WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La négociation de la prise en charge dans une maison de repos et de soins bruxelloise

( Télécharger le fichier original )
par Anne- Claire ORBAN
Université libre de Bruxelles - Master en anthropologie 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

10.4 Et théoriquement ?

Contrairement à la démarche de Quivy et Van Campenhoudt (2006), démarche plutôt déductive divisant la recherche en trois étapes (la rupture avec les fausses évidences, la

104C'est-à-dire en demandant à la personne si elle avait envie de répondre et en expliquant bien que cela était important pour moi. La plupart des personnes ont répondu qu'elles s'engageaient à le faire.

105Voir la liste des interlocuteurs en annexe 1.

121

construction du cadre théorique de référence et l'expérimentation sur le terrain), j'aborde dans ce mémoire la démarche d'Anselm Strauss, qu'il nomme « grounded theory » (1992b). Ainsi, le processus de recherche sera non-linéaire et amènera des allers-retours entre la collecte de données, le codage et la rédaction de notes. C'est cette démarche que j'ai suivie, modifiant mon sujet de recherche en fonction de ce qui m'a frappé sur le terrain et par la suite, redéfinissant sans cesse les questions et les points à observer. Il faut également noter que ce travail n'est valable que pour un endroit, à un moment précis, les informations avancées ici n'ont pas la prétention d'aller au-delà.

***

Pour résumer ma démarche donc, face à cette large population, j'ai divisé en groupes stratégiques et ai développé des stratégies d'approches différentes selon ces derniers : l'effet «boule de neige» au sein du groupe de résidents, à l'instar de la technique d'Isabelle Mallon (2005), évitant ainsi les personnes à la mémoire dégradée ; le choix de personnes sympathiques et ouvertes au sein du personnel ; le choix d'un lieu spécifique pour mes observations (second étage), méthodologie faisant écho à celle d'Erving Goffman (1968). Cela me permet d'éviter la situation où « à force de trop vouloir enlacer, on enlace mal », décrite par mon lecteur, Mr Lebeer.

A ceux qui clameront que je n'ai pas fait de « vrai » terrain anthropologique, qu'une maison de repos reste un terrain facile car proche, « at home », je répondrai que certes cette population n'a pas été compliquée à aborder, notamment par le partage d'une langue similaire mais que néanmoins, «l'altérité est partout, et d'abord dans le rapport entre les sexes et les générations, donc en soi » (Caratini 2004 : 29). De plus, comme Fatima Outtara (2004 : 636) note, « les conditions méthodologiques et épistémologiques de la description dans un contexte de proximité culturelle au milieu » sont rarement ni développées ni mises en avant, contrairement à celles des terrains dits « exotiques ». Mathieu Hilgers, dans un cours d'anthropologie du proche à l'ULB (2010-2011), montre d'ailleurs bien les débats tournant autour de la question de l'étude du proche. La principale difficulté à observer un tel terrain s'illustre paradoxalement dans le partage d'une même culture, du même langage, des mêmes catégories de pensée. En effet, il faut arriver à déconstruire le phénomène « escamoté et occulté par la métaphorisation » (Drulhe et Clément 1998), démolir ces concepts acquis, « allant de soi », ce qui n'est pas chose facile ! J'ai ainsi tenté dans ce mémoire, de reprendre au maximum les termes émics, de ne porter aucun jugement de valeur, de retracer un

122

historique de la prise en charge, bref, de tâcher de me détacher de mes présupposés. Néanmoins, comme je le mentionnais dans l'introduction, le choix de ce terrain découle de mon attachement, mon attirance pour les personnes âgées. Influencée par des écrits de révolte tels que On achève bien nos vieux, de Jean-Charles Escribano (2007) ou Lettre à la vieillesse en occident, de Michèle Mdonna Dsbazeille (2004), dénonçant la mauvaise prise en charge de la personne âgée dans notre société, je m'attendais à me voir « prendre parti » pour les résidents face à un personnel indifférent et standardisant la prise en charge. Il n'en a pourtant pas été ainsi. Si au départ, je dois avouer avoir été choquée par le comportement du personnel envers les résidents (non-écoute, non-attention, non-réponses, etc.), au fil des mes contacts avec ce milieu, je me suis prise d'admiration et de respect pour le personnel de la maison, effectuant un travail formidable, difficile et peu valorisé. Peut-être que le lecteur a senti cette prise à parti involontaire dans la lecture...

Premières notes de terrain :

« On les force à prendre des médicaments sans leur donner d'explication ! On laisse des personnes seules, face à un mur, criant, appelant « au secours » !! On les laisse assises après le repas dans l'espace commun... elles s'y endorment ! Et elles restent jusque au moins 14h ! Le personnel s'en rend-il compte ?? » (notes de terrain 02/10/2012)

« ! CHOC ! le personnel est si peu investi !!! Ils sont plutôt à rire entre eux au lieu de s'occuper des personnes encore assises à table ! Ils parlent fort pour se faire comprendre de l'autre côté de la pièce ! Comme si les personnes âgées n'étaient pas là !! » (notes de terrain 06/10/2012)

En guise de conclusion je m'appuie sur les réflexions de Daniel Bizeul et confirme que le chercheur n'est jamais « maître des relations engagées » (1998 : 751). Strauss (1997) note également cette dépendance au bon-vouloir des individus, caractéristique propre à toute science sur l'homme. Ainsi, en fonction du type de profil, du groupe de personnes, auquel le chercheur fait face, ce dernier doit modifier ses angles d'approches, ses « stratégies » pour réussir à récolter les informations qu'il désire. De plus dans un « terrain marqué par l'antagonisme entre groupes » (Bizeul 1998 : 756), je me voyais parfois soupçonnée d'être de connivence avec la direction ; de ce fait, j'essayais, du côté du personnel, de ne citer le nom du directeur que rarement, pour éviter de me faire passer pour « délatrice ». à l'instar de l'approche développée par Howard Becker (1988), j'ai tenté de rester la plus fidèle possible aux situations observées, de mettre en avant dans ce travail « des acteurs réels dans des

123

situations réelles » (Menger 1988 : 13), tenté également de retranscrire le plus honnêtement possible les conversations entendues. Ceci répond à la condition posée par Strauss pour se valoir d'une bonne recherche : les individus étudiés peuvent alors se reconnaître dans mon travail (1992b : 144). Ma grande interrogation reste maintenant celle-ci : doit-on rendre une copie de notre mémoire aux membres du terrain qui nous l'ont demandé ? Si pas, n'est-ce pas une rupture de réciprocité ? Si bien, alors comment écrire sans blesser les gens ? Et ce mémoire décrivant les écarts, les libertés du personnel et des résidents, ne donne-t-il pas les clés pour un plus grand contrôle de la part de la direction ? N'est-ce pas au final trahir mes interlocuteurs principaux (pour lesquels, il faut l'avouer, j'éprouve beaucoup de sympathie et de reconnaissance) que de faire parvenir ce travail à Mr Marc ?

124

Revenons aux deux approches que proposent Crozier et Friedberg (1977). La première, ici la seconde facette de l'horlogerie, concerne les « appuis conventionnels de l'action au

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore