'agriculture itinérante pratiquée en forêt dense humide dans un contexte de faible densité démographique présentent quelques caractéristiques semblables aux perturbations naturelles. Plusieurs raisons expliquent cela :

· Les perturbations cycliques qui y sont pratiquées correspondent à des éclaircies temporaires que le calendrier agricole des terroirs autorise ;

· Le terroir agricole en mosaïque de phases de jeunesse (construction, jeune jachère), de maturité (jachère âgée) et de vieillesse (destruction par essartage, retour à la culture) y constitue un facteur de maintien de la biodiversité;

· Les perturbations fréquentes (temps de jachère de 20-30 ans) tout comme les chablis loin de diminuer la diversité biologique, y permettent plutôt le renouvellement ;

· La variabilité des intensités des perturbations (faibles superficies défrichées, dispersion des champs dans le terroir, courte durée des cultures, rotations déclenchées avant la diminution de la fertilité des sols) concourt également à un maintien de la biodiversité globale et même parfois à un enrichissement par le biais d'introduction d'espèces.

Toutes ces perturbations anthropiques améliorent la forêt en tant que ressource utilisable pour l'homme et contribuent de manière significative à la structuration en taches de la forêt et donc au maintien de sa biodiversité à l'échelle locale. Le maintien et surtout l'évolution de la biodiversité s'expliqueraient par les changements climatiques et écologiques (pénétrations de nouvelles espèces) ainsi que par les facteurs historiques (sédentarisation des villages), sociaux (évolution des maîtrises foncières, agencement des cultures dans l'espace) et culturels (abattage ou non de certaines espèces d'arbres culturellement valorisées). Dans une perspective dynamique, on peut résumer l'action de l'agriculture itinérante par une altération puis une reconstitution de la forêt, donc un maintien de la biodiversité et une évolution de celle-ci à travers l'histoire des populations et leurs activités de subsistance.

Kahn (1982) a étudié la reconstitution de la forêt tropicale humide après culture traditionnelle au
Sud-Ouest de la Côte d'Ivoire sur 14 jachères d'âges différents (de 3 à 60 ans). Pour lui, la forêt
tropicale humide se reconstitue par une série de stades successifs, chaque stade étant le résultat

de l'installation, du développement et du dépérissement d'un ensemble floristique qui facilite l'installation et le développement du stade suivant. La théorie de la reconstitution qui découle de cette étude établit que le développement de la forêt passe par une série de 4 stades successifs:

· Le stade herbacé graminéen où la végétation présente essentiellement les adventices surtout graminéennes;

· Le stade à herbacées et sous ligneux qui correspond aux cultures associées de manioc, taro, bananier...

· Le stade arbustif pionnier qui est caractérisé par la présence de nombreuses espèces secondaires et principalement Musanga cecropioides, Macaranga hurifolia, Harungana madagascariencis. Ce stade disparaît par sénescence et absence de régénération.

· Le stade préclimacique. Il met en place une forêt secondaire qui précède la forêt climacique. C'est le dernier stade avant la reconstitution complète de la végétation.

Le schéma de la succession tel que présenté par Kahn est à peu près comparable à ceux élaborés par certains de ses prédécesseurs en ce qui concerne la reconstitution de la forêt tropicale humide. Celle-ci, une fois perturbée, tend à se reconstituer à travers une série d'étapes qui passent par les plantes herbacées, les arbres à croissance rapide et à faible longévité, les grands arbres héliophiles et enfin les arbres caractéristiques de la forêt primaire qui sont constutiés essentiellement d'espèces sciaphiles.

Aubreville (1947, cité par Kahn, 1982) distingue trois phases dans le processus de reconstitution :

· la première phase ou genèse qui est celle des espèces caractéristiques des forêts secondaires. Les espèces en présence sont essentiellement héliophiles. Elles s'élèvent à une taille située entre 15 et 20 m de haut ;

· la deuxième phase qui connaît la formation d'un sous-bois comparable à celui d'une forêt
primaire. D'autres espèces héliophiles encore plus grandes que les premières dominent ;

· la troisième phase ou reconstitution de la forêt primaire. Ici les espèces secondaires de la
première phase ont disparu. Ce sont désormais les grands arbres longévives qui dominent.

héliophiles, de la forêt secondaire jeune constituée par des espèces à croissance rapide qui éliminent par leur ombrage les arbres de la phase précédente, la forêt secondaire haute qui présente une voute qui tend à se refermer. Cette dernière phase est dite préclimacique et renferme de plus en plus des espèces de la forêt primitive.

Dans la partie septentrionale du Cameroun, Aboubakar Moussa (1997) a déterminé les conséquences de l'exploitation des espaces boisés ainsi que les risques qui en découlent. Il note la réduction du couvert ligneux causée par les défrichements culturaux croissants et la raréfaction de certaines espèces ligneuses (Trichilia roka, Dalbergia melanoxylon). Aoudou (2001) a observé une augmentation du recouvrement des ligneux, une diversité de structures de la végétation en fonction de la durée de l'abandon sur les terroirs anciennement habités et mis en défens dans la Haute Benoué.

Dans la région autour de Mbalmayo, les activités agricoles induisent la perte et/ou la réduction des ressources ligneuses. Parfois elles provoquent la conversion de la forêt dense humide en forêts secondaires. De plus, la réduction de la durée de la jachère (moins de 5 ans) limite la reconstitution de la forêt, d'où la présence permanente de Chromolaena odorata dans les friches (Mbida Fils, Op. cit.).

La reconstitution de la forêt après activités pastorales et agricoles a été étudiée au Panama par De Walt et al (2003). Cette reconstitution est plus rapide du point de vue de la structure que de la composition spécifique car la structure de la forêt exploitée est comparable à celle d'une forêt peu perturbée 70 années après abandon.

VIII.3.2.2. La régénération post-exploitation industrielle

Le prélèvement industriel du bois est à l'origine de nombreuses perturbations au sein d'un massif forestier. En effet, l'exploitation forestière cause presque toujours automatiquement des dégâts collatéraux consécutifs par exemple à l'abattage des arbres qui entraînent dans leur chute d'autres arbres pourtant pas ciblés, à l'ouverture des routes et pistes de débardage, au compactage et à l'exposition du sol... Les répercussions écologiques de l'exploitation forestière sur la végétation ont également été étudiées. Ces répercussions varient en fonction du type ou mode d'exploitation. Ainsi, les coupes rases ne présentent pas les mêmes conséquences écologiques que l'exploitation sélective qui est généralement considérée comme un mode d'exploitation durable.

White et al (1994) et Asner et al. (2004) ont montré que les conséquences de l'exploitation sélective sur les peuplements forestiers étaient très réduites comparativement aux autres modes d'exploitation. L'exploitation forestière entraîne une ouverture importante de la canopée. Dans les forêts africaines peu denses, Abebe et Holm (2003) considèrent que cette ouverture est de l'ordre de 10%. Pour Cannon et al. (1994) elle peut atteindre jusqu'à 75% dans les forêts denses à Dipterocarpaceae d'Asie du Sud-Est. L'ouverture correspond essentiellement aux trouées d'abattage et aux chablis liés aux dégâts d'abattage et dans une moindre mesure à l'ouverture des pistes de débardage. Elle n'entraîne pas de fractionnement majeur des massifs mais des trouées passagères (Asner et al. 2004).

Palla (2000) qui a évalué l'impact de l'exploitation forestière sur les ressources naturelles à la périphérie du Dja révèle une grande secondarisation de la forêt. Elle montre une forte réduction des effectifs de certaines espèces parmi les plus prélevées de même qu'une raréfaction des arbres de diamètre supérieur à 65 cm. L'étude montre aussi un faible impact de l'exploitation forestière sur la diversité spécifique et une modification notable de la structure de la forêt de par la diminution de la surface terrière des arbres à dbh > 70 cm.

Malcolm et Ray (2000) ont étudié la reconstitution de la forêt sur les routes principales et secondaires, les pistes de débardage, ayant servi à l'exploitation du bois au Sud-ouest de la République Centrafricaine. Le réseau des routes et pistes a été comparé à des portions de forêt relativement intactes 12 et 19 ans après exploitation. Ils arrivent à la conclusion que les effets écologiques sont plus perceptibles sur les routes principales et secondaires dans la mesure où la densité des plantes du sous-bois est plus grande sur ces routes qu'en forêt non exploitée. De plus la diversité et la richesse en espèces sont faibles sur routes principales, moyennes sur routes secondaires et importante sur pistes de débardage et en forêt non exploitée. Les routes principales et secondaires présentent après exploitation une structure forestière modifiée avec un sous-bois dense et très peu de plantules.

La régénération des espèces commerciales a été étudiée 14 mois après l'extraction du bois dans une forêt sèche en Bolivie par Fredericksen et Mostacedo (2000). La densité, la composition spécifique, la croissance des plantules ont été étudiées sur les différents points d'impact de l'exploitation (routes, pistes de débardage, parc à bois...) et comparés à un site non exploité. L'étude révèle une forte densité et un accroissement rapide des arbres sur les sites où les sols ont

été fortement perturbés (parc à bois, routes) car ici, l'exposition à la lumière et la perturbation du sol réduisent la compétition avec les autres plantes.

Akamba (2000) relève que la causalité directe entre exploitation forestière et dégradation du couvert végétal n'est pas évidente du fait de la présence des recrûs forestiers dans les secteurs déjà exploités tout comme la présence de petits îlots de forêt au sein des faciès de dégradation au sud du Nyong et Mfoumou. A partir d'une évaluation écologique basée sur le comptage et la mesure du dbh des essences, elle observe que les zones intensément exploitées se caractérisent par l'absence des espèces de catégorie exceptionnelle.

Hall et al (2003) ont étudié les effets de l'exploitation industrielle sur la forêt en République Centrafricaine en procédant à une comparaison entre une parcelle vierge et deux parcelles respectivement de 6 mois et de 18 ans post-exploitation. Ils arrivent à la conclusion que l'exploitation sélective a très peu d'influence sur la diversité spécifique même si elle modifie la structure de la végétation. Cette perturbation de la structure de la forêt pourrait limiter la régénération des principales espèces exploitées.

Les travaux de Makana et Thomas (2005) montrent que l'augmentation de l'intensité de la lumière liée à l'exploitation sélective ne favorise pas significativement la germination des graines de certaines espèces exploitées comme le Sapelli. En revanche, la croissance des plantules (hauteur et diamètre) semble favorisée dans les trouées d'exploitation par rapport au sous-bois (près de deux fois plus rapide)

Au total, les travaux précédents montrent que l'exploitation d'une forêt influence son fonctionnement et son évolution en modifiant surtout sa structure et sa composition floristique. Dans les chapitres suivants, nous voulons voir si ces conclusions s'appliquent également à notre zone d'étude. De plus, au stade actuel des recherches, il reste à déterminer (1) en combien de temps et (2) dans quelles conditions d'exploitation industrielle une parcelle de forêt exploitée peut retrouver sa composition floristique et sa structure initiale. Cela passe par la mise en application d'une technique qui fait intervenir les démarches de la géographie, de l'écologie et de la botanique.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo