WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La négociation de la prise en charge dans une maison de repos et de soins bruxelloise

( Télécharger le fichier original )
par Anne- Claire ORBAN
Université libre de Bruxelles - Master en anthropologie 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

3.5 Réinsertion sociale

« Lorsqu'une personne doit justifier d'une période de travail pour obtenir le bénéfice complet de certaines allocations sociales ou afin de favoriser l'expérience professionnelle de l'intéressé, le CPAS prend toutes dispositions de nature à lui procurer un emploi à temps plein ou à temps partiel. Le cas échéant, il fournit cette forme d'aide sociale en agissant lui-même comme employeur pour la période visée ». (article 60 § 7 de la loi organique des CPAS du 08/07/1976).

L'établissement observé accueille des personnes dites « sous article 60 », pour des périodes de prestation de 12 mois pour les moins de 36 ans ; 18 mois pour les 36 -- 49 ans ; 24 mois pour les 50ans et plus. « Aux Capucines », ces personnes sont engagées en tant qu'aide-logistiques ou aides d'entretien. Elles forment une population quelque peu à part dans la maison, étant présentes pour une brève période (il s'agit souvent de jeunes personnes), elles semblent moins investies dans l'établissement que d'autres membres du personnel.

Encadré 4 : Un équilibre déséquilibré (1) - Vers l'aliénation.

Une organisation engageant du personnel salarié trouve son équilibre via la rémunération. Etzioni (1961) nomme cet équilibre, l'échange : le personnel est payé en fonction du travail accompli / des heures prestées. Il se doit de respecter les règles, Etzioni parle alors de discipline. Néanmoins, deux types d'excès s'observent dans la maison, s'écartant donc de cet équilibre : la participation et l'aliénation. Je traite dans cet encadré du second type.

Un problème récurrent dans la maison selon le personnel soignant et le directeur est la non-fiabilité des aides-logistiques, tous sous article 60 :

« Certains sont très motivés ! D'autres s'en foutent complètement et ils faut les chercher partout ! ils font le juste minimum !! Au moindre truc, ils sont à la maison, ils viennent pas ! » (Mme Oste, infirmière chef) ; « ça dépend vraiment sur qui on tombe hein, mais certains on sait jamais si on va les voir arriver le matin ou pas, c'est toujours comme ça, on sait pas ! » (Mireille, aide-soignante).

Ces derniers n'ont pas choisi de venir travailler en maison de repos et de soins. Certains

35

peuvent y trouver une sorte de révélation et choisissent de continuer dans le métier (par exemple via une formation d'aide-soignante), d'autres resteront indifférents à la condition des personnes âgées tout au long de leur prestation, ce qui choque certains résidents : « Ils n'en n'ont rien à foutre hein ! ils sont là pour toucher le chômage après ! Il y a quelques exceptions hein, comme toujours... » (Mme Van.).

Ceux d'entre eux non-motivés par le travail représentent l'intégration par aliénation. Et cela leur donne énormément de pouvoir. En effet, une personne aliénée à son travail sera découragée, « abandon[nera] toute velléité » (Desmarez 2008 : 49), ne trouvera aucune motivation à sortir de chez elle, si ce n'est le fait peut-être de ne pas se faire virer (Etzioni 1961). Or, dans notre cas, Mr Marc m'explique que, sous article 60, ces personnes dépendent des caisses du CPAS. Cependant après leur prestation, elles sortiront de ces caisses, seront alors en charge de l'état et toucheront le chômage. Le CPAS a tout intérêt, pour réduire ses coûts, à « faire sortir » ces personnes de son financement, donc à les faire prester au plus vite ces quelques mois. Il est ainsi demandé au directeur de ne pas virer ces dernières, de les garder dans la maison, afin de terminer la réinsertion sociale au plus vite.

Comment assurer alors la motivation de ces personnes, n'ayant pas choisi leur terrain de travail (en effet, le CPAS leur propose un travail spécifique), ne l'acceptant parfois que pour bénéficier d'une meilleure condition par la suite, et, qui plus est, n'étant pas sous la pression d'un potentiel licenciement malgré un mauvais travail ou un taux d'absentéisme important non justifié ? Difficile, me confie Mr Marc.

Ces aides-logistiques créent ce que Michel Crozier nomme « zones d'incertitude » : « si vous êtes la personne qui contrôle une telle zone, et bien vous aurez du pouvoir sur ceux qui sont affectés par l'incertitude que vous contrôlez » (1994). Ainsi, à l'instar des ouvriers d'entretien (1964), laissant l'équipe nursing et le directeur dans le doute permanent sur leur présence et leur motivation au travail, les aides-logistiques détiennent un réel pouvoir dans l'organisation, obligeant la réorganisation du travail journalier.

***

D'après ces éléments (taille importante, contrôle externe, environnement très stable), il semble qu'un établissement public ait tendance à la bureaucratisation. Cette standardisation de la prise en charge des personnes âgées serait la cause de nombreuses petites frustrations quotidiennes, tant du côté des résidents que du personnel. Tout au long de ce mémoire, je montre néanmoins que les acteurs, de façon individuelle ou collective, arrivent à contourner ces règles afin d'éviter au maximum ces frustrations, à l'instar de Mr Marc et des friteuses. De plus, au sein de l'établissement public, malgré une redistribution des ressources, la sociabilité entre résidents serait assez faible, ce qui, je pense, a des répercussions sur les relations entretenues avec le personnel (cf. chapitre 8). Terminons le tour de la question par les implications du caractère bruxellois de la maison.

36

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote