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Ressources fourragères et représentations des éleveurs, évolution des pratiques pastorales en contexte d'aire protégée. Cas du terroir de Kotchari à  la périphérie de la Réserve de biosphère du W au Burkina Faso

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par Issa Sawadogo
Museum national d'histoire naturelle de Paris (ED 227) - Docteur du museum national d'histoire naturelle spécialité physiologie et biologie des organismes  2011
  

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5.3.4.2. Garde des troupeaux

Dans des travaux antérieurs (Sawadogo, 2004), nous avons montré que les animaux étaient conduits différemment selon que l'on était en saison sèche où l'espace était ouvert et de libre accès ou en saison humide, saison agricole par excellence, où les parcours étaient fragmentés et les risques de conflits accrus. En saison sèche, si les bovins sont surveillés, les petits ruminants sont laissés en libre pâture. En saison pluvieuse en revanche, tous les animaux sont sous la surveillance de bergers. Ceci mérite cependant d'être nuancé car Ouédraogo (2008) a observé que, de nos jours à Kotchari, certains éleveurs faisaient surveiller leurs moutons et leurs caprins même en saison sèche surtout lorsqu'ils étaient proches des réserves, en effet, ils risquent à tout moment d'y pénétrer. Des différences sensibles dans la garde des animaux sont observées selon le groupe ethnique. Ainsi les animaux sont abreuvés une seule fois par jour vers midi chez les Gourmantchés, tandis que les Peuls les abreuvent dès les premières heures de la matinée au sortir du parc ou campement de nuit puis à nouveau vers 13 ou 14 heures. La pâture de nuit, reconnue comme très bénéfique car moins épuisante pour le bétail, est propre aux éleveurs peuls, ce sont en général les bouviers les plus âgés et les plus expérimentés qui s'en chargent.

Chez les éleveurs non transhumants (C1), lorsque le troupeau ne comporte pas de bovins, le gardiennage est assuré par des mineurs (garçons et filles) de huit à dix ans. Par

64 Parmi ces éleveurs, certains délocalisent leurs troupeaux dans la partie sud plus humide du terroir. Ceci s'apparente à de la petite transhumance (Yawtooru en langue peule), nous avons cependant confondu ces éleveurs aux non transhumants car cela se passe dans l'espace du terroir.

contre, dès que des bovins sont présents dans le troupeau, sa garde relève de la responsabilité de jeunes adolescents d'un âge dépassant généralement douze ans (Sawadogo, 2004). Aujourd'hui, on dénombre un berger par troupeau (NBe-1), alors qu'il y a une dizaine d'années, correspondant alors au du boom cotonnier, ce nombre était passé à deux (NBe-2) pour les troupeaux de quelques uns de ces éleveurs (figure V-12a). Depuis lors, on observe une tendance au retour à 1 seul berger pour ces troupeaux. Parallèlement, quelques élevages ont, de plus en plus, depuis un certain temps, recours à des bergers salariés seuls (confiage ou employé) à qui on associe désormais des bergers internes aux exploitations (figure V-12b). On peut faire l'hypothèse que si l'expérience qui consiste à utiliser plusieurs bergers ou des salariés exclusivement est en train de tourner court, c'est que quelques troupeaux locaux (troupeaux gourmantchés notamment), qui avaient gagné en taille du fait de l'explosion de la culture cotonnière, ont depuis diminué en effectif avec le recul "momentané" de cette dernière. En effet, comme signalé plus haut (voir paragraphe 5.3.3.2.1) ou comme nous le détaillons dans les parties qui suivent, le nombre de bergers est fortement dépendant de la taille du troupeau.

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a. Nombre de bergers b. Types de bergers

Figure V-12. La garde des animaux et son évolution dans le groupe C1

Légende:

NBe-1 : un seul berger NatBe-1 : propriétaire ou proche parent (fils, neveu, etc.)

NBe-2 : deux bergers NatBe-2 : berger salarié (berger employé ou animaux confiés)

NBe-3 : plus de deux bergers NatBe-3 : les deux à la fois (parent et salarié)

Chez les transhumants résidents (), la garde des animaux est réservée le plus souvent à des adolescents et jeunes adultes (12 à 20 ans) et même à des adultes pouvant être le propriétaire lui-même (20 à 40 ans). On voit ici que, du fait de l'accroissement en taille du cheptel, le recours à des bergers supplémentaires (d'abord un puis deux) est constant au cours de la période de référence (figure V-13a) mais ces bergers, dans les cas où ils sont des salariés de l'exploitation, viennent toujours en appui à un membre de la famille du propriétaire (figure V-13b).

a. Nombre de bergers b. Types de bergers

Figure V-13. La garde des animaux et son évolution dans le groupe

Chez les transhumants étrangers au terroir de Kotchari (C3), les troupeaux sont depuis bien longtemps conduits par au moins deux bergers avec une tendance à l'augmentation du nombre de ceux-ci (figure V-14a). Ces bergers qui sont généralement les propriétaires des troupeaux, se voient cependant associer des salariés ces dernières années. Certains éleveurs du groupe, la plupart de ceux qui utilisent la main d'oeuvre extérieure de nos jours, ont dans un passé lointain eu recours exclusivement à des bergers salariés mais ont dû mettre fin à cette expérience suite, selon leur dire, à diverses insatisfactions (vols, dépenses excessives) (figure V-14b).

a. Nombre de bergers b. Types de bergers

Figure V-14. La garde des animaux et son évolution dans le groupe C3

On peut remarquer le recul du confiage et du salariat dans les élevages de ce terroir là où Botoni (2003), dans ses travaux à l'Ouest (Ouara, Torokoro) a noté plutôt un engouement vers ces pratiques de gardiennage, en particulier le confiage. Diverses explications sont données par les éleveurs pour expliquer ce recul, surtout la garde des troupeaux exclusivement par des personnes étrangères à leurs exploitations. Deux arguments majeurs reviennent : (i) l'insatisfaction dans la prestation du berger salarié au regard des coûts de plus en plus insupportables que cela nécessite ; (ii) la perte de confiance entre les parties contractantes.

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Les insatisfactions résultent, selon les éleveurs, des faibles performances de gardiennage des bergers, elles seraient liées à une négligence sélective envers les animaux confiés. Ainsi, d'après Combary Tadjoa (éleveur résident gourmantché du quartier Tambouli) « depuis maintenant quelques années, les bergers que nous sollicitons ne nous donnent plus satisfaction. Il est facile de reconnaître dans un troupeau mixte, nos animaux des leurs ; leurs animaux sont mieux conformés. Pourtant, nous avons recours à eux pour leurs qualités de bons bergers mais visiblement les bonnes manières de faire (sic) ils les réservent à leurs propres animaux. En outre, dès qu'un berger obtient la garde de tes animaux, non seulement il te fait dépenser régulièrement, mais en plus tu es obligé de contribuer à l'alimentation de sa famille. Mais le plus écoeurant dans tout ça ce sont les pertes (animaux morts et égarés) que nous enregistrons de plus en plus ». Cet argumentaire est surtout valable dans les cas de confiage où le troupeau de l'éleveur se trouve fusionné avec celui du berger. Dans ce cas de figure en effet, les compléments alimentaires fournis par le propriétaire seraient distribués à l'ensemble du troupeau alors que les apports du berger sont prioritairement distribués à ses propres animaux. En ce qui concerne les bergers salariés, les reproches se situent dans ce qui est qualifié de manque d'engagement et de lisibilité dans la gestion des troupeaux (nombreuses pertes et morts d'animaux) alors que le service est fortement rémunéré parfois à la limite du supportable pour les ressources du propriétaire. Ces récriminations, si elles étaient avérées, justifient pourquoi certains propriétaires de troupeaux, s'ils continuent à vouloir de ce type de bergers dont l'expérience et le savoir-faire sont reconnus et recherchés, leur adjoignent de proches parents (fils ou autres personnes de confiance). Par ailleurs, au sein des élevages des transhumants ( et C3), les conversations ont montré qu'il n'est pas courant pour un éleveur peul de confier ses animaux à la garde d'un autre ; les rares cas de confiage sont liées à des contraintes familiales notamment lorsque dans la famille il manque un garçon d'un âge adéquat et que le propriétaire lui-même est d'un âge avancé65.

Les grands éleveurs sont ceux qui ont le plus souvent recours à 2 ou 3 bergers. Ceci a été aussi observé par Thébaud (2002) chez les Peuls et Riimaaybe du Yagha (Burkina Faso) et chez les Wodaabe de Diffa (Niger). Par ailleurs, un nombre plus élevé de bergers est observé dans les troupeaux transhumants qui sont souvent regroupés (un troupeau est très souvent une agrégation de plusieurs troupeaux de petite taille) (Riegel, 2002). Cette pratique qui consiste à rassembler le troupeau au départ de la campagne de transhumance, contribue à alléger la tâche du Garso et à renforcer la sécurité au cours de la campagne de transhumance. Elle permet de plus un partage de savoir-faire technique ainsi que la formation des plus jeunes qui s'entraînent ainsi à la vie de privation et à l'endurance. D'après Baadjo Idrissa (transhumant nigérien de Makalondi), en effet « sur le terrain, les épreuves sont nombreuses et en nous regroupant, nous arrivons à les juguler en nous répartissant les tâches. Par ailleurs, beaucoup de jeunes subissent leur examen de passage de bons bergers en participant à une campagne de transhumance, mais il est trop risqué pour eux d'y aller seuls. Enfin, de cette façon nous sommes moins dispersés et notre chef (le garso) peut facilement intervenir car, il a alors moins de troupeaux sous sa coupe». Ce récit rejoint parfaitement celui des éleveurs de la région de Tamou (Niger) rapporté par Riegel (2002) et confirme le fait que la transhumance

65 Boutrais (1996) évoque d'ailleurs l'âge comme pouvant être une cause de baisse des effectifs animaux au sein des familles pastorales.

est une occasion de rencontre, de partage et de renforcement de liens sociaux qui permettent l'intégration des communautés pastorales (Bary, 1998).

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo