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La Cour de Justice de la CEDEAO à  l'épreuve de la protection des Droits de l'Homme

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par Thierno KANE
Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Maitrises en sciences juridiques  2012
  

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B. Une efficacité recherchée dans l'exécution des arrêts de la Cour

La jurisdictio et l'imperium constituent les deux activités du juge. La première dimension est la capacité pour le juge à dire le droit tandis que la seconde consiste dans le pouvoir d'imposer une solution aux parties. « Se limitant donc à  « dire » le droit et non à le faire, l'exécution lui échappe »87(*). Comme les arrêts rendus par la CEDH, la CADH et la CIJ, ceux de la CJCDEAO ont un caractère fondamentalement déclaratoire, faute de «police générale»88(*). Mais ce « discours n'est là qu'en vue d'aboutir à une solution concrète. Il est un moyen et non une fin »89(*). Nous pouvons à ce titre paraphraser François TUKENS qui affirme qu' « un arrêt (...) est la promesse d'un changement pour l'avenir, le début d'un processus qui doit permettre aux droits et libertés dans la voie de l'effectivité »90(*). En acceptant que les personnes physiques puissent s'adresser directement au juge communautaire, les Etats membres de la CEDEAO s'engagent à respecter les arrêts de la Haute juridiction communautaire. La réforme intervenue en 2005 offre ainsi tout un maillage pour une garantie effective des droits des citoyens ouest africains au niveau même de la voie de l'exécution des arrêts de la Cour. En effet, l'article 6 du Protocole AdditionnelA/SP.1/01/05 stipule que « les arrêts de la Cour qui comportent à la charge des personnes ou des Etats une obligation pécuniaire, constituent un titre exécutoire ».

L'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la haute juridiction ajoutée aux principes de primauté et de l'effet direct renforcent cet idéal démocratique dont l'exécution ne peut se heurter au niveau national à aucun subterfuge juridique. Il faut relever à ce propos qu'il n'existe pas un ordre juridique hiérarchique entre la Communauté et les Etats membres mais un ordre juridique intégré et harmonisé. La CEDEAO a consacré en effet un monisme juridique sans nécessairement le primat du droit communautaire. Cependant, cela ne dispense pas les Etats membres de l'obligation de mette en exécution les décisions de la Cour de justice de la CEDEAO. Fonctionnant sur la base du principe de primauté du droit communautaire sur le droit interne, les Etats membres sont dans l'obligation de mettre en oeuvre les décisions de la Cour de justice de la CEDEAO. En effet la prévalence du droit communautaire sur le droit national induit que les autorités nationales prennent des mesures compatibles avec l'ordre juridique communautaire. Dans l'arrêt Mamadou Tandjan contre Etat du Niger91(*), le requérant dont « l'arrestation et la détention sont (jugés) arbitraires » demande l'exécution immédiate de la décision de la Cour en application de l'article 15 paragraphe 4 du Traité Révisé de la CEDEAO. Le juge communautaire a rappelé que les Etats membres de la CEDEAO ont l'obligation d'exécuter les décisions de la Cour conformément aux articles 22 du Traité Révisé et 24 du Protocole Additionnel relatif à la Cour. Qu'à ce titre les Etats doivent prendre toutes les dispositions nécessaires pour se conformer à ces dispositions ; qu'ainsi la Cour n'a point besoin d'ordonner l'exécution immédiate de ses propres décisions qui sont « exécutoires à l'égard des Etats dès leur notification ». Sur ce point la Cour est très explicite. On peut citer l'affaire ChiefEbrimah contre la République de Gambie92(*) où les juges d'Abuja demandent aux autorités gambiennes de libérer le prévenu dès réception de la décision. Il en est de même dans une autre affaire mettant un autre ressortissant gambien. Dans cette affaire, la Cour de justice de la CEDEAO a établi que l'arrestation du journaliste Musa Saidykhan, et son placement en détention par les autorités gambiennes étaient illégaux et portaient atteinte à son droit à la liberté personnelle et à un procès équitable, garantis par les articles 6 et 7 de la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples. La Cour ordonne a ordonné à cet effet sa libération93(*).Dans une autre décision rendue le 7 octobre 2011 Isabelle ManaviAmeganviet Autres contre Etat du Togo, la Cour a ordonné à l'Etat du Togo de réparer la violation des droits de l'homme et de payer à chacun des députés « démissionnaires » le montant de trois millions de francs CFA.

Il appartient à l'Etat mis en cause de tirer les conséquences de la violation d'un droit de l'homme en permettant à la partie lésée de recouvrer ses droits ou concomitant en cas d'impossibilité d'ordonner le versement d'une indemnité. L'exécution des arrêts de la Cour est réalisée par le biais du Tribunal de l'Etat membre concerné, en appliquant les Règles de Procédure Civile en vigueur dans ledit Etat membre. Les Etats membres désigneront l'autorité nationale compétente pour recevoir ou exécuter la décision de la Cour et notifieront cette désignation à la Cour. La formule exécutoire est apposée sans autre contrôle que celui de la vérification de l'authenticité du Titre, par l'autorité nationale que le Gouvernement de chacun des Etats membres aura désignée à cet effet94(*). Les Etats membres sont tenus de désigner l'autorité nationale compétente pour recevoir ou exécuter les décisions de la Cour conformément aux règles de procédure civiles en vigueur dans ces Etats. La Cour de justice communautaire a donc besoin nécessairement du concours des Etats membres pour l'application effective des règles communautaires. En effet, comme le fait remarquer Abdoulaye Dièye « la juridiction communautaire et les juridictions des Etats membres de la CEDEAO sont appelées à entretenir des rapports de coopération »95(*) pour une meilleure protection des droits de l'homme.

Les décisions de la CJ CEDEAO vont même souvent jusqu'à « neutraliser le pouvoir de révision des Etats membres »96(*) en indiquant aux Etats la voie à suivre. Dans l'affaire Hissein Habré contre Etat du Sénégal, le juge communautaire estime que même si le Sénégal « a reçu mandat de l'Union Africaine pour juger Monsieur Habré au nom de l'Afrique, la procédure de jugement ne doit pas être confiée aux juridictions nationales déjà existantes au risque de porter atteinte aux droits dont l'ancien président tchadien est titulaire ». Selon la Haute Cour de justice l'expression «...juridiction compétente...» contenue dans ce mandat ne signifie rien d'autre que la mise en place d'un cadre judiciaire ad' hoc dont la création et les attributions trouveraient leur bas-relief dans les dispositions de l'article 15. 2 du Pacte International sur les Droits Civils et Politiques et que le Sénégal est charge de proposer au mandant les formes et modalités de mise en place d'une telle structure. Ce qui signifie que « la mise en oeuvre du mandat de l'Union Africaine doit se faire selon la coutume internationale qui a pris l'habitude dans de telles situations de créer de juridictions ad hoc ou spéciales ». Par cette interprétation du mandat de l'Union africaine, la haute Cour de justice ordonne au Sénégal le respect du principe absolu de la non-rétroactivité. Dans cette présente décision, les juges d'Abuja se sont comportés en de véritables conseillers, de pédagogues avisés mettant en garde l'Etat incriminé contre toute forme de subterfuge juridique ou de manoeuvre dilatoire. Selon la Cour « toute autre entreprise du Sénégal en dehors d'un tel cadre violerait, d'une part, le principe de la non rétroactivité de la loi pénale, consacré par les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme comme étant un droit intangible et d'autre part, ferait obstruction au respect du principe de l'impunité consacré par les mêmes textes internationaux ».

En cas de non-respect de cette obligation relative à l'exécution des décisions de la Cour, la réforme de 2005 prévoit la possibilité d'exécution forcée. A cet effet l'article 77 (1) du traité donne pouvoir à la Conférence d'imposer des sanctions par contre un État membre qui ne remplit pas ses obligations envers la Communauté. La panoplie de moyens coercitifs énumérés par cette disposition et la crainte de leur application poussent les Etats à ne pas être récalcitrant quant à la nécessité de se conformer aux décisions de la Cour. En effet, la Cour commune de justice de la CEDEAO peut refuser d'entendre toute requête introduite par l'État membre incriminé jusqu'à un tel Etat applique sa décision. La suspension de mesure d'exécution forcée ne peut être relevée qu'en vertu d'une décision de la Cour. L'obligation d'exécuter les arrêts de la Cour suit donc le régime de la responsabilité internationale dont l'engagement entraine trois conséquences. Obligation de la cessation de l'illicite, obligation de réparer, obligation de non-répétition de l'acte.

Eu égard à tout ce qui précède, le constat qui s'impose à ce stade de l'analyse est clair. L'on retient que même si la cour de justice de la CEDEAO n'est pas une juridiction spécialisée dans la protection des droits de l'homme à l'instar de la CEDH, la CIDH ou la CADH, elle baigne néanmoins dans une plénitude démocratique apparente. Suivant le cadre normatif et institutionnel dans lequel s'adosse son action, la protection des droits de l'homme se trouve ainsi garantie. Ainsi, on peut s'accorder avec Franca OFOR pour « dire sans possibilité de contradiction qu'il ya des mesures adéquates provisoire dans le cadre de la CEDEAO pour la protection des droits de l'homme dans la sous-région ».97(*) Qu'il nous soit ainsi permis de paraphraser ici l'ancien Secrétaire général des Nations Unis, Boutros Boutros-Ghali qui déclarait que « la Haye est la capitale mondiale du droit ». Sommes-nous tentés de dire également qu'Abuja (siège de la CJ CEDEAO) est à l'heure actuelle la capitale sous-régionale de protection des droits de l'homme.

Toutefois, ce serait faire preuve d'angélisme que ne pas occulter les limites de cette protection juridictionnelle des droits de l'homme. En effet, si une vue d'ensemble nous donne une première impression assez positive, on peut néanmoins relever quelques insuffisances.

* 87 S.ROSENNE, « l'exécution et la mise en oeuvre des décisions de la Cour Internationale de Justice » RGDIP, 1953, pp.532-583

* 88 F.Q.MAJZOUB, « l'option juridictionnelle de la protection des droits en Afrique, étude comparée autour de la Cour Africaine des Droits et des peuples » Revue trimestrielle des droits de l'homme, 2000 pp.729-785

* 89 E.SPITZ, « l'acte de juger », RDP, 1995, pp.289-302

* 90 F.TUKENS Cité par Elisabeth Lambert ABDELGAWAD, « l'exécution des décisions des juridictions européenne (Cour de justice des Communauté européenne et Cour européenne des droits de l'homme », AFDI, 2006,p. 677-724

* 91 CJ CEDEAO8 novembre 2010, Mamadou TANDJAN contre Etat du Niger

* 92 Dans l'affaire ChiefEbrimahManneh du 8 juin 2008 la Cour a ordonné à la République de Gambie de remettre en liberté et sans délai ChiefEbrimahManneh et ce, dès réception de la décision.

* 93 CJ CEDEAO Musa Saidykhan, c. République de Gambie du 16 novembre 2010

* 94 Art.6 du protocole de 2005 ou art.24 nouveau relatif au Protocole de la Cour de justice

* 95 A. Dièye, « la Cour de justice de la Communauté CEDEAO et les juridictions nationales des Etats membres : quelles relation »s in Actes du Colloque sur les droits communautaires africains, Nouvelles annales africaines, 187-197

* 96 S.BOLLE, « Etes-vous CEDEAO compatible ? » in www.laconstitution-en-afrique.com(consulté le 20-08 2012)

* 97F.OFOR,«Protection juridique des droits de l'homme dans le cadre de la CEDEAO: les possibilités offertes par le juge communautaire»Lors d'un atelier de formation sur le renforcement de la promotion et protection des droits de l'homme en Afrique de l'Ouest par la Cour Communautaire de la CEDEAO,BAMAKO, MALI 7-9 décembre 2006

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