WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Fécondité des adolescentes en RDC: recherche des facteurs explicatifs

( Télécharger le fichier original )
par Frédéric POUMBOU
Université de Yaoundé II - Cameroun - Diplôme d'études supérieures spécialisées en démographie 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

I.5. SITUATION SANITAIRE DU CONGO

Au Congo, comme dans beaucoup de pays en développement, le secteur sanitaire enregistre plusieurs difficultés notamment l'insuffisance des services sanitaires ou la concentration de ceux-ci en milieu urbain, une répartition inadéquate du personnel soignant au détriment de la zone rural, l'absence de formation en SR des agents de santé, la vétusté et la dégradation des infrastructures et des équipements, une carence d'approvisionnement en produits notamment en contraceptifs, etc. Les quelques efforts déployés jusqu'ici au Congo, pour l'amélioration de la qualité des soins et services sanitaires, n'ont apporté que des résultats très limités sur la santé des populations en général, et particulièrement en matière de santé de la reproduction. Cette situation est imputable d'une part à la crise économique que traverse le Congo depuis les années 1980 et d'autre part aux troubles socio-politiques qui ont secoué le pays de 1993 à 1999.

A partir des données disponibles (ECOM et EDSC-I 2005), l'espérance de vie à la naissance était estimée à 51,9 ans en 2005 ; la mortalité générale à 14 décès pour mille, le ratio de mortalité maternelle (RMM) reste élevé à 781 décès pour 100.000 naissances vivantes (NV), lié notamment aux complications de la grossesse, des accouchements et des avortements provoqués et, une femme en âge de procréer court un risque d'environ 1 sur 28 de décéder pour cause maternelle. Le taux de mortalité infantile est estimé à 75 décès pour mille, la mortalité infanto-juvénile à 117 pour 1000. Le tableau épidémiologique est dominé par le paludisme, première cause d'hospitalisation et de décès, les maladies diarrhéiques et l'infection à VIH/Sida qui constitue la principale cause de décès dans la tranche 15-49 ans. Les maladies cibles du Programme élargi de vaccination (PEV) sont en relative recrudescence en raison de la baisse de la couverture vaccinale qui de 80% en 1993 est passée à 52% en 2005 (CNSEE et ORC Macro, 2006 ; Ministère de la Santé, 2008).

Le Programme National de Lutte contre le Sida (PNLS) évalue la prévalence des IST chez les jeunes de 15 à 24 ans à 26 % et la séroprévalence du VIH/SIDA à 7 % en milieu urbain et 2 % en milieu rural, en 1995. La séroprévalence du VIH chez la femme enceinte varie entre 6,6% à Brazzaville et 15,5% à Pointe Noire. Les cancers des voies génitales représentent 38 % des cas des cancers enregistrés au CHU de Brazzaville. Le cancer du col de l'utérus représente la première cause de mortalité par cancer de la femme au Congo (Ministère de la Santé, 2002).

La période de conflits a induit une recrudescence des violences sexuelles13(*), pour lesquelles les services sociaux et sanitaires n'étaient pas préparés pour la prise en charge psychologique et médicale des femmes victimes de ces violences. En outre, les considérations socioculturelles autour de ce problème s'associent à l'absence d'un cadre juridique adéquat et à la non application effective des textes existants. La loi de 1920, relative à l'interdiction de l'avortement, encore en vigueur crée un dilemme face aux grossesses post-viols pour les victimes qui ne désireraient pas garder le produit de telles grossesses. Nombreuses victimes sont en effet dans cette situation, ce qui aggrave leur situation au plan économique. La plupart de ces femmes ont non seulement perdu leurs biens mais doivent affronter la vie avec un fardeau supplémentaire : elles ont désormais un enfant à élever seule.

Le système sanitaire, qui repose sur le district sanitaire, a été fortement désorganisé dans sa capacité d'offre de services par les différents conflits du fait de la destruction des infrastructures et du déplacement massif des personnels de santé, aggravant une situation déjà précaire liée à la vétusté des équipements et à l'insuffisance des personnels surtout dans les régions du fait du vieillissement du personnel et du gel des recrutements des diplômés sortis des écoles de formation. La répartition du personnel médical laisse, en effet, à désirer avec une concentration des effectifs à Brazzaville et à Pointe Noire. En 1995, 76% du personnel sanitaire travaillait entre Brazzaville, Pointe-Noire et Dolisie contre 24% seulement pour le milieu rural et les autres régions. Par ailleurs, les effectifs disponibles sont vieillissants. En effet, 98% des personnels de santé ont l'âge compris entre 30 et 49 ans et certaines catégories professionnelles sont en voie de disparition (Ministère de la Santé, 2002).

Selon une étude informelle du système des Nations Unies, en 2000, il existe 297 Centre de Santé Intégrée (CSI) opérationnels. Parmi les 139 CSI que le Gouvernement avait prévu d'assister pour la période 2000-2002, il y en avait 115 qui nécessitaient d'être réhabilités. La politique nationale de santé prévoit la réhabilitation de 21 hôpitaux de référence et cinq hôpitaux généraux.

a) Santé de la reproduction

Le Congo a adopté en 1999 la Stratégie Nationale en santé de la reproduction (SR) avec l'appui technique et financier du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) et l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Cette stratégie s'articule autour de six axes : (i) maternité sans risque et soins au nouveau-né, (ii) santé sexuelle et santé de la reproduction des adolescents, (iii) planification familiale, (iv) lutte contre les IST et le VIH/Sida, (v) prévention et prise en charge des troubles gynécologiques, (vi) lutte contre les violences à l'égard des femmes et des enfants. Un plan d'action a été élaboré pour le « biennum » 2001-2002 ainsi des normes et procédures en SR dont la vulgarisation se fait attendre.

Par ailleurs, en dépit du taux de couverture en CPN évalué 88 % et des femmes assistées par un personnel qualifié pendant l'accouchement 86 % le taux de mortalité maternelle reste élevé, estimé à 781 pour 100 000 naissances vivantes. Ce taux de mortalité maternelle figure parmi les plus élevés des pays africains à développement humain moyen. Elle est attribuée principalement aux avortements provoqués (41%), aux complications infectieuses des césariennes (31,6 %), aux hémorragies (10%) et à l'éclampsie (8,5%) (CNSSE et ORC Macro, 2006 ; Ministère de la Santé, 2008).

En sus de la faible qualité des soins et services fournis aux femmes pendant la grossesse et au moment de l'accouchement, divers autres facteurs sont incriminés. Il s'agit notamment de la faible utilisation du traitement préventif intermittent (TPI) à la sulfadoxine pyriméthamine (3%) des moustiquaires imprégnées d'insecticides (7%) et des méthodes contraceptives (13%) (Ministère de la Santé, 2008).

v Santé sexuelle et santé de la reproduction des adolescents

Les adolescents représentent près d'un cinquième (19%)14(*) de la population congolaise, avec une forte concentration en milieu urbain (56,6 %). La précocité des rapports sexuels (âge médian 15,9 ans), souvent non protégés, induit une forte prévalence des grossesses précoces dans cette couche de population (8,5% selon une étude menée dans trois Hôpitaux de Brazzaville entre juillet 1998 et juin 1999) entraînant le recours prononcé à l'avortement provoqué (Ministère de la Santé, 2002). Ainsi malgré le caractère illégal de l'avortement au Congo, sa répression par la plupart des religions et tous les dangers qui lui sont liés surtout lorsqu'il est pratiqué dans les conditions inappropriées, 63,6% des adolescentes congolaises ont déclaré avoir pris elles-mêmes la décision d'avorter. Un regard sur les motifs d'avortement permet de mieux comprendre ce « besoin d'avortement » exprimé par la plupart des adolescentes face à une grossesse qui risquerait de compromettre leur avenir et/ou un futur mariage : trop jeune pour avoir un enfant (23,4%) ; la crainte de la réaction des parents ou de la famille face à une grossesse considérée comme inacceptable (17,2%), les problèmes de couples (7,2%) contre 6,4% d'avortements, seulement, pour des raisons de santé ; et la pratique de l'avortement chez les jeunes femmes scolarisées est très fréquente (16,8%), peut être même en progression chez celles scolarisées et vivant dans le milieu urbain qui veulent terminer leur scolarité (CNSSE et ORC Macro,2006). Et, bien que la plupart des avortements clandestins soient faits par des médecins ou infirmiers, une part non négligeable est réalisée par du personnel non médical avec des méthodes à risques. Les avortements provoqués avec leurs conséquences posent donc un véritable problème de santé publique au Congo.

Une étude CAP réalisée en 2003, par la Direction Générale de la population révèle que ; 67,7% des jeunes et adolescents n'ont pas de connaissance sur les services de santé reproductive, 75% ne fréquentent pas lesdits services en cas de besoin, et 30,26% des adolescents ont recours à l'automédication pour traiter les IST (Ministère de la Santé, 2008).

Ainsi, le niveau de fécondité des adolescentes (15-19 ans) est resté relativement stationnaire au cours des vingt dernières années (au tour de 130 naissances vivantes pour 1000 femmes), avec un taux de fécondité adolescente de 131%o pour la période la plus récente correspondant au niveau de fécondité adolescente généralement observé dans les pays à forte fécondité d'Afrique ; plus d'un cinquième des jeunes femmes âgées de moins de 20 ans (21%) ont déjà donné naissance à, au moins, un enfant ; dès l'âge de 15 ans 0,7% des femmes congolaises ont déjà entamé leur vie féconde (femmes ayant déjà eu un enfant ou étant enceintes d'un premier enfant), cette proportion augmentant régulièrement et rapidement avec l'âge : 41% à 18 ans, 52% à 19 ans dont la grande majorité a déjà au moins un enfant (CNSEE et ORC Macro, 2006).

Par ailleurs, il faut noter que les actions de planification familiale au Congo sont organisées, pour la plupart, par l'Association Congolaise pour le Bien Etre Familial (ACBEF), qui est une ONG oeuvrant dans ce domaine depuis les années 1986. Mais les premières campagnes de PF ne s'intéressaient pas aux adolescentes, considérées comme une catégorie sociale non concernée par ces questions. Certainement, à cause des barrières culturelles qui présupposaient qu'adresser des messages de SSR aux adolescentes représentait une incitation à la dépravation des moeurs et à la débauche sexuelle.

En 1998, un Forum national sur la Santé de la Reproduction des adolescents et des jeunes a été suivi de l'élaboration d'un plan d'action national pour la santé des jeunes et adolescents. Cependant, peu d'actions ont été entreprises en ce domaine à cause des évènements douloureux vécus. Il n'existe pas de services de santé de la reproduction appropriés aux besoins des adolescents et jeunes. Sur les 27 centres de santés, repartis dans 16 localités du pays, analysés dans le cadre du projet « Renforcement des services de Santé de la Reproduction (SR) et prise en charge des Femmes Victimes de Violences Sexuelles (FVVS) » plus d'une dizaine manquait de services de SR et/ou de prises en charge des IST ou des adolescents ; pour la plupart, les activités de PF étaient réalisées de façon irrégulière et, environ 71,43% d'agents n'avaient jamais bénéficié de formation en SR (Ministère de la Santé et UNFPA, 2002).

Le projet de centre pilote de services SR et de « counseling » pour les jeunes et adolescents a été relancé par l'ACBEF et devrait se concrétiser avec l'appui de la Fédération Internationale pour la Planification Familiale (IPPF). Dans le cadre du programme intérimaire de population 2001-2002 appuyé par le FNUAP, un projet sur la santé sexuelle et reproductive des adolescents et jeunes est en cours d'exécution. De nos jours, beaucoup d'ONG (ACBEF, IRC, etc.), des confessions religieuses et des associations sont impliquées dans la mise en oeuvre des interventions de SR, de lutte contre les Infections Sexuellement Transmise (IST) y compris le VH/SIDA et les violences sexuelles.

Synthèse et conclusion partielle

Ce chapitre avait pour but de présenter le contexte de l'étude, c'est-à-dire de ressortir les principaux aspects économiques, démographiques, socioculturels et la situation sanitaire du Congo et, d'établir leurs interrelations avec les problèmes de santé sexuelle et reproductive (SSR) des adolescentes. Le tableau 2 rassemble donc quelques indicateurs de base sur la population congolaise. Il ressort que, malgré l'existence de nombreuses ouvertures à la modernité pour les femmes congolaises des générations actuelles, la précarité des conditions de vie, les pesanteurs culturelles et les barrières qui empêchent les adolescentes d'accéder librement à l'information et aux services de santé de la reproduction sont autant de facteurs à prendre en compte dans l'explication des comportements sexuels des adolescentes, par conséquents de la précocité de leur fécondité.

Le chapitre suivant présente les approches théoriques sur lesquelles nous nous sommes appuyées pour analyser le phénomène.

Tableau 2 : Principaux indicateurs sociodémographiques/sanitaires du Congo

INDICATEURS

VALEURS

Population totale (en milliers)

3 551 500

PIB par tête (en USD)

770

Population vivant au dessous du seuil de pauvreté (%)

50,1

TNS des filles dans le primaire (%)

86,3

TNS des filles dans le secondaire (%)

44,7

Taux d'alphabétisation de la population âgée de 15 ans et plus (%)

80,4

Espérance de vie à la naissance

51,9 ans

Rapport de Mortalité Maternelle (pour 100.000 NV)

781 décès

Risque de MM pour une femme durant sa période de procréation

1 sur 28

Age médian d'entrée à la première union chez les femmes (20-49 ans)

20,4 ans

Age médian aux premiers rapports sexuels chez les femmes (20-49 ans)

15, 9 ans

Prévalence des IST chez les jeunes de 15-24 ans (%)

26

Proportion des adolescents (15-19 ans) dans la population totale (%)

19

Taux de chômage des adolescents de 15-19 ans (%)

40

Taux d'urbanisation des adolescents de 15-19 ans (%)

57

Proportion du célibat féminin chez les adolescentes de 15-19 ans (%)

80,1

Taux de fécondité des adolescentes de 15-19 ans (en %o)

129

Proportion d'adolescentes de 15-19 ans ayant déjà donné naissance à au moins un enfant né-vivant (%)

21%

Proportion des grossesses inopportunes/non désirées chez les adolescentes de 15-19 ans (%)

58,9

Prévalence contraceptive moderne chez les adolescentes de 15-19 ans (%)

10,5

* 13 Environ 27.000 femmes ont été violées en une décennie de désordre et de conflits armés au Congo. www.fidh.org; www.canalblog.com

* 14 UNFPA, 2005a.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard