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Fécondité des adolescentes en RDC: recherche des facteurs explicatifs

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par Frédéric POUMBOU
Université de Yaoundé II - Cameroun - Diplôme d'études supérieures spécialisées en démographie 2008
  

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B. APPROCHE SOCIOCULTURELLE

Elle postule la prééminence des normes et valeurs culturelles sur les comportements des individus. Chaque individu trouve en naissant des moeurs, fixées dans des institutions, familiales, domestiques, économiques, religieuses ou politiques, qui s'imposent à lui et lui indiquent des règles de conduite, des modèles à imiter, en langage actuel des valeurs, des normes intériorisées (Fauconnet et Mauss, 1901)20(*). Transmises par l'éducation, sans qu'il ait besoin d'en prendre conscience, il peut les transgresser mais non les ignorer. Elles composent des morales pratiques, variables dans le temps et suivant les époques. Dans ce sens, les valeurs et pratiques du groupe social dans lequel évoluent les adolescentes leur dictent un ensemble de valeurs et de conduites qui se reproduisent dans les choix, les attitudes et les comportements individuels de ces adolescentes. Les normes et valeurs sociales en matière de sexualité, de nuptialité, de famille et de procréation régissent donc les comportements sexuels et reproductifs des adolescentes. Deux modèles théoriques se dégagent de cette approche : le modèle de l'héritage culturel et le modèle de la désorganisation sociale.

a) Le modèle de l'héritage culturel

Ce modèle théorique fait de la tradition le socle de l'ordre social, par conséquent des conduites individuelles. Les individus ne sont pleinement eux-mêmes, c'est-à-dire des êtres sociaux, que grâce à la société qui leur est antérieure, supérieure et qui les élève à la dignité d'êtres humains, c'est-à-dire sociaux. Pour Maurice Blondel21(*), « la tradition véhicule plus que des idées susceptibles de forme logique : elle incarne une vie qui comprend à la fois sentiments, pensées, croyances, aspirations et comportements ». Le caractère normatif de la tradition est la force qui fait exister une société à travers le temps. C'est en effet, la valeur accordée par les générations présentes à ce qui est transmis par les générations du passé qui constitue la tradition. Mais, loin de considérer avec suffisance l'acquis des siècles passés comme un dépôt intangible, elle donne lieu à toute une série de réinterprétations possibles, qui en retour, la maintiennent, la consolident, l'actualisent ou la renouvellent. Dès lors, « elle livre par une sorte de contact fécondant ce dont les générations suivantes ont également à se pénétrer et ce qu'elles ont à léguer comme une condition permanente de vivification, de participation à une réalité où l'effort individuel et successif peut indéfiniment puiser sans l'épuiser »22(*). Ainsi, les comportements procréateurs des adolescentes seraient donc une résultante directe ou indirecte de la transmission intergénérationnelle des valeurs traditionnelles et normatives de la procréation, essentiellement véhiculées par l'ethnie et la religion.

De ce fait, l'héritage culturel peut constituer soit un facteur favorisant ou un facteur défavorisant pour la fécondité précoce selon que, les normes et les valeurs culturelles traditionnelles tolèrent ou réprimandent la procréation et les rapports sexuels avant ou hors mariage.

b) Le modèle de la désorganisation sociale

La notion de désorganisation sociale a été popularisée par l'étude de Thomas et Znaniecki sur le paysan polonais en Europe et aux Etats-Unis (1918-1921)23(*). Elle y est définie de manière générale comme la perte d'influence des règles sociales de conduite existantes sur les membres du groupe. Ce modèle fait partie de la théorie générale de la modernisation, qui stipule l'affaiblissement des structures traditionnelles et le relâchement du contrôle des aînés sur les cadets. Dans ce cadre les relations sexuelles seraient spontanées et ne répondraient à aucun objectif particulier (Diop, 1995 ; Rwenge, 1999). En effet, dans une telle situation, les comportements individuels s'expliquent, le plus souvent, par une désorganisation personnelle c'est-à-dire, par l'incapacité pour l'individu de se construire un projet de vie : en l'absence de règles stables et intériorisées, l'individu est désorienté et « démoralisé ». La désorganisation sociale est mise en évidence par les mutations sociales que subit la société traditionnelle africaine ; elle a sa source dans le développement d'attitudes individualistes et hédonistes résultant des contacts avec l'extérieur, notamment par l'urbanisation, la scolarisation et les médias. Ceci implique la perte du contrôle social des anciens sur les jeunes générations engendrant un libertinage sexuel. La modernisation, à travers ses composantes que sont l'urbanisation, la scolarisation et les médias, apparaît ainsi comme une cause de la déstructuration du système familial traditionnel, assortie d'une baisse de l'influence familiale, au profit des paires, lesquelles semblent souvent être source d'informations sur la sexualité et la contraception (Délaunay, 1994).

En fait, le fait urbain renferme de nombreux facteurs favorables à un changement social accéléré. En ville, l'élargissement du cadre de vie et la perte des contraintes familiales traditionnelles, qui autrefois assuraient un meilleur contrôle social de la vie sexuelle et conjugale, du fait qu'ils permettent de nos jours à la jeune fille de connaître une véritable période d'adolescence sont de nature à favoriser chez cette dernière l'adoption de comportements sexuels à risque. Le milieu urbain offre d'autres types de modèles, tant à travers les comportements nouveaux qui y ont cours que par l'influence des médias (télévision, radio, presse écrite, Internet, etc.) auxquels ont accès, ou sont « exposées » les adolescentes citadines. Enfin, la ville créée également de nouveaux besoins et des modes de consommation monétaires qui provoquent une modification profonde de certaines valeurs sociales fondamentales.

Par ailleurs, la scolarisation c'est-à-dire le système d'éducation formelle, en tant que force de changement, pousse les adolescentes à surmonter les préjugés sociaux ou à transgresser les normes et les règles établies par la tradition. Par les changements de mentalité et de référence sociale qu'elle provoque, la scolarisation incite l'adolescente à prendre le contrôle de sa propre vie et à assumer un statut et une identité en soi, au-delà de son rôle traditionnel au sein de la communauté. Au niveau du système éducatif, la mixité des établissements source de promiscuité entre filles et garçons est un facteur susceptible de favoriser le libertinage sexuel des jeunes générations. De ce fait, le système éducatif tiré de l'occident est perçu comme une source d'acculturation, de déviance sociale et de conflit de générations.

Outre les médias, la prolifération des discours sur la sexualité et les images érotiques ou pornographiques diffusées par les mass media incitent aux comportements sexuels à risque. L'influence grandissante des médias internationaux, tant en ville qu'en campagne, bouleverse les valeurs traditionnelles, principalement chez les jeunes; elle est à l'origine de l'apparition de modes de vie nouveaux : libertinage sexuel, conduites excentriques, exaltation de la richesse matérielle, etc. En définitive, pour le modèle de désorganisation sociale, ce sont ces différents éléments de la modernisation qui favorisent la diffusion de nouvelles mentalités en matière de sexualité, susceptibles d'entraîner chez l'adolescente l'incidence de grossesses et maternités précoces et non planifiées.

Contrairement au postulat de ce modèle, certaines études en Afrique subsaharienne infirment l'hypothèse de la modernisation et des médias comme facteurs d'activité sexuelle des jeunes. Comme pour le modernisme et les médias, l'instruction et l'urbanisation sont des portes d'ouverture culturelle. Elles sont un facteur de prévention des IST/VIH/SIDA et des grossesses non désirées par l'utilisation correcte des préservatifs et contraceptifs (Antoine et Nanitelamio, 1990 ; Evina, 2005 ; Ainsworth, 1994 ; Talnan et al., 2003). Une étude de l'OMS, citée par Rwenge (1995), a montré que « les cours d'éducation sexuelle à l'école ont souvent réduit l'activité sexuelle des adolescents et accru l'emploi des préservatifs ». La solarisation, au lieu d'être un facteur favorisant la liberté sexuelle, règle la vie sexuelle en dissuadant par exemple les filles de la prostitution et au multipartenariat.

La théorie de la désorganisation sociale peut bien s'adapter aux sociétés où les jeunes respectent encore les interdits sexuels et où l'autorité traditionnelle des parents et du lignage en matière de contrôle de l'activité sexuelle s'exerce encore. Elle peut bien s'appliquer chez les bamiléké du Cameroun et les Luba de la RDC, où la virginité est encore, dans une certaine mesure, une condition pour le mariage ; elle peut aussi l'être chez les Dii de la province de l'Adamaoua (du Nord Cameroun) où la virginité de la fille est vérifiée (Kouinche et Tagne, 1998). Par contre, cette théorie semble inadaptée dans les sociétés ou cultures qui sont favorables à l'activité sexuelle prémaritale des jeunes : chez les Mongo et Tetela de la RDC, les Beti du Cameroun. Chez les Bandjoun (Ouest du Cameroun) par exemple l'on n'utilise aucun moyen pour vérifier la virginité (Kouinche et Tagne, 1998) ; tandis que chez les Tetela, « la virginité de la jeune fille n'est pas un critère de surenchère, qu'il s'agisse du mariage entre jeunes ou du mariage entre adultes ... » D'après Romaniuk (1967), chez les Tetela, dans le cadre des fiançailles, dès que le futur fiancé se présente dans la famille de la jeune fille comme candidat au mariage et que la famille de celle-ci l'accepte, les deux peuvent déjà vivre comme des mariés (mariage à l'essai). Ces différentes limites entraînent donc à relativiser les interprétations issues du modèle de désorganisation sociale.

* 20 Fauconnet (Paul) et Mauss (Marcel), 1901, Sociologie, in Mauss (Marcel), OEuvres, t. III, Paris, Editions de Minuit, 1969.

* 21Maurice Blondel : Communication à la Société française de philosophie, séance du 3 avril 1919

* 22 idem.

* 23 Thomas (William I.) et Znaniecki (Florian), 1918-1921, The Polish Peasant in Europe and America, New York, Dover Publications, 1958.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci