WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Ressources fourragères et représentations des éleveurs, évolution des pratiques pastorales en contexte d'aire protégée. Cas du terroir de Kotchari à  la périphérie de la Réserve de biosphère du W au Burkina Faso

( Télécharger le fichier original )
par Issa Sawadogo
Museum national d'histoire naturelle de Paris (ED 227) - Docteur du museum national d'histoire naturelle spécialité physiologie et biologie des organismes  2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

37

2.3. Les interactions entre le bétail et la faune sauvage: quelle possibilité de compromis ?

Les aires protégées sont de nos jours presque les seules zones où la biodiversité est encore importante et la faune abondante. Elles mobilisent actuellement la communauté mondiale surtout depuis le sommet de Rio de 1992. Les efforts de préservation de la biodiversité qui mobilisent déjà bon nombre d'acteurs en certains endroits du monde comme en Afrique de l'Est, vont être démultipliés et des fonds (GEF, FFEM, etc.) et programmes mis en place à cet effet. De nombreuses études (Benoit, 1999a &1998 ; Toutain et al. 2001 ; Kièma S., 2007 ; Binot et al. 2006 ; Boutrais, 2008) montrent pourtant que ces écosystèmes sont depuis longtemps partie prenante de la chaîne de pâturage annuel20 des populations pastorales environnantes et mêmes lointaines. Les tendances indiquent même que l'exploitation pastorale des aires protégées est appelée à se renforcer car l'espace ouvert est de plus en plus rare et de mauvaise qualité du fait de l'accaparement agricole des pâturages et de la pression anthropique d'ensemble (Binot et al. 2006).

A l'évidence, cette tendance à l'exploitation pastorale des aires fauniques, qui n'est pas prête de s'estomper, n'est pas favorable à la conservation; de nombreux spécialistes de la conservation considèrent même le bétail comme une menace pour la faune et son habitat. Wambwa (2004) montre par exemple, à partir de ses observations au Kenya, qu'il existe des échanges de pathologies diverses entre le bétail et la faune lorsque ceux-ci cohabitent. Boutrais (2008) rapporte qu'au parc W du Niger, la population de buffles a fortement chuté en 1984 par suite d'une épidémie de peste bovine introduite par des zébus transhumants. De même, les conservateurs des aires protégées indiquent que le bétail serait en compétition alimentaire avec la faune sauvage, du moins avec les espèces avec lesquelles il partage la même niche écologique21. Ceci semble vérifié entre les bovins et certains herbivores paisseurs comme les buffles ou les gnous (Fritz, 1995) qui ont un régime alimentaire très proche. L'argument qui fait du bétail une menace pour la faune n'est donc pas, dans l'absolu, faux, mais il vaut dans les deux sens. En effet, Binot et al. (2006) ont observé que la faune sauvage exerce des influences négatives directes (prédation, vecteurs ou réservoirs de maladies, etc.) ou indirectes avec la restriction à l'accès aux ressources naturelles (eau, fourrage, cures salées, etc.) sur le bétail domestique. Par ailleurs, les éleveurs incriminent la faune sauvage, notamment le buffle, dans la survenue de la fièvre aphteuse dans leurs troupeaux.

Même si à partir de ces observations, des arguments existent pour soutenir les politiques d'exclusion (Homewood & Rodgers, 1984), des expériences de cohabitation plutôt réussies sont également rapportées. Si la compétition entre faune et bétail domestique ne fait l'objet d'aucun doute, il est des cas où il n'en existe cependant pas : les bovins cohabitent bien avec les koudous, des brouteurs avec lesquels ils ont un recouvrement de niche très limité (Fritz, 1995). Par ailleurs, les herbivores à régime intermédiaire, comme les impalas,

20 Concept désignant l'ensemble des pâturages qui sont successivement exploités par le bétail domestique ou sauvage au cours de l'année.

21 Selon Grinnell (1914) "the niche is the habitat requirements of one species". Pour Elton (1927) "the niche is what is doing by a species within a community". La niche écologique peut donc être comprise comme l'ensemble des conditions environnementales telles qu'une espèce donnée peut former des populations viables.

consomment les mêmes herbacées que les bovins (Fritz, 1995 ; Fritz et al. 1996), mais les bovins sont de meilleurs compétiteurs sur ce type de fourrage, et les impalas semblent modifier leur régime alimentaire en fonction de la présence des bovins (Fritz et al. 1996). Les auteurs ajoutent que les conclusions seraient sensiblement différentes si l'on considérait les petits ruminants, notamment les caprins, qui consomment une grande part de ligneux dans leur alimentation. Bayer et al. (2008), par des exemples assez illustratifs, mettent l'accent sur les complémentarités. Ainsi, ils montrent que la girafe qui broute sur les étages supérieurs (à partir de 5m), maintient les écosystèmes savaniens ouverts, favorisant ainsi les arbustes, les petits arbres et les herbacées utilisables par le bétail domestique. Ils ajoutent que le bétail, en pâturant dans les milieux humides, y apporte des nutriments consommés par les oiseaux aquatiques et le poisson. Dans le même sens, Touré et al. (2001) ont observé une coexistence sans gêne réciproque entre oiseaux et bétail dans le parc national du Djoudj au Sénégal. Boutrais (2008) rend compte des résultats d'une expérience de cohabitation entre la faune et le bétail domestique conduite entre 1970 et 1980 dans une zone au Kenya qui a entraîné une augmentation des effectifs d'éléphants de cette localité alors que les zones environnantes voyaient plutôt les leurs chuter. Par ailleurs, Bayer & Ciofolo (2004) affirment que le rapport coûts/bénéfices de la coexistence entre faune et animaux domestiques est favorable.

Tout ceci incite donc à rechercher un compromis entre les actions de conservation et les activités pastorales, les enjeux actuels étant d'assurer les besoins légitimes des populations pastorales sans compromettre la préservation du patrimoine que constituent les aires protégées dans leur diversité.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote