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Pour quelle(s ) histoire(s ) d'être(s ) ? Associations 1901, inter relations personnelles et interactions sociales, un art de faire

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par Jean- Marc Soulairol
Université Lumière Lyon 2  - Diplôme des hautes études des pratiques sociales D. H. E. P. S.  2002
  

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1.2 Individu, configuration et changement : une recherche identitaire

Nous venons de réunir les outils pour comprendre ce qui définit l'individu. C'est-à-dire, cet être en interaction sociale et en représentation (personnage). Pour éclairer notre projet de compréhension du changement observé, nous allons chercher, si parmi les différents caractères de cet individu vus dans le chapitre précédent, il en est qui soient des particularités objectivables au regard de notre question de départ.

Ainsi, parmi ces caractères, nous retenons le fait de la sociabilité de l'individu. Il découle du concept de sociabilité que l'individu présente un trait particulier de relation pour se révéler à l'autre, se positionner par rapport à l'autre ; c'est le fait de s'identifier et d'identifier. Pour Mead, la genèse de l'identité se construit par rapport à « l'autre généralisé »97(*) ; c'est-à-dire dans un rapport à autrui. Nous allons donc aborder le phénomène de changement sous l'angle de l'identité. Particulièrement, nous développerons un de ses mécanismes, l'identification98(*). Parce-que si l'identité désigne « ce qui chez quelqu'un est conservé »99(*), l'identification renvoie davantage à des transformations identitaires et témoigne de changements sous diverses formes. « S'il [(l'individu)] est victime de rejet ou de dévalorisation [...] il peut vouloir restaurer son image (restauration identitaire). Il peut parfois rechercher une reconnaissance sociale et la légitimation de son itinéraire (confirmation identitaire) ou se préparer à de nouvelles opportunités (flexibilité identitaire) »100(*) Mais ceci est possible uniquement parce-qu'il y a "un autre". Donc, le rapport à autrui est essentiel dans la formation de l'identité de l'individu. A partir de là, aborder l'identité sera propre à faire apparaître un lien spécifique entre la personne et autrui : l'identification. C'est cette perspective de lien spécifique qui est intéressante pour la compréhension du changement et que nous allons développer dans le chapitre suivant.

Mais si nous relevons l'identification pour construire notre recherche, il convient de s'intéresser à d'autres aspects du concept. En effet, s'il y avait identité seulement là où il y a autrui, il faudrait rejeter l'identification par rapport à un lieu, par exemple. « Ce que je suis. A ne pas confondre avec "qui je suis". Etant né quelque part, je m'identifie à une langue, une nation, une confession, etc. Mais je ne suis pour rien dans ce que je suis : on ne choisit pas son identité. »101(*) De même, il faudrait évincer l'identification de soi pour les autres et inversement. Autrement dit, ce qui fait « l'ensemble des catégorisations qui permettent de reconnaître les autres. »102(*) C'est-à-dire, les cartes d'identité, relevés bancaires, par exemples. Autant de "papiers", "d'écritures" à porter sur soi, qui gouvernent nos rapports sociaux, dessinent une administration domestique et révèlent des pratiques quotidiennes. De la même manière, il faudrait abandonner la marque identitaire qu'est la fonction.

Cependant, ces dissemblances apparentes entre l'identification par rapport à un autre et celle par rapport à un lieu, à soi et à sa fonction, sont au fond identiques. L'individu qui s'identifie à un lieu, ne le fait-il pas par rapport à ses liens tissés avec l'autre ?103(*) De même, l'individu qui se présente avec une pièce d'identité, ne le fait-il pas dans un rapport à autrui ? Puisque, « ces documents répondent à une obligation généralisée de s'inscrire et conditionnent l'existence de l'individu dans une société d'ordre graphique » même si à leur manière, elles attribuent places sociales et droit d'exister ; en clair : « secrètement, nous conditionnent et gouvernent. »104(*) De la même manière, dirons-nous que celui qui nomme sa fonction pour s'identifier ne se considère pas « comme occupant une place singularisée dans le système [...] social »105(*) et professionnel ?

Donc, il y a identification lorsqu'il y a un autre. Et c'est le fait d'agir par rapport à cet autre que l'individu peut changer et construire son identité. Ce qui va donc nous intéresser dans ce chapitre c'est de chercher quels types de relations alimentent les identifications dans cette association.

1.2.1 Devenir quelqu'un : angoisses et influences, démarches identitaires.

Pour Patrick Boulte, dans son livre "L'Individu en friche", « exister, c'est être nommé par quelqu'un. »106(*) C'est-à-dire, être quelqu'un pour quelqu'un d'autre. Gustave-Nicolas Fischer distingue l'identité personnelle, en tant qu'elle est un « processus psychologique de représentation de soi »107(*), de l'identité sociale, en tant qu'elle est un « processus psychosocial de construction et de représentation de soi »108(*). Donc, la reconnaissance des identités c'est l'idée qu'on peut être défini, non seulement par sa singularité, mais aussi par son appartenance. Laquelle appartenance permettrait de révéler un forme de changement de la valorisation ou la dévalorisation de soi. Autrement dit, la reconnaissance individuelle passe, outre la reconnaissance de l'individu, par la reconnaissance du groupe et la nécessité de reconnaître des actions collectives. Et l'identification « se réalise à travers les valeurs et les normes d'un groupe ou d'un système culturel. » Par exemple, Serge Moscovici aborde le travail en tant qu'il est dans l'homme : « une fois attribué à Pierre ou Paul, Pierre ou Paul en font leur être et s'y expriment, comme si, depuis toujours, ce travail avait été leur travail, comme s'ils avaient commencé avec eux. [...] Le travail se situe ainsi au centre des moyens d'action de l'homme, et la réalité objective est potentiellement en lui. »109(*) Pour le dire autrement, le travail est dans l'homme, il est identification, et son ouvrage est l'expression de cette identification. Donc, l'identification est un processus psychologique qui peut être entendu dans deux sens distincts : « [1)] l'ensemble des catégorisations qui permettent de reconnaître les autres d'après des signes spécifiques et de les situer, en conséquence, d'une façon claire ; [2)] le processus inconscient de structuration de la personnalité par lequel autrui sert de modèle à un individu qui incorpore ses propriétés et s'y conforme. »110(*) Dans ce deuxième sens il s'agirait d'une conformisation111(*) voire d'une aliénation. Mais, pour mieux saisir les changements observés, nous préférons rapporter à l'identification le terme d'acculturation. D'une part, parce-que « l'acculturation comprend les phénomènes qui résultent d'un contact direct et continu entre des groupes d'individus de culture différentes, avec des changements conséquents dans les types culturels originaux de l'un ou des deux groupes »112(*). D'autre part, parce qu'il permet de dépasser la question classique selon laquelle plus on adhère (c'est-à-dire plus on s'identifie) à des valeurs ou à une culture, plus on s'aliène. Le terme acculturation donne ainsi à l'individu une dimension interactive. Mais rapporté à notre propos, pour définir ses intérêts, donner un sens à ses actions afin de permettre une interactivité, il faut bien que l'individu ait quelque représentation. Ce qui nous permet d'aborder l'identification comme une réaction qui serait pour l'individu la mobilisation d'images lui permettant de s'engager dans un processus de changement. C'est ce que nous allons commencer par appréhender maintenant.

1.2.1.1 L'identification, un mixte de représentations réelles et symboliques

Cent ans après Emile Durkheim, qui opposait déjà deux sens aux représentations (individuelles et collectives)113(*), Allessandro Pizzorno avance la notion d'identité, lui-aussi, au double sens individuel et collectif. Ainsi, « pour qu'il puisse déterminer quels sont ses intérêts, calculer coûts et bénéfices, le sujet agent devra donc être assuré de son identité par l'appartenance à une collectivité unifiante. Il en recevra les critères qui lui permettront de définir ses intérêts et de donner un sens à son action. »114(*) Donc l'individu « sélectionne, informe, invente, et même, si besoin est, néglige ou étouffe »115(*) ses intérêts. Mais quels sont ces critères qui permettent à l'individu de définir ses intérêts et donnent un sens à ses actions ? Max Scheler affirme « l'objectivité des valeurs, au sens où, selon lui, les valeurs existeraient indépendamment du sujet qui les appréhende. »116(*) Pour résumer son travail, il nous dit que 1) les valeurs sont révélées par l'émotion, 2) les relations entre valeurs sont, elles aussi, saisies par l'émotion et 3) les relations entre valeurs sont aussi objectives que les valeurs elles-mêmes.117(*) Par cette hypothèse de Scheler, l'adhérent changeant peut-être appréhendé comme un individu chargé d'émotions construites sur des valeurs. Ce qui voudrait dire ici que le changement se réfèrerait à un double niveau de fonctionnement des valeurs : une objectivité, que nous appellerons image réelle, concrète et une subjectivité, que nous appellerons image symbolique liée aux représentations mentales. Autrement dit, les valeurs se révèleraient, en même temps qu'elles révèleraient le changement, à la fois, en fonction du symbolique et du réel. Ce qui nous permet de voir toute description de l'identité comme des images interactives entre les représentations internes et externes des individus. Si plus haut, nous avons parlé identification c'est pour dire, à partir de ces images réelles et symboliques, qu'elle semble interpréter la capacité à communiquer de chacun d'entre nous en même temps que des comportements mimétiques, c'est-à-dire une forme de changement. Autrement dit, il pourrait exister une identification, par exemple, à un groupe, qui autoriserait le changement de certains individus, si ce groupe est à la hauteur des attentes de ces individus. C'est pourquoi nous prenons conscience maintenant que les interactions entre les représentations de l'individu et les phénomènes de changements observés au Compu's Club pourraient être intimement liées et, finalement, n'être que le résultat de combinatoires complexes que nous essaierons de décrire en deuxième partie.

En résumé, l'identité est en perpétuelle recomposition parce-qu'elle révèle et affirme la personne et autrui, « autrui comme repère et comme témoin »118(*) au sein même d'une configuration. L'identification se situe, ainsi, dans l'intersubjectivité d'un groupe, d'une part et fait appel aux valeurs en tant qu'émotion, d'autre part. Dès lors, une question se pose : comment des individus aux émotions différentes peuvent-ils se constituer en organisation sociale ? Durkheim y répond par le lien social ; plus exactement par la distinction entre deux formes de solidarité : organique et mécanique. Mais la solidarité est elle-même une valeur, et particulièrement ici un sentiment affectif (émotion). Ce qui voudrait dire que si l'individu est nécessairement social, relationnel et en représentation et qu'il y a désir de participation et sentiment d'identification et d'appartenance, alors, il y a relations affectives. Sans doute ce dont voulait parler Durkheim. Ainsi, nous allons chercher au travers de cette valeur solidarité comment lire les changements observés en terme de sentiments. Cet effort a pour but de présenter l'adhérent changeant en tant qu'il pourrait être vu comme un individu chargé d'émotions.

* 97 Mead, Georges-Herbert, L'Esprit, le soi et la société, 1934, tr. J. Cazeneuve, Puf, 1963 in Fischer, G.-N., Les concepts..., op. cit., p.195.

* 98 Parmi les plus importants mécanismes, Fischer a retenu successivement : l'identification, l'influence des référents sociaux, les processus d'évaluation personnelle et d'improvisation. Fischer, G.-N., Les concepts..., ib., p.196 & suiv.

* 99 Barbier, J.-M., Revue Sciences Humaines, Le changement, Hors série n°28, mars-avril-mai 2000, p.11.

* 100 Revue Sc. Humaines n°28, ib.

* 101 Arendt, Hannah, Les mots d'Arendt, Télérama n°2598, 27-10-99, p.22.

* 102 Fischer, G.-N., Les concepts..., op. cit., p.195.

* 103 « Je n'ai jamais pu parler avec un homme sans prendre son accent ; ce n'est que par les remarques des autres que je m'en suis aperçu. Ainsi, chacun imite les sourires et les grimaces, les gestes et les petites actions. Voilà comment chacun est de son village, et souvent ne retrouve une certaine que là. Comme un lit que l'on fait à sa forme. » Alain, Eléments de philosophie, Gallimard, coll. Folio/essais, 1990, p.352.

* 104 Nous en voulons pour témoignage les "sans papiers" qui vous le diront mieux que d'autres, ou bien ceux qui "en jouent" par le faux, le "faux papier".

* 105 Armengaud, Françoise, Encyclopædia Universalis Cd-Rom 98 à Nom.

* 106 Boulte, Patrick, L'Individu en friche, Essai sur l'exclusion, Desclée de Bouwer, 1995, p.40.

* 107 Identité personnelle : « processus psychologique de représentation de soi qui se traduit par le sentiment d'exister dans une continuité en tant qu'être singulier et d'être reconnu comme tel par autrui. » Fischer, G.-N., Les concepts..., op. cit., p.202.

* 108 Identité sociale : « processus psychosocial de construction et de représentation de soi résultant des interactions et des cognitions des individus concernant leur appartenance sociale. » Fischer, ib., p.202.

* 109 Moscovici, Serge, Essai sur l'histoire humaine de la nature, Flammarion, coll. Champs, 1977, p.85.

* 110 Fischer, G.-N., Les concepts..., op. cit., p.202. D'ailleurs, Freud, au début de son ouvrage "Psychologie collective et analyse du moi", écrit « autrui joue dans la vie de l'individu le rôle d'un modèle, d'un objet, d'un associé ou d'un adversaire. », Freud Sigmund, psychologie collective et analyse du moi, 1921, tr. S. Jankelevitch in Essai de psychanalyse, Payot, 1927.

* 111 Linton, Ralph, Le fondement culturel de la personnalité, Dunod, 1999, 138 p.

* 112 Robert Redfield, Ralph Linton et Melville Jean Herskovits, Le Memorandum, 1936.

* 113 Durkheim, Emile, Les formes élémentaires de la vie religieuse, 1912, Puf, 2è éd., 1990.

* 114 Pizzorno, Alessandro, Sur la rationalité du choix démocratique, tr. P. Birnbaum et J. Leca dans Sur de l'individualisme, Presses de la FNSP, 1986, p.352 in Corcuff, Philippe, Les nouvelles sociologies, Nathan, coll. 128, 1995, p. 93.

* 115 Pizzorno, ib. p.362.

* 116 Boudon, R., La théorie..., op. cit., p.1.

* 117 Boudon, R., La théorie..., ib., p.16.

* 118 Jodelet, Denise, ss la dir. de Moscovici, S., Psychologie..., op. cit., p.53.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus