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La dynamique de convergence en méditerranée. Un système d'évaluation basé sur l'analyse multicritère

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par Yasmine GUESSOUM
Université de la méditerranée Aix- Marseille II - Doctorat d'économie 2006
  

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2. Etude de cas n° 1 : Intégrer l'aspect qualitatif dans une évaluation

Comment procéder à une étude comparative lorsque l'objet de l'évaluation comporte une part de subjectivité ? Sous quelle forme intégrer des critères qualitatifs ? Les paragraphes suivants proposent une application empirique visant à déterminer si le benchmarking est adapté à l'orientation des politiques de réforme et si le rating trouve encore sa place dans ce contexte. Notre étude de cas porte sur les pays euroméditerranéens et concerne le cadre légal économique.

L'élargissement de l'UE, annoncé lors du Sommet de Copenhague (décembre 2002), n'a pas été sans conséquences sur les accords d'association euro-méditerranéens dont le contexte s'est sensiblement modifié. L'adhésion des PECO (mai 2004) a marqué un véritable tournant au niveau des politiques de transition des PM, redéfinissant les fondements de leur partenariat avec l'Europe. Ces pays doivent, à présent, tenir compte des nouveaux besoins d'intégration pour entamer une phase d'harmonisation et de convergence institutionnelles.

A travers une action collective visant à resserrer la cohérence des politiques nationales et leur compatibilité, l'objectif est de disposer d'un cadre légal favorable permettant d'atteindre la prospérité économique. L'hétérogénéité des pays euro-méditerranéens n'est pas un frein mais un moteur stimulant l'apprentissage et le partage d'informations. Il suffit donc de dégager une série de directives permettant le lancement de programmes adaptés pour rester en phase avec les meilleures pratiques. Pour ce faire, deux approches sont envisageables : le rating et le benchmarking.

Bien que la frontière entre les deux notions puisse sembler floue, il subsiste quelques nuances que nous allons tenter de mettre en évidence. Le rating ou la notation consiste en l'élaboration d'un compte-rendu de la situation d'un pays ou d'une entreprise sur un axe gradué (grille de lecture). Cette technique permet d'évaluer les risques encourus par les agents économiques ayant conclu un contrat à l'échelle internationale, ou par les organismes de crédit ayant octroyé un prêt à une contrepartie étrangère. Le benchmarking, en revanche, est une approche plus poussée qui intègre la dimension de << profil ».

Issus du secteur industriel, les << benchmarks » ont tout d'abord été associés aux groupes d'indicateurs techniques et financiers permettant de comparer les unités de production à des normes de référence (standards). Ce principe s'est ensuite étendu à d'autres secteurs, puis à des structures plus larges. On tente actuellement de lui attribuer une dimension macroéconomique à l'échelle de pays. Dans ce contexte, le benchmarking est un outil efficace. Il repose sur le principe de positionnement par rapport à des exemples de bonnes pratiques, c'est-à-dire, comparer les performances d'un échantillon de pays à des profils de référence. L'exemple permettant de rendre compte de l'applicabilité de cette technique d'étalonnage à l'échelle macroéconomique est certainement celui de la politique européenne de l'emploi (Aglietta et al. [1998]).

Dans notre étude de cas, l'objectif n'est pas de classer les pays sur un axe unidimensionnel. Il est plutôt question de positionner les différentes façons de mener une politique de transition (classement), regrouper les économies globalement proches (classification) et identifier les profils de référence ainsi que les principales sources de blocages. Ceci relève autant du processus de rating que de la démarche de benchmarking : une combinaison des deux méthodes est de ce fait concevable.

a. Mise au point d'une analyse comparative et dynamique

L'avantage décisionnel qu'offre l'évaluation par les techniques de rating et de benchmarking combinées est incontestable. Cet instrument stratégique destiné, à la base, au milieu des entreprises est adapté à l'échelle macroéconomique. Dans notre cas, il s'agit de l'orientation des programmes de réforme des PM, avec pour perspective l'importation d'un savoir-faire de qualité. Pour ce faire, il faut tout d'abord procéder au repérage des profils performants en termes de politique économique (exemples de bonnes pratiques). Il faut ensuite observer comment les pays euro-méditerranéens gravitent autour des références prédéfinies.

Nous avons commencé par sélectionner les critères entrant dans la composition des indicateurs de performance. Rappelons que la stabilité d'un modèle d'évaluation dépend du type de facteurs pris en compte. Dans ce sens, il a été démontré qu'un classement pouvait radicalement changer selon la nature des critères intégrés dans le système de représentation (Handoussa et Reiffers [2003], pp. 6-18). Pour y remédier, nous avons fait un survey des indicateurs utilisés par les agences de rating et les organismes internationaux4. Les thématiques abordées lors de la sélection des critères relèvent, bien entendu, du cadre légal économique5 et couvrent sept sphères représentées par 43 indicateurs (cf. encadré 6).

Encadré 6 : Structure des espaces de critères d'évaluation du cadre légal

Thématique

Nombre
de
critères

Code du
critère

Sens

Type
d'indicateur

Source des indicateurs

Espace 1 :

7

C1-1

~

Note

Heritage Foundation

C1-2 à C1-4

$

Note

Fraser Institute

Lois sur les monopoles et la
concurrence

C1-5

~

Pourcentage

World Development Indicators

C1-6

$

Pourcentage

C1-7

~

Ratio

Espace 2 :

5

-1

~

Note

Heritage Foundation

Réglementation du marché du travail

-2 à -5

~

Note

Fraser Institute

Espace 3 :

7

C3-1

~

Note

Heritage Foundation

Réglementation du système bancaire

C3-2 à C3-7

$

Note

Fraser Institute

Espace 4 :

6

C4-1

~

Note

Heritage Foundation

Administration des douanes et
régulation douanière

C4-2 à C4-6

$

Note

Fraser Institute

Espace 5 :

5

C5-1

~

Note

Heritage Foundation

Réglementation du cadre des affaires

C5-2 à C5-5

$

Note

Fraser Institute

Espace 6 :

6

C6-1

~

Note

Heritage Foundation

C6-2 à C6-5

$

Note

Fraser Institute

Réglementation du marché des capitaux

C6-6

~

Ratio

United Nation

Espace 7 :

7

C7-1 à C7-2

~

Note

Heritage Foundation

Système juridique et droits de propriété

C7-3 à C7-7

$

Note

Fraser Institute

 

Source

: Guessoum [2005a], p. 6.

 

Sur un plan technique, les indicateurs présentés sous une forme quantitative ont été pris en l'état (c'est le cas de quatre critères). Quant aux critères qualitatifs, ils ont été transposés sur des échelles graduées (c'est le cas des 39 critères restants). Rappelons que le cadre légal comporte une connotation subjective, son évaluation a donc nécessité en majeure partie le recours à des notes qualitatives6. Il faut savoir enfin, que les critères ont été équi-pondérés.

4 Fitch, Fraser Institute, Freedom House, Heritage Foundation, Moody's, OCDE, PNUD, S&P, Transparency International et World Economic Forum.

5 Les composantes des sept familles de critères sont exposées dans le détail en annexe 2.

6 Les bases de données sont en annexe 3 (pour 1995) et en annexe 4 (pour 2003).

Une question essentielle se pose en amont du processus d'évaluation : comment identifier l'élément qui réalise les meilleures performances ? Ceci implique, par la même occasion, l'entrée en jeu de la notion de subjectivité lors de la définition des normes de référence. Après tout, que signifie « meilleures performances » ? La difficulté est de repérer la politique économique ou le cadre légal adéquat en vue d'en faire une base de comparaison, voire un exemple à suivre. Pour ce faire, nous avons proposé quelques profils dits « performants » en guise de repères. Il ne s'agit pas de cibler un pays unique accusant les meilleures performances, mais plusieurs pays constituant un profil virtuel dont l'efficacité peut être modélisée par une série d'indicateurs.

Concrètement, nous avons sélectionné trois profils : le 70ème centile mondial, la moyenne des pays de l'UE et la moyenne des pays de l'OCDE. Ceci en raison de leurs niveaux élevés de PIB par tête, de développement technologique et de développement humain. En effet, ces facteurs sont fortement corrélés avec un cadre légal économique compétitif (81%, 65%, 57%), tel que le montre l'étude réalisée par l'Institut de la Méditerranée dans le cadre du projet FEMISE (cf. encadré 7).

PIB par tête et cadre légal économique

(corrélés à 81%)

Economie de la connaissance et cadre légal économique (corrélés à 65%)

Développement humain et cadre légal économique (corrélés à 57%)

Source : Radwan et Reiffers [2004], p. 6.

41

Encadré 7 : Corrélation entre cadre légal et développement économique (2002)

Dans le cadre de notre application empirique, nous avons utilisé une méthode de classification ascendante hiérarchique (CAH). Elle nous a permis de développer l'étude sur deux axes : le premier aborde le problème sous un angle comparatif (analyse de la distance entre les groupes de pays) et le second met en avant l'aspect dynamique (analyse du mouvement de chaque pays dans le temps). La CAH est une branche de l'analyse de données que l'on retrouve selon le domaine d'application, sous le nom de << typologie » ou de << segmentation », mais ce n'est en aucun cas un classement sur un axe unidimensionnel orienté. Cette méthode permet de constituer des groupes d'éléments similaires sur la base de leur description par un ensemble de variables.

Pour l'essentiel, la CAH consiste à agréger progressivement les éléments de la base de données selon leur niveau de ressemblance. Dans cet intérêt, elle fait appel à une démarche algorithmique peu complexe, ce qui constitue un avantage indéniable. L'autre atout de la méthode est qu'elle conduit à des résultats faciles à décrire et à schématiser (il s'agit des classes ou paliers). Concrètement, le principe de base de la CAH permet de construire successivement des partitions en l classes, l-1 classes, l-2 classes... Elles sont emboîtées les unes dans les autres, de manière à ce que la partition en l-1 classes soit obtenue en regroupant deux des catégories de la partition en l classes, suivant le procédé de Ward. Chaque nouvelle partition est définie de façon à ce que son inertie intra-classe (distance entre deux éléments d'une même classe) soit faible et son inertie inter-classe (distance entre deux classes) soit forte.

En somme, il s'agit d'agréger progressivement des éléments selon leur niveau de ressemblance, mesuré à l'aide d'un indice de dissimilarité (distance). L'algorithme commence par réunir les couples les plus proches, puis agrège progressivement le reste des éléments, jusqu'à obtention d'un groupe unique. Au final, l'algorithme donne lieu à un arbre de classification (dendrogramme), représentant une hiérarchie de partitions. Celle-ci est obtenue après troncature à un niveau de ressemblance jugé suffisant. La partition comporte alors d'autant moins de classes que la troncature s'effectue en haut du dendrogramme (cf. encadré 8).

Dans le cadre de notre application, précisons que les m éléments sont représentés par les 21 pays euro-méditerranéens (PM8, AC10 et PVA3) et les trois profils (UE, OCDE et CM70). Les n variables ne sont autres que les 43 critères relatifs à l'évaluation du cadre légal économique. L'étude empirique effectuée grâce au logiciel d'analyse des données XlStat a permis de regrouper, au sein d'une même classe, les pays dont les pratiques se rapprochent sur le plan du cadre légal économique. Nous avons obtenu pour les périodes 1995 et 2003 un découpage spécifique de l'échantillon sur les sept espaces de critères (cf. annexe 5, dendrogrammes 1.a. à 7.a. et 1.b. à 7.b.) ainsi qu'un découpage global résumant la situation (cf. annexe 5, dendrogrammes 8.a. et 8.b.). Il est important de souligner que les différentes troncatures ont été effectuées de façon automatique par XlStat, en fonction de la structure des histogrammes.

Encadré 8 : Déroulement des algorithmes d'une CAH par la procédure Ward

Pour dérouler l'algorithme d'une CAH, il est utile d'introduire en amont les paramètres suivants :

- la performance d'un élément i sur une variable j est xij ; - le nombre total d'éléments ai (m) ;

- le nombre total de variables cj (n) ;

- l'effectif de chaque classe k (ek) ;

- le centre de gravité de chaque classe k (gk).

Précisons que le calcul du centre de gravité fait intervenir l'effectif de la classe correspondante, puisqu'il s'agit du barycentre de ses éléments (Bouroche et Saporta [1994]). Au départ, chaque élément ai constitue une classe (singleton). Il faut alors emboîter les différents singletons en suivant les étapes ci-dessous :

- Calculer la distance entre les classes, c'est-à-dire les écarts entre les performances de chaque couple d'éléments sur l'ensemble des variables :

- Calculer la perte d'inertie entre les singletons en tenant compte des effectifs :

1

2 ( , )

a a = d a a

2 ( ,

i i ' i i '

2

- Faire fusionner les éléments dont la perte d'inertie a est minimale et constituer de nouvelles classes k, k'...

Le passage d'une partition en l classes à une partition en l-1 classes implique systématiquement une baisse de l'inertie interclasse. De ce fait, le regroupement permet de réunir les classes qui se rapprochent le plus, celles pour lesquelles la perte d'inertie encourue lors de la fusion est la plus faible, ce qui revient à minimiser á (Celeux [1989]).

Le processus de regroupement des classes se poursuit grâce au calcul des distances, non plus entre les éléments (puisqu'il ne s'agit plus de singletons), mais entre les centres de gravité des nouvelles classes. Précisons que ce calcul prend en compte les fusions antérieures (les coordonnées des composantes d'origine des nouvelles classes) :

1 ~ e e ~

2 2 k k '

d g g

2 ( , ) = ~ ( , ) + ( , ) - d g g

2

e d g g

e d g g ( , ) ~

h h ' k k h ' k ' k ' h ' k k '

e e

+ ~ e e

+

k k ' k k ' ~

Avec : h une classe issue de la fusion entre k et k'.
h' une classe différente de k, k' et h.

La fusion génère donc une perte d'inertie inter-classe :

)

e e

k k d

'

e k + e k '

2 ( , '

g g

k k

á =

)

Tant que le nombre de classes est supérieur à 1, l'algorithme se déroule jusqu'à obtention d'une partition finale. Dans cette hiérarchie, la hauteur de chaque palier mesure le degré d'agrégation du groupe d'éléments qu'il contient. Afin de pouvoir visualiser cette hiérarchie, il faut « valuer » les différents paliers en leur associant une hauteur au sein d'un graphique. Une fois l'algorithme achevé, il suffit de déterminer le nombre de classes, en élaborant une coupe horizontale (troncature) au niveau de l'arbre des partitions, puis de prendre en compte le nombre de branches verticales.

Source : Guessoum [2005a], annexe 5.

e e

i

=

á

i ' d

'

+ e i

e i

n

2 ( , ) ( ij i j )

a i a i = x - x

' '

2

d

j=1

Les classifications ont donné lieu à une représentation graphique uniforme caractérisée par quatre catégories. Rappelons que la numérotation des classes n'implique aucune hiérarchie (dans la CAH, hiérarchiser n'est pas une fin mais un moyen). Par conséquent, le passage d'un pays de la catégorie k à la catégorie k-1, ne traduit pas forcément une amélioration de ses performances. Ce fait explique uniquement qu'il se rapproche davantage des pratiques des pays de la nouvelle classe à laquelle il a été affecté. En revanche, si cette classe comprend un profil de référence, il y a amélioration. La CAH permet non seulement de repérer les changements d'orientation des politiques économique des pays, mais également d'identifier la nature de ces changements.

De manière générale, nous avons relevé que le processus de réforme entamé dans les pays du Sud ne s'articulait pas autour d'une logique d'ensemble, mais plutôt autour de démarches individuelles et isolées, manquant de coordination et de cohérence. Celles-ci créent, par conséquent, un biais entre la réglementation du milieu des affaires et la mise en pratique des programmes de réforme. Ceci est probablement dû à des carences budgétaires ou à un retard d'expertise. En réalité, le décalage provient essentiellement de l'incompatibilité entre les micro-réformes mises en oeuvre et l'environnement macroéconomique dans lequel elles évoluent. Les systèmes législatifs, pour la plupart importés d'Europe, ont été calqués puis directement appliqués.

Pour ce qui est de la réglementation du marché des capitaux, la modernisation du système financier des pays euro-méditerranéens a subi comme à l'échelle mondiale une influence anglo-saxonne. Cependant, nous avons constaté au niveau des sources de financement que les marges bancaires étaient encore élevées et les critères de garantie parfois exagérés. L'instabilité au Moyen-Orient a été la cause principale de la hausse des primes de risque nécessaires à couvrir les bailleurs de fonds.

Sur le plan des transactions internationales, nous avons enregistré une amélioration du taux d'ouverture, que nous avons expliqué par l'assouplissement des barrières tarifaires. Néanmoins il subsiste des blocages au commerce extérieur relevant, soit des procédures administratives qui restent lentes, soit des régimes d'importation encore complexes. Rappelons enfin que l'adoption d'un cadre concurrentiel répondant aux besoins des entreprises a accentué le niveau des inégalités au sein de tous les pays euroméditerranéens, y compris les plus avancés. Le biais inégalitaire touche cependant ces économies à des degrés différents.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera