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Dynamique forestière post-exploitation industrielle: Cas de la forêt dense semi- décidue de Mbalmayo au sud Cameroun

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par Déric KEMADJOU MBAKEMI
Université de Yaoundé I - Master II géographie 2011
  

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3.5. Le recouvrement des couronnes

La disposition aérienne de la végétation est perçue par la représentation de la projection des couronnes des arbres et arbustes au sol. Elle donne un aperçu du degré d'ouverture ou de fermeture d'une parcelle et permet de visualiser l'interpénétration des cimes des arbres et arbustes qui est tantôt importante, tantôt lache. Sur certains points, la canopée est trouée (figures 21 et 22). La restitution des couronnes présentée par ces figures montre que le recouvrement des couronnes est faible ou nul à la hauteur des clairières naturelles (chablis) ou artificielles (points de prélèvement des arbres ou lignes de dégagement des arbres coupés). C'est à ce niveau que la lumière du soleil parvient au sol sans être interceptée par les cimes des arbres. La différence fondamentale entre les deux parcelles réside dans la fréquence et les dimensions de ces trouées. Elles sont plus nombreuses et plus étendues dans la forêt exploitée.

Autrement dit, la forêt exploitée est plus fragmentée que la forêt mature. Les voies tracées pour l'extraction du bois en forêt sont en partie responsables de l'ouverture de cette parcelle. En effet, une piste a été tracée en forêt pour tirer les arbres abattus. Les manoeuvres des engins durant les opérations d'extraction sont à l'origine de la réduction du recouvrement. Il faut aussi noter que l'exploitation forestière est à l'origine de la mortalité des arbres et arbustes qui au départ ne sont pas visés par l'activité. En Amazonie par exemple, on a remarqué que l'exploitation forestière entraîne la modification de la structure forestière avec en moyenne 14 à 50 % de la canopée détruit et une mortalité de 10 à 20 % des arbres de la strate supérieure (Schulze et Zweede, 2006). Nombre d'arbres et d'arbustes partiellement endommagés ne présentent pas immédiatement les conséquences pendant les opérations d'exploitation. Lors de l'abattage et du débardage, les dégâts les plus fréquents que connaissent les arbres sont l'ébranchage et l'écorçage. C'est quelques années après l'exploitation que l'on enregistre parmi les individus bléssés un taux de mortalité assez élevé. Ceci contribue à ouvrir davantage la canopée et à fragmenter la forêt exploitée, la rendant ainsi plus vulnérable aux vents violents que la forêt non perturbée. On comprend pourquoi notre parcelle exploitée est plus ouverte et plus fragmentée que la parcelle non exploitée. L'exploitation forestière a dû provoquer la mortalité de certains individus sur cette parcelle.

De plus, les pistes laissées par l'exploitation forestière sont empreintées par les populations du village qui, pour entretenir le passage, en défrichent les abords, contribuant ainsi à limiter la pousse des jeunes plantes. Très souvent, c'est à travers ces tracés facilement accessibles qu'ils se déplacent pour atteindre les champs, pour chercher du bois de chauffage ou des perches pour la construction des habitations et des hangars.

Figure 22 : Recouvrement des couronnes des arbres et arbustes dans la forêt exploitée.

La fragmentation poussée de la forêt exploitée se traduit sur le site par une forte densité des ouvertures ou clairières. Ces discontinuités occasionnées par des trouées d'abattage sont amplifiées par des reliques de pistes et de parcs à bois qui découlent de l'exploitation. La fragmentation des habitats est donc parmi les conséquences de l'exploitation forestière. Dès que ces habitats sont en deçà d'une taille critique, les relations interspécifiques sont profondément modifiées et l'écosystème change radicalement de nature (Laurance et al, 1997). Cela conduit à une mise en danger de la faune et de la flore, et à un taux d'extinction dramatique, de l'ordre de 40 000 espèces par an (Hughes et al, 1996).

La parcelle non exploitée quant à elle connaît moins de trouées et apparaît ainsi plus fermée et, même si des clairières sont également visibles, elles ne traduisent pas forcément la fragmentation de la forêt. Le recouvrement des couronnes ici est compris entre 80 et 150 %. Par rapport à leur nombre et leur surface réduite, on comprend que ce sont des ouvertures qui sont surtout dues au chablis et qui entrent dans l'ordre naturel du fonctionnement d'une forêt. Les couronnes sont très souvent jointives et s'interpénètrent étroitement. Cette parcelle est relativement plus homogène par rapport au site exploité qui connaît quant à lui un recouvrement des couronnes qui varie entre 40 et 150 %. Autrement dit, le recouvrement de la forêt exploitée est discontinu du fait de l'abondance des clairières. Celles-ci sont présentes en nombre plus important sur le secteur ayant directement subi les effets de l'extraction du bois (Figure 22). Les secteurs de cette placette qui ont été épargnés par l'exploitation présentent un recouvrement relativement plus important. Ainsi, ces ouvertures correspondent aux clairières et aux chablis créés par la chute des arbres mais aussi aux points de passage des engins qui ont servi à l'extraction du bois. Ces ouvertures sont alors généralement occupées par des monocotylédones de la famille des Marantacées et des Zingibéracées (photos 5). Ce sont des plantes herbacées héliophiles qui profitent de la lumière qui arrive au sol pour se développer. Elles participent selon certains auteurs à la cicatrisation de la forêt dense après sa destruction et sont par conséquent considérées comme des formations de transition qui conduisent à terme à la forêt dense.

A

D

B

C

Photo Kemadjou, décembre 2009

Photo 5 : Clairière artificielle à Marantaceae et Zingibéraceae dans la forêt exploitée.

Notes : Cette clairière occupe l'emplacement d'une coupe d'arbre opérée en 2002 et laisse filtrer très abondamment la lumière jusqu'au sol. Aussi, l'abondance de la lumière favorise la croissance et la germination des espèces héliophiles à croissance rapide et à faible durée de vie.

Après 7 ans, le stade de régénération est caractérisé par des plantes herbacées comme les Zingiberaceae (feuilles lancéolées au premier plan) (A), et les Marantaceae (au milieu de la photo une feuille de cette plante dont les femmes se servent pour emballer les batons de manioc et autres « miondo ») (B). On note aussi que le cortège floristique est composé de palmiers rotin (feuilles palées) (C). Il faut également remarquer un jeune plant de Musanga cecropioides au milieu de la photo dont les feuilles de couleur vert clair traduisent sa jeunesse (D).

Photo Kemadjou, décembre 2009

Photo 6 : Chablis dans la forêt mature de Faekélé II

Notes : Même sans l'intervention de l'homme, la forêt connaît natuellement des chutes d'arbres ou de branches (violis). La chute des arbres est provoquée soit parce que l'arbre est mort, soit par déracinement suite à un vent violent. Sur ces points d'impact, les trouées ainsi faites permettent la pénétration de la lumière dans le sous bois qui d'ordinaire ne reçoit que moins de 5 % de la lumière du soleil. Lorsque cette lumière parvient en abondance au sol, c'est l'occasion pour les graines ou les plantules d'espèces héliophiles en état de dormance de germer (cas des graines) et de se développer (pour les plantules). D'après Alexandre (1989), ces chablis contribuent au rajeunissement naturel de la forêt. De plus, d'après cet auteur, sans ces trouées, la forêt ne pourrait pas renouveller ses propres espèces.

D'autres auteurs comme Lejoly (1996)15 qui a étudié la forêt à Marantaceae du parc national de d'Odzala en République du Congo pensent que les Marantaceae peuvent conduire à la régression ou même à la disparition de la couverture forestière par absence de régénération des arbres et arbustes. L'explication réside dans le fait que l'ouverture de la canopée est défavorable à la présence des animaux arboricoles, surtout les petits primates et les oiseaux frugivores qui disséminent les graines à travers la forêt, mais qui se perchent sur les branches des arbres pour le faire. La banque des graines du sol (le potentiel séminal édaphique) est ainsi appauvrie en semences d'arbres zoochores. Les peuplements à Marantaceae, parce que très couvrant, ont également une action inhibitrice sur la germination des ligneux héliophiles qu'elles privent ainsi de lumière. A partir d'un certain stade, ce processus peut conduire de façon irréversible à la disparition de la forêt à cause de l'absence de régénération des ligneux. D'après cet auteur, les Marantacées participent donc à une dynamique qui peut s'avérer dangereuse pour la reconstitution de la forêt après perturbation. La présence de nombreuses clairières à Marantaceae sur notre parcelle exploitée s'inscrit-elle déjà dans cette logique là ?

Il convient toutefois de remarquer que ces travaux ne précisent pas par quoi est remplacée la forêt. Le doute de cette thèse subsiste d'autant plus que ces peuplements à Marantaceae existent à l'état naturel dans la forêt non perturbée. Il conviendrait, pour apporter plus de précisions, de procéder à un suivi de ces parcelles sur un pas de temps plus important, c'est-à-dire de l'ordre de 15 à 20 ans.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault