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La Cour de Justice de la CEDEAO à  l'épreuve de la protection des Droits de l'Homme

( Télécharger le fichier original )
par Thierno KANE
Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Maitrises en sciences juridiques  2012
  

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TITRE 2 :

LES LIMITES DE LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO DANS SA MISSION DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME

Le droit reconnu aux personnes physiques de déférer des requêtes relatives à la violation des droits de l'homme à la Haute Cour de justice communautaire est une véritable révolution amorcée par la CEDEAO. Néanmoins ce bond qualitatif se heurte à certains obstacles. En effet, même si les droits de l'homme sont devenus l'une des premières occupations majeures de la Communauté, il est tout de suite apparu que « les murs de l'oppression ne s'effondraient pas à la première sonnerie de clairon »98(*).

C'est pourquoi il faut convenir avec l'éminent professeur Philippe Ardant pour dire que « celui qui étudie les droits fondamentaux ne peut se permettre d'être complaisant. Il doit décrire, montrer les forces comme les faiblesses, proposer peut-être des thèmes de réflexions, des solutions parfois »99(*).

Suivant cette logique, l'on constate malgré l'imposant arsenal normatif, les insuffisances de la protection sont manifestes et pourraient hypothéquer le fonctionnement et l'efficacité de la « nouvelle » Cour. Ainsi, la protection des droits de l'homme par la CJ CEDEAO n'est pas encore achevée ; elle est en perpétuelle construction. Et c'est un truisme que d'affirmer que la Cour est entravée dans son action par différents facteurs (Chapitre 1).

Alors que faire pour remédier à cette situation et rendre perfectible ou moins imparfaite la protection des droits de l'homme ? Sans prétendre disposer l'antidote susceptible de résorber tous les maux, nous nous proposons de donner quelques solutions pour une protection des droits de l'homme plus efficace (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Une Cour entravée dans son action

L'adhésion de la CEDEAO à la protection des droits de l'homme est un brevet de démocratie et augure une nouvelle ère visant à accorder une place primordiale à l'individu afin qu'il ait directement voix au chapitre lorsque les acteurs étatiques menacent ses droits.

Néanmoins, en dépit de tous les efforts déployés par l'organisation internationale et particulièrement par l'organe judiciaire pour le renforcement de la protection des droits de l'homme dans l'espace CEDEAO, de réelles insuffisances peuvent être relevées. Ce qui obère l'action de la Cour dans sa mission de protection des droits de l'homme.

Les causes de ces insuffisances sont nombreuses et diversifiées. On peut les aborder en distinguant les causes exogènes (des carences au niveau institutionnel et normatif) et endogènes (du comportement des Etats). Les causes exogènes renvoient aux entraves juridico- institutionnelles de la Cour de justice (Section 2) et les causes endogènes correspondent aux contraintes d'ordre politico-opérationnel (Section 2).

Section 1 : Les entraves juridico- institutionnelles de la Cour de justice

La Cour de justice de la CEDEAO connait depuis 2005 des cas de violation de droits humains. Cependant l'introduction de ce titre de compétence n'a pas entrainé une mutation substantielle de l'organisation et du fonctionnement de la juridiction communautaire. Le cantonnement de la CJ CEDEAO au « classicisme » obère donc la protection des droits humains. On peut donc relever l'existence de contraintes juridiques (Paragraphe 1) et des défaillances institutionnelles du mécanisme de contrôle juridictionnel (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les contraintes juridiques

A ce niveau, il faut remarquer que l'efficacité de la protection des droits de l'homme est limitée en raison de la surabondance des textes de référence (A). Cette diversité des normes de référence risque de déboucher sur une divergence d'interprétation (B).

A. Une efficacité relative en raison de la surabondance des textes de référence

Aux termes du nouvel article 9 du Protocole du 19 janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P /17 /91 relatif à la Cour de Justice de la Communauté, la juridiction de la CEDEAO est compétente pour connaître des cas de violation des droits de l'Homme dans tout Etat membre. Cette formulation elliptique, lapidaire ouvre pourtant un champ de compétence indéterminée Les règles qui délimitent les compétences de cette instance sont actuellement fragmentées et parfois obscures, en l'absence d'une précision de la notion des droits de l'homme et d'un catalogue ouest africain de ces droits. Pis encore, les juges d'Abuja n'ont pas encore procédé à l'élucidation conceptuelle de la notion de droits humains, tâche qui aurait certainement permis de mieux assurer plus efficacement le contrôle des droits humains. Une situation dûe certainement à la configuration institutionnelle de la Cour qui, rappelons-le, n'est pas une juridiction spécialisée dans la protection des droits de l'homme ; elle est rattachée à une organisation internationale dont l'objectif premier est l'intégration économique. A ce titre, elle est doit veiller à l'application et à l'interprétation des normes communautaires.

On peut relever que les juridictions spécialisées dans la protection des droits de l'homme travaillent avec des instruments endogènes pertinents qui constituent les textes de référence essentiels des juges. Ce qui n'exclue pas la possibilité d'invoquer des instruments exogènes. Ad exemplum, la Cour africaine, ainsi que ses homologues européen et interaméricain, est compétente pour interpréter et appliquer l'instrument régional général de protection des droits de l'Homme. La Cour africaine doit veiller à l'interprétation et à la bonne application de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, la Cour européenne poursuit les mêmes objectifs avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales de même que Cour interaméricaine avec la Convention américaine des droits de l'Homme. Chacun de ses instruments établit donc son propre mécanisme permettant de contrôler sa mise en oeuvre. De fait, il s'est agi d'une affirmation d'une Europe, d'une Afrique et d'une Amérique des droits de l'homme comme un ensemble spécifique au plan universel. Même la CJCE s'est dotée en 2000 d'un texte spécifique, la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.100(*)

La juridiction de la CEDEAO, elle déroge à cette ontologie classique en s'appuyant sur un corpus de règles extrêmement large, sur des bases textuelles hétéroclites (la DUDH, les deux pactes, la Charte africaine des droits de l'homme et des Peuples, les textes à objet particulier etc.). En effet, la réforme de 2005 qui s'est traduite par l'élargissement de la compétence de la haute juridiction communautaire aux violations des droits de l'homme n'a pas généré ou sécrété un texte spécifique relatif aux droits de l'homme auquel le juge communautaire peut se référer.

L'absence d'un catalogue ouest africain des droits de l'homme avec des mécanismes de sanctions propres peut entrainer, à notre avis deux conséquences dommageables majeures. La première conséquence liée à cette extensibilité des sources est la dilution de la notion des droits de l'homme ; ce qui débouchera inexorablement à sa banalisation par les requérants. En effet, la tendance actuelle est la croissance exponentielle des requêtes fantaisistes et imprécises présentées devant le prétoire du juge communautaire. Ainsi, en l'absence d'un standard jurisprudentiel des droits de l'homme, tout droit violé par un Etat membre est supposé être un droit de l'homme. D'ailleurs, de nombreuses requêtes examinées par la Cour sont qualifiées souvent par les requérants comme étant de violations de droits humains alors qu'au fond elles sont loin de l'être. C'est par exemple, le cas dans la décision rendue par la Cour le 12 octobre 2007 (Affaire Sieur Moussa Léo Keita contre Etat du Mali). Dans cet arrêt, le requérant n'a spécifié aucun droit (droits civils et politiques, droits économiques, sociaux et culturels, droits dits troisième et de quatrième génération) dont la violation aurait été commise par l'Etat du Mali. Ce qui laisse songeur, c'est que le requérant semble dire est que le fait ne pas avoir obtenu satisfaction des juridictions nationales qui constitue une transgression des droits de l'homme. Cette situation est pernicieuse pour la Cour car elle risque de se répercuter sur le raisonnement des juges ou alors entrainer un encombrement de son prétoire. Dans d'autres affaires toutes aussi singulières, des relations contractuelles entre particuliers ont été qualifiés à tort de droits de l'homme (affaire Chief Frank C.Ukor contre Sieur Rachad Laleye et le gouvernement de la République du Bénin 2 novembre 2007). Dans l'affaire Mrs Alice Raphael Chukwudolue et Cie contre la République du Sénégal du 22 novembre 2007 aucun droit de l'homme n'a été spécifié. Parfois, c'est sous le couvert d'une violation des droits humains que les requérants saisissent la Cour pour des affaires relevant au fond du contentieux électoral101(*).

La généralité dans la formulation «  des droits de l'homme » peut aussi avoir des effets négatifs sur l'office du juge lui-même, sur son raisonnement. Si la requête ne présente pas avec toute la clarté souhaitable les faits et les problèmes juridiques, le débat judiciaire risque d'en pâtir. L'élévation d'un débat judicaire est en un impératif. L'arrêt Hon. Dr Jerry Ugokwe du 7 octobre 2005 est symptomatique de cette incurie. En effet, la requête invoque la violation du « droit à un procès équitable » mais ne précise pas une telle violation. A la recherche de l'identification du problème qui lui est posé, la Cour d'Abuja oscille dans son raisonnement entre la question du contentieux électoral et celle de la violation du droit à un procès équitable. La Cour s'est lancée dans des développements qui ne se rapportent pas nécessairement à son office in casu ; le contentieux électoral. Dans certaines affaires, les saisissants mettent en mal le juge communautaire et le juge interne en ne visant pas les dispositions pertinentes relatives à la protection des droits de l'homme. Ainsi, les formulations sont souvent vagues, générales, imprécises et les requêtes ne sont pas assez « circonstanciées ».Certaines demandes présentées devant le prétoire de la Cour donnent parfois à penser que le juge communautaire serait appelé à corriger le juge national suprême. Ce qui laisse croire que la Cour de justice communautaire est une juridiction de cassation ou un troisième degré de juridiction censurant ainsi les décisions des juridictions suprêmes des Etats membres. A titre illustratif on peut citer l'arrêt du 12 octobre 2007, Sieur Moussa Léo Keita contre Etat du Mali. Le requérant insatisfait de la décision de la juridiction suprême de son pays a saisi le juge de la CEDEAO sans spécifier les droits dont la violation aurait été commise par l'Etat du Mali. Celui-ci serait appelé donc à «statuer sur la décision rendue par la Cour suprême du Mali ». Dans ce présent arrêt, heureusement la Cour a affirmé qu'elle « n'a pas compétence pour statuer sur les décisions rendues par les juridictions des Etats membres ». Pourtant dans d'autres décisions, la Cour de la Communauté a désapprouvécertaines décisions des juridictions nationales. Dans l'affaire Isabelle ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo du 7 octobre 2011, le juge communautaire est allé à contre-courant du juge constitutionnel togolais en estimant que « les députés n'ont jamais exprimé régulièrement leur volonté de démissionner de l'Assemblée nationale ».

On le voit, c'est la réforme opérée en 2005 qui porte une dynamique pernicieuse, des effets pervers susceptibles d'affaiblir le contrôle juridictionnel des droits humains.

L'absence d'un catalogue des droits humains aurait donc pour fâcheuse conséquence d'entrainer une dilution de la notion des droits de l'homme. Submergée par des requêtes fantaisistes et imprécises, la Cour en pâtira et affaissera ainsi son contrôle, si on n'y prête pas garde.

Egalement, la diversité des normes de référence risque de générer une divergence d'interprétation. Ce qui nuit gravement à la protection des droits de l'homme.

* 98W. LAQUEUR et B. RUBIN, Anthologie des Droits de l'Homme, Editions Nouveaux horizons, 1998 p.2

* 99 Ph. Ardant, « les problèmes posés par les droits fondamentaux dans les Etats en voie de développent », Collection de droit public dirigé par L .Favoreu, Droit constitutionnel et Droits de l'Homme, Economica 1987

* 100 Il s'agit du premier document de l'Union européenne relatif aux droits de l'homme. Il regroupe au sein d'un seul et uniquetexte les droits civils, politiques, économiques, sociaux et sociétaux déjà prévus pardivers supports internationaux, européens et nationaux. Il a été proclamé conjointement par leConseil européen, le Parlement européen et la Commission européenne à Nice, les 7 et 9 décembre 2000. A la différencedesconventions du Conseil de l'Europe, il n'a pas force obligatoire et ne s'applique qu'à l'Union européenne.Cette Charte est plus limitée que la CEDH car contrairement à la Cour Européenne des droits de l'Homme, la CJCE ne peut-être saisie par un particulier.

* 101 CJ CEDEAO 7 octobre 2005 Hon.Dr.JerryUgokwe c/ République Fédérale du Nigeria

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery